Les chiens aiment l'eau, mais certaines races comme les Terre-Neuve ou les Retrievers sont naturellement prédisposées pour pratiquer ce que l'on nomme le travail du chien à l'eau. Cette activité est une discipline de sauvetage, au même titre que la recherche utilitaire ou encore le pistage.
Les chiens sauveteurs peuvent occuper un rôle d'auxiliaire dans de nombreux lieux aquatiques, telles les plages surveillées, afin de sauver de nombreuses vies humaines.
Le concept de sauvetage en mer avec des chiens doit être compris comme le travail d’un couple indissociable maître/chien, comme pour le travail des chiens d’avalanche ou de catastrophe. La discipline est basée sur les points suivants :
Il faut savoir qu’un entraînement à l’eau du chien, pratiqué très sérieusement mais progressivement, est indispensable avant toute présentation aux épreuves. Le chien doit posséder une musculature, un souffle et une résistance suffisants.
Ces qualités indissociables sont souvent le fruit de plusieurs mois, voire plusieurs années, de travail en club canin. Quant au maître, il se doit de posséder, entre autres qualités, la patience et la persévérance.
Comme le bébé humain, le chien sait nager d'instinct. Le plus souvent, ceux qui sont réfractaires à l'eau ont été victimes de moyens pédagogiques brutaux ou de mauvaises expériences. Apprendre à nager à un jeune chien ne se fait donc certainement pas en le lançant au milieu d'une mare. Avec de telles méthodes, il y a un risque d'établir chez l'animal un conditionnement négatif brutal, une aversion pour l'élément liquide qui durera toute la vie.
Les meilleurs nageurs sont les races de format moyen avec des pieds arrondis, pourvus chez certains d'une membrane digitale au niveau de la 2e phalange, comme les Terre-Neuves ou les Labradors.
Par ailleurs, les tissus doivent être riches en graisse pour résister au froid, comme chez les chiens de marais, et dotés d'un poils huileux (sébum) qui imperméabilise en partie le corps, ainsi que d'un sous-poil fourni. Tout ceci permet de conserver des bulles d'air qui forment un matelas pour isoler l'animal du froid et aider à la flottaison.
Par exemple, chez le Terre-Neuve, le corps est large et puissant, avec une cage thoracique fortement développée, ce qui permet de bien ventiler et aide à la flottaison, sa queue de bonne épaisseur faisant office de gouvernail dans ses évolutions en milieu aquatique.
Enfin, sauf en de rares exceptions, tous les chiens nagent à la même allure que le trot, la tête dépassant de la ligne de flottaison pour pouvoir respirer.
Officieusement, toutes les races peuvent pratiquer le travail à l'eau. C'est en effet le moyen le plus sûr de muscler un animal sans traumatiser son organisme, surtout pour les grands chiens, très sujettes aux troubles articulaires. La nage en endurance est même fortement conseillée pour les chiens dysplasiques ou en rééducation après une intervention chirurgicale.
Plus officiellement, si un maître désire que son chien pratique cette discipline en concours, ou même simplement passe ses degrés, il lui faudra remplir certaines conditions :
Créée au départ par le CFCTN (Club Français du Chien Terre-Neuve), cette discipline canine reste une activité spécifique à cet organisme jusqu'en 1987, date à laquelle le règlement est modifié et validé par la SCC.
À partir de cette date, les épreuves deviennent officielles, et les résultats des chiens portés sur leur carnet de travail. Cependant, les concours ne sont alors ouverts qu'aux chiens de race Terre-Neuve et Landseer.
C'est pourquoi, à la suite de demandes de participation aux épreuves formulées par différents clubs de race, la SCC crée la Commission d'Utilisation Nationale pour le Sauvetage à l'Eau (CUNSE) en juillet 1993, et ouvre la discipline aux races suivantes :
Il faut savoir que cette liste est évolutive. Pour qu'une nouvelle race soit admise à la discipline, le club de race doit tout d'abord en faire officiellement la demande. La CUNSE doit alors donner son accord, puis la validation définitive appartient par la suite à la SCC.
Pour autant, la plupart des clubs canins de travail à l’eau acceptent à l'entraînement les races « non officielles », y compris les chiens non-LOF. En effet, les clubs canins ont bien compris qu'il s'agit avant tout d'une activité ludique pour le chien comme pour le maître.
Au début de chaque séance entraînement au travail à l'eau, le chien pratique le travail au sol, indispensable aussi bien dans la vie de tous les jours que pour l’apprentissage du sauvetage.
En effet, lorsqu'un propriétaire a au bout de la laisse un chien de 60kg, voire plus, il vaut mieux pour lui qu'il sache se faire obéir.
La marche au pied est essentielle, puisqu'elle permet des déplacements rapides en n'importe quel lieu, et sert à imposer délicatement des mouvements dans le sens Homme-chien. Ce n'est que lorsque le chien sera facilement à l'écoute du maître à terre qu'il le sera dans l'eau. Au bout de quelque temps, s'il le souhaite, le maître peut se passer de la laisse, surtout si l'animal sait marcher avec son épaule à la hauteur du genou du maître.
L'éducation du chien au sol consiste aussi en quelques ordres simples : halte, assis, couché, pas bouger, pas toucher, à droite, à gauche, en avant, marche au pied, rappel du chien au pied, saut, etc.
Le chien doit savoir demeurer à une place désignée par son maître alors que celui-ci s'éloigne. Plus tard, cela servira également à placer le chien à l'écart pendant que les sauveteurs préparent le matériel au bord de l'eau.
Un autre exercice important est le "en avant", puisqu'il sert à diriger le chien dans une direction donnée, alors que le maître supervise le travail depuis le canot ou la jetée. Le chien qui nage parmi les vagues ne voit pas la personne en difficulté, il doit donc faire confiance à son maître. On doit pouvoir donner des ordres directionnels ; droit devant le maître, à gauche (par un geste de la main gauche), ou à droite (geste de la main droite).
L' apprentissage des exercices à l'eau est bien sûr progressif : le jeune chien apprend d’abord à se familiariser avec l’eau et le bateau (pneumatique de préférence). En effet, il ne faut pas croire qu'au motif qu'il appartient à une race dite spécialisée à l'eau, un chien nage spontanément, et surtout aime cela à l'âge adulte.
On peut rappeler ici la mésaventure du Préfet de police de Paris, le fameux Lépine. En 1820, l'homme acheta onze Terre-Neuves dans leur pays d'origine pour surveiller les quais de la Seine. Or, les chiens provenaient de l'intérieur du pays et non pas de la côte, et n'avaient aucune expérience de l'eau. Ainsi, ils furent incapables d'assurer leur fonction, faisant même preuve d'une certaine appréhension de l'élément liquide.
Dans la nature, lors des premiers contacts avec cet élément, les jeunes canidés sauvages savent imiter les plus anciens. La première fois, ils approchent l'eau pour aller se désaltérer, tremper leurs pattes, et s'il fait trop chaud, se coucher dans le ruisseau ou le point d'eau.
La seconde fois, ils ont tendance à suivre les aînés à la poursuite du gibier. Ils traversent alors le courant sans s'en apercevoir, car la motivation est forte. Il y a imitation et effet de meute.
Ainsi, dans cette description schématique des contacts avec l'eau et de l'apprentissage de la natation, il y a tous les éléments qui peuvent être appliqués de manière naturelle chez les chiens domestiques.
Il est donc préférable de commencer, dès l'arrivée du chiot à la maison, par des promenades au bord de l'eau en marchant, puis progressivement au pas de course. Le chiot, côté terre, se fait ainsi éclabousser par les pieds de son maître. En été, le maître peut également commencer à travailler à la maison en plaçant une bassine assez large dans le jardin qu'il remplira d'eau et dans laquelle il jettera un jouet.
Dans un second temps, le maître avance doucement sur un plan d'eau en pente douce avec le chiot en laisse, afin de le contrôler sans le forcer. Il peut s'asseoir et prendre le chiot dans ses bras tout en laissant son corps tremper dans l'eau. Les mains du maître le soutiennent légèrement en le laissant progressivement prendre son autonomie.
Par la suite, il s'agit de motiver le chiot. La balle de jeu sera lancée parallèlement au rivage, puis de plus en plus sur la plage, pour ainsi se rapprocher naturellement de l'eau.
Le maître fait également un excellent aimant pour attirer le chiot qui se sent perdu sans lui. Il pourra donc par exemple le faire tenir par un étranger et s'éloigner, par exemple de l'autre côté d'un ruisseau où l'animal aura tout juste pied en son milieu. Le fait d'être tenu par un étranger va angoisser le chien. Au rappel du maître, l'étranger le relâche.
Pour inciter un chien, il est également possible de se servir d'un ou plusieurs chiens adultes qui jouent et nagent. Le jeune se trouvera rapidement dans leur sillage, sans s'apercevoir qu'il nage aussi.
La vie n'est que conditionnement, et les meilleurs nageurs sont ceux qui vivent au bord de l'eau, et ont appris tout jeune à imiter les adultes.
Le plongeon est une des fonctions du chien d'eau, mais aussi du chien de marais, qui sautera du canot du maître ou de la berge pour rapporter le gibier abattu qui flotte à quelques distances. C'est donc aussi celle du chien de sauvetage, qui pourra ainsi plonger d'une jetée de 3m de hauteur ou d'un bateau.
Il est possible d'apprendre à plonger à tous les chiens ; il suffit juste de leur fournir une motivation suffisante.
Toutefois, l'apprentissage du plongeon ne peut commencer que lorsque le jeune chien est à son aise dans l'eau. De plus, comme pour l'apprentissage de la natation, il faudra procéder progressivement. D'abord d'un plan à hauteur d'eau, puis de plus en plus haut, avec toujours les mêmes procédés : la balle que l'on jette, le maître qui appelle alors que le chiot est retenu sur la berge par un étranger, le chien adulte enjoué qui raffole des plongeons...
Une fois le chien habitué à l'eau, la nage d’endurance constitue un passage obligatoire. En effet, elle lui permet de perfectionner sa technique, d’améliorer sa condition physique et de s’échauffer pour la suite des épreuves.
C'est l'exercice de base qui sert à tout apprentissage du sauvetage. Il est nécessaire de commencer à terre, sous forme de jeux avec le jeune chien. Puis, progressivement, le maître met pleinement l'accent sur le rapport d'objet en lui-même, avant de passer dans l'élément liquide.
Ainsi, le rapport d'objet se fait sous plusieurs formes :
Pour préparer le chien à son rôle de sauveteur, il faudra également exécuter le rapport d'objet avec des étrangers.
En outre, parmi les chiens de chasse, les Retrievers, comme le Labrador ou le Curly-Coated, font d'excellents chiens d'eau étant donné qu'ils doivent souvent traverser de nombreux marais pour aller rechercher le gibier abattu par leur maître.
En 1894, Rawdon Lee écrit dans son livre Modern Dogs que « le Retriever est une création des cinquante dernières années et, sans aucun doute, le produit des croisements de l'ancien Water Spaniel anglais ou irlandais avec le Setter, le Colley et le Terre-Neuve de petite taille, généralement connu sous le nom de chien de Saint John, ou du Labrador... Il est établi que notre Retriever moderne - qu'il soit à poil bouclé, plat ou ondulé, et que sa robe soit noir, marron ou foie clair - est né à un moment donné d'un ou de plusieurs croisements tels que ceux que je viens de mentionner. »
Le bon Retriever doit montrer une certaine « will to please » (« volonté de plaire », en français) en exécutant les exercices. Il travaille ainsi après le coup de feu, car il lui appartient de retrouver la pièce de gibier avec un maximum d'efficacité et de la rapporter au plus vite.
Le chien doit être calme au poste, suivre la chasse avec intérêt, observer le point de chute du gibier et le garder en mémoire. Il ne doit pas faire de vocalises, aboyer ou gémir par exemple. Il est évident qu'il est tenté de se précipiter à chaque fois que le gibier tombe, mais il doit attendre l'ordre du maître.
Ainsi, il n'est pas rare de retrouver le Retriever à proximité des rivages maritimes, des baies, des estuaires, des cours d'eau ou des marais de l'intérieur. Il n'hésite pas à entrer dans l'eau glacée et quelquefois à casser la glace pour aller ramasser, au milieu des appelants qui le connaissent, les pièces abattues.
Une fois que les apprentissages de la nage et du plongeon sont assimilés, il est temps d'apprendre au chien à rapporter un objet (corde, gant de plongeur, tractage du pneumatique…), puis un mannequin, et par la suite un plongeur simulant le « noyé ».
Pour apprendre le remorquage au chien, il faut exercer une traction dans l'eau au moyen d'un objet relié à un canot, que le chien a ordre de rapporter en tirant sur le bout (le filin).
Pour qu'il soit apte à de tels exploits, le chien doit être entraîné. Le faire courir au trot allongé (jamais au galop) et le faire nager régulièrement l'aide à acquérir le souffle, la puissance et la résistance nécessaires au travail du chien à l'eau.
C'est le genre d'exercice assez aisé par exemple pour un Terre-Neuve adulte en pleine forme physique. Ce chien est d'ailleurs tout à fait capable de tirer deux canots pneumatiques avec une dizaine de personnes à bord. Il peut aussi tracter, à l'aide de son harnais spécial équipé de deux anneaux, deux personnes qui s'accrochent à lui.
Si l'équipe chien-maître est bien soudée, et après une bonne formation menée en douceur et en conformité avec la psychologie du chien, l'animal sera apte à intervenir dans toutes les circonstances où l'élément liquide met en jeu la vie de personnes, comme sur les plages ou dans les criques où la mer empêche les secours maritimes d'accéder.
Le chien pourra également intervenir au niveau des plans d'eau ou des lacs, le long des fleuves et rivières, ou durant une inondation où des personnes demeurent inaccessibles aux canots.
Fondateur de l'Ecole du chiot et de la méthode naturelle.
Éthologue de terrain (loups sauvages).
Formateur pour les comportementalistes, éducateurs, éleveurs, etc.