S’il est avéré que le Teckel est originaire d’Allemagne, la question des races dont il est issu fait toujours débat. Selon de nombreux experts, il descendrait du croisement de Brunos du Jura courts sur pattes avec des pinschers. Cela reste toutefois une théorie, et il n’y a aucune certitude sur ce point.
De nombreuses représentations iconographiques du Moyen Âge attestent de l’existence à l’époque d’un petit chien au dos long et court sur pattes, présent non seulement en Allemagne mais aussi dans le reste de l’Europe. Rien ne dit qu’il s’agit de l’ancêtre direct du Teckel, mais cela prouve qu’il y avait une base morphologique susceptible d’être utilisée pour obtenir in fine la race actuelle.
Les premières références germaniques à un chien de déterrage datent quant à elles du 8ème siècle et proviennent d’un recueil de lois émanant des Baioarii, un peuple d’Autriche. Ces textes ne donnent cependant aucune indication sur son apparence.
Il fallut attendre la fin du 16ème siècle pour que des mentions plus précises d’un « basset » très apprécié pour son efficacité à chasser les nuisibles, en particulier le renard et le blaireau, apparaissent dans des ouvrages allemands. Ainsi, dans le premier tome de son Oeconomia ruralis et domestica (publié à partir de 1593), le pasteur et médecin Johannes Coler (1566-1639) parle d’un petit chien utilisé pour chasser le blaireau et décrit la façon dont il procède : il entre dans le terrier, où il traque et accule sa proie ; on le localise d’après ses aboiements, puis on creuse pour attraper le blaireau.
Bien qu’il soit plus récent, on peut aussi citer l’ouvrage intitulé Georgica Curiosa (1682), un manuel encyclopédique sur l’économie et l’agriculture écrit par le baron von Hohberg (1612-1688), dans lequel l’auteur évoque un animal au caractère fort et agressif qu’il appelle « Dachshund », c’est-à-dire « Chien de blaireau ».
Il convient au passage de souligner qu’à cette époque la race n’avait pas encore de nom officiel : certains auteurs la nommaient par exemple Loch-Hündlein (« petit chien de trou »), d’autres Erd-Hündlein (« petit chien de terre ») et d’autres encore Tachs-Würger (« étrangleur de blaireau »). Ce fut seulement au 19ème siècle qu’apparurent les noms de Tachsel, puis Dackel et Teckel.
Toutefois, même si toutes ces appellations font référence au mot « blaireau » (« Dachs » en allemand) ou au travail sous terre, on n’utilisait pas ce chien seulement pour le déterrage. Il chassait aussi en plein air, levant et traquant plusieurs types de gibier : lapin, loutre, cerf et même sanglier, car sa petite taille le rendait moins exposé aux blessures à l’abdomen souvent infligées à ses congénères plus grands.
En tout cas, que l’on se réfère aux descriptions littéraires ou aux représentations iconographiques, on constate qu’il s’agissait à l’origine d’un basset courant à poil ras, plus braccoïde que le chien que l’on connaît aujourd’hui, et possédant des membres un peu plus longs. Par ailleurs, certains individus avaient les pattes avant droites, mais chez d’autres elles étaient arquées. Cela tient à une anomalie génétique appelée achondroplasie, une forme de nanisme héréditaire et congénitale qui fait que les os restent anormalement courts et s’épaississent au lieu de s’allonger.
Aux 16ème et 17ème siècles, la seule fonction du Dachshund était de chasser – ce qui continua d’être le cas jusqu’au 19ème siècle. Par conséquent, cette race était élevée par des chasseurs ou des personnes exerçant un métier en lien avec cette activité : forestiers, maîtres de chasse… Ces premiers éleveurs se rendirent compte que les sujets à pattes avant arquées étaient plus efficaces dans les terriers que ceux à pattes droites. En effet, cette déformation rend le chien encore plus petit et lui permet d’avancer plus facilement dans les terriers étroits. Ayant en tête de spécialiser cette race dans le déterrage, ils procédèrent donc à des sélections en vue d’obtenir davantage d’individus aux pattes torses.
Deux types de « bassets » (un braccoïde aux pattes avant droites, et un plus petit aux pattes arquées) coexistaient donc dans l’Allemagne du 18ème siècle. Le premier, plus rapide à la course et progressant plus facilement dans les broussailles ainsi que sur les terrains accidentés, était plutôt indiqué pour la chasse en plein air, tandis que le second était privilégié pour travailler sous terre.
Véritable ancêtre du Teckel actuel, auquel il ressemblait d'ailleurs déjà beaucoup, ce dernier était tenu en très haute estime dans le monde de la chasse. En effet, tous les auteurs traitant du sujet louaient non seulement ses compétences, mais aussi sa pugnacité et son courage face à la dangerosité d’un blaireau acculé. C’est le cas notamment de Hans Friedrich von Fleming (1670-1733) : ce maître des chasses et forêts de Saxe (dans l’est de l’Allemagne) en fit l’éloge dans son ouvrage de 1719 intitulé Der Volkommene Teutsche Jäger (« Le chasseur allemand complet »). Il dit notamment que ce « Dachskriechern » (du verbe allemand « kriechen », qui signifie « ramper ») traque et attaque sa proie « avec probablement plus de diligence et de zèle qu’aucun autre chien ». Il précise en outre qu’il est « de couleur principalement rouge ou noirâtre », avec un corps long et mince, des pattes basses et torses, des oreilles pendantes : ainsi, il est globalement « presque similaire au chien courant si ce n’est qu’il est très petit ».
Cela dit, le travail de sélection des éleveurs ne porta pas seulement sur les caractéristiques morphologiques du Dachshund (et en particulier sur la forme de ses pattes), mais aussi sur son caractère. En effet, il était à l’origine très indépendant et volontiers agressif : ces caractéristiques étaient certes utiles pour chasser les proies redoutables que sont le renard et surtout le blaireau, mais le rendaient parfois difficile à gérer. On chercha donc à le rendre plus docile en croisant des individus à pattes arquées avec des épagneuls allemands au caractère plus doux. On obtint ainsi des sujets plus faciles à prendre en main, et par la même occasion les premiers Dachshunds à poil long. Hérité des épagneuls, ce pelage présentait l’avantage de mieux les protéger quand ils chassaient dans des zones au climat froid. Toutefois, il n’était guère pratique pour le déterrage, la terre s’accrochant dans les poils.
La première mention officielle de ces spécimens à poil long date seulement du début du 19ème siècle, mais la création de cette variété remonterait en fait au 17ème siècle. C’est en effet à ce moment-là qu’une souche aurait été développée en Saxe (une des principautés constituant alors l’Allemagne), plus précisément à la cour du duc Johann-Georg II (1613-1680). Néanmoins, jusqu’au début du 20ème siècle, les Dachshunds à poil long restèrent beaucoup moins nombreux que ceux à poil ras.
En tout cas, cette race suscitait un réel intérêt, et c’est ce qui explique que des éleveurs tentaient sans cesse de l’améliorer. Ainsi, après une variété à poil long au 17ème siècle, la fin du 18ème siècle vit la création d’une autre cette fois à poil dur, mieux adaptée aux zones broussailleuses. Elle fut mentionnée a priori pour la première fois en 1793 par le chef forestier du royaume de Prusse Friedriech Ernst Jester (1743-1822) dans son ouvrage Die kleine Jagd (« La petite chasse »). Tout comme celle à poil long, elle resta toutefois longtemps marginale.
Le 19ème siècle fut une période décisive pour le développement de la race, que l’on se mit à appeler couramment Dackel ou Teckel. Elle continuait à ce moment-là d’être constituée de deux types, décrits notamment par le peintre animalier – et cynéphile reconnu – allemand Ludwig Beckmann (1822-1902) : d’une part, un type commun aux pattes avant droites, à l’ossature forte et à la tête large ; d’autre part, un type issu de sélections spécifiques, plus petit, doté d’une ossature plus fine ainsi que de pattes avant arquées. C’est ce dernier qui donna naissance à la race actuelle, le premier finissant par disparaître via le jeu des sélections opérées par les éleveurs.
Parallèlement, on se mit à développer la variété à poil dur à plus grande échelle qu’au siècle précédent. Le forestier allemand Georg Ludwig Hartig (1764-1837) en fit d’ailleurs mention en 1812 dans le second tome de son ouvrage Lerhbuch für Jäguer (« Manuel pour le chasseur »). Selon lui, les spécimens arborant un tel pelage n’avait généralement pas les pattes aussi courtes et arquées que ceux à poil ras. De fait, le type de cette variété n’était pas encore fixé : il ne le fut qu’à la fin du siècle. Par ailleurs, la description faite par Georg Ludwig Hartig laisse penser que le Teckel à poil dur fut créé à partir de croisements avec des races à pattes droites (probablement le Schnauzer), et peut-être aussi plus tard avec des terriers britanniques : les experts évoquent le Dandie Dinmont Terrier et le Scottish Terrier, ce qui expliquerait son caractère particulièrement têtu et indépendant, proche de celui des terriers.
Quoi qu’il en soit, il est établi que dans la première moitié du 19ème siècle, le Teckel se déclinait déjà en plusieurs versions ou variétés, comme le montrent les premières illustrations réalisées en 1836 par un certain docteur Reichenbach :
Vers 1850, un forestier allemand du nom de Wilhem von Daacke développa aussi une importante lignée de spécimens rouges, et celle-ci joua par la suite un rôle important dans le développement de la race.
Dans la seconde moitié du 19ème siècle, différents événements confirmèrent le grand intérêt que cette race suscitait auprès des Allemands.
Ainsi, une association de chasseurs d’Hanovre (au nord du pays) entreprit en 1878 d’établir un standard pour chaque race canine présente dans le pays et d’en répertorier les spécimens. Elle fut donc à l’origine dès 1879 du premier standard du Teckel, et créa un registre appelé le Deutsches Hunde-Stammbuch (« livre d’origines des chiens allemands »). En 1880, sur les 334 chiens qui y étaient enregistrés, 54 (soit près d’un sur six) étaient des Teckels – tous types confondus.
En 1881, les premières compétitions de travail sur terrier artificiel réservées à la race furent organisées à Berlin.
En 1888 fut fondé un club de race, le Deutsche TeckelKlub (DTK). N’adhérant pas à l’association d’Hanovre, il mit en place son propre registre en 1889. Dès cette année-là, 394 individus y furent enregistrés, dont 386 à poil ras, 5 à poil long et 3 à poil dur. Le DTK publia également un nouveau standard de race en 1895.
Bien qu’il continuât alors d’être principalement apprécié comme chien de chasse, le Teckel devint également un animal de compagnie, particulièrement prisé au Royaume-Uni et aux États-Unis. Le phénomène fut moins prononcé en France, mais il se dit que Napoléon Bonaparte appréciait sa compagnie.
À partir du début du 20ème siècle, des éleveurs allemands entreprirent de réduire ses dimensions en sélectionnant des reproducteurs de petite taille. Si l’objectif premier était d’obtenir des spécimens nains aptes à se glisser dans des terriers très étroits, cela permettait aussi de mieux faire correspondre la race aux critères de l’époque concernant les chiens de compagnie. En effet, la préférence allait alors aux petits gabarits : Carlin, Shih Tzu, Bouledogue Français.... Parmi les éleveurs qui participèrent à la création de cette nouvelle variété, on peut mentionner le fils de Wilhem von Daacke, qui reprit à la mort de son père en 1919 la lignée à robe rouge développée par ce dernier et l’utilisa dans le cadre de ce programme.
À la même époque, toujours en Allemagne, on créa même une version encore plus petite destinée spécifiquement à la chasse au lapin : le Kaninchenteckel (qui signifie littéralement « Teckel de lapin »). Souvent appelée plus simplement Kaninchen, cette variété ne fut pas reconnue – et ne l’est d’ailleurs toujours pas – par les principaux organismes cynologiques britannique et américains, à savoir le Kennel Club britannique (KC), l’American Kennel Club (AKC), le United Kennel Club (UKC) et le Club Canin Canadien (CCC).
En revanche, un club de race lui fut rapidement dédié en Allemagne, si bien d’ailleurs que le Deutsche TeckelKlub (DTK) coexistait alors avec trois autres clubs de race : celui du Kaninchen, un dédié à la variété à poil long, et un autre encore pour celle à poil dur. Ces deux dernières étaient toutefois encore beaucoup moins représentées que la version originelle à poil ras.
Le standard de race évolua plusieurs fois entre 1912 et la Seconde Guerre mondiale. Ainsi, les individus dépassant 10 kg ne furent plus acceptés. Concernant les autres, et comme cela se faisait déjà dans les expositions canines, on se mit à distinguer deux catégories de poids : une pour les spécimens les plus légers (moins de 7,5 kg pour un mâle et 7 kg pour une femelle), une autre pour les plus lourds (plus de 7,5 kg pour un mâle et 7 kg pour une femelle). Quant au poids du Kaninchen, il fut fixé à 3,5 kg maximum.
Lors des deux Guerres mondiales, le Teckel devint un instrument de propagande : de part et d’autre, les belligérants se servirent de son image comme symbole de l’Allemagne. Pour les Allemands, il représentait une référence valorisante, alors qu’au sein des autres pays engagés dans le conflit (en particulier les États-Unis et le Royaume-Uni), il était utilisé pour tourner l’ennemi en ridicule, notamment à travers des dessins satiriques.
Cela montre à quel point ce chien était connu et populaire, mais cet amalgame eut des répercussions désastreuses sur sa diffusion - surtout au cours de la Première Guerre mondiale et au Royaume-Uni ainsi qu’aux États-Unis, car il faillit carrément y disparaître du fait de sa diabolisation.
De nos jours, bien que le Teckel soit surtout un animal de compagnie populaire un peu partout dans le monde, il n’a rien perdu de ses capacités et continue d’être employé comme chien de chasse. Il continue en outre de se distinguer par le nombre élevé de variétés il se décline, du fait de sa grande diversité tant en termes de taille (Standard, Nain ou Kaninchen) que de pelage (ras, long ou dur). Bien que le plus populaire pour la chasse soit le Teckel Standard (le plus grand) à poil dur, toutes les variétés continuent d’être utilisées dans ce cadre, que ce soit pour le déterrage (blaireaux, renards…), comme leveur de gibier (lapins, lièvres…) ou dans le cadre de la recherche au sang sur grand gibier (chevreuils, cerfs, sangliers…). Il brille également dans les concours de chasse au terrier.
Si le Teckel était déjà connu depuis longtemps dans l’univers de la chasse, ce ne fut que dans le dernier tiers du 19ème siècle que le grand public le découvrit véritablement (tant d’ailleurs en Allemagne que dans d’autres pays d’Europe), notamment grâce à l’organisation de compétitions de travail sur terrier artificiel (la première eut lieu en 1881) et à sa présence dans les expositions canines.
Les éleveurs de la race étaient encore alors des chasseurs, des maîtres de chasse et des forestiers allemands. Parmi les plus célèbres de l’époque figure notamment R. Corneli, qui publia en 1885 Der Dachshund (1885), le premier livre consacré exclusivement au Teckel. On peut citer aussi le baron von Knigge, qui notamment reçut en 1886 un prix décerné par la mairie de Leipzig (centre de l’Allemagne) pour son élevage, à l’occasion d’une exposition canine dans cette ville. Le capitaine von Wardenburg, un important éleveur de spécimens à poil dur, marqua également les esprits grâce à son mâle Mordax, qui remporta plusieurs concours.
Le Teckel devint très populaire à la fin du 19ème siècle, non seulement en tant que chien de travail mais également comme animal de compagnie. On comptait alors de nombreux élevages, et il était de plus en plus présent dans les expositions canines allemandes. En 1890 par exemple, 182 spécimens furent présentés à celle de Berlin (au nord-est de l’Allemagne) et 203 à celle de Francfort (au centre du pays). Parmi ces derniers, 175 étaient à poil ras, ce qui montre à quel point cette variété était de loin la plus répandue à l’époque. En 1892, 335 individus participèrent à l’exposition de Berlin.
Le nombre de sujets à poil long et à poil dur (ainsi que leur proportion par rapport au nombre total de représentants de la race) commença à augmenter après la Première Guerre mondiale. Le phénomène fut tellement prononcé qu’à la veille du second conflit, les trois variétés de pelage étaient à peu près au même niveau, avec chacune autour de 2000 enregistrements annuels auprès du Verband für das Deutsche Hundewesen (VDH), l’organisme cynologique national du pays.
En 1933, l’arrivée au pouvoir du parti nazi impliqua d’importants changements dans l’univers de la cynophilie allemande. Le Deutsche TeckelKlub (DTK) fut dissous et remplacé par un organisme contrôlé par les autorités, mais cette nouvelle entité se vit interdire à partir de 1939 d’organiser des réunions. Elle finit par être dissoute en 1945, tandis que le DTK fut rétabli deux ans plus tard, en 1947.
L’instauration du Rideau de fer à la fin de la Seconde Guerre mondiale divisa l’Allemagne vaincue en deux pays distincts : d’un côté, la République Fédérale d’Allemagne (RFA), une démocratie faisant partie du bloc de l’Ouest (constitué par les États-Unis et leurs alliés) ; de l’autre, la République Démocratique d’Allemagne (RDA), une dictature communiste intégrée au bloc de l’Est (sous domination russe). L’élevage du Teckel se maintint difficilement en RDA, mais il explosa en RFA - du moins en ce qui concerne les variétés à poil long et à poil dur, car celle à poil ras au contraire recula.
Bien qu’on manque d’informations sur certains aspects de l’introduction et la diffusion du Teckel hors de son Allemagne natale, il est vraisemblable qu’elle se fit d’abord dans les pays limitrophes, puis s’étendit à des pays européens plus éloignés et après cela au continent américain.
Ce fut a priori le prince Albert (1819-1861) qui introduisit le Teckel au Royaume-Uni. En effet, il adopta vers le milieu du 19ème siècle plusieurs spécimens, notamment des sujets à poil dur. Son illustre épouse, la reine Victoria (1819-1901), connue pour son amour des chiens, s’en enticha ; par effet de mode, la race devint populaire auprès des dames de la noblesse.
Des élevages locaux virent donc le jour, avec l’objectif de proposer des animaux destinés à la compagnie et non à la chasse. En termes d’apparence, le Teckel britannique divergea donc dès ses débuts des souches originelles allemandes : il était plus long, plus lourd, avec des pattes plus courtes et une poitrine considérablement plus large. Les éleveurs allemands considéraient d’ailleurs que leurs homologues avaient rendu la race inapte au travail pour lequel elle avait été développée.
Au début du 20ème siècle, bien que le nombre d’individus présents dans le pays fût encore restreint, le Teckel était connu dans toutes les classes sociales. Cependant, la Première Guerre mondiale faillit avoir raison de lui : associé dans l’esprit populaire à l’Allemagne honnie, il fut victime d’une propagande exacerbant le sentiment anti-allemand et fut rejeté. Ainsi, alors que 217 Teckels furent enregistrés auprès du Kennel Club (KC) en 1913, il n’y en eut aucun en 1919. Au terme des hostilités, il fallut donc repartir de zéro en important des sujets de l’étranger.
Bien que le phénomène fut moins prononcé, le même sentiment anima les Britanniques lors de la Seconde Guerre mondiale : le Teckel fut mal perçu car originaire d’Allemagne.
Des premiers Teckels importés d’Allemagne firent leur entrée en France dans les années 1860. On les appelait alors simplement « bassets allemands ».
Lors de l’exposition canine de Paris en 1865, un éleveur allemand du nom de Kleinfelder présenta quelques individus, dont un baptisé Waldmann qui reçut le premier prix. Ce succès contribua certainement à éveiller l’intérêt des Français pour la race.
Les premiers élevages français connus étaient parisiens : il s’agit d’une part de celui d’un certain Charles Bocquet, qui produisait alors de nombreuses races, et d’autre part du chenil du Jardin d’Acclimatation, un grand parc paysager urbain créé en 1860.
La première inscription au Livre des Origines Français (LOF) eut lieu en 1886 et concernait un mâle du nom de Clown, qui avait été importé d’Allemagne. Il n’était alors pas facile d’importer des spécimens de qualité, car les éleveurs allemands les vendaient très cher ou même simplement refusaient de les céder - les tensions nées notamment de la guerre de 1870 ne facilitaient probablement pas les choses.
Malgré cela, le Teckel suscitait déjà un vif intérêt dans l’Hexagone à la fin du 19ème siècle, tant comme chien de chasse que comme animal de compagnie. Un architecte lyonnais du nom de Franck Defoug publia d’ailleurs en 1895 Le Teckel, le premier ouvrage en français dédié à la race. Parallèlement, de plus en plus de spécimens se distinguèrent dans les expositions canines, que ce soit à Paris ou ailleurs. Ainsi, le Baron de Plancy et le prince d’Arenberg virent leurs meutes de Teckels à poil ras primées (en 1895, 1896 et 1898 à l’exposition de Paris pour le premier, en 1897 aux expositions de Paris et de Lyon pour le second). Il s’agissait de chiens importés, principalement d’Allemagne mais aussi parfois du Royaume-Uni - à l’instar de ceux d’une certaine Maud Gonne, qui étaient originaires d’Irlande et en 1898 marquèrent les esprits en décrochant différents prix lors de l’exposition canine de Paris.
C’est également en 1898 qu’un premier club de race vit le jour. Baptisé Tekel Club (avec cette orthographe), il ne dura toutefois pas plus de quelques années. La relève fut néanmoins assurée en 1925, avec la fonction du Club des Amateurs de Teckels (CAT) - qui lui existe encore de nos jours.
Le Teckel fut introduit aux États-Unis vers la fin du 19ème siècle par le biais d’immigrés britanniques et allemands, et fut rapidement apprécié par les Américains. À l’instar des Britanniques, ces dernières le considèrent d’emblée essentiellement comme un animal de compagnie, avec toutefois une prédilection pour la version naine.
L’American Kennel Club (AKC) le reconnut en 1885 sous le nom de Dachshund, et enregistra dès cette année-là 11 spécimens. Un club de race, le Dachshund Club of America (ou DCA), vit le jour en 1895.
Au début du 20ème siècle, la race était déjà très prisée dans le pays. D’ailleurs, elle figurait parmi les dix plus représentées lors des éditions 1913 et 1914 du Westminster Kennel Club Dog Show, une prestigieuse exposition canine se déroulant chaque année à New York.
Cependant, tout changea lorsqu’éclata la Première Guerre mondiale. Associé à l’Allemagne du fait de ses origines, le Teckel pâtit d’antagonismes avec lesquels il n’avait pourtant évidemment rien à voir. En posséder un était presque assimilé à un acte de trahison. Les amateurs américains eurent beau l’appeler « Liberty Hound » (« Chien de la Liberté ») pour le dissocier de son pays natal, rien n’y fit : il arriva que des Teckels se promenant avec leur maître se fassent tuer en pleine rue, tandis que ce dernier était violemment agressé.
Les choses allèrent si loin qu’on estime qu’en 1919 il ne restait que 12 Teckels aux États-Unis. Pour éviter l’extinction, les éleveurs américains durent importer des spécimens d’Allemagne. Ils réussirent effectivement à faire perdurer la race dans le pays, et dans les années 30 celle-ci y avait retrouvé sa popularité.
Ce phénomène de rejet se produisit de nouveau lors de la Seconde Guerre mondiale. Toutefois, ce fut dans des proportions bien moindres, si bien que cette fois l’avenir du Teckel sur le sol américain ne fut pas compromis.
En outre, le Dachshund Club of America fit campagne au terme des hostilités afin de restaurer son image. Il retrouva à nouveau une grande popularité dans le pays, surtout à partir des années 50, et devint même un symbole de la culture pop américaine dans les années 60.
Plus d’un demi-siècle plus tard, il continue d’être très populaire aux États-Unis.
On ne sait pas trop quand ni comment le Teckel fut introduit au Canada, ni dans quelles circonstances il s’y diffusa, mais il est très probable que ce fut par l’intermédiaire des États-Unis, où la race fit son entrée à la fin du 19ème siècle et devint très rapidement populaire.
Le Kennel Club britannique (KC) reconnut le Teckel (appelé Dachshund dans le monde anglo-saxon) dès sa fondation en 1873, faisant d’emblée la distinction entre deux variétés : le Teckel Standard d’une part, le Teckel Nain de l’autre.
Aux États-Unis, l’American Kennel Club (AKC) en fit de même en 1885, soit l’année suivant sa création. L’autre organisme de référence du pays, le United Kennel Club (UKC), suivit en 1919, alors qu’il existait depuis 1898.
La Fédération Cynologique Internationale (FCI) attendit 1955 pour franchir le pas à son tour, mais se distingua en reconnaissant aussi le Kaninchenteckel – c’est-à-dire la plus petite variété en termes de taille. Cela marqua un tournant, dans la mesure où près d’une centaine d’organismes cynologiques nationaux sont membres de la FCI. C’est le cas notamment de ceux de l’Allemagne (le Verband für das Deutsche Hundewesen, ou VDH), la France (la Société Centrale Canine, ou SCC), la Belgique (la Société Royale Saint-Hubert, ou SRSH) et la Suisse (la Société Cynologique Suisse, ou SCS).
Bien sûr, le Teckel est également reconnu par le Club Canin Canadien (CCC). Toutefois, à l’instar de ses voisins étatsuniens, ce dernier ne reconnaît pas la variété Kaninchen.