L'histoire du Bull Terrier

La genèse du Bull Terrier

Photo noir et blanc d'un Bull Terrier avec Carlton Hinks

Le Bull Terrier doit son nom - et plus largement son existence - à des croisements entre des races de bouledogues et de terriers effectués en Angleterre au début du 19ème siècle. Ceux-ci s’inscrivaient dans le contexte des combats d’animaux, alors particulièrement populaires.

 

En effet, faire s’affronter un chien et un autre animal (par exemple un taureau ou un ours) était une activité très répandue et appréciée en Angleterre. Ce qui est aujourd’hui considéré comme une pratique cruelle - et d’ailleurs illégale - était à l’époque une source de divertissement prisée.

 

Afin d’offrir à l’audience un spectacle d’autant plus intense et de maximiser leurs chances de victoires, des éleveurs développèrent dès le 13ème siècle plusieurs races de chien spécialement conçues pour combattre. Ce fut notamment le cas de l’English Bulldog (Bouledogue Anglais) : avec son corps trapu et épais, ses mâchoires puissantes et sa ténacité, il avait tous les attributs nécessaires pour occuper une place de choix dans les arènes de combat.

 

Il servit en outre lui-même de base pour des éleveurs souhaitant créer des chiens aux capacités de combat encore plus redoutables, qui virent le jour grâce à des croisements avec d’autres races – en particulier des terriers. Ces croisements devinrent chose courante dans les années 1810 et aboutirent à un chien qu’il fut décidé d’appeler Bull and Terrier. Ce dernier alliait l’agilité, la vivacité et l’intensité des terriers à la coriacité, la force et la ténacité de l’English Bulldog. Cela en faisait un combattant féroce, ce qui lui valut le surnom de « gladiateur canin ».

 

Bien que l’Angleterre bannît officiellement les combats d’animaux en 1835, ceux-ci ne disparurent pas pour autant : ils continuèrent en fait de manière illicite jusqu’au début du 20ème siècle. En effet, nombre d’amateurs de cette pratique se mirent alors à organiser des combats illégaux dans des arrière-cours, des allées désertes, des fonds de tavernes ou des caves.

 

Le fait de devoir agir dans la clandestinité – et donc dans des espaces plus étroits – contraignit toutefois les organisateurs de tels affrontements à différents ajustements. Faire combattre un chien face à un taureau ou un ours n’étant plus envisageable, ils se rabattirent sur des animaux plus petits (rongeurs, coqs…) ainsi que sur des combats de chiens entre eux. Le Bull and Terrier brillait dans ces affrontements. Certains spécimens tiraient particulièrement leur épingle du jeu : c’était notamment le cas de ceux que possédait le duc d’Hamilton, illustre amateur de combats de chiens, qui sortaient souvent vainqueurs des fosses clandestines de Preston et Liverpool.

 

Néanmoins, le Bull and Terrier était toujours considéré comme un hybride plutôt que comme une race à proprement parler : il était ainsi qualifié de « half-and-half » (moitié-moitié) ou « half-breed » (mi-race). Quoi qu’il en soit, il servit de point de départ et de base au développement de diverses races, à commencer par le Bull Terrier.

 

L’homme qui réussit à transformer ce chien un peu brut de décoffrage qu’était le Bull and Terrier en cette race bien établie qu’est le Bull Terrier se nomme James Hinks. Vers le milieu du 19ème siècle, alors que la popularité des combats de chiens s’amenuisait suite à leur interdiction, cet éleveur originaire de la ville de Birmingham (au centre de l’Angleterre) perçut le potentiel qu’il y avait à raffiner le Bull-and-Terrier en vue d'en faire un animal de compagnie. Pour y parvenir, il fallait avant tout lui donner un air moins rude et menaçant, afin de l’éloigner de ses origines de combattant. Dans les années 1860, Hinks s’attela donc à développer une race à l’apparence plus élégante, en commençant par lui donner une robe d’un blanc immaculé. Bien qu’il ne révélât jamais officiellement comment il obtint ce résultat et qu’il est donc impossible d’affirmer quoi que ce soit avec certitude, beaucoup (dont son propre fils, James Junior Hinks) s’accordent pour dire que le Bull-and-Terrier fut croisé avec le Dalmatien et le White English Terrier (un chien de chasse de type lévrier aujourd’hui éteint).

 

Quelles que soient les modalités exactes de ces croisements, ils donnèrent naissance aux premiers spécimens de ce qui fut nommé par la suite le Bull Terrier. C’est ainsi qu’en 1862, Hinks se présenta à une exposition canine londonienne accompagné d’une femelle nommée Puss qu’il présenta sous le nom de New Bull Terrier.

 

Hinks ainsi que d’autres éleveurs poursuivirent ensuite leurs sélections en vue d’obtenir un compagnon idéal : ils travaillèrent à le doter d’un tempérament doux et d’une apparence encore plus raffinée, avec des pattes moins arquées et une tête plus allongée.

 

Le chien qu’ils mirent ainsi au point fit partie des premières races que le Kennel Club britannique reconnut lors de sa fondation en 1873, en optant alors pour le nom de Bull Terrier.

La diffusion du Bull Terrier dans son pays d'origine

Un chien Bull Terrier assis sur un fauteuil

À l’origine, soit dès les années 1810, le Bull and Terrier (ancêtre du Bull Terrier) était particulièrement populaire dans les Midlands, région centrale de l’Angleterre (son pays natal) alors majoritairement prolétaire du fait de l’industrialisation et de l’exode rural massifs. En effet, la classe ouvrière anglaise voyait en lui un chien capable à la fois d’offrir du divertissement, de faire gagner de l’argent (grâce aux revenus que l’élevage ou les paris sur l’issue des combats pouvaient générer) et de se montrer utile au quotidien (notamment pour éliminer les animaux nuisibles).

 

Le chien qui en descendit, le Bull Terrier, sut gagner encore plus de cœurs. D’abord présenté sous le nom de New Bull Terrier (notamment lors de sa première présentation à une exposition canine, en 1862), il ne tarda pas à susciter l’admiration et l’enthousiasme des foules en raison de son esthétique plus soignée ainsi que son caractère aussi brave et vif que celui de son ancêtre l’English Bulldog.

 

Le public était autant attiré par le blanc immaculé de sa robe que par le fait qu’il ne cherchait pas spécialement la bagarre, tout en n’ayant aucun problème à la faire s’il le faut. Cela lui valut d’ailleurs très rapidement le surnom de « White Cavalier » (« chevalier blanc »). Il parvint même à transcender ses origines humbles et peu reluisantes, devenant le compagnon des plus fortunés - comme l’indique d’ailleurs son autre surnom, « Gentleman’s Companion » (« compagnon du gentleman »). 

 

Sa popularité auprès des classes sociales plus élevées contribua non seulement à sa diffusion, mais aussi à sa reconnaissance officielle dès 1873 par le Kennel Club britannique, soit l’année où celui-ci fut créé. En 1887, un club de race vit le jour. Nommé simplement Bull Terrier Club, il aida la race à disposer d’un socle solide pour continuer à se développer.

 

De fait, tout au long des décennies suivantes, le Bull Terrier continua à être employé tant pour les expositions canines que pour la compagnie. Le début du 20ème siècle marqua un tournant notable dans le développement et la popularisation de la race, grâce en particulier à un spécimen nommé Lord Gladiator. Réputé avoir été créé par l’éleveur W.J. Tuck en 1917, il fut le premier à présenter une tête à profil descendant, avec un stop tellement peu marqué qu’il semblait absent. Cette particularité morphologique captiva les éleveurs de l’époque, au point qu’ils se mirent à la considérer comme une norme à suivre.

 

Le petit-fils de James Hinks, prénommé Carleton, peaufina encore l’apparence du Bull Terrier, le dotant à partir de 1920 d’un nez romain.

 

On retrouve aujourd’hui encore ces deux caractéristiques physiques chez tous les représentants de la race. Ils font clairement partie de ses signes distinctifs et contribuent grandement à son physique atypique, qui n’est pas étranger à l’intérêt qu’elle suscite auprès de nombreux amoureux de la gent canine.

La diffusion internationale du Bull Terrier

Photo ancienne d'un Bull Terrier et de ses chiots

Le Bull Terrier est présent aujourd’hui aux quatre coins du monde. En effet, il devint dès la fin du 19ème siècle le compagnon loyal et aimant de beaucoup de personnes au-delà de son Angleterre natale.

 

En revanche, son passé peu reluisant de chien de combats freina quelque peu sa diffusion. En effet, il lui valut une mauvaise réputation qui aujourd’hui encore continue parfois de le suivre et d’entacher son image.

 

Il fut aussi un obstacle à sa reconnaissance par certains organismes cynologiques de référence. Ce fut le cas par exemple de la Fédération Cynologique Internationale (FCI), qui compte une centaine de membres - dont la Société Centrale Canine (SCC) française, la Société Royale Saint-Hubert (SRSH) belge et la Société Cynologique Suisse (SCS). Même si cela n’empêchait pas ces derniers de prendre les devants de leur côté, elle-même ne lui accorda sa reconnaissance pleine et entière qu’en 1993.

 

La diffusion du Bull Terrier en Europe

 

  • Pays-Bas

 

Les traces les plus anciennes du Bull Terrier en dehors de son pays natal se trouvent aux Pays-Bas. En effet, de premiers élevages locaux y virent le jour dès les années 1880. Quant au premier spécimen officiellement enregistré, il se nommait Trentham Squire, naquit en 1889 en Angleterre (plus précisément à Trentham) et fut importé par un dénommé Blok, originaire d’Amsterdam.

 

Toutefois, le Bull Terrier demeura peu répandu aux Pays-Bas jusqu’aux années 1930. C’est au cours de cette décennie que de premiers sujets à la robe colorée furent importés et qu’un club de race (le Nederlandse Bull Terrier Club, NBTC) fut fondé.   

 

  • France

 

Présenté pour la première fois au Salon de l’Agriculture à Paris en 1864, le Bull Terrier conquit ensuite progressivement de nombreux admirateurs français.

 

Malgré tout, il mit du temps à s’implanter sur le territoire, notamment du fait de la concurrence d’autres terriers et chiens de type bull. Il fallut d’ailleurs attendre 1943 pour qu’il soit officiellement reconnu par la Société Centrale Canine (SCC).

Suite à cela, c’est d’abord le Club français de l’Airedale et divers terriers qui eut pour mission de le représenter. Ce ne fut qu’une quarantaine d’années plus tard, en 1981, que vit le jour le Club Français des Amateurs de Bull Terrier, d'American Staffordshire Terrier et de Staffordshire Bull Terrier (CFABAS). Celui-ci devint affilié à la Société Centrale Canine (SCC) en 2004.

 

À partir des années 90, le Bull Terrier commença réellement à se diffuser en nombre au sein du territoire français. Nombre d’élevages de la race démarrèrent d’ailleurs dans les années 1990 et 2000.

 

La loi française de 1999 sur les chiens dangereux lui fut d’ailleurs favorable. En effet, contrairement à l'American Staffordshire Terrier et au Staffordshire Bull Terrier, il n’est pas catégorisé : sa détention et son acquisition ne font pas l’objet de contraintes spécifiques. Cela lui offre clairement un avantage sur ses cousins en termes de diffusion.

 

En tout cas, compte tenu des enjeux spécifiques de chacune de ces trois races, chacune finit par avoir son propre club de race. C’est pourquoi l’ex-CFABAS ne couvre désormais plus que le Bull Terrier, et se nomme aujourd’hui le Club Français des Amateurs de Bull Terrier.

 

  • Belgique

 

En Belgique, les premières traces avérées du Bull Terrier remontent aux années 1920, et correspondent principalement à des importations depuis ses terres natales, la Grande-Bretagne. Il reste néanmoins possible que quelques individus étaient déjà présents avant cette évoque, eux aussi importés par des particuliers ou marchands.

 

En tout cas, c’est en 1972 que vit le jour un club de race dédié, le Bull Terrier Club Belgique (BTCB). Les passionnés et les éleveurs qui en sont membres tâchent de contribuer à sa diffusion, mais celle-ci est limitée par le fait que depuis les années 90 certaines administrations communales restreignent sa possession, en l’incluant dans une liste de chiens considérés comme dangereux.

 

Cela dit, de plus en plus d’administrations locales arrivent à la conclusion que les législations visant certaines races de chiens ne permettent pas de prévenir efficacement les morsures. Ainsi, depuis la deuxième moitié des années 2010, la tendance est plutôt de remplacer les listes de chiens potentiellement dangereux par des réglementations plus générales et mettant l’accent sur la responsabilité des propriétaires, quelle que soit la race de leur compagnon. 

 

C’est ainsi qu’en 2016, la Région de Bruxelles-Capitale a abrogé sa réglementation qui ciblait certaines races de chien (dont le Bull Terrier) afin de la remplacer par un cadre législatif plus général et ne ciblant plus de races spécifiques. On constate également le même genre de changement dans des communes de Wallonie : par exemple, Charleroi (dans le Hainaut) a supprimé en 2022 sa liste de chiens dangereux.

 

Ces évolutions sont évidemment favorables à la diffusion du Bull Terrier en Belgique.

 

  • Suisse

 

Le Bull Terrier fit son arrivée en Suisse dans les années 1920, principalement par le biais d’importations depuis la Grande-Bretagne.

 

Un club de race consacré à sa défense et sa promotion vit le jour en 1956 : le Bullterrier-Klub der Schweiz (BTKS).

 

Il n’a pas une tâche aisée, car la Suisse est peut-être le pays où ce chien souffre le plus d’une réputation sulfureuse en raison de sa ressemblance avec le Pitbull. Ce dernier fut notamment impliqué dans un accident tristement célèbre, ayant coûté la vie à un jeune garçon en 2005 dans le canton de Zurich. Depuis le début des années 2000, la plupart des cantons restreignent voire interdisent totalement la possession de certaines races de chiens en raison de leur supposée dangerosité, et le Bull Terrier figure parfois dans la liste – c’est le cas par exemple dans les cantons de Fribourg et du Valais. Évidemment, cela limite d’autant sa diffusion…

 

  • Ailleurs en Europe

 

Même si sa diffusion dans certains pays est limitée par le fait que la législation nationale (c’est le cas par exemple en Espagne) ou des réglementations locales le considèrent comme dangereux, le Bull Terrier est parvenu à s’implanter sur tout le continent européen.

 

Il existe même depuis 2008 un club d’envergure européenne qui lui est dédié : l'European Bully Kennel Club (EBKC), qui plaide activement pour sa possession responsable sur tout le continent.

 

La diffusion du Bull Terrier en Amérique du Nord

 

En plus de se diffuser rapidement dans son Angleterre natale, le Bull Terrier ne tarda pas à traverser l’océan : de premiers représentants de la race posèrent les pattes aux États-Unis dès les années 1870.

 

Les combats de chiens y étaient encore autorisés – et populaires - à l’époque : la plupart des spécimens fraîchement débarqués sur le continent furent donc employés dans ce cadre. Cela dit, ce chien était aussi utilisé et apprécié pour sa capacité de travail, notamment dans la régulation des populations de rats ou blaireaux. Enfin, sa grande dévotion envers ses maîtres lui permit de trouver également sa place comme simple compagnon domestique.

 

Tout cela facilita sa reconnaissance officielle par l’American Kennel Club (AKC) : celle-ci survint dès 1885, soit l’année suivant la création de l’organisme. Cela lui offrit une visibilité accrue, notamment en lui ouvrant les portes des expositions canines – d’autant que son esthétique raffinée ne manquait pas de séduire certains cynophiles américains.

 

Sa popularité continua donc de croître, et un club de race dédié vit le jour en 1897 sous le nom de Bull Terrier Club of America (BTCA).

 

Le Bull Terrier se répandit également au Canada à partir des années 1920 et 1930 : des spécimens importés en provenance du Royaume-Uni et des États-Unis furent à l’origine de la création de lignées locales.

 

Il fallut toutefois attendre 1969 pour qu’un club de race dédié voie le jour : le Bull Terrier Club of Ontario. Ce dernier fut renommé Bull Terrier Club of Canada (BTCC) en 1971, se mettant dès lors à couvrir l’ensemble du territoire.

 

Certains spécimens présentés par des éleveurs canadiens furent d’ailleurs récompensés lors de Silverwood, une exposition canine consacrée à la race et organisée par le Bull Terrier Club of America : ce fut le cas entre autres de Magor the Marquis (sacré en 1975) ou de Rambunctious Sea Spray (championne en 1986). Du reste, l’évènement eut lieu plusieurs fois au Canada.

 

Cela dit, certaines administrations provinciales (l’Ontario et le Manitoba) ou locales ont promulgué des lois bannissant des chiens considérés comme dangereux tels que les Pitbulls. Bien que le Bull Terrier ne fasse pas partie de ce type de chien et qu’il ne soit généralement pas concerné par ces réglementations, il existe de la confusion qui impacte négativement la diffusion de la race dans le pays.

 

La diffusion du Bull Terrier dans le reste du monde

 

Le Bull Terrier n’est pas resté cantonné au Vieux-Continent ou au continent américain : il a également essaimé beaucoup plus loin.

 

Sa reconnaissance en 1993 par la Fédération Cynologique Internationale (FCI) y a notamment contribué, car une centaine d’organismes nationaux de référence en sont membres, situés aux quatre coins du globe. C’est le cas par exemple du Japan Kennel Club (JKC), de la Federación Cinológica Argentina ou encore de la Kennel Union of South Africa (KUSA).

 

Il est aussi reconnu par de nombreuses autres institutions non membres de la FCI, à l’image par exemple de l’Australian National Kennel Club (ANKC).

 

De fait, le Bull Terrier est aujourd’hui reconnu dans la quasi-totalité des pays, et des clubs de race lui sont dédiés sous toutes les latitudes.