Tout chien est susceptible de développer un jour ou l’autre des problèmes de comportement. Souvent d’ampleur limitée au début, ils peuvent si rien n’est fait finir par devenir réellement gênants voire dangereux, et en tout cas empoisonner la relation entre l’animal et son maître. Dans les cas les plus extrêmes, ils peuvent avoir des conséquences dramatiques, maltraitance, abandon voire euthanasie du chien.
Pourtant, il existe des professionnels dont le métier est de comprendre ces problèmes et d’aider les maîtres à les résoudre – sachant que ces derniers ont souvent une part de responsabilité conséquente, voire majoritaire. C’est le cas notamment de Tony Sylvestre…
Je m’appelle Tony Sylvestre, je suis éducateur canin, et co-fondateur d’Esprit Dog.
Lancé début 2019, Esprit Dog est devenu le numéro 1 des méthodes d’éducation en ligne et la page d’éducation canine la plus suivie sur les réseaux sociaux. C’est également un centre de formation pour les futurs éducateurs canins et comportementalistes professionnels.
C’était pour moi une évolution dans ma carrière et un autre aspect que j’avais envie d’aborder. Sortir d’un cadre utilitaire et aider les gens dans des problèmes du quotidien était important à mes yeux.
Il y a tellement de maîtres qui ont l’impression qu’ils ne s’en sortiront jamais, qu’ils ont une montagne devant eux, alors que dans les deux tiers des soucis du quotidien, quelques séances et de bons conseils font rentrer les choses dans l’ordre. Je trouve très dommage que le chien au sein d’une famille devienne source de stress, voire de conflits, alors qu’il devrait être tout le contraire.
De plus, étant déjà passionné par le comportement canin, je n’ai pas eu de mal à faire de la rééducation, les troubles du comportement et autres phobies l’objet de mon travail quotidien. Même si j’aime l’éducation et l’accompagnement des maîtres au quotidien, je me suis spécialisé dans la résolution de soucis très graves, qui conduisent souvent à des drames. Se retrouver devant un chien très compliqué et une situation aux allures de casse-tête me stimule. Essayer de trouver la bonne combinaison, la meilleure solution, comprendre ce que l'animal veut exprimer par son comportement est extrêmement enrichissant professionnellement mais aussi personnellement.
Au départ, j’étais agent cynophile spécialisé en recherche, détection et protection des personnes. Je suis ensuite devenu éducateur canin, tout en continuant ce métier en parallèle.
Je pense d’ailleurs qu’un éducateur canin se doit d’être continuellement en formation, tout au long de sa carrière, au contact des meilleurs formateurs : les chiens ! En effet, après avoir épluché sans doute toute la littérature canine et suivi différentes formations spécialisées tout au long de mon parcours, il me semble essentiel de souligner que la vérité vient toujours de l'animal, et qu’il est extrêmement important de comprendre que la théorie, les études et toutes les thèses du monde ne servent à rien sans la pratique. C’est indispensable d’avoir ce bagage théorique pour être un bon éducateur, mais ce n’est pas ce bagage qui fait un bon éducateur : ce sont les chiens.
Une laisse, une longe, et un jouet pour récompenser le chien… En gros, pas grand-chose, d’autant qu’on peut travailler dehors ou chez les gens quasiment sans matériel. Je dirais 200 euros maximum.
Cela dit, il faut bien entendu être véhiculé, et on peut ensuite acquérir un terrain, bâtir un centre canin, etc. Mais chaque chose en son temps.
En tout état de cause, le plus gros investissement n’est pas financier : il est personnel.
Cela s’est fait plutôt naturellement. J’ai toujours avancé sans trop me poser de questions sur mon avenir professionnel - c’est un peu le propre des passionnés, d’ailleurs.
Aujourd’hui, il faut bien entendu quelques connaissances en création web (ou se faire aider) mais se faire une place et en vivre n’est pas très compliqué si on respecte trois règles simples : ne pas avoir peur de travailler, montrer et démontrer ce que l’on dit, et surtout conserver la passion à chaque nouveau chien, car elle est indispensable.
La plus grande ressource de clients dans ce métier, c’est le bouche-à-oreille : vos commerciaux, ce sont les clients. Mais pour qu’ils fassent le travail de communication, il faut de votre côté remplir votre mission avec chacun. Je pense que c’est indispensable de toujours garder en tête que l’on travaille pour le client et son chien, que l’on peut changer des vies en remplaçant des situations compliquées au quotidien par des moments de bonheur. C’est le plus important. Je ne peux pas dormir tant que je n’ai pas réglé le souci pour lequel on m’a appelé, et chaque sourire de client est une récompense personnelle.
En gardant tout ça en tête, et en sachant se remettre en question de manière systématique, je pense que c’est simple de se faire une place. Et sans d’ailleurs avoir besoin d’écraser les autres : il y a suffisamment de maîtres et de chiens qui ont besoin d’aide pour qu’il y ait de la place pour tout le monde ! Ensuite, c’est le client qui choisit.
À mon avis, cela fluctue beaucoup selon l’endroit où l’on se trouve. Mais dans mon cas, c’est assez constant sur l’ensemble de l’année. De fait, il y a en permanence des maîtres qui ont besoin d’aide. Un problème de comportement du chien, ce n’est pas une maladie qui passe avec les saisons : il peut se manifester qu’il fasse beau, qu’il pleuve ou qu’il neige, qu’on soit en été ou en hiver.
Évidemment, il faut être prêt à travailler le soir, les weekends et les vacances.
Contractuellement, une séance dure une heure. Elle se décompose en plusieurs tranches de 15 à 20 minutes, où se succèdent d’une part des explications et la formation du maître, d’autre part des moments de travail avec le chien. Ces derniers durent généralement 5 à 10 minutes : il est difficile de faire plus et d’arriver à maintenir son attention beaucoup plus longtemps. Or, dès lors qu’il décroche, le travail devient contre-productif.
Cela dit, même si une heure est la durée contractuelle, je dois bien avouer qu’il est très rare pour ma part qu’une heure dure une heure. Je prévoyais toujours le double, car je n’arrive pas à travailler avec un chronomètre dans la main. Sans parler des cours collectifs, qui peuvent durer jusqu’à trois heures au lieu d’une.
Il faut dire aussi que c’est très compliqué de stopper une séance quand on voit les maîtres et les chiens évoluer, apprendre et s’amuser.
Il est quasiment impossible de répondre à cette question. Parfois, pour un problème qui avait pourtant l’air énorme, 5 séances suffisent, et inversement.
Pour donner une moyenne, je dirais entre 7 et 13 séances, mais cela dépend énormément de la problématique, du fait qu’il s’agisse d’éducation ou de ré-éducation (cette dernière est généralement sensiblement plus longue, du fait en particulier du travail à effectuer sur le maître), et surtout de comment le maître travaille en dehors des cours, quand il est seul avec son animal.
Le défi de ma vie est de permettre aux chiens d’être mieux compris par les humains, et dans le même temps faire aussi comprendre aux humains la responsabilité et les devoirs qu’ils ont en prenant un chien. Bien entendu, il y a en toile de fond la volonté de lutter contre les abandons de chiens et les euthanasies.
Et il faut dire que parfois c’est assez frustrant, car on ne peut pas réaliser tout ce qu’on aimerait, que ce soit par manque de temps, de moyens, ou autre. J’aimerais faire 10 fois plus, mais les journées ne font que 24 heures. Peut-être que le plus grand challenge pour moi, c’est d’ailleurs de gérer cette frustration.
Ensuite, et c’est pour ça que je trouve ce métier incroyable (même si ça fait un peu phrase toute faite !), chaque nouveau chien, chaque nouveau maître, chaque nouveau cas est un nouveau défi. En tout cas, c’est ainsi que je le conçois.
Oui, bien sûr. Il y a des caractéristiques comportementales que l’on retrouve sur certaines races, et donc des différences réelles entre les races. Même si le pourcentage n’est pas strictement le même d’une race de chien à l’autre car toutes n’ont pas le même niveau de cohérence, on peut estimer qu’en moyenne 70% des individus d’une même race sont globalement identiques au niveau comportemental, et c’est pour ça qu’il est possible de faire des fiches de race assez précises. Le souci se situe au niveau des 30% restants, et c’est là que se trouvent les défis.
Par exemple, je peux m’occuper de 30 Akita Inu et retrouver globalement à chaque fois les mêmes problématiques, les mêmes réactions, les mêmes instincts, les mêmes leviers d’éducation, et le 31ème n’aura rien à voir, se comportera complètement différemment, etc. Labrador Retriever, American Staff, Berger des Shetland… : ça marche de la même façon pour toutes les races.
Il joue forcément un rôle, car un chien plus âgé a des habitudes plus ancrées qui sont donc plus difficiles à faire partir. De plus, les mécanismes d’action qu’il a appris à mettre en place sont perçus par lui-même comme acquis. Il est donc plus compliqué d’intervenir, mais il n’y a pas de fatalité. Autrement dit, l’âge du chien ne doit pas être un frein à l’éducation ni à la résolution des soucis, car il n’en reste pas moins possible d’y arriver ; c’est juste un paramètre à prendre en compte, rien de plus.
En tout cas, il ne faut pas confondre l’éducation, où la logique est de faire apprendre quelque chose à l’animal, ce qu’un sujet âgé peut tout à fait faire sans soucis, et la rééducation, qui consiste, pour schématiser, à réapprendre le comportement souhaité, ou en tout cas à faire oublier le comportement présent pour apprendre un nouveau comportement.
J’en profite d’ailleurs pour souligner qu’il faut continuer d’éduquer un chien âgé, lui apprendre des choses, l'entraîner à réaliser des tours, etc. C’est bon pour sa santé mentale, sa stimulation, ce qui allonge forcément son espérance de vie, par rapport à un individu qui ne fait plus rien.
Oui, c’est aussi une frustration, mais j’en refuse effectivement, à chaque fois pour une seule raison : le manque de temps. Je n’ai jamais refusé un chien à cause de son comportement ou de la problématique à traiter.
Chacun rencontre des échecs dans sa carrière, mais je préfère vous donner mon état d’esprit : l’échec à résoudre un problème qui m’est soumis n’est jamais une option, car souvent, vu les chiens dont je m’occupe, c’est synonyme d’euthanasie.
Il y a une différence entre faire des erreurs et échouer. Des erreurs, j’en ai fait plein, et j’en fais encore - moins heureusement -, mais elles permettent d’apprendre, et de vous remettre en question continuellement. Qu’il s’agisse d’erreurs d’appréciation, de timing ou d’analyse, elles ne sont jamais synonymes d’échec. Je rencontre parfois avec les chiens les plus compliqués des impasses ; elles permettent de repousser encore plus loin mon imagination et mon cerveau, et ne sont jamais synonymes d’échecs. Pour être très clair, je peux m’empêcher (et c’est arrivé nombre de fois) de manger ou de dormir, parce que je ne pense qu’à résoudre une équation. Cette obstination et cette passion font que l’échec n’a pas sa place ici.
Bien sûr, souvent même, et c’est stimulant ! Cela fait partie du métier ; si on ne veut pas se faire des petites frayeurs, mieux vaut rester chez soi et choisir un autre métier. N’importe quel éducateur canin digne de ce nom prend parfois des risques pour faire avancer et évoluer le chien et le maître. C’est normal, et ça ne me pose pas de souci quand c’est moi qui suis en première ligne.
Par contre, il faut être intraitable sur la sécurité de l’environnement de travail quand on est dans un lieu public : promeneurs, autres chiens, etc.
Les gué-guerres entre éducateurs ! Cela n’apporte rien, à part de la haine, et surtout ça perd encore plus le client, qui veut juste une solution pour son souci, ou du moins un accompagnement. Le chien se fiche de ces gué-guerres, des égos et du marketing : il a juste besoin qu’on lui apprenne à vivre dans le monde des humains.
Je pense d’ailleurs qu’il y en a beaucoup qui feraient bien mieux d’employer sur un terrain avec un chien toute l’énergie qu’ils déploient derrière un clavier.
Peu importe l’âge ou le parcours effectué avant de suivre une formation d’éducateur canin : il ne faut pas oublier que c’est un métier passion, avec tout ce que ça comporte comme avantages mais aussi comme inconvénients. À partir du moment où on accepte les règles du jeu, oui, c’est un métier accessible. Devenir éducateur canin, ce n’est pas compliqué : tout le monde peut le devenir. Devenir un bon éducateur canin, c’est autre chose.
J’ai un avis très clair la dessus : au-delà du choix de la formation, qui est à l’appréciation de chacun (même si je préfère quand les gens viennent chez moi !), il est inadmissible de voir des formations complètes à distance, sans la moindre pratique. Et il est incroyable de proposer des formations dites « pratiques » sans que les étudiants ne voient jamais un chien de toute la formation… sauf en vidéo !
Le seul conseil que j’ai à donner, c’est donc de fuir tous ceux qui promettent de devenir comportementaliste canin ou éducateur en ligne, ou à distance, et toutes les formations où il n’y a tout au plus qu’un ou deux chiens, voire aucun.
Cela dit, je trouve également dommage quand une formation promet 50 chiens, mais qu’il s’agit en réalité de 50 chiens sans soucis, et qu’il s’agit donc simplement de « petite » éducation. C’est nécessaire de se former sur l’éducation, mais comment fera le futur éducateur quand on l’appellera pour de l’agressivité ? Il ne fera pas, ou dans le pire des cas il mettra tout le monde en danger.
Il y a beaucoup à faire en la matière. Il existe beaucoup trop de disparités au sein de la profession. Vous pouvez aller dans une forêt avec un chien et croiser 4 éducateurs qui vont vous dire 4 choses complètement différentes, alors qu’ils font le même travail. C’est un souci, et je comprends que les gens soient perdus. Les règles doivent changer, mais comme à chaque fois l’important est de savoir qui les change !
Pour moi, le terme de comportementaliste sert uniquement à l’opinion ; c’est un mot psychologique qui fait bien. Il peut aussi avoir son utilité en référencement, et d’ailleurs je m’en sers aussi, mais ça reste un élément de langage et marketing.
Pour moi, la vérité c’est qu‘un bon éducateur canin est et doit être un spécialiste du comportement des chiens !
En contact direct, non, pas forcément. Indirectement, oui, car c’est important de regarder ce qui se fait à côté, qu’on aime ou qu’on n’aime pas, qu’on soit sensible ou non, pour une seule raison : ne pas s’enfermer sur soi-même.
Oui, car il oblige à une remise en question à chaque nouveau chien ! Vous pensez tout savoir ? Demain, un chien peut débarquer et faire s’envoler toutes vos convictions. C’est génial, mais c’est difficile, et ça demande beaucoup de recul.
En outre, c’est un métier où, la plupart du temps, les clients attendent énormément de vous, car ils sont dans des situations compliquées. Cela oblige à parvenir à un résultat positif : quoi qu’il arrive, c’est notre responsabilité de trouver des solutions.
Quand on commence, on peut tabler sur un salaire mensuel de l’ordre de 1200 euros. Ensuite, un éducateur compétent peut gagner jusqu’à 5 000 euros par mois, voire plus…
Viens te former chez moi ! :)
Comme le montre ce témoignage, devenir comportementaliste canin et ainsi travailler au contact des chiens n'est pas forcément un rêve inaccessible. Avec une formation initiale digne de ce nom, du sérieux et une bonne dose de travail, il est tout à fait possible de se faire une place et de vivre de sa passion.
Quelle plus belle satisfaction alors que de contribuer chaque jour à améliorer le quotidien de tant de maîtres et de leurs compagnons ?
Bonjour Je souhaite témoigner afin que d'autres ne vivent pas la même déception que moi. J'ai fais la formation...