L'histoire du Mâtin Transmontano

Le Mâtin Transmontano, ou Cão de Gado Transmontano en portugais, est un molossoïde de grande taille qui descend vraisemblablement, comme les autres molossoïdes ibériques, des chiens amenés d’Asie Mineure dans la péninsule il y a environ 4000 ans. On sait en effet qu’à cette époque, de nombreuses tribus migraient d’est en ouest accompagnées de leurs troupeaux et de grands chiens qui gardaient et protégeaient ces derniers. Ces tribus s’établirent ainsi un peu partout en Europe jusque dans la Péninsule Ibérique, et de nombreux experts pensent que les races canines européennes les plus anciennes descendent de ces chiens. Certains pensent même que le Mâtin Transmontano est lié au Dogue du Tibet, mais pour l’heure aucune preuve ne confirme cette hypothèse.

Ce qui est sûr, c’est qu’il s’agit d’une race de chien très ancienne qui fut longtemps cantonnée au nord-est du Portugal, dans la région de Trás-os-Montes e Alto Douro, près de Bragança. Cette zone montagneuse, isolée et surmontée de hauts plateaux, est traditionnellement peuplée d’éleveurs de moutons et de chèvres.

Souvent laissés à la seule garde des chiens en raison des difficultés d’accès et de l’escarpement des pâturages, les troupeaux subissaient souvent des attaques de loups, très nombreux dans cette contrée. Le travail spécifique du Mâtin Transmontano était justement de protéger le bétail de ces prédateurs.

Vivant la plupart du temps avec son troupeau, et parfois également avec son berger, accompagnant le bétail de pâturage en pâturage et lors des transhumances, il évolua en grande partie selon la simple sélection naturelle, développant au fil des générations des traits morphologiques et de caractère en parfait accord avec le travail demandé et l’environnement dans lequel celui-ci s’effectuait.

Cela dit, il y eut certainement des croisements avec d’autres chiens de troupeaux au gré des rencontres. On considère d’ailleurs que le Mâtin Transmontano est apparenté au Rafeiro do Alentejo, chien de berger du sud du Portugal qui conduisait autrefois le bétail lors des migrations vers l’intérieur du pays. Avec le temps, ces migrations devinrent moins nombreuses et les deux races se mirent à diverger.

Dans les années 70-80, cette race quasi-uniquement locale qu’était le Cão de Gado Transmontano frôla l’extinction. En effet, d’une part le nombre de loups avait très fortement diminué, et d’autre part beaucoup de bergers abandonnèrent dans ces années-là le pastoralisme pour s’établir sur la côte ou à l’étranger, en quête d’une vie meilleure. Devenu inutile, elle faillit alors disparaître.

La diffusion du Mâtin Transmontano dans son pays d'origine

Jusqu’à la deuxième moitié du 20è siècle, le Mâtin Transmontano resta cantonné à sa région d’origine. Toutefois, grâce au travail des éleveurs (dont les deux-tiers étaient à la base des éleveurs de moutons ou de chèvre) qui le firent connaître via des expositions canines et concours de travail, il est désormais présent dans tout le Portugal.

Ils créèrent pour cela une association, l’Associação de Criadores de Cão de Gado Transmontano (ACCGT), et s’impliquèrent dans le programme du Parque Natural de Montesinho, grand parc naturel situé dans sa région d’origine. Initié en 1994, ce programme avait pour objectif la diffusion et la promotion de la race auprès des bergers portugais, afin de contribuer à sa pérennité et son amélioration.

On recensa donc les chiens adultes susceptibles de se reproduire, puis on chercha parmi les éleveurs (du nord-est ainsi que d’autres régions) ceux qui étaient susceptibles d’être intéressés par l’acquisition d’un chiot de cette race, et on établit une liste d’attente.

À chaque naissance d’une portée, les bergers devaient informer le Parque Natural de Montesinho. Celui-ci se chargeait de comptabiliser les naissances, prenait en charge l’alimentation de la mère et des petits, le déparasitage des chiots tous les 15 jours, ainsi que la primo-vaccination et le micro-puçage au bout de 8 semaines.

À l’âge de 10 semaines, le chiot était remis à son nouveau maître. Peu de temps après, à 12 semaines, ses rappels de vaccins étaient également pris en charge. Si pour une raison quelconque le berger abandonnait son activité, le chien réintégrait le programme jusqu’à ce qu’on lui trouve un nouveau troupeau.

Ce programme de conservation et de diffusion de la race perdure de nos jours, selon peu ou prou les mêmes modalités.

En parallèle, les éleveurs continuèrent à promouvoir le Mâtin Transmontano auprès des bergers, notamment via des concours qui montraient leur utilité et leur grande efficacité. Cette initiative connut un certain succès : alors qu’en 1996, le premier concours réunissait seulement 20 participants, ils étaient déjà 70 deux ans plus tard.

En 2004, le Clube Português de Canicultura (l’instance cynologique nationale portugaise) reconnut la race et définit un standard provisoire. Dès l’année suivante, il décida de s’impliquer dans le programme du Parque Natural de Montesinho en signant un protocole avec ce dernier.

La diffusion du Mâtin Transmontano dans son pays d’origine doit aussi à l’ajout en 1988 du loup dans la liste des espèces protégées au Portugal. En effet, les statistiques montrèrent que sa présence était dissuasive et que les loups attaquaient beaucoup moins les troupeaux accompagnés de ce chien que les autres. En revanche, les loups qui s’en prenaient à un troupeau sans Mâtin étaient souvent tués par le berger. Bien que cela semble de prime abord paradoxal, le Mâtin Transmontano avait donc un rôle à jouer dans la préservation du prédateur.

Cela amena par exemple Grupo Lobo, une association environnementale non gouvernementale qui milite pour la conservation des espèces et notamment du loup, à soutenir le placement du Mâtin Transmontano auprès des troupeaux – ce qu’elle continue de le faire de nos jours. Ce faisant, son objectif est d’éviter que les loups soient tués par les bergers.

D’ailleurs, en cas d’attaque de leur troupeau, ces derniers ne sont indemnisés par l’État que s’ils possèdent au moins un Mâtin Transmontano pour 50 têtes de bétail.
 
Au demeurant, depuis la mise en place du programme du Parque Natural de Montesinho en 1994, le nombre d’attaques de troupeaux par des loups dans le nord-est du Portugal est passé d’environ 450 par an à autour de 200.

La diffusion internationale du Mâtin Transmontano

Jusqu’à la seconde moitié des années 90, le Mâtin Transmontano resta inconnu hors des frontières portugaises.

Sa diffusion en Europe se fit de façon très confidentielle à partir de cette époque, d’abord grâce à quelques éleveurs portugais ou d’origine portugaise qui importèrent des individus pour en faire l’élevage. Quelques autres – notamment français et allemands – découvrirent la race à l’occasion de voyages au Portugal et décidèrent de la faire connaître dans leur pays en faisant participer certains de ses représentants à des concours et à des expositions canines.

Les États-Unis pour leur part firent sa connaissance en 2008. C’est en effet cette année-là que le Département Américain de l’Agriculture fit venir du Portugal quelques représentants, dans le cadre d’une expérimentation sur la protection des troupeaux de l’ouest du pays contre les loups. Menée en Oregon et dans le Montana, celle-ci visait à déterminer quelle race de chien était la plus apte à assurer efficacement cette mission. Le Mâtin Transmontano impressionna par ses aptitudes et sa détermination ; depuis, les États-Unis songent très sérieusement à l’utiliser à cette fin.

La reconnaissance du Mâtin Transmontano par les organismes officiels

Le Cão de Gado Transmontano obtint en 2004 la reconnaissance du Clube Português de Canicultura (CPC), l’instance cynologique nationale portugaise, qui définit à cette occasion un premier standard de la race.

Quant à sa reconnaissance officielle hors de son pays natal, elle n’en est qu’à ses débuts.

L’année 2020 marqua toutefois un tournant décisif : c’est en effet cette année-là que la Fédération Cynologique Internationale (FCI) le reconnut à titre provisoire et l’inclut au sein du Groupe 2, section 2 (Molossoïdes). Cette première étape est un préalable avant une reconnaissance pleine et entière, qui survient normalement au bout de 10 ans. Elle est déterminante, car la FCI chapeaute les organismes nationaux de plus d’une centaine de pays, dont ceux de la France (la Société Centrale Canine, ou SCC), la Belgique (la Société Royale Saint-Hubert, ou SRSH) et la Suisse (la Société Cynologique Suisse, ou SCS).

Cela dit, certains ont choisi de prendre les devants. C’est le cas notamment de la SCC, qui accepta de premières inscriptions au Livre des Origines Français (LOF) dès 2018, avant même que la FCI n’ait statué sur le cas du Mâtin Transmontano.

Il est possible en tout cas que la décision de la FCI incite d’autres organismes nationaux d’envergure non-membres de la FCI à franchir le pas à leur tour. En effet, la race n’est par exemple reconnue ni par le Kennel Club britannique, ni par l’American Kennel Club (AKC) et le United Kennel Club (UKC) aux États-Unis, ni par le Club Canin Canadien (CCC).