Interview témoignage : le métier de photographe animalier

Un homme accroupi qui prend en photo un chien sous la neige

De plus en plus de propriétaires d'animaux considérant leur compagnon comme un membre à part entière du foyer, il n'est pas surprenant que photographier son chien soit une chose de plus en plus courante.


Toutefois, même si la technologie permet à tout un chacun d'obtenir des clichés de qualité, rien ne vaut « l'oeil » et « la patte » d'un photographe professionnel - à fortiori s'il est spécialisé sur les animaux, voire sur la gent canine en particulier.


C'est le cas de Roxane Lasseur, qui a répondu à nos questions afin d'en apprendre un peu plus sur ce métier...

Sommaire de l'article

  1. 1. Se lancer comme photographe animalier
  2. 2. Le quotidien d’un photographe animalier
  3. 3. La profession de photographe animalier

Se lancer comme photographe animalier

Bonjour. Pouvez-vous vous présenter ?

Portrait de Roxane Lasseur, assise dans l'herbe entourée de deux chiens

Bonjour ! Je m’appelle Roxane Lasseur et vis à Montpellier, dans le sud de la France. Depuis 2022, j’exerce les activités d’éducatrice canine comportementaliste et de photographe de chiens. Mon entreprise a pour nom Pink Dog

 

Contrairement à beaucoup de mes homologues, je n’ai malheureusement jamais pu avoir de chien dans mon enfance. Toutefois, j’ai fini par y remédier également en 2022, en adoptant un Shiba Inu que j’ai appelé Taki (« cascade », en japonais). La famille s’est même agrandie dès l’année suivante, avec un Chihuahua rebaptisé Toshi.

Pourquoi avez-vous choisi de devenir photographe animalier ?

Roxane Lasseur assise dans des herbes hautes et en train de prendre une photo

Parce que j’ai un chien magnifique !

 

Plus sérieusement, beaucoup de personnes qui se lancent dans ce métier ont toujours fait de la photographie ; elles ont en quelque sorte grandi avec un appareil photo dans les mains.

 

Ce parcours n’est pas le mien : j’ai vraiment découvert la photographie professionnelle en 2022, lorsque j’ai eu mon premier chien, que je trouvais magnifique. Je prenais vraiment beaucoup de plaisir à le prendre en photo, et je me suis dit qu’il serait pertinent d’apprendre la photographie professionnelle pour être moi-même capable de réaliser des clichés faisant ressortir au mieux son caractère et sa personnalité, plutôt que de solliciter quelqu’un pour cela.

 

Ce fut d’autant plus naturel que je suis très autodidacte : j’aime se dépasser et me confronter à de nouveaux challenges. J’ai donc lu et écouté énormément de choses pour apprendre les bases théoriques de la photo, et mon chien est devenu mon meilleur modèle.

Quel parcours avez-vous suivi pour y parvenir ?

Une femme en train de travailler sur un ordinateur portable

Je suis autodidacte, et n’ai pas suivi de formation délivrée par un organisme. Je me suis contentée de suivre les multiples conseils qu’on trouve sur internet pour améliorer ses photographies, voire parfois plus précisément pour améliorer ses photos de chiens : ces derniers constituent un sujet un peu particulier, qui nécessite des connaissances spécifiques. Énormément de professionnels partagent gratuitement de précieux conseils, et j’en profite d’ailleurs pour les remercier.

 

Quoi qu’il en soit, il y a comme pour toute chose une partie théorique inévitable, et après, on pratique. Normalement, on a déjà initialement une idée de ce qu’on veut faire, mais en pratiquant, on se crée progressivement une identité et un style.

Est-il compliqué de se lancer et de se faire une place ?

Une capture d'écran du site internet de Pink Dog

Sur le plan administratif, il n’est pas bien compliqué de se lancer. C’est particulièrement vrai si on opte pour le statut de micro-entreprise : il ne faut alors guère plus d’une dizaine de minutes pour s’enregistrer, et à peu près autant chaque mois pour effectuer ses déclarations mensuelles. On pourrait difficilement imaginer plus simple.

 

En revanche, se faire une place est beaucoup plus difficile, car la concurrence est intense :

 

  • d’une part, celle des photographes professionnels qui auparavant ne faisaient pas de portraits d’animaux (se spécialisant par exemple plutôt sur la couverture de mariages) mais se mettent à proposer ce genre de prestations, voyant que le marché se développe ;

  • d’autre part, celle des professionnels spécialisés dans la photo de chiens. Certes, nous sommes peu nombreux dans l’absolu, mais ça reste un secteur de niche (quel jeu de mot !) : même dans une grande ville, il peut suffire qu’il n’y en ait que trois ou quatre pour que le marché soit déjà saturé. 

 

J’estime toutefois que ma connaissance des chiens est un atout en comparaison de photographes qui viennent d’autres domaines et décident un jour de se lancer dans la photographie canine – voire plus largement la photographie animalière.

 

Au demeurant, c’est un métier où il est possible de sortir du lot par son matériel, sa technique, sa vision artistique... Certains professionnels atteignent ainsi une certaine notoriété, au point d’ailleurs que les propriétaires d’animaux sont parfois prêts à faire un long trajet pour une séance avec eux - plutôt que d’opter pour un autre prestataire situé à proximité. En outre, bénéficier d’une forte réputation permet aussi bien sûr de faire monter les tarifs…     

Quels sont les coûts pour se lancer ?

Un appareil photo professionnel et plusieurs objectifs posés ensemble sur une table

Cela dépend de ce que l’on fait exactement.

 

Par exemple, on trouve des appareils photo corrects autour de 300 euros, mais un modèle haut de gamme a tôt fait de coûter dix fois plus : le budget à prévoir à ce niveau est donc très variable. En tout état de cause, il faut définir si on préfère un bridge, un reflex ou un hybride. En ce qui me concerne, j’ai opté pour un hybride de chez Sony : sachant combien les reflex ont le vent en poupe depuis les années 2010, c’est plutôt un choix à contre-courant, mais je suis très contente des possibilités qu’il offre.

 

Bien sûr, on peut faire de magnifiques photos avec un iPhone, mais est-ce qu’on peut pour autant les vendre ? Plus largement, le matériel choisi a un impact sur les prix pratiqués : par exemple, on ne peut pas à mon sens facturer 200 euros un cliché réalisé avec un appareil photo qui vaut le même prix. Il peut donc éventuellement être pertinent d’attendre pour se lancer d’avoir pu économiser suffisamment pour être en mesure d'acheter un appareil offrant plus de possibilités.

 

Une autre option judicieuse est d’opter pour de l’occasion. J’ai moi-même acheté en seconde main mon premier appareil photo ainsi que mes objectifs, et ne peux que recommander d’en faire de même afin de réduire les coûts au moment de se lancer. Par exemple, j’ai pu obtenir un objectif 135 mm à 700 euros au lieu de 1400 euros : sachant qu’il était en excellent état, ce fut une réelle aubaine.

 

Ensuite, tout dépend si vous voulez ou non faire de la photo en studio. Le cas échéant, il faut louer un local approprié ou être en mesure d’en installer un chez soi, puis acheter toutes les lumières, les fonds, etc. Certes, cela permet d’enchaîner les shootings sans avoir à se déplacer, se soucier de la météo, attendre la fameuse golden hour... Mais tout cela a un coût : même si on a la possibilité de le faire à son domicile, il faut alors investir plusieurs centaines d’euros supplémentaires. Dans le cas où on loue un local, le coût initial pour l’aménager peut même atteindre plusieurs milliers d’euros – sans même parler du loyer qu’il faut ensuite verser chaque mois. 

 

Personnellement, je préfère les séances en extérieur. Cela nécessite certes d’improviser davantage, de faire preuve de plus de créativité et de trouver de beaux lieux puis s’y déplacer, mais à mon sens cette manière de procéder donne des résultats naturels et spontanés. En tout cas, c’est clairement celle qui nécessite le moins de matériel et de dépenses pour se lancer : on peut se contenter simplement d’un réflecteur et d’un pare-soleil.

 

Au final, le budget pour se lancer comme photographe canin est donc extrêmement variable en fonction des choix effectués. Toutefois, si on se cantonne à des photos d’extérieur, il se situe généralement entre 500 et 2000 euros. Pour commencer dans de bonnes conditions, je recommande de pouvoir investir au moins un millier d’euros.

 

En tout état de cause, rien n’empêche de débuter modestement, et de dépenser davantage par la suite – notamment en réinvestissant une bonne fraction des revenus générés. C’est le cas en particulier pour ce qui concerne le matériel, ne serait-ce que pour le faire progresser en même temps que les compétences dont on dispose. Le cas échéant, il ne faut pas hésiter à opter là encore pour de la seconde main, tout en revendant de l’autre côté les équipements qu’on n’utilise plus : c’est positif à la fois pour la planète et pour le porte-monnaie.

Est-ce difficile de développer et fidéliser sa clientèle ? Comment gérez-vous la concurrence ?

Deux femmes qui discutent devant une tablette avec un chien entre elles

Lorsqu’on se lance comme photographe, il n’est pas facile au début d’asseoir sa crédibilité – comme d’ailleurs pour tout métier un tant soit peu artistique. On entend souvent des remarques comme « telle personne que je connais a un iPhone, il fait de belles photos ». Il faut pouvoir montrer que ce qu’on propose va au-delà : un book, un site internet, un compte Instagram et/ou des flyers sont pour cela des outils assez indispensables.

 

Bien entendu, c’est encore plus difficile quand on se spécialise uniquement dans la photographie de chiens. De fait, si certains proposent des photographies d’un peu tout, pour ma part ce sont vraiment les chiens qui m’intéressent, et je me cantonne à cet univers. Cela inclut toutefois aussi des portraits de maîtres avec leur compagnon, bien sûr.

 

L’avantage cela dit, c’est qu’on est sur un métier artistique : chaque cliché est unique et chaque professionnel développe sa propre identité, si bien qu’il y a autant de styles de photos que de photographes. C’est un aspect clef pour tirer son épingle du jeu malgré la concurrence : les gens vous choisissent parce qu’ils aiment ce que vous faites.

 

Il n’en reste pas moins idéal d’être basé dans une assez grande ville, afin d’avoir une clientèle potentielle un tant soit peu significative. Dans le cas contraire, il faut être prêt(e) à se déplacer davantage…

Etes-vous facilement parvenue à vous faire une place, et à en vivre correctement ?

Des billets et des pièces en euros

Personnellement, je ne vis pas de la photographie de chiens : c’est une activité secondaire en parallèle de mon métier d’éducatrice canine comportementaliste et de pet-sitter.

 

D’une manière générale, je dirais qu’il ne faut pas espérer en vivre les deux premières années. Comme pour l’immense majorité des petites entreprises, un certain temps est nécessaire pour que l’activité se développe. Par conséquent, je ne peux que recommander de proposer également d’autres types de prestations, voire de conserver un emploi en parallèle (quitte à ce que ce soit seulement à mi-temps) en attendant que les revenus générés deviennent significatifs.

 

Le moment où on se lance peut également avoir une influence. En effet, dans une période de crise ou d’instabilité économique, davantage de clients potentiels donnent la priorité à d’autres choses qu’à payer un professionnel pour faire des photos de leur chien.

 

Au demeurant, même pour un photographe animalier déjà bien établi, l’activité est assez irrégulière. Le chiffre d’affaires peut varier du simple au double (voire davantage) d’un mois à l’autre, avec en particulier un pic de demandes au printemps ou lors des fêtes de Noël. 

 

De fait, c’est clairement un métier à recommander quand on est passionné(e), mais pas quand on cherche la stabilité.

Que pensez-vous des plates-formes mettant en relation des photographes et des clients potentiels ?

Une capture d'écran du compte Instagram de Pink Dog

D’un côté, j’ai tendance à penser que tous les moyens sont bons pour se lancer. De l’autre, j’ai l’impression que le grand public n’est généralement pas au courant que ce genre de plates-formes existe.

 

D’ailleurs, je ne suis moi-même pas présente dessus, car je les trouve trop impersonnelles voire compliquées d’utilisation pour mes clients - qui de toute façon sont sur les réseaux sociaux.

 

Il faut dire que ces derniers sont au contraire des plates-formes que tout le monde connaît. À mon sens, avoir un compte Instagram sur lequel on partage son travail est donc la base. D’ailleurs, beaucoup de clients m’ont trouvé grâce à Instagram ou Facebook. Les réseaux sociaux sont donc un excellent moyen non seulement de se lancer, mais aussi par la suite de continuer à se faire connaître et développer son activité.

Le quotidien d’un photographe animalier

Votre niveau d’activité est-il variable au cours de l’année ?

Une personne qui écrit sur son calendrier

Oui, mon activité est très fluctuante d’un mois à l’autre. Il y a des pics lors de certains évènements (Noël, Halloween…), mais j’ai globalement plus de demandes au printemps que le reste de l’année.

 

Peut-être est-ce parce que la nature est en fleurs, et que les propriétaires tendent à penser qu’elle constitue alors un cadre idéal pour de belles photos de leur compagnon ? 

 

Quoi qu’il en soit, j’essaye de m’adapter aux conditions du moment, partant du principe que chaque saison présente des aspects stimulants. Le printemps est certes une valeur sûre notamment du fait des fleurs, mais j’adore aussi l’automne : faire des photos dans les feuilles mortes est toujours visuellement intéressant, d’autant que les couleurs sont sublimes.

 

L’hiver quant à lui peut permettre de réaliser de beaux clichés dans un cadre enneigé – même si je ne l’ai pas encore expérimenté, du fait que je vis dans le sud.

 

Il faut avouer toutefois que le cœur de l’été est une période difficile : l’herbe est sèche, il fait trop chaud, et les demandes sont peu nombreuses vu que beaucoup de gens sont en vacances.

L’activité repose-t-elle beaucoup sur des clients réguliers, ou bien surtout sur des missions uniques ?

Une femme souriante qui tient dans ses bras un Cocker

En ce qui me concerne, il s’agit principalement de missions uniques. 

 

Toutefois, il peut m’arriver de faire un shooting avec un chiot puis que le client revienne vers moi une fois celui-ci devenu adulte. Voir l’évolution de l’animal est alors émouvant, et c’est clairement quelque chose que j’apprécie dans ce métier.

 

Un moyen intéressant d’avoir des clients fidèles et une certaine récurrence est de travailler avec des éleveurs. En effet, il est relativement courant que ces derniers fassent appel à un photographe professionnel pour obtenir des clichés mettant en valeur leurs reproducteurs ainsi que les chiots de leurs portées successives.

Comment vos clients vous trouvent-ils ?

Une capture d'écran de la page Facebook Pink Dog

En réalité, c’est souvent moi qui les trouve : il m’arrive fréquemment d’aborder des gens dans la rue qui ont un chien et de leur proposer des photos. Cela marche particulièrement bien avec les trentenaires, qui sont souvent gaga de leur animal – je suis moi-même bien placée pour le savoir !

 

J’ai aussi organisé pour me faire connaître des sessions photos gratuites dans ma ville. Pour cela, j’ai annoncé le lieu et l’heure sur mes réseaux sociaux, et les gens étaient invités à venir avec leur chien pour se faire photographier. Ils ont tous reçu par mail quelques jours plus tard une belle photo de leur animal, et ont été manifestement conquis. Ce genre d’action me permet d’étoffer mon book, et parfois de gagner des clients.

 

Les réseaux sociaux sont d’ailleurs mon principal canal de communication et de recrutement de nouveaux clients. Ils me permettent notamment de communiquer avec ma communauté et de faire des vidéos sur les coulisses des shootings, ou encore de publier des comparaisons avant / après retouches.

 

Enfin, des gens me trouvent également via Chien.com, étant donné que j’y suis référencée dans l’annuaire des photographes animaliers.

Les demandes sont-elles souvent les mêmes ? Quelles sont les situations dans lesquelles on vous sollicite ?

Un homme âgé qui tient son chien dans les bras sur un pont en bois

Le dénominateur commun de tous mes clients — et plus largement des propriétaires qui font appel à un photographe professionnel — est qu’ils accordent une grande valeur à leur chien. Ce sont des personnes qui aiment leur compagnon, en prennent généralement très grand soin, le considèrent comme un membre de la famille et ont envie de conserver un souvenir de lui à un moment important de sa vie.

 

Les trois cas de figure les plus courants sont :

  • les propriétaires d’un chiot qui souhaitent garder de beaux souvenirs de cette période de la vie de leur compagnon, avant qu’il ne devienne adulte ;
  • des gens qui ont un chien âgé et veulent disposer de belles photos de lui, en prévision du jour où il ne sera plus là ;
  • les maîtres d’un chien sportif dans la force de l’âge, qui souhaitent de belles photos de lui en pleine action - par exemple en train de courir ou de sauter.

Il arrive aussi que la séance photo soit un cadeau que des personnes font à un proche, par exemple à l’occasion de son anniversaire - c’est d’ailleurs une idée originale et qui généralement plaît beaucoup, donc je ne peux que la recommander !

 

Quel que soit le cas, on me donne le plus souvent carte blanche, et je n’ai aucun problème à improviser en fonction du chien et de l’environnement dans lequel nous nous trouvons.

 

En revanche, certains propriétaires ont des idées plus ou moins précises de mise en scène lorsqu’ils arrivent au rendez-vous – voire m’en font part avant. Les demandes les plus courantes sont des photos de leur chien au soleil couchant, des photos où ils le tiennent dans les bras de manière complice, ainsi que des photos où il court vers eux.

 

Dans tous les cas, quel que soit l’âge de l’animal, la photographie permet d’en conserver un souvenir à une période donnée, et c’est ce que mes clients recherchent. La vie d’un chien est terriblement courte, mais j’aime cette idée de l’immortaliser à travers un cliché.

Vos clients sont-ils essentiellement des particuliers ?

Une femme assise dans l’herbe avec son chien entre ses jambes

J’aimerais bien par exemple que mes photos servent à illustrer des calendriers de races : c’est toujours une fierté de voir son travail imprimé. Toutefois, dans les faits, je n’ai pas encore assez d’expérience et de notoriété pour faire des photos destinées à un usage professionnel - par exemple pour des calendriers, des publicités ou ce genre de choses. J’apprécierais néanmoins beaucoup d’avoir de telles opportunités d’ici quelques années. 

 

En attendant, je reste donc cantonnée principalement à des photos de chiens (éventuellement avec leur maître) pour des particuliers. Le fait d'opter pour l'extérieur me permet d'ailleurs de pratiquer des tarifs assez bas.

 

Faire des shootings en studio, c’est presque un autre métier, et ce n’est pas ce qui m’attire pour l’instant. Cela dit, j’ai déjà eu l’occasion de le faire pour une cliente qui opère un élevage de Bichons Maltais, et ai adoré l’expérience !

Pourquoi engager un photographe professionnel, alors que faire des photos de qualité est devenu très accessible ?

Un Cavalier King Charles qui tire la langue en levant la tête vers le haut, avec un coucher du soleil en arrière-plan

Il est vrai que la photo de qualité est plus accessible qu’elle ne l’a jamais été. D’ailleurs, je possède moi-même un smartphone qui réalise d’excellentes photos, et c’est ce qui m’a donné envie d’aller plus loin. En effet, un téléphone n’offre pas le même rendu ni les mêmes possibilités (en termes de réglages, de profondeur de champ, d’attention aux détails…) qu’un appareil professionnel.

 

Par ailleurs, que l’on utilise un smartphone ou un appareil photo, si l’on n’a pas l’œil du photographe, des idées pour mettre les choses en scène et faire poser l’animal, ou si on ne sait pas retoucher ses clichés, on est vite limité. Ces compétences constituent la valeur ajoutée d’un professionnel, car elles lui permettent d’obtenir des photos de qualité supérieure, avec une véritable dimension esthétique.

 

J’ai moi-même sur mon téléphone des centaines de photos de mes chiens prises sur le moment, mais quand je pars en shooting, c’est une toute autre histoire : l’objectif est alors d’obtenir des clichés qu’on a envie d’encadrer. Cela suppose notamment de réfléchir au lieu, à la lumière naturelle, à la pose… mais aussi d’improviser.

 

Et pourtant, je suis encore loin de maîtriser tous les aspects précédemment cités : ils demandent beaucoup de compétences.

 

Enfin, dans mon cas, j’ai l’avantage d’être également comportementaliste canine, c’est-à-dire que je possède une expertise sur le comportement des chiens. Cela me permet d’éviter de mettre un animal mal à l’aise au cours d’une séance. J’avoue d’ailleurs être toujours vraiment très triste quand je vois des homologues qui pensent avoir fait de belles photos de personnes avec leur animal, alors qu’en réalité ce dernier montre beaucoup de signes d’anxiété, ne passe manifestement pas un bon moment, voire pose sous la contrainte.

 

Je refuse d’ailleurs totalement le recours à un collier étrangleur ou électrique, et plus généralement la moindre forme de contrainte sur le chien. Cela dit, il est extrêmement rare que le problème se pose : les personnes prêtes à recourir aux services d’un professionnel pour photographier leur compagnon sont généralement en accord avec les valeurs de bienveillance vis-à-vis des animaux.

Vous demande-t-on généralement de photographier le chien seul, ou bien avec des personnes ?

Un chien assis qui donne la patte à sa maîtresse accroupie devant lui

Le plus souvent, les gens souhaitent un mix : à la fois des photos qui représentent exclusivement leur compagnon, mais aussi d’autres où ils apparaissent à ses côtés, afin d’obtenir des clichés qui leur rappellent la relation et la complicité qui les unissent.

 

Quoi qu’il en soit, certains clients ont une idée assez précise de ce qu’ils veulent. Il arrive ainsi qu’ils souhaitent des photos de leur chien aussi naturelles que possible, par exemple le représentant en train de gambader. Ceux qui sont allés assez loin dans l’éducation de leur compagnon désirent parfois des poses sophistiquées : par exemple, le chien en train de poser sa tête sur un arbre, de faire le beau, etc. Je n’y vois pas forcément un inconvénient, au contraire : cela peut être très intéressant et beaucoup moins fatigant pour moi.

 

En revanche, certains clients sont timides et n’osent pas formuler des propositions de poses ou de mises en scène, quand bien même potentiellement ils ont quelque chose en tête. Je guide alors la séance en fonction de la personnalité du chien, et cela s’avère généralement très amusant.

 

En tout cas, la présence du maître sur la photo change tout pour le photographe, surtout dans le cas de personnes très mal à l’aise devant l’objectif. C’est alors qu’entre en jeu le côté psychologique du métier : pour obtenir un résultat de qualité, il faut être capable de rassurer le client, de le mettre en confiance et de le mettre en valeur. Ma méthode consiste à le faire rire, afin d‘obtenir un sourire naturel.

 

En tout cas, je n’aime pas en général quand les gens posent. J’essaie donc de les photographier dans des situations naturelles, des moments simples qui montrent la complicité dans leur relation avec leur animal, plutôt que de les mettre exagérément en scène avec ce dernier. Plus je les laisse interagir librement avec lui, plus je parviens à saisir des moments de complicité et de bonheur qui sont photogéniques.

Comment et où se passe une séance ?

Un bébé Pomsky dans un champ de fleurs

J’ai quelques endroits de prédilection à Montpellier, où je propose au client de se retrouver pour la séance. Cela dit, et même si c’est peu courant, il peut arriver qu’il ait lui-même une suggestion de lieu - soit parce qu’il l’apprécie beaucoup, soit parce que celui-ci a pour lui une valeur symbolique. Évidemment, je suis ouverte sur la question.

 

Dans tous les cas, il faut qu’il soit à l’heure, car le soleil ne nous attend pas ! En effet, je fixe généralement les heures des shootings en extérieur en fonction des horaires de lever ou de coucher du soleil : cela permet de réaliser des photos aux moments où les couleurs sont les plus belles. De fait, les meilleures photos sont réalisées en accord avec la lumière : c’est un aspect central du métier de photographe. 

 

Effectuer des repérages en fait aussi partie intégrante. Ainsi, il arrive qu’en me promenant dans la nature ou même en ville, je me dise que tel endroit serait idéal pour un shooting, ou que la manière dont la lumière frappe tel tronc d’arbre à telle heure de la journée est très intéressante.

 

Je peux aussi me rendre à leur domicile pour réaliser des photos « type studio ». Ce peut être utile en particulier pour un chien âgé dont la mobilité est réduite, ou bien si le client a une idée très précise en tête. Toutefois, ce n’est pas la configuration que je préfère, notamment parce que se déplacer chez une personne suppose d’emporter du matériel avec soi, mais aussi qu’elle dispose de l’espace et d’un cadre appropriés pour faire poser ses chiens : c’est souvent le cas dans les élevages, moins en revanche chez les particuliers.

 

Cela dit, si le logement comporte un jardin, ce peut être un bon compromis entre domicile et nature. 

 

Au final, je m’adapte beaucoup aux souhaits du client, même si indéniablement j’ai mes préférences.

Quels sont les inconvénients ou risques d'une séance directement au domicile du client ?

Deux Cavalier King Charles, l’un assis et l’autre allongé, sur une couverture posée sur un canapé

Le plus gros risque lors d’une séance photo directement au domicile du client est de ne pas avoir la lumière idéale. Au contraire, en extérieur, je peux me déplacer librement et me positionner de manière à obtenir la lumière que je souhaite.

 

Quant au chien, il est dans sa zone de confort dès lors que la séance a lieu chez lui. Selon sa personnalité, cela rend les choses plus faciles, ou au contraire plus difficiles. En particulier, s’il est très protecteur de son lieu de vie ou très anxieux, il peut ne pas apprécier ma présence.

 

Cela dit, comme j’ai la chance de connaître la psychologie et le langage corporel des chiens du fait de mon activité de comportementaliste, j’ai pour l’instant toujours su éviter le moindre accident de ce type.

 

En tout état de cause, que ce soit au domicile ou ailleurs, il est essentiel de toujours l’écouter et le respecter. Cela ne vaut pas que dans le cadre de la photographie : c’est vrai en fait pour n’importe quelle interaction avec lui. Chercher à lui imposer quelque chose sous la contrainte a toutes les chances de compliquer les choses pour la suite, voire d’entraîner une vive réaction de sa part – par exemple une morsure.

Combien de temps une séance dure-t-elle ?

Un Boxer avec un collier rouge assis dans des feuilles mortes

Un shooting dure généralement autour d’une heure : c’est le temps qu’il me faut normalement pour obtenir cinq très bonnes photos.

 

Néanmoins, cela peut aller jusqu’à une heure et demie parce que l’on discute beaucoup, ou bien du fait du comportement du chien. En effet, dès lors qu’on travaille avec un animal vivant, il y a forcément une part d’imprévisibilité, et les choses peuvent s’avérer plus complexes – et longues - que prévu.

 

Par exemple, je peux me retrouver face à un chiot plein de fougue et incapable de rester en place – et donc de poser. Fondamentalement, ce n’est pas un problème bloquant : j’arrive toujours à trouver un moyen d’attirer son attention (des jouets, des friandises…), même si ce n’est que brièvement. Je peux aussi recourir à une laisse, qu’il est possible de retirer en post-production.

 

Il arrive aussi qu’un chien ait peur de l’objectif. Dans ce cas, il est nécessaire de prendre d’abord le temps de le désensibiliser afin de pouvoir ensuite avancer dans les meilleures conditions.

 

À l'inverse, avec un chien qui est habitué à poser et respecte à la lettre l’ordre « Pas bouger ! », on peut obtenir facilement et rapidement toutes les photos souhaitées.

Vous arrive-t-il souvent que la durée diffère de celle prévue ?

Un Shiba Inu qui se tient sur ses deux pattes arrière

Chaque photographe est libre d’établir ses tarifs comme il le souhaite, par exemple en fixant une durée pour la séance et/ou un nombre de clichés garantis. Il est courant d’ailleurs que plusieurs formules soient proposées (par exemple, 30 minutes et trois photos fournies ou une heure et cinq photos fournies).

 

Pour ma part, j’ai pris le parti de proposer une seule offre, facturée 60 euros et qui correspond à une séance d’une heure à une heure trente au terme de laquelle je fournis au client cinq photos retouchées de qualité. J’ai toujours réussi à obtenir dans ce délai le nombre souhaité. Si je parviens à en réaliser davantage, j’offre au client la possibilité d’acheter des photos supplémentaires.

 

Cette approche ne convient pas nécessairement à tout le monde, mais c’est l’équilibre que j’ai trouvé.

 

Au demeurant, d’après mon expérience, je pense qu’il faut s’en tenir à une telle durée : aller jusqu’à deux heures (voire plus) risquerait d’être pénible pour le chien - à moins bien sûr de faire une grosse pause au milieu. À partir d’un certain point, cela deviendrait même contre-productif, car il risquerait de s'agacer et de se montrer nettement moins coopératif. Après tout, il ne faut pas oublier que ce n’est ni une peluche ni un professionnel du mannequinat. Il a besoin de se détendre, de jouer, de renifler, etc. D’ailleurs, même une heure trente est déjà trop pour certains…

Avez-vous parfois des demandes loufoques ?

Un Cavalier King Charles assis qui essaye d'attraper un jouet en forme de donut

J’ai démarré comme photographe il y a seulement deux ans, et n’ai pas encore eu de demande vraiment loufoque.

 

En revanche, il arrive souvent que les gens me demandent de les photographier alors que leur chien est en train de les embrasser sur la bouche. Ce n’est pas ce que je préfère, mais je le fais néanmoins afin qu’ils soient satisfaits. Et bien sûr, je trouve toujours un moyen pour que cela ait l’air naturel – par exemple en ayant recours à cet allié précieux que sont les friandises.

 

Par ailleurs, des clients me demandent parfois si leur chien peut réaliser telle ou telle pose ou acrobatie. Ce genre de choses ne dépend pas du photographe, mais plutôt du chien lui-même. Je veux bien être un peu magicienne, mais j’ai mes limites…

Comment faites-vous pour rendre le chien coopératif ?

Deux Bichons avec un bandana rouge autour du cou au milieu de fleurs blanches

Je ne dirais pas que je « rends le chien coopératif ». En effet, lors d’une séance photo, c’est à moi de m’adapter à son tempérament. Le fait d’être également éducatrice comportementaliste simplifie toutefois énormément les choses. S’il est timide, s’il n’a pas envie de faire quelque chose ou s’il est frustré, je suis capable de m’en rendre compte et de gérer la situation, même si cela peut prendre du temps. Quoi qu’il en soit, je ne fais rien qui nuirait à son bien-être.

 

Par exemple, cette année, j’ai eu l’occasion de photographier deux petits Bichons Frisés qui se sont avérés être très stressés par l’appareil photo. Heureusement, j’avais senti le problème venir compte tenu de la race et de certaines indications données par les clientes (le fameux syndrome du petit chien). Je leur ai donc demandé d’arriver en avance pour qu’avant d’entamer le shooting ils puissent s’habituer à ce nouvel environnement ainsi qu’à cette personne qu’ils ne connaissaient pas encore. Je suis ainsi parvenu à obtenir des photos assez naturelles, sur lesquelles ils n’ont quasiment pas l’air stressés, alors qu’en réalité ils l’étaient un peu - et c’est normal !

 

De toutes les manières, l’astuce la plus importante est de prévoir de la nourriture : cela aide beaucoup, car elle est un excellent moyen de créer des relations avec un chien.

Sollicitez-vous généralement l’aide du maître ?

Une femme qui essaye d'attirer l'attention de son chien pour le prendre en photo

Dans l’idée, les maîtres ont toujours un rôle à jouer.

 

D’ailleurs, je leur demande toujours d’apporter les friandises et les jouets préférés de leur chien.

 

Certains sont très investis et ont plein d’idées : « On pourrait faire ça et ça ! », « Si je me mets là, peut-on faire cela ? », etc. Dans ce cas, nous passons un excellent moment de complicité au cours duquel nous parlons et rigolons beaucoup.

 

Toutefois, le plus souvent, ils ne savent pas quoi faire, je les trouve un petit peu désemparés. Je n’hésite alors pas à leur donner des idées afin de les associer à la séance : par exemple, faire des petits bruits avec la bouche pour que leur chien les regarde, tenir la laisse en l’air pour faciliter son retrait en post-production... Je peux aussi leur demander de donner une friandise à leur compagnon chaque fois que j’appuie sur le déclencheur, afin que le bruit soit associé à quelque chose de positif.

 

Une autre manière intéressante de les faire participer est de leur demander de m’aider à mettre leur animal dans différentes situations : au milieu des coquelicots, derrière un arbre, sur un tronc, etc. Ils sont quasiment toujours partants, et c’est souvent très amusant. Je leur demande alors par exemple d’attirer son attention, de placer sa laisse d’une certaine manière ou encore de le rassurer : c’est un vrai travail collaboratif.

L’âge du chien joue-t-il un rôle déterminant ?

Un bébé Golden Retriever qui saute dans l'herbe

À mon sens, on peut organiser une séance photo avec un chien quel que soit son âge, qu'il ait à peine trois semaines ou qu'il soit âgé de 14 ans. Néanmoins, on ne peut bien sûr pas lui demander la même chose selon son âge.

 

Ainsi, les choses sont plus difficiles avec un chiot, car il est en pleine période de découverte de son environnement (a fortiori entre 2 et 4 mois, c’est-à-dire au cœur de sa phase de socialisation). Cependant, cela contribue aussi parfois à créer de beaux souvenirs. Je me souviens par exemple d’une superbe expérience avec une Golden Retriever âgée de trois mois : elle courait partout, était curieuse de tout, et avait des poses adorables de chiot.

 

Au demeurant, un chien adulte peut également être très dynamique, sauter partout et être incapable de se poser : c’est alors tout aussi difficile pour moi, au point qu’il m’arrive souvent de devoir courir et rouler au sol !

 

Un chien âgé est moins mobile, et donc plus facile à photographier : c’est le cas de figure le moins complexe.

En dehors de l’âge, d’autres facteurs jouent-ils un rôle important ?

Un minuscule chiot installé sur le dos d'un Saint-Bernard allongé dans l'herbe

On n’y pense pas forcément, mais la taille joue un rôle important. En effet, on ne prend pas un chien en photo vu d’en haut, mais à sa hauteur. Les choses peuvent donc être difficiles, en particulier avec un très petit chien : ayant moi-même un Chihuahua, je ne le sais que trop, et suis d’ailleurs frappée de voir combien tout paraît géant et effrayant quand on est à 20 centimètres du sol. En tout cas, je suis souvent amenée à me rouler dans la boue pour me mettre à la hauteur de mon sujet, afin d’obtenir des clichés de qualité…

 

Son tempérament a également une influence. En particulier, s’il est peureux, cela ajoute quelques difficultés – ou au moins de l’inconfort – et nécessite de redoubler de patience. Néanmoins, cela ne me dérange pas outre mesure : ça fait partie du métier.

 

Par ailleurs, on pourrait penser que la capacité d’un chien à rester immobile quand on le lui demande (par exemple via l’ordre « Pas bouger ») est déterminante dans le cadre d’une séance photo – d’autant qu’il peut être intimidant pour lui de rester statique devant un appareil photo. En réalité, je pense que ce n’est pas si vrai : si l'on cherche trop à contrôler ses faits et gestes, on risque de lui faire passer un mauvais moment, et aussi éventuellement d’en faire passer un mauvais à son maître. Pour ma part, j’aime autant qu’il soit détendu et espiègle, car mon objectif est de le montrer tel qu’il est (c’est-à-dire un être vivant), de faire ressortir sa personnalité et son comportement. Même s’il est très bien éduqué et capable de rester assis sans bouger face à l’appareil photo pendant 15 minutes, ce n’est pas forcément le plus intéressant pour obtenir des photos naturelles. Cela dit, c’est aussi une question de choix artistique : certains photographes préfèrent des photos très posées.

Est-ce que cela joue beaucoup si le chien est habitué aux séances photo ?

Un Berger Australien assis dans un studio photo

Oui, cela peut indéniablement simplifier les choses. Néanmoins, pour ma part, je ne fais pas de séances en studio photo et privilégie les clichés spontanés dans la nature. Par conséquent, le fait que le chien soit habitué ou non à poser n’a que peu d’importance pour moi.

 

Je dirais même que faire de la photo pour un client professionnel avec un chien hyper habitué à cela est une facette différente du métier. En effet, cela nécessite généralement de respecter diverses contraintes concernant par exemple les poses à faire adopter, les couleurs à utiliser, les retouches à effectuer, etc.

Pourquoi vous cantonnez-vous aux photos de chiens ?

Un chat allongé face à une femme qui le prend en photo dans un salon

Oui, je fais le choix de photographier uniquement des chiens car je ne suis pas spécialiste des chats et de leur comportement ; j’avoue même que ce sont des animaux qui me mettent encore un petit peu dans l’inconfort.

 

Il faut dire que leur comportement est susceptible de varier énormément d’un individu à l’autre, et de rendre une séance photo particulièrement complexe : on peut tomber sur un chat très calme voire complètement endormi, dont il est très difficile d’obtenir l’attention, ou au contraire sur un individu terrifié face à toute personne inconnue, et qui ne pense alors qu’à fuir.

 

Plus largement, bien photographier des chats requiert une connaissance de cette espèce que je n’ai pas.

 

Au demeurant, je privilégie largement les séances au dehors. Or, c’est évidemment moins évident avec un chat qu’avec un chien – a fortiori s’il vit exclusivement en intérieur. Dans le cas d’un shooting en intérieur, il est nécessaire d’apporter divers éléments, notamment pour s’assurer de pouvoir configurer la lumière et disposer d’un fond uni. Un chien a peu de chances de poser ce problème : en dehors du cas très particulier où il n'est plus en mesure de se déplacer, on peut toujours l’emmener pour faire des photos en extérieur.

  

Cela dit, il pourrait m’arriver à l'avenir de photographier d’autres espèces : je ne suis pas complètement fermée pas à cette idée. D’ailleurs, on m'a déjà demandé de prendre en photo une tortue, alors pourquoi pas ?

Avez-vous déjà fait des séances avec d'autres espèces en plus d’un chien ?

Un chien allongé entre deux chats sur le sol d'un salon

Oui, cela m'est arrivé lors d'une séance photo où je me suis déplacée chez une personne qui avait un petit chien, des chats et une tortue. Elle souhaitait que je fasse des photos où ils soient tous ensemble, mais le fait que chaque animal va à son propre rythme pour accorder sa confiance à une personne nouvelle complique indéniablement les choses. En tout cas, dès lors qu’on mêle différents types d’animaux, les faire poser tous ensemble est possible mais loin d’être aisé : les choses peuvent vite tourner au chaos. Mieux vaut alors bien connaître le comportement des différentes espèces, et être rapide pour déclencher !

 

Il m’arrive également de faire des séances avec plusieurs chiens ensemble. Là aussi, c’est indéniablement plus compliqué que lorsqu’il n’y en a qu’un seul.

 

Cela dit, dès lors qu’on souhaite une photo regroupant plusieurs animaux (qu’ils soient de la même espèce ou d’espèces différentes), il existe l’option de les prendre en photo séparément et de réaliser un collage en post-production. Cela simplifie considérablement la prise de vue, mais implique en revanche un temps de traitement beaucoup plus long devant l'ordinateur.

Quels sont les plus grands défis dans ce métier ?

Une photographe montre à une femme les photos prises avec son appareil photo

Les défis ne manquent pas : trouver des clients, éviter tout souci matériel, s’accommoder de la météo (qui n’est pas toujours clémente), parfois gérer la pression du client…

 

Cela dit, la plus grosse pression, c’est celle qu’on se met à soi-même par crainte que ce dernier ne soit pas satisfait du résultat. 

 

Le manque de bienveillance de certaines personnes peut aussi être difficile à gérer – en particulier sur les réseaux sociaux, où l'excès et l'impulsivité sont fréquents, a fortiori quand les gens se cachent derrière des pseudonymes.  

Comment se passe généralement la relation avec les clients ?

Une personne qui tient un chiot Boxer dans ses bras

Quand on travaille avec des humains, il est crucial de prendre en compte l’aspect psychologique et de s’adapter aux gens qu’on a en face de soi.

 

En tout cas, j’ai l’impression que les clients hésitent moins à donner des conseils dans le cadre de mon activité d’éducatrice et comportementaliste canine que dans celle de photographe.

 

Le client peut avoir une idée très précise des clichés qu’il souhaite, et il est important de se rapprocher de cette vision lorsque c’est possible. Quand ce n’est pas le cas, il faut savoir expliquer avec bienveillance pourquoi certaines choses ne sont pas réalisables.

 

Par exemple, il arrive qu’il demande des photos en noir et blanc, alors que pour ma part je préfère utiliser les couleurs naturelles. Je propose alors souvent de fournir un premier rendu en couleur puis une version en noir et blanc, pour montrer que les couleurs apportent une dimension supplémentaire. Souvent, il réalise alors que la version en couleur était en fait la meilleure option.

 

Il arrive aussi que le client tente de « prendre le contrôle » de la séance photo par exemple en m’indiquant comment se placer, quel serait le meilleur profil de leur chien, etc. Dans ces cas, il est important de lui montrer les photos qu’on est en train de prendre, afin de le rassurer sur le fait que même si le résultat n’est pas exactement ce qu’il avait en tête, il sera sûrement très beau. Parfois, il reste dubitatif sur le moment, mais finit par être comblé à la réception des photos.

 

En tout état de cause, il est important de souligner qu’un photographe est un artiste, et qu’à ce titre il a sa manière à lui de composer et de retoucher les images. Il est donc essentiel de choisir un photographe en fonction de son style et de ses compétences.

 

Par exemple, il est parfois difficile de faire comprendre au client qu'il ne doit pas appliquer de filtre sur mes photos (ni d’ailleurs d’effectuer une quelconque autre modification dessus), car elles ont été prises puis retouchées par mes soins pour refléter une certaine vision qui m’est propre. En effet, elles ne rendraient alors tout simplement plus compte de mon travail. Par exemple, appliquer un filtre noir et blanc sur une photo initialement conçue en couleurs peut rendre le résultat peu attrayant et non représentatif du travail fourni. S'il vous plaît, respectez notre vision !

 

Enfin, certains maîtres sont insuffisamment informés sur la psychologie des chiens, et cela risque fort d’avoir un impact sur les interactions avec eux. Par exemple, on voit fréquemment des photos de personnes serrant leur petit chien dans les bras en le serrant, alors qu’un minimum de connaissance du langage corporel canin permet de constater que celui-ci n’est pas à l’aise et désire fuir. Quand on se retrouve dans une telle situation, il faut pouvoir proposer une autre pose au client sans générer de conflit, afin d’éviter de capturer un chien qui semble mignon mais est en réalité très angoissé.

Vous arrive-t-il de refuser des demandes ?

Un homme serrant le poing face à un chien blanc

Non, je n’ai encore jamais refusé de demande. J’aime bien m’adapter : à mon sens, cela fait partie du métier.

 

Au demeurant, il faut se méfier des jugements prématurés : il arrive que l’image que renvoie un client lors des échanges précédant la séance (qui se font généralement à distance) s’avère très différente de la manière dont il se comporte au final au cours de cette dernière. J’ai parfois des très bonnes ou au contraire des très mauvaises surprises... 

 

Cela dit, il existe indéniablement des critères qui pourraient me pousser à décliner une demande, voire mettre fin à un shooting en cours : ils sont principalement d’ordre éthique. En particulier, je refuse catégoriquement de travailler avec une personne qui agit de manière coercitive envers son animal – par exemple pour le forcer à se coucher au sol s’il n’obéit pas. Malheureusement, ces pratiques sont plus courantes qu'on ne le pense. 

 

Afin d’éviter tout problème, il est important de bien préciser toutes ces choses dans les conditions générales de vente. Inversement, en tant que client, il est utile de bien lire ces dernières avant de s’engager avec un professionnel quel qu’il soit.

Vous arrive-t-il d’échouer ?

Un Cavalier King Charles qui court à l'extérieur avec une balle dans sa gueule

Je ne dirais pas qu'il s'agit d'échecs à proprement parler, mais il m'arrive de ne pas obtenir les photos que j’espérais réaliser.

 

Il faut dire qu’étant donné que mes shootings se déroulent le plus souvent en extérieur, nous sommes alors soumis aux aléas météorologiques ainsi qu'à toutes sortes d’imprévus. Cela dit, s’il faut reporter la séance à cause d’un problème de ce type, on ne peut pas forcément parler d’échec.

 

En revanche, il arrive que je reparte avec l’impression d’avoir échoué, c’est-à-dire que mes photos sont ratées ou du moins bien en-dessous de ce que j’espérais, pour au final me rendre compte en les ouvrant sur l’ordinateur qu’elles sont en fait plutôt réussies et conviennent parfaitement. Il faut dire que je suis assez exigeante envers moi-même.

 

Il est vrai néanmoins que parfois j’ai une idée précise en tête et que le résultat final ne correspond pas, que ce soit du fait de mauvais réglages ou d’un problème avec le lieu : floraison terminée, fréquentation trop importante, multiples sources de distraction pour le chien… Cela peut évidemment être frustrant, mais j’essaie d’en tirer du positif en prenant le temps d’analyser ce qui n’a pas fonctionné, afin d’éviter de me retrouver de nouveau dans une même situation.

 

Quoi qu’il en soit, même si je ne suis pas entièrement satisfaite de certaines photos, je les retouche et les envoie à mes clients, puis prends en compte leurs éventuels retours. En tout état de cause, je n'ai jamais eu jusqu’à présent de plaintes sérieuses quant aux clichés transmis.

 

Cela dit, si un jour il arrivait que le client ne soit vraiment pas satisfait, je pourrais lui proposer un arrangement consistant à organiser une nouvelle séance facturée à moitié prix.

 

Et dans le cas où moi-même je ne serais vraiment pas satisfaite du résultat, je suis prête à la refaire gratuitement afin de garantir la satisfaction du client. Ce cas de figure ne s’est toutefois encore jamais présenté.

Avez-vous déjà eu des frayeurs ?

Un Berger Allemand agressif prêt à attaquer

Sachant que je ne photographie pas des crocodiles et des rhinocéros, je n’ai pas eu de frayeurs majeures jusqu’à présent !

 

Plus sérieusement, je n’ai encore jamais eu le cas de clients possédant un chien à risque, c’est-à-dire souffrant de lourds troubles comportementaux qui le rendent dangereux pour les tiers (voire aussi pour ses propres maîtres). 

 

De toute façon, l’avantage d’être également éducatrice et comportementaliste canine, c’est que travailler avec un chien agressif envers les humains et/ou ses congénères est une chose à laquelle je suis habitué. Lorsque j’interviens comme photographe, je m'assure donc de respecter également certaines mesures de sécurité pour prévenir tout incident.

 

En particulier, avec un chien « réactif », une technique utile est de travailler avec une focale longue. Cela permet de le prendre en photo depuis une certaine distance, et donc de rester en dehors de sa zone « orange » : on minimise ainsi le risque qu’il soit mal à l’aise, voire qu’il ait une réaction imprévue et potentiellement dangereuse.

Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans ce métier ?

Un Berger Belge Malinois couché sur un miroir d'eau

Les chiens ! Plus sérieusement, quand on vient de terminer une séance et qu’on a réussi à réaliser de beaux clichés d’un chien tout fou qui détourne toujours la tête à la vue de l’appareil (un signe de stress), c’est un vrai bonheur. Voir les yeux du client s’illuminer en découvrant les photos et l’entendre vous adresser des compliments, c’est ce qui rend ce métier si enrichissant.

 

J'apprécie particulièrement les moments où je réussis à représenter positivement un maître qui, au départ, était très réservé quant au fait de figurer lui-même sur les photos. Il arrive souvent en effet qu’une personne aimerait des photos avec son chien mais hésite à poser, se trouvant peu photogéniques pour diverses raisons. Dans ce cas, je n’hésite pas à prendre discrètement des clichés pendant qu'elle interagit naturellement avec leur animal. Or, il n’est pas rare qu’au final elle se trouve très bien sur ces photos, et sois donc ravie de cette initiative. C'est alors vraiment très gratifiant, et cela me fait immensément plaisir de lui faire plaisir.

 

Et ce qui vous déplaît le plus ?

Une femme dans un studio photo et qui semble mécontente en regardant un ordinateur

Ce qui me déplaît le plus, c’est de ne pas réussir à obtenir des photos de la qualité que j’avais imaginée - une crainte d’ailleurs partagée par de nombreux photographes. Si en plus le client me dit qu'il ne reconnaît pas son chien sur les clichés, c’est carrément une véritable déception.

 

Toutefois, dans les faits, même lorsqu’à titre personnel je ne suis pas entièrement satisfaite du résultat d’un shooting, il y a presque toujours une ou plusieurs photos qui plaisent vraiment. C’est rassurant de savoir qu’il y a des images qui capturent bien la personnalité du chien et répondent aux attentes du client, malgré les défis rencontrés.

Avez-vous une anecdote amusante à nous partager ?

Un Berger Malinois tombé à l'eau qui essaye d'en ressortir

Un jour, je photographiais un Malinois pour une amie, avec l’ambition de capturer sa grâce et son élégance - notamment en le prenant en photo en train de boire de l’eau avec dignité. Mais soudainement, il a glissé, et j’ai eu la chance de capturer un instant hilarant où il essayait de se rattraper dans l’eau comme il pouvait. L’espace d’une fraction de seconde, la dignité avait laissé place dans ses yeux à la panique. 

 

J’apprécie particulièrement ces photos plus légères et inattendues, car elles peuvent souvent briser les stéréotypes associés à certaines races.

La profession de photographe animalier

Est-ce un métier accessible à tous ?

Une femme âgée en train de prendre une photo

À mon sens, le métier de photographe animalier est accessible à tous ceux qui possèdent l'œil pour cela, l'envie, et une bonne dose de patience.

 

Par contre, il faut avoir conscience d’une grande différence par rapport à la photographie de paysages, d’objets ou même d’humains : on travaille avec du vivant qui ne peut pas s’exprimer de manière verbale, ou presque.

 

Il est donc d’autant plus crucial de connaître l’espèce que l’on photographie, qu’il s’agit de chiens ou d’autres animaux. Ceci revient souvent dans mes propos, mais c’est d’une importance capitale. Posséder une connaissance approfondie du comportement animal - voire avoir suivi une formation en la matière - est un atout précieux pour tout photographe animalier, ne serait-ce que pour éviter de faire passer un mauvais moment à son sujet. 

Que pensez-vous de l'absence de réglementation ou certification concernant ce métier ?

Une personne qui prend en photo son chien avec un téléphone portable

Effectivement, contrairement par exemple à l’élevage de chiens, il n’existe pas de réglementation ou de certification spécifique pour exercer comme photographe animalier.

 

Je pense que ça reste acceptable, dans la mesure ce métier n’implique pas de manipuler directement les animaux – contrairement par exemple à celui d’éducateur, de toiletteur ou encore d’ostéopathe. Pour le coup, je pense que ces professions-là devraient être davantage réglementées afin de mieux éviter les abus et les maltraitances.

 

En tout cas, cette absence de réglementation ou même labellisation du statut de photographe animalier implique qu’en tant que client, il est nécessaire de connaître les critères permettant d’identifier un bon professionnel - par exemple lorsqu’on consulte son site.

Quels sont les critères pour évaluer la qualité d’un photographe animalier ?

Un chien faisant face à la caméra en tirant la langue

Indéniablement, il peut y avoir une grande différence de qualité d’un photographe à l’autre. 

 

En particulier, s’il n’y a pas de travail de composition avec la lumière, les photos manquent de qualité et de profondeur.

 

Jouer avec la netteté et la profondeur de champ est également important : cela permet de faire ressortir l'animal sur le fond, ce qui contribue à la qualité visuelle de la photo.

 

Par ailleurs, en photographie animale, on ne coupe pas les pattes ou les oreilles : un problème à ce niveau est à mon sens le signe d’un manque de connaissance des règles de cadrage.

 

Vient ensuite le sujet des retouches. Il est tout à fait acceptable qu’un photographe n’effectue pas d’importants changements sur ses clichés (par exemple toucher aux balances ou à la colorimétrie), et se cantonne à corriger certains petits défauts. En effet, le diable se cache parfois dans les détails : s’il y a par exemple une poubelle en arrière-plan, des salissures dans les poils blancs d’un Samoyède, le numéro de téléphone du propriétaire sur la médaille de l’animal…, il faut effacer. Ce genre de choses peuvent nous échapper au cours de la séance, mais il est nécessaire de prendre le temps d’y remédier a posteriori : c’est aussi ça qui fait la différence. Il y a quelques jours, je suis tombée sur une photo en très gros plan d’un chien : il avait des saletés au niveau des yeux. Pour moi, ce genre de détails fâcheux nuisent beaucoup.

 

Tout cela prend du temps : je passe généralement entre 30 minutes et deux heures à retoucher une photo, en utilisant pour cela deux logiciels professionnels nécessitant un abonnement mensuel. Nécessairement, cela se ressent dans le prix.

 

D’ailleurs, même si ce n’est pas mon cas, certains vont même beaucoup plus loin : une tendance actuelle est de modifier entièrement le décor, voire la saison (par exemple, changer les tons verts en tons chauds pour représenter l'automne, quand bien même la photo a été prise en été). Il est possible par exemple d’ajouter des fleurs, des branches, de générer des parties avec l'intelligence artificielle : on quitte alors le domaine de la retouche corrective pour passer dans celui de la retouche artistique. Naturellement, cela se ressent normalement dans la facture, étant donné qu’il faut alors passer davantage de temps sur chaque cliché.

 

Il existe aussi un critère purement objectif qui permet notamment de juger la qualité d’un portrait : il faut que les yeux du sujet soient nets. Si ce n’est pas le cas, c’est probablement que le photographe n’a pas fait ses réglages correctement, ou bien que le capteur utilisé est ancien et donc moins réactif que ceux qu’on trouve aujourd’hui sur le marché - sachant que de nos jours beaucoup d’appareils photo intègrent une technologie d’eye tracking. 

 

Enfin, la connaissance qu’a le photographe de l’espèce photographiée est également un élément déterminant. Posséder de solides connaissances en comportement canin (voire avoir suivi une formation en la matière) maximise non seulement les chances d’obtenir des clichés réussis, mais aussi d’éviter de mettre l’animal mal à l’aise pendant la séance – voire carrément de recourir à la violence ou la coercition. C’est un aspect majeur pour toute personne cherchant un professionnel qui respecte le bien-être des animaux.

Etes-vous régulièrement en contact avec vos homologues ?

Deux photographes qui discutent en extérieur

Contrairement au métier d'éducateur canin ainsi que celui de comportementaliste, où l'on peut se montrer solidaires et travailler ensemble sur des cas complexes, la photographie animalière est une activité assez solitaire. D’ailleurs, je n’ai pour l'instant pas de contacts avec des homologues.

Un bon photographe de chiens est-il forcément un bon photographe de chats, et réciproquement ?

Un Maine Coon et un Golden Retriever assis à côté

Les chiens et les chats sont évidemment des animaux très différents, qui n'ont pas la même façon de communiquer ni la même connexion avec l'humain. D'après mon expérience, les premiers se prêtent plus volontiers au jeu de la photographie que les seconds.

 

Toutefois, je pense qu’à partir du moment où l'on est un excellent photographe, on est capable de réaliser des clichés de qualité de toutes sortes d'animaux. Ce qui ensuite fait la différence, c’est le degré de connaissance que l’on a des différentes espèces avec lesquelles on travaille.

Quel regard portez-vous sur les autres membres de votre profession ?

Une homme couché dans l'herbe qui prend en photo deux Corgi Pembroke

Je n’ai pas la prétention de juger de la qualité des photos de mes pairs, ni de proposer des critères pour évaluer tel ou tel confrère. Je tâche de concentrer mes jugements sur mes propres photos, et c’est déjà très bien.

 

La seule chose qui vraiment me choquerait, c’est de faire payer 200 euros à des gens et de leur fournir des photos prises avec un iPhone. Bien sûr, il s’agit là d’un exemple un peu exagéré, mais comme le métier n’est pas réglementé, tout un chacun est libre de se déclarer « photographe professionnel » du moment qu’il a fait les démarches pour obtenir ce statut (c’est-à-dire qu’il possède un numéro de SIRET, dans le cas de la France), même si ses photos sont de piètre qualité.

 

En tout cas, j’admire le travail de beaucoup de mes confrères/consœurs : notamment Nathalie Große, photographe allemande qui est très réputée dans le monde entier, ou encore la Britannique Jessica McGovern, qui donne d’excellents conseils sur son site internet et sa chaîne Youtube. J’adore aussi la chaîne MattTheDog, un Espagnol qui fait des vidéos en anglais ainsi que des photos de chiens de refuge afin qu’ils soient adoptés : elles sont souvent rigolotes.

 

Il faut avoir conscience en tout cas qu’il existe une certaine diversité au sein de la profession, à travers les espèces que l’on couvre et la connaissance qu’on en a, le fait de privilégier l’extérieur ou l’intérieur (voire carrément un studio), d’accepter ou non de se déplacer chez le client, les poses qu’on utilise, le type de clientèle qu’on vise (uniquement des particuliers, uniquement des professionnels, ou bien un mix des deux), etc.

 

Tous les photographes animaliers sont donc loin de travailler de manière identique : c’est nettement plus varié qu’on pourrait le croire à première vue, et c’est ce qui explique qu’il y a quasiment de la place pour chacun, en fonction de ses capacités et de ses envies. 

Diriez-vous que c'est un métier difficile ?

Un chien assis sous la pluie

Photographe animalier a l’avantage d’être un métier passion, mais comme dans toute profession il y a des aspects difficiles.

 

En premier lieu, comme pour n’importe quelle création d’activité, il faut être prêt à ne pas gagner sa vie les trois premières années. D’ailleurs, c’est même souvent encore plus le cas pour un métier passion et/ou artistique. Bien sûr, il y a toujours des exceptions, mais il ne faut pas partir du principe qu’on en sera une.

 

Ensuite, il va de soi que la relation avec les clients peut comporter son lot de difficultés. En particulier, si on a du mal à se vendre, à communiquer avec les gens et à les convaincre, les choses sont évidemment plus difficiles. Par ailleurs, comme dans toute activité avec prise de rendez-vous, se pose le problème du comportement irrespectueux de certaines personnes : il arrive qu’un client demande au dernier moment de reporter voire annuler sa séance alors qu’on a bloqué une après-midi pour une lui. Il est utile de demander systématiquement un acompte pour limiter le manque à gagner dans un tel cas de figure, mais ce dernier n’en est pas moins réel. 

 

Un autre aléa sur lequel ni moi ni le client n’avons de prise, c’est la météo. J’ai la chance d’être basée dans le sud de la France, donc il pleut rarement, mais lorsqu'une averse soudaine arrive, le matériel peut être en danger. En outre, un client a peu de chances de vouloir des photos de son chien mouillé, a fortiori s’il a pris la peine de le toiletter (voire le faire toiletter) avant la séance…

 

Le froid peut aussi endommager le matériel très rapidement. Lors de shootings matinaux en hiver, j’ai besoin de changer les batteries deux fois plus souvent, car les températures basses font qu’elles se vident très rapidement. Il peut aussi arriver qu’on déclenche moins vite qu’à l’accoutumée du fait qu’on a les doigts gelés.

 

Cela dit, on pense à la pluie et au froid, mais un ciel bleu sans aucun nuage n’est pas bon non plus. En effet, contrairement à ce qu’on pourrait croire, il n’est pas idéal de faire des photos en plein soleil : le matériel souffre, le chien aussi, et la lumière n’est vraiment pas idéale (les photos sont « brûlées », comme on dit).

 

En tout cas, quelle qu’en soit la raison, la panne de matériel est pour moi le pire cauchemar du photographe : l’appareil ou la batterie qui montre des signes de faiblesse, la carte mémoire qui ne fonctionne plus… Bien sûr, après chaque séance, je sauvegarde mes photos à la fois sur des disques durs en local et dans le cloud (à ce jour, cela représente pas moins de 4 To de données), mais il pourrait arriver qu’une défaillance matérielle survienne avant que je n’aie le temps de le faire. Perdre une séance entière et de ne plus savoir quoi dire au client, c’est clairement ma hantise.

Faut-il aimer les chiens pour être un bon photographe de chiens ?

Une femme tenant dans ses bras un chien en le câlinant

Je vois mal comment on peut faire un bon photographe de chien si on n’aime pas les chiens…

 

Mais qui sont ces monstres qui n’aiment pas les chiens ?

Quelles sont les qualités indispensables pour ce métier ?

Une femme en train de faire de la retouche photo avec une tablette graphique

Tout d’abord, il est bien sûr indispensable de posséder des compétences solides sur le plan de la photographie : connaissance des réglages et des outils, maîtrise de la lumière, créativité, vision artistique… 

 

Il faut aussi savoir faire preuve d’adaptabilité et d’organisation pour être en mesure de sélectionner les meilleures photos parmi les centaines prises au cours de la séance, les retoucher puis les transmettre au client dans un délai raisonnable. 

 

Il est également nécessaire d’aimer les sujets que l’on photographie (c’est-à-dire les chiens) et de disposer de compétences à leur sujet : être capable d’approcher un chien sans qu’il ne s’inquiète, de le mettre en confiance, de faire preuve de bienveillance avec lui, de savoir comment il communique avec les humains (signaux corporels d’inconfort, de stress…), etc.

 

En outre, même si pour ma part je préfère que mes photos restent naturelles, la tendance actuelle est de carrément modifier le décor (ajouter des fleurs, des branches, générer des zones entières avec l'intelligence artificielle, etc.), voire carrément faire comme si elles avaient été prises à une autre saison (par exemple en changeant les tons verts en tons chauds pour représenter l'automne sur des clichés réalisés en été). Dans ce cas, ce n'est plus de la retouche corrective, mais de la retouche artistique : en plus de maîtriser les logiciels, il faut alors avoir une certaine créativité.

 

Quoi qu’il en soit, on voit que la photographie n’est jamais uniquement de la technique pure. Elle comporte plein d’autres aspects et nécessite diverses qualités humaines, en plus d’indispensables compétences techniques.

Ce métier n’existait quasiment pas autrefois. Comment expliquer son développement ?

Une famille qui pose avec son chien

Effectivement le métier de photographe canin n’existait quasiment pas il y a un demi-siècle. Il y avait certes des photographes, mais pratiquement personne n’imaginait alors faire des photos de son chien ! 

 

La première évolution est je pense d’ordre social. Plus précisément, aux débuts de la photographie, on immortalisait essentiellement des chiens célèbres ou des spécimens supposés représenter à merveille telle ou telle race – notamment dans le cadre de la rédaction des standards de races. Avec la démocratisation de la photo, n’importe qui peut s’offrir une photo de son chien : ce n’est plus réservé à Winston Churchill et Rufus, ou à la Reine d’Angleterre et ses Corgis.

 

Cette évolution technologique s’est d’ailleurs accélérée au 21ème siècle. Ainsi, le matériel photographique est devenu beaucoup plus accessible d’un point de vue pratique (grâce aux sites de commerce en ligne), mais aussi et surtout financier : non seulement un appareil photo coûte beaucoup moins cher qu’autrefois, mais en plus le passage au numérique implique qu’il n’est plus nécessaire d’acheter d’onéreuses pellicules. Elles ont été remplacées par du stockage sur disque dur local ou serveur distant (dans le cloud, grâce à la généralisation du très haut débit) : son coût a lui aussi pu être un sujet à une époque, mais désormais ça ne l’est plus vraiment.

 

En outre, non seulement les propriétaires peuvent plus facilement et à moindre coût réaliser des photos de leur chien, mais ils sont aussi de plus en plus nombreux à vouloir effectivement le faire. Cela est directement lié à l’évolution de la place qu’on accorde à cet animal au sein des foyers. En effet, il est de plus en plus considéré comme un membre à part entière de la famille, un meilleur ami et/ou un compagnon de route. Dès lors, il est normal de vouloir se souvenir des moments partagés avec lui et d’en garder de précieux souvenirs.

 

Je pense aussi qu’au cours de la période récente, l’essor de ce métier a été favorisé par celui des réseaux sociaux. En effet, une partie des propriétaires ont envie d’y partager des photos de leur animal, et certains entendent le faire à l’aide de clichés de grande qualité et/ou qui sortent de l’ordinaire… quitte pour cela à recourir aux services d’un photographe professionnel.

Pensez-vous qu’il va évoluer à l’avenir ?

Pensez-vous qu’il va évoluer à l’avenir ?

Oui, et j’espère que ce sera effectivement le cas !

 

De plus en plus, les animaux de compagnie sont vus comme des membres à part entière de la famille, de nouveaux enfants : cela a forcément un impact sur la façon dont les professionnels les prennent en photo.

 

Au demeurant, comme ces derniers sont de plus en plus nombreux à se spécialiser dans ce domaine, cela ne peut qu’être favorable à l’apparition de nouvelles idées, dont certaines susceptibles de faire évoluer la manière dont on pratique ce métier. Par exemple, autrefois, il est probable que personne n’aurait utilisé des poudres colorées pour donner un effet spectaculaire à un chien qui saute, ou encore fait des mises en scène mêlant photographie réelle et retouches avec effets spéciaux. 

 

Cela dit, on observe aussi dans le même temps un phénomène de standardisation : influencés par ce qui est le plus populaire sur les réseaux sociaux, énormément de clients se mettent à demander le même genre de choses, et énormément de photographes se mettent à utiliser les mêmes réglages, les mêmes poses et à effectuer le même genre de retouches. Il faudra sans doute à l’avenir faire plus d’efforts pour se détacher du lot.

 

Quant au matériel utilisé dans ce métier, je pense que l’on a atteint une sorte de plateau technologique - ou du moins, que les progrès à ce niveau seront désormais moins exponentiels. Les appareils photo sont devenus ultra puissants, permettent de faire toutes sortes de photos et offrent une excellente autonomie : que demander de plus ? 

 

En revanche, nous sommes dans une époque de grands bouleversements sur le plan logiciel – je veux parler bien sûr de l’intelligence artificielle. Elle est souvent présentée négativement car on l’accuse de nuire à la créativité, mais je ne pense pas que ce soit forcément le cas. Ce peut être un outil bien pratique pour les retouches – par exemple afin de ne pas avoir à passer cinq heures pour enlever un collier ou une laisse… Je pense d’ailleurs qu’on pourra bientôt faire confiance à l’IA pour corriger automatiquement différents petits défauts. Il existe d’ailleurs déjà certains logiciels qui promettent de rendre nettes des photos floues…

 

Quant à l’idée d’avoir des appareils qui seraient dopés à l’IA au point de faire quasiment eux-mêmes des photos « parfaites », ce n’est évidemment pas une perspective qui m’enchante : le métier de photographe serait alors dénué de sens.

Financièrement, à quoi peut-on s’attendre ?

Un Chihuahua couché sur des billets

C’est évidemment extrêmement varié. Quand on se lance et qu’on est peu connu, il peut être difficile de dépasser environ 200 euros mensuels. Au contraire, quand on a déjà une solide expérience et qu’on est bien établi, il est parfaitement possible de générer tous les mois 4000 euros par mois de revenus rien qu’en réalisant des photos de chiens.

 

En tout état de cause, il y a une grande différence en termes de facturation (et donc de revenus) entre un photographe débutant qui fait payer un shooting 50 euros et des photographes très expérimentés qui n’hésitent pas à passer six heures de retouche sur une photo, mais facturent plutôt dans les 300 euros.

 

Il convient d’ailleurs de bien distinguer la prise de photo et leur retouche éventuelle, même si bien sûr il faut savoir faire les deux dans l’idéal. On peut avoir 10 ans d’expérience en photographie et livrer des photos brutes (c’est-à-dire non retouchées, généralement par préférence esthétique), mais aussi faire des photos moyennes puis passer huit heures de retouches plus ou moins complexes pour en faire des œuvres d’art.

 

La démocratisation du métier n’est d’ailleurs pas une si mauvaise chose : cela permet aux clients d’avoir le choix entre des niveaux de prestation – et de prix – très variés. Libre ensuite à chacun de choisir ce qui lui convient le mieux.

Que conseilleriez-vous à quelqu'un qui envisage d’exercer ce métier ?

Une personne dans la nature qui fait un bisou à son chien en lui tenant le cou

Avant d’aimer la photographie, il faut bien sûr aimer les chiens. Mais il ne suffit pas seulement de les aimer : il faut aussi les connaître. Je suggère donc de ne pas se contenter d’être bon en photo, mais aussi de se renseigner sur le comportement des chiens : savoir comment ils raisonnent et fonctionnent, quels sont les signes qui trahissent leur anxiété, etc.

 

Par ailleurs, on ne doit pas choisir ce métier pour l’argent, au risque de s’exposer à des désillusions. Il est d’ailleurs courant quand on se lance de proposer des séances gratuites pour se faire connaître, construire son portfolio et surtout progresser.

 

L’idéal cela dit, c’est d’avoir soi-même un chien : cela permet non seulement de se faire la main en l’utilisant comme modèle, mais aussi tout simplement de s’assurer que cela nous plaît et qu’on est fait pour ça.

 

Par ailleurs, beaucoup de photographes établis proposent aussi d’autres types de prestations en plus des shootings : ateliers photo, formations payantes, etc. Il peut être utile d’y avoir recours quand on se lance, et potentiellement d’offrir également soi-même ce genre de services une fois qu’on a la légitimité nécessaire.

 

D’ailleurs, même voire surtout quand on se lance, je conseille fortement d’avoir une ou plusieurs autres activités en parallèle (qu’elles soient ou non en rapport avec les chiens) afin de diversifier ses sources de revenus.

 

Enfin, il en va de la photographie animalière comme d’un peu tout : quand on découvre une nouvelle activité, au début on se croit invincible tant on apprend de choses et tant le savoir irrigue notre cerveau… Puis arrive un moment où l’on est frustré, voire où on envisage de tout arrêter : soit parce que la concurrence est rude, soit parce qu’on trouve notre travail laid, soit parce qu’on souffre du syndrome de l'imposteur - très fréquent dans le milieu. On passe tous par cette phase, et c’est à ce moment-là que beaucoup effectivement jettent l’éponge. Si vous faites l’effort d’aller au-delà, vous réaliserez que votre marge de progression demeure considérable, qu’il y a toujours à apprendre et que finalement c’est une bonne chose : ça permet d’éviter de se reposer sur ses acquis et de progresser. Et c’est sûrement là que vous commencerez à vraiment apprécier ce métier !

Dernière modification : 10/24/2025.