Selon une étude intitulée « Out of southern East Asia: the natural history of domestic dogs across the world » et publiée en 2015 par des chercheurs de différents pays dans la revue scientifique Nature, les premières traces de la présence de chiens en Asie du Sud-Est remontent à il y a 33.000 ans. Cependant, il semble qu’ils ne sont pas les ancêtres directs des chiens domestiques actuels. En outre, rien ne prouve qu’ils étaient notamment présents aux Philippines.
Une autre étude, menée par des chercheurs philippins et australiens, intitulée « Introduced Domestic Animals in the Neolithic and Metal Age of the Philippines: Evidence From Nagsabaran, Northern Luzon » et parue en 2013 dans The Journal of Island and Coastal Archaeology, indique quant à elle que la présence de chiens domestiques dans l’archipel n’est seulement certaine qu’à partir du néolithique tardif, au deuxième millénaire avant J.-C.
En 2020, la Fédération Cynologique Internationale (FCI) estimait le nombre de chiens domestiques aux Philippines à près de 11 millions, ce qui en fait le septième pays au monde où ils sont le plus nombreux (derrière les États-Unis, le Brésil, la Chine, l’Inde, la Russie et le Royaume-Uni), et le troisième en Asie. Il se pourrait toutefois que ce chiffre soit grandement sous-estimé : une étude intitulée « Dog Ecology and Demographics in Several Areas in the Philippines and Its Application to Anti-Rabies Vaccination Programs » et parue en 2022 dans la revue scientifique Animals évoque plutôt un nombre de 23 millions. D’autres sources parlent quant à elles de 16 millions.
Si on retient la valeur la plus basse, et sachant que d’après les chiffres des Nations Unies, le pays comptait alors 112 millions d’habitants, cela représentait environ 100 chiens pour 1000 habitants. C’est 8 fois plus qu’en Inde, 3 fois plus qu’en Chine, à peu près autant qu’en Russie, mais autour de 2,5 fois moins qu’aux États-Unis ou au Brésil.
Plus largement, il ressort des statistiques d’une étude intitulée « Pet Ownership in Asia » et publiée en 2021 par Rakuten Insight que les Philippins ont le taux de possession d'animaux de compagnie (chiens, chats…) le plus élevé parmi les pays d'Asie du Sud-Est. En effet, 83% des Philippins interrogés disaient en posséder au moins un.
Les chiens sont toutefois nettement plus populaires auprès d’eux que les chats : 67% des répondants indiquaient posséder au moins un chien, contre 43% pour un chat.
Cela se recoupe d’ailleurs avec les chiffres du Philippine Canine Club Inc., qui en 2016 estimait la population de chats domestiques du pays à un peu moins de 2 millions.
Parmi les 10 pays avec le plus de chiens domestiques, les Philippines sont le seul à n’avoir aucune race reconnue par les institutions de référence au niveau mondial que sont la FCI (Fédération Cynologique Internationale), le Kennel Club (KC) britannique et l’American Kennel Club (AKC).
Il faut dire qu’il n’existe qu’un seul chien originaire des Philippines : le Askal. Toutefois, il ne s’agit pas véritablement d’une race à proprement parler, qui aurait été façonnée par l’Homme et dont les individus correspondraient à des critères précis en termes d’apparence. En effet, le Askal résulte de croisements non contrôlés de chiens domestiques et de chiens errants. Il se caractérise par sa taille moyenne (son poids se situe entre 16 et 29 kg, ce qui souligne qu’une certaine diversité est au rendez-vous), son pelage court de couleur noire, brune ou crème, ainsi que sa queue tenue droite et plutôt longue. Le Askal n’est reconnu par aucun organisme cynologique de référence, pas même celui du pays – le Philippine Canine Club Inc. (PCCI).
Les données de ce dernier montrent que les 10 races ayant fait l’objet du plus grand nombre d’enregistrements auprès de ses services entre 2017 et 2020 étaient (en ordre décroissant) le Husky Sibérien, le Shih Tzu, le Spitz Allemand, le Berger Belge Malinois, le Chow-Chow, le Bouledogue Français, le Berger Allemand, le Beagle, le Carlin et le Chihuahua. Ainsi, les races préférées des Philippins sont pour la plupart originaires d’autres continents, même si le Shih Tzu et le Chow-Chow font exception.
Les chiens de race sont cependant très minoritaires aux Philippines : le PCCI n’enregistre qu’environ 100.000 individus par an, ce qui est très faible au regard de la population canine domestique du pays, estimée à au moins 12 millions.
Fondé à 1963 et basé à Quezon City, le Philippine Canine Club, Inc. (PCCI) est le seul organisme d'enregistrement accrédité du pays pour l’enregistrement des chiens de race et l’émission de leurs pedigrees – sachant qu’il reconnaît environ 180 races.
En plus de cela, cet organisme à but non lucratif promeut l’activité d’élevage et organise des compétitions de sports canins ainsi que des expositions canines.
Le PCCI est membre de la Fédération Cynologique Internationale (FCI), une organisation de référence dont font partie les institutions équivalentes d’environ une centaine d’autres pays – c’est le cas notamment de ceux de la France, la Belgique et la Suisse. Les pedigrees qu’il délivre sont reconnus par les organismes de tous les pays membres de la FCI (et inversement), ainsi qu’aux États-Unis par l'American Kennel Club (AKC), au Canada par le Club Canin Canadien (CCC) et au Royaume-Uni par le Kennel Club (KC).
Entre 2014 et 2019, environ 75.000 chiens de race ont été enregistrés chaque année en moyenne auprès du PCCI. De sa création à 2021, 1,5 million l’ont été au total.
À l’instar de ce qu’on constate dans de nombreux autres pays, beaucoup de Philippins propriétaires de chiens considèrent leur animal comme un membre à part entière de la famille. Plus précisément, d’après des chiffres publiés en 2021 par le géant agro-alimentaire local Pilmico, environ la moitié d’entre eux sont dans ce cas. Plus de 20% le voient même comme un ami, voire leur meilleur ami.
Par ailleurs, les trois principales raisons qui motivent les Philippins à acquérir un chien sont le souhait de se sentir moins stressé grâce à sa présence, le besoin de compagnie et le besoin de sécurité.
Selon l’étude d’Euromonitor International « Dog Food in the Philippines », le marché des aliments pour chiens aux Philippines est comme dans de nombreux pays dominé par la multinationale américaine Mars, propriétaire entre autres des marques Pedigree et Royal Canin. Les autres principaux acteurs sont le Suisse Nestlé Purina Petcare (qui détient notamment la marque Alpo) et l’Américain Wellness Pet Company (connu en particulier dans le pays pour sa marque Holistic).
D’ailleurs, selon le « 2013 Pet Foods Product Brief » du Département américain de l’Agriculture (US Department of Agriculture), les États-Unis sont le plus grand exportateur d'aliments pour animaux de compagnie vers les Philippines : en 2012, ils représentaient à eux seuls 61% des importations de petfood du pays.
Bien que des entreprises étrangères dominent le marché de l’alimentation canine, plusieurs acteurs locaux occupent une place non négligeable. C’est le cas notamment du conglomérat San Miguel Corporation (SMC), qui développe et vend entre autres une gamme d'aliments secs pour chiens appelée Nutri Chunks. Dans le cadre d'une stratégie de vente digitale omnicanale, SMC propose Nutri Chunks à la vente dans sa boutique en ligne appelée « The Mall ». Un autre conglomérat, Aboitiz Equity Ventures, est aussi un acteur local majeur du secteur, avec ses aliments pour chiens de la marque Maxime. Quant à Century Pacific Food, un grand nom local de l’agro-alimentaire, il est aussi présent dans le domaine du petfood avec sa marque Goodest.
En 2022, d’après des chiffres publiés par Rakuten Insight, environ 30% des propriétaires d’animaux philippins dépensaient plus de 6000 pesos (environ 100 euros) par an pour les besoins et le bien-être de leur animal de compagnie, 25% entre 3600 et 6000 pesos (60 à 100 euros) et près de la moitié entre 1200 et 3600 pesos (20 à 60 euros). Sachant que le salaire annuel moyen dans le pays s’élevait en 2018 à 313.000 pesos (autour de 5200 euros), on en conclut que le montant consacré par les Philippins à leur animal de compagnie représente généralement une part plutôt modeste de leur budget – y compris en comparaison de ce qu’on observe dans d’autres pays.
Selon la Philippines Animal Welfare Society (PAWS), il y a environ 12 millions de chiens errants dans le pays, soit autant que le nombre de chiens de compagnie.
Tant ce nombre élevé que la forte densité de population et les conditions sanitaires dégradées favorisent la propagation de maladies transmissibles du chien à l’Homme (zoonoses), comme la rage. Dans le cas de cette dernière, c’est d’autant plus vrai que même chez les chiens qui appartiennent à un propriétaire, le taux de vaccination antirabique est relativement faible : selon les chiffres du National Rabies Prevention and Control Committee (NRPCC), il était en 2017 inférieur à 70% dans la plupart des régions du pays.
Ainsi, les Philippines figurent ainsi parmi les dix pays du monde avec le plus grand nombre de décès humains dus à la rage (DOH, 2011). En moyenne, celui-ci s’élève à 200 par an, la grande majorité des contaminations étant causée par des morsures de chiens.
Les autorités tentent de lutter contre ce problème – et contre tous les autres que la prolifération des chiens errants implique – à travers des campagnes de stérilisation ainsi que de vaccination des chiens (tant domestiques qu’errants), mais aussi en sensibilisant le grand public. Une étude intitulée « Trends of Canine Rabies Lyssavirus and Impact of the Intensified Rabies Control Program in Davao City : 2006-2017 » et publiée en 2019 dans le Philippine Journal of Science s’est intéressée de près aux cas de rage dans la ville de Davao et aux résultats des différentes politiques menées sur une durée de plus de 10 ans : la vaccination, la stérilisation, la mise en fourrière des animaux suspectés d’être contaminés et l’euthanasie. Elle a conclu que les moyens qui se sont avérés être les plus efficaces étaient la vaccination des chiens (domestiques et errants) ainsi que la mise en fourrière de ceux qui sont en divagation.
Les associations de protection animale apportent également leur pierre à l’édifice. On en compte plus de 300 dans le pays, qui gèrent des refuges et mènent toutes sortes d’actions autour du bien-être des animaux et de la sensibilisation du grand public. Elles œuvrent par exemple pour leur vaccination dans le cadre de la lutte contre la prolifération de certaines zoonoses, ainsi que pour la stérilisation des animaux errants ainsi de réduire leur nombre.
Selon un sondage mené en 2022 par Rakuten Insight auprès de Philippins âgés de plus de 16 ans, 7% des animaux de compagnie du pays (toutes espèces confondues) ont été adoptés auprès d'une association (que celle-ci opère ou non un refuge). Ce n’est pas négligeable, mais cela reste modeste en comparaison des 60% qui l’ont été auprès d’un membre de la famille ou d’un ami. C’est également moins que l’adoption auprès d’un élevage (11%) ou d’une animalerie (11% également).
Dans les années 2010, une chienne nommée Kabang (2008-2021) fit particulièrement parler d'elle aux Philippines, et élevée au rang de célébrité. Née en 2008 dans la ville de Zamboanga et abandonnée quelques mois plus tard, elle fut recueillie par un homme nommé Rudy Bunggal. En 2011, alors que sa fille et la cousine de cette dernière, âgées respectivement de 9 et 3 ans, traversaient la rue et risquaient d’être percutées par une moto, elle se jeta sur cette dernière et leur évita d’être victimes d’un accident de la route. Les enfants et le conducteur s’en sortirent avec des blessures superficielles, mais elle eut un peu moins de chance : elle souffrit d’une blessure importante au niveau du nez et de la mâchoire supérieure, et une partie de son museau fut sectionnée. Néanmoins, elle parvint à s’en sortir, et fut élevée au rang de héros par la presse locale.
Grâce à Internet, Kabang fit parler d’elle jusqu’aux États-Unis, où une collecte fut organisée pour financer une opération de chirurgie afin de réparer son museau. Quelques mois plus tard, grâce à des dons de personnes situées dans près de 50 pays différents, elle fit le trajet jusqu'en Californie en vue d’y être opérée.
La petite chienne n’était toutefois pas au bout de ses peines : lors des examens préalables à l’opération, on lui détecta des vers parasites au cœur et une tumeur cancéreuse. Elle bénéficia alors pendant plusieurs mois d’un traitement afin de soigner cette dernière, qui finit par porter ses fruits. L’opération programmée initialement put avoir lieu à son tour, et s’avéra également être un succès. Bien qu’elle ne retrouvât pas la forme initiale de son museau, elle devint en mesure de s’alimenter plus facilement et son odorat s’améliora.
Kabang finit par décéder d’une mort naturelle en 2021, dix ans après l’acte de bravoure qui l’avait fait connaître. Une statue fut alors érigée en son honneur dans la ville de Zamboanga, d’où elle était originaire et où elle avait vécu.