L'histoire du Shih Tzu

La genèse du Shih Tzu

Une illustration ancienne d'un Shih Tzu

Les origines du Shih Tzu sont incertaines, et il existe de nombreuses théories et légendes autour de son histoire. Ce qui est sûr en revanche, c’est qu’il s’agit d’une race très ancienne – des analyses ADN ont d’ailleurs démontré que son patrimoine génétique est plus proche de celui du loup que celui de la plupart des autres races.


En tout état de cause, bien qu’il ait été développé en Chine, la théorie la plus plausible est qu’il provienne originellement du Tibet. Il était d’ailleurs l’emblème de ce pays lorsqu'en 1950 celui-ci fut envahi et annexé par la dictature communiste.


Il y aurait été créé par des moines, en croisant des Pékinois et des Lhassa Apsos dans le but d’obtenir un chien ressemblant à un lion. Le Shih Tzu était ainsi un animal sacré et réservé aux religieux, qui l’utilisaient pour la compagnie et pour la garde des monastères. Toutefois, il est vraisemblable que de temps en temps des spécimens étaient donnés à des personnes de marque.


En outre, il apparaît dans de nombreuses légendes bouddhistes. L’une d’elles raconte même qu’un jour où il fut victime d’une attaque, Siddhartha Gautama (le Bouddha originel) aurait été secouru par son Shih Tzu, lequel aurait mis les agresseurs en fuite en se transformant en lion. Reconnaissant envers son chien, il l’aurait alors embrassé sur le front, et la ligne blanche qui orne parfois la tête du Shih Tzu serait la marque laissée par ce baiser.


On dit aussi qu’il était considéré comme l’incarnation des moines n’ayant pas atteint le nirvana, ou encore que les lions chinois (ou chiens de Fo) gardiens des temples bouddhistes en sont une représentation.


Il existe également plusieurs théories concernant son introduction en Chine. Certains pensent qu’elle date de la fin du 16ème siècle ou du début du 17ème, et que les trois premiers spécimens auraient été offerts en tribut par le Dalaï Lama à l’empereur de Chine. D'autres sont d’avis qu’elle fut bien antérieure, et donnent pour preuves diverses peintures et écrits datant de la dynastie Tang (618-907), qui représentent ou mentionnent des chiens ressemblant au Shih Tzu. Ils s’appuient également sur les récits de Marco Polo (1254-1324), lesquels rapportent que l’empereur mongol Kubilaï Khan (1215-1294) possédait des petits chiens lions qui vivaient avec ses lions de chasse.


Quoi qu’il en soit, le Shih Tzu fut d’abord baptisé par les Chinois Shih Tzu Kou (« Chien Lion Tibétain »), en référence à sa robe dorée qui rappelait celle du lion. Puis le « Kou » (« Chien ») disparut et on se mit à l’appeler simplement Shih Tzu, c’est-à-dire « Lion Tibétain ».


À l’instar du Pékinois et du Carlin, il connut un grand succès auprès des familles impériales chinoises et devint une des races de compagnie favorites des empereurs. Ce fut le cas notamment sous la dynastie Ming (1368-1644) : de nombreuses représentations artistiques ainsi que des écrits mentionnant des « petits chiens lions » attestent de l’importance qu’il avait alors à la cour. Les empereurs étaient les seuls à en posséder, et se refusaient à le vendre ou à l’échanger. En revanche, il arrivait qu’ils l’offrent en cadeau aux visiteurs de marque.


Bien qu’il soit possible que le développement de la race ait commencé avant – notamment en procédant à des croisements avec le Pékinois et le Carlin – la contribution de l’impératrice Cixi (ou Tseu-Hi, 1835-1908) fut essentielle. Passionnée par ce chien, elle mena personnellement de vastes programmes d’élevage, et la Cité interdite compta jusqu’à une centaine d’individus pendant son règne, c’est-à-dire de 1861 jusqu’à sa mort en 1908. Ceux-ci étaient placés sous la garde des eunuques du palais, et un des premiers édits de l’impératrice condamnait à mort quiconque les maltraitait.


Son décès eut toutefois des conséquences catastrophiques pour eux : la majorité furent euthanasiés, et ceux qui survécurent furent dispersés. Quelques éleveurs reprirent néanmoins le flambeau, mais avec bien moins de rigueur qu’elle.


Les choses ne firent qu’empirer avec la révolution de 1911, qui marqua la fin de l’empire chinois et l’avènement de la république. En effet, on considéra alors le Shih Tzu comme un symbole du pouvoir impérial, et la race (qui contrairement au Pékinois et au Carlin, ne s’était pas encore diffusée hors de l’Asie) échappa de peu à l’extermination. Quelques amateurs européens résidant dans le pays tentèrent bien de la protéger, notamment en enregistrant leurs spécimens auprès du China Kennel Club (créé en 1923) en tant que Lhassa Terriers, mais cela n’aurait pas suffi à assurer sa survie.


Ce furent les exportations vers l’Europe qui sauvèrent le Shih Tzu de l’extinction. La toute première eut lieu en 1928, lorsque lady Brownrigg (v.1872-1952), l’épouse d’un officier britannique en poste en Chine, ramena un mâle et une femelle en Angleterre. Nommés respectivement Hibou et Shu-ssa, ils constituèrent la base de l’élevage qu’elle fonda alors et sont les ancêtres de nombreux Shih-Tzus actuels.


D'autres personnes également séduites par ce petit chien en firent de même dans d’autres pays. Ainsi, une éleveuse norvégienne du nom de Kauffman importa trois autres sujets en Norvège en 1932, tandis qu’un spécimen du nom de Lung-fu-ssa fit son entrée en Irlande l’année suivante, ramené par une certaine madame Hutchins. On manque d’informations sur les autres exportations, mais on sait qu’au total six mâles et sept femelles furent ainsi sauvés, permettant à la race de se perpétuer hors de Chine.


Dès les années 30, on dénombrait ainsi quatre lignées en Occident : une anglaise, issue des deux Shih Tzus de lady Brownrigg et de celui de Mme Hutchins (que cette dernière lui avait cédé, et qui fut croisé avec Shu-ssa), une canadienne et deux scandinaves – notamment la lignée norvégienne de madame Kauffman, qui avait le défaut d’être très consanguine car issue de chiens en provenance directe du palais impérial.


Bien que la Seconde Guerre mondiale ralentît fortement le développement de la race, celle-ci parvint là aussi à survivre. Les programmes d’élevage repartirent même de plus belle dans les années 50 et 60, enrichis par l’importation par des amateurs britanniques de quelques-uns des rares spécimens restant en Chine.


Au total, douze lignées virent ainsi le jour en Occident entre les années 30 et la fin des années 50, auxquelles on peut ajouter celle issue d’un croisement avec un Pékinois mâle, qui eut lieu en 1952 à l’initiative de madame Evans.


L’objectif de cette éleveuse anglaise de Pékinois était de maintenir l’apparence d’origine du Shih Tzu en apportant du sang neuf. En effet, son développement était jusqu'alors centré sur des sujets plus ou moins consanguins, ce qui conduisait à une augmentation de la taille, un allongement des pattes et du museau ainsi qu’une pigmentation défectueuse. Madame Evans estima que paradoxalement, le meilleur moyen de conserver l’apparence du Shih Tzu était d’organiser un croisement avec un individu appartenant à une race très proche. Bien que mal perçue au départ, cette initiative contribua très certainement à l’amélioration de la race. Cet apport génétique reste d’ailleurs encore bien présent aujourd’hui dans les lignées britanniques.

La diffusion internationale du Shih Tzu

Une photo ancienne des premiers Shih Tzu importés au Royaume-Uni

La diffusion du Shih Tzu au Royaume-Uni

 

C’est en 1928 que lady Brownrigg, l’épouse d’un officier britannique en poste en Chine, ramena en Angleterre les premiers Shih Tzus importés en Europe : un mâle et une femelle nommés respectivement Hibou et Shu-ssa. Elle constitua alors un élevage qu’elle baptisa Taishan, et ses chiens sont les ancêtres de nombreux représentants actuels de la race.


Elle présenta notamment ses protégés lors de l’édition 1933 du WELKS (West of England Ladies Kennel Society), une exposition canine assez courue.


Alors inclus dans le groupe des « chiens tibétains », qui comprenait aussi le Lhassa Apso et le Terrier Tibétain, le Shih Tzu ne tarda pas à être remarqué et devint vite populaire en Angleterre. On l’y appelait alors entre autres le « Chien Chrysanthème », à cause des poils de sa tête qui retombent dans toutes les directions et le font ressembler à cette fleur.


En 1934, le Kennel Club britannique (KC) décida de considérer ce chien comme étant comme distinct des autres races tibétaines, et le baptisa officiellement Tibetan Lion Dog – c’était d’ailleurs le nom que lady Brownrigg lui avait donné. Un club de race, le Tibetan Lion Dog Club, vit le jour la même année. Les Brownrigg étaient membres du bureau, et participèrent activement à la rédaction du premier standard européen du Shih Tzu.


En 1935, le KC reconnut officiellement la race à titre provisoire - sa reconnaissance pleine et entière eut lieu cinq ans plus tard, en 1940. Il lui donna le nom de Shih Tzu, si bien que le Tibetan Lion Dog Club devint le Shih Tzu Club.


L’année suivante, en 1936, Shu-ssa, la femelle importée par lady Brownrigg, fut présentée à la célèbre exposition canine Crufts de Birmingham (Angleterre). Elle y remporta le titre de meilleur spécimen de la race.


Cette visibilité lors des concours de beauté canins aida bien sûr le Shih Tzu à se faire connaître non seulement en Angleterre, mais plus largement dans tout le Royaume-Uni. Ainsi, les registres du Kennel Club comptaient en 1939 – soit un an avant sa pleine reconnaissance – plus de 100 individus inscrits à titre provisoire.


Ce fut également en 1939 qu’une Anglaise du nom de Gay Widdrington découvrit par hasard les Shih Tzu de lady Brownrigg.

 

Elle lui acheta peu de temps après une femelle, Mee-Na de Taishan. Alors qu’il était inititalement destiné à servir comme simple animal de compagnie, le chiot conquit si bien le cœur de sa maîtresse que celle-ci décida de se lancer à son tour dans l’élevage de la race.


Elle eut un rôle déterminant dans le développement du Shih Tzu, mais fut à l’origine d’une polémique qui devait durer une vingtaine d’années. En effet, elle fit la part belle aux individus qui se situaient dans la fourchette la plus basse du standard en termes de poids et alla jusqu’à créer un second club de race dédié à ce type, la Manchu Shih Tzu Company. Les amateurs anglais de la race se scindèrent alors en deux camps, avec d’un côté les partisans du type le plus léger (jusqu’à 12 livres, soit 5,5 kg) et de l’autre ceux qui défendaient le type plus lourd. Le désaccord dura jusqu’à ce que le Kennel Club décide de prendre en compte les deux types en élargissant la plage de poids autorisés par le standard.

 

La diffusion du Shih Tzu dans le reste de l’Europe

 

La Grande-Bretagne fut le premier pays européen où le Shih Tzu fut introduit, mais la Norvège ne tarda pas à lui emboîter le pas. En effet, des premiers spécimens y furent importés dès 1932 par une certaine madame Kauffman. Ils étaient toutefois assez consanguins, du fait qu’ils provenaient directement du palais impérial chinois. Ceci contribua à expliquer qu’ils furent à l’origine d’un type dit « scandinave » présentant des différences par rapport au type britannique : une taille plus petite, un crâne plus étroit et des pattes plus longues. La race bénéficia rapidement d’une certaine notoriété dans le pays, notamment du fait que la reine Maud de Norvège (1869-1938) en possédait plusieurs représentants. Comme ailleurs, les expositions canines contribuèrent également à la faire connaître.


En France, il fallut attendre 1946 pour que le Shih Tzu pose pour la première fois les pattes dans le pays, à l’initiative de la comtesse d’Anjou. Épouse d’un diplomate en poste à Pékin, celle-ci passa beaucoup de temps en Chine, où elle découvrit la race. C’est ainsi qu’elle finit par décider d’en faire venir de premiers spécimens dans l’Hexagone et de se lancer dans son élevage, en important également des individus provenant de lignées anglaises. Elle déclara ses premières portées auprès de la Société Centrale Canine (SCC) en 1953, et établit avec son mari le premier standard français.  


Au début des années 50, madame Naudet, éleveuse de Bichons Frisés, découvrit par hasard les Shih Tzus de la comtesse. Conquise à son tour, elle se mit à en faire elle aussi l’élevage, mais à partir de sujets acquis en Angleterre. D’autres passionnés suivirent au fil du temps, promouvant sans relâche la race, notamment par le biais des expositions canines.

 

Certains produisirent d’ailleurs de grands champions, ce qui bien sûr contribua à faire connaître et apprécier le Shih Tzu dans l’ensemble du pays, même si cela prit du temps.


L’arrivée et la diffusion du Shih Tzu en France est très documentée, mais on ne peut pas en dire autant concernant la Belgique et la Suisse. On peut cependant penser que le petit chien, déjà connu au Royaume-Uni et prisé dans les expositions, n’eut aucun mal à s’implanter dans ces pays relativement proches.


La diffusion du Shih Tzu aux États-Unis

 

Le Shih Tzu fut introduit aux États-Unis dans les années 40, lorsqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale des soldats américains ramenèrent des sujets du Royaume-Uni et de Scandinavie. Ces importations se poursuivirent au cours de la décennie suivante.


Parmi les militaires ayant ainsi contribué à l’implantation de la race sur le sol américain se trouvait un certain Philip Price. Ce dernier créa avec sa tante Maureen Murdock le premier élevage connu du pays, à partir d’un spécimen ramené d’Angleterre en 1954 et nommé Golden S. Wen de Chasmu, ainsi que d’un autre (Ho Lai Shum de Yram), acquis l’année suivante et provenant également d’une lignée anglaise. Ces précurseurs firent bientôt des émules, et il est d’ailleurs intéressant de noter que les éleveurs américains furent les premiers à croiser les types scandinave et britannique.


Tant le travail acharné des éleveurs pour le promouvoir que le bouche à oreille firent que le Shih Tzu ne tarda pas à attirer l’attention de nombreux Américains amoureux des chiens, et commença alors à se diffuser largement à travers le pays. Dès 1955, l’American Kennel Club (AKC) commença à accepter les premières inscriptions à titre provisoire, en attendant de reconnaître pleinement la race.


En 1961, plus de 100 individus – importés ou élevés dans le pays – furent enregistrés auprès de ce dernier, et ce nombre fut même trois fois plus élevé l’année suivante.


L’engouement rapidement suscité explique aussi que pas moins de trois clubs de race virent le jour dès 1957 : le Shih Tzu Club of America, la Texas Shih Tzu Society et l’American Shih Tzu Association, dont le siège était en Floride. En 1963, les deux premiers fusionnèrent pour former ce qui est aujourd’hui encore le club de race, l’American Shih Tzu Club (ASTC).


En 1969, le Shih Tzu finit par bénéficier de la reconnaissance pleine et entière de l’AKC. Plus de 3000 spécimens furent inscrits cette année-là dans ses registres, c’est-à-dire dix fois plus que six ans auparavant.


La diffusion du Shih Tzu au Canada

 

On manque d’informations précises sur la façon dont le Shih Tzu fut introduit au Canada, mais on sait qu’il était présent dans le pays dès les années 30. Il est possible que les premiers individus aient été directement importés de Chine, plutôt que d’être acquis auprès d’élevages anglais ou scandinaves.


La diffusion de la race dans le pays est tout aussi peu documentée. On peut cependant penser que comme ailleurs, ce petit chien se fit principalement connaître par le biais des expositions canines et du bouche à oreille.

La reconnaissance du Shih Tzu par les organismes officiels

Le Shih Tzu fit son arrivée dans le monde occidental à partir des années 30, mais il fallut un peu de temps pour que les organismes cynologiques officiels le reconnaissent. Cela tient peut-être notamment au fait qu’au début on ne le distingua pas forcément des autres races tibétaines, le Lhassa Apso et le Terrier Tibétain. Même quand cela commença à être le cas, d’une part il fallut du temps pour que la population soit assez nombreuse, et d’autre part il restait encore beaucoup de travail en termes de sélection avant d’envisager la reconnaissance.


Quoi qu’il en soit, le Kennel Club britannique (KC) fut le premier à franchir le pas : il reconnut le Shih Tzu à titre définitif en 1940.


La Fédération Cynologique Internationale (FCI) suivit en 1957, soit plus de quinze ans après, et plaça la race sous le patronage du Royaume-Uni. Cette reconnaissance marqua un tournant certain, dans la mesure où un grand nombre d’organismes cynologiques nationaux en sont membres. Ils sont aujourd’hui une centaine, dont notamment celui de la France (la Société Centrale Canine, ou SCC), celui de la Belgique (la Société Royale Saint-Hubert, ou SRSH) et celui de la Suisse (la Société Cynologique Suisse, ou SCS).


Quant aux instances cynologiques américaines de référence, elles reconnurent le Shih Tzu encore plus tardivement : en 1966 pour le United Kennel Club (UKC), et 1969 pour l’American Kennel Club (AKC).


Bien sûr, la race est aussi reconnue par le Club Canin Canadien (CCC).