Apparue à la fin du 19ème siècle, l'ostéopathie compte de nos jours un nombre croissant d'adeptes et de praticiens. Reposant sur de simples manipulations manuelles (pressions, torsions, élongations...), cette pratique thérapeutique vise en particulier à soulager - voire faire disparaître - toutes sortes de blocages articulaires. Ce faisant, elle rend les mouvements du patient plus faciles, et son quotidien plus agréable.
Or, le patient n'est pas forcément qu'un humain : à partir des années 70, des ostéopathes ont commencé à pratiquer leur art sur des chevaux. Les résultats sont globalement jugés convaincants, au point que la pratique a depuis été étendue à d'autres espèces - en particulier les chiens.
Il est donc intéressant d'obtenir le témoignage d'un professionnel dont c'est justement le métier...
Bonjour. Je suis le docteur Laurence Aubineau, vétérinaire ostéopathe à Brive-la-Gaillarde, en Corrèze (France).
Je pratique l’ostéopathie animale depuis 2014, et suis installée à mon propre compte depuis 2017.
Après 15 années de pratique vétérinaire en tant que salariée, j’ai décidé en 2013 de me mettre à mon compte et surtout de compléter mon savoir-faire par une approche différente : l’ostéopathie.
À la base, j’avais étudié à l’École Nationale Vétérinaire de Toulouse (ENVT) durant 4 années, de 1994 à 1998.
Lorsqu’en 2013 j’ai décidé de me lancer dans l’ostéopathie, j’ai suivi pendant deux ans et demi une formation à l’IMAOV (Institut des Médecines Alternatives et Ostéopathie Vétérinaire), en alternance avec le travail en clientèle. Plus précisément, j’ai pu effectuer mes premières consultations au bout de six mois, d’abord de manière gratuite, puis à un prix réduit. Dans le même temps, j’intervenais en tant que vétérinaire au sein d’une clinique, mais comme collaboratrice libérale et non plus comme salariée.
Depuis 2017, je suis établie à mon compte comme vétérinaire indépendante en ostéopathie, tout en continuant à intervenir aussi comme vétérinaire « classique » avec des confrères, en tant que collaboratrice libérale.
C’est effectivement compliqué de se lancer.
D’une part, car il faut déjà se faire confiance à soi-même dans sa pratique, ce qui a été pour moi le plus difficile. En effet, l’ostéopathie reste une technique manuelle qui fait appel au ressenti qu’éprouve le praticien (dans ses mains et dans son corps) lorsqu’il manipule son patient : ce n’est pas quelque chose de « palpable » et concret, comme la chirurgie ou les traitements allopathiques que j’étais habituée à prodiguer.
En outre, il faut aussi que les propriétaires d’animaux vous accordent leur confiance. Or, seuls des résultats visibles et quantifiables permettent cela : l’animal retrouve de la souplesse, sa démarche est plus équilibrée, il reprend des positions anciennes qui lui étaient devenues impossibles, ses hoquets disparaissent, il n’a plus besoin de manger de l’herbe pour soulager ses maux d’estomac…
Quant à la concurrence, elle était gérable quand je me suis lancée et l’est encore pour le moment. Néanmoins, beaucoup de jeunes se forment en ostéopathie animalière, et j’ai peur qu’ils finissent par être trop nombreux dans quelques années - comme c’est d’ailleurs déjà le cas en ostéopathie humaine.
Il n’y pas beaucoup de matériel à acheter pour se lancer : il faut simplement investir dans une table de consultation (si possible électrique, pour éviter les maux de dos causés par le fait d’avoir à porter les animaux) et prévoir de quoi meubler un peu le cabinet. On peut budgéter autour de 800 euros pour la table, et quelques centaines d’euros pour le mobilier.
La plus grosse charge reste le loyer de ce dernier, qui bien sûr varie énormément en fonction d’une part de sa superficie, et d’autre part du lieu où on s’installe.
J’ai ouvert mon cabinet vétérinaire dédié exclusivement à l’ostéopathie animale en 2017 et commence à en vivre correctement, à me verser un salaire stable tous les mois. Le fait que je travaillais déjà dans le secteur depuis une quinzaine d’années en tant que vétérinaire m’a grandement aidé et m’a permis de me faire une place plus rapidement qu’une personne qui n’aurait qu’une formation d’ostéopathe animalier, sans expérience vétérinaire. En effet, des confrères et consoeurs m’envoient certains de leurs patients, même s’il leur a fallu du temps à eux aussi pour acquérir le réflexe de penser à l’ostéopathie en médecine complémentaire. En médecine vétérinaire canine, l’ostéopathie n’est pas une approche très connue ni reconnue…
Cela m’occupe l’équivalent de 3 jours par semaine, et je complète mes revenus en travaillant deux jours par semaine dans des cliniques vétérinaires en tant que collaboratrice libérale. Toutefois, je fais aussi cela pour garder un équilibre entre médecine allopathique et médecine ostéopathique, et pouvoir continuer les actes chirurgicaux - j’aime travailler avec mes mains !
Au global, mes revenus restent moins élevés que ceux d’un vétérinaire « classique ». Cela reste un métier-passion, qui demande beaucoup de temps et d’écoute : il ne faut pas le choisir dans l’optique de devenir riche !
En outre, ce n’est pas un métier stable au sens strict du terme, étant donné que comme dans toute profession libérale on dépend d’une clientèle, et donc que les revenus fluctuent en fonction de l’activité.
Non, il y a de la demande toute l’année, et le niveau est assez comparable d'un mois à l'autre.
L’activité est mixte, reposant à parts à peu près égales (en termes de chiffre d’affaires) sur d’un côté des clients réguliers que je vois en général une à deux fois par an, et de l’autre une clientèle plus sporadique, constituée de propriétaires qui ne font pas la démarche de revenir de façon régulière mais me consultent ponctuellement pour une pathologie plus « aigüe ».
Environ 60% des clients viennent grâce au bouche-à-oreille, 20% me sont envoyés par leur vétérinaire traitant et 20% m’ont trouvé sur internet, que ce soit via mon site, celui de l’Ordre des vétérinaires ou encore des annuaires spécialisés.
Il faut souligner enfin que j’exerce au sein d’un centre de thérapies alternatives qui regroupe plusieurs praticiens pour humains : ostéopathes, sophrologues, praticiens en shiatsu... Cela m’amène quelques clients supplémentaires, même s’ils sont finalement assez peu nombreux.
Je soigne en effet aussi des chats, et cela représente environ 20% de mon activité.
Je pense d'ailleurs que l’ostéopathie féline mériterait elle aussi d’être plus connue, car les chats sont très réceptifs à cette pratique : leur corps est très malléable, ce sont des animaux souples qui réagissent bien aux manipulations d’ordre tissulaire (technique manuelle douce).
L'ostéopathie canine peut s’avérer particulièrement utile :
Les principales raisons qui conduisent les propriétaires à se tourner vers un ostéopathe sont les problèmes locomoteurs du chien : boiteries, dysplasie des hanches, du coude, luxation de la rotule, tendinites récidivantes, problème d’arthrose sur un chien vieillissant…
Les séances se déroulent dans mon cabinet. Nous faisons un peu connaissance, puis l’animal monte sur la table de consultation. Je mets un tapis dessus, afin d’établir une distinction avec une table de consultation vétérinaire classique. En effet, cette dernière peut être anxiogène pour l’animal s’il a conservé de mauvais souvenirs de consultations antérieures chez un vétérinaire.
Une fois qu'il est bien installé, les manipulations débutent. Je commence souvent au niveau du sacrum, pour prendre contact et pour qu’il accepte le toucher. En revanche, je ne démarre jamais au niveau du crâne, car c’est trop intrusif pour lui.
Une séance d’ostéopathie canine dure environ 45 minutes.
Il faut prévoir en général pour commencer une dizaine de minutes de questions au propriétaire, ce qui laisse un peu de temps au chien pour s’approprier le lieu, venir me renifler et faire connaissance.
S’ensuivent alors une trentaine de minutes de manipulations. Elles sont en général très appréciées par l’intéressé, car elles se déroulent dans le calme (il n’y a pas d’autres activités dans mon cabinet, ni de secrétariat ou de vente au comptoir, par exemple) et dans la douceur. En effet, un bon ostéopathe doit travailler en osmose avec l’animal, ne faire plus qu’un avec son petit patient, et donc par exemple éviter tout geste qui serait difficilement acceptable pour lui. Si besoin, je peux lui parler ponctuellement pour le rassurer, mais autrement je respecte le silence.
De manière assez étonnante, la durée varie peu : en général, le travail est terminé au bout des 30 minutes. Même si on essaye d’aller au-delà car il reste des blocages, les résultats cessent généralement d’être au rendez-vous. Je pense que le corps ne peut pas « encaisser » plus longtemps des modifications.
Parfois, les manipulations durent même moins que 30 minutes. C’est le cas notamment quand l’animal m’est amené régulièrement : les dysfonctionnements n’ont alors pas le temps de se superposer les uns aux autres, ce qui permet d’avoir à travailler uniquement sur le problème récent.
Le but premier de l’ostéopathie est de redonner du mouvement, mais le corps a besoin de temps pour retrouver un nouvel équilibre et sa position idéale. En effet, quand on relance ces mouvements, c’est à lui de réagir et de s’autoguérir, ce qui est fatiguant voire désagréable à court terme : comme un humain, un chien peut sortir d’une séance en se sentant un peu vaseux, courbatu, fatigué, ou encore en ayant froid ou envie de dormir…
Il peut arriver qu’au bout des 30 minutes de manipulation, il reste des zones de blocages qui bougent peu et ne répondent guère à mes sollicitations. C’est le cas en particulier avec des blocages anciens et très ancrés. Dans ce cas, une seconde séance est certainement nécessaire. Néanmoins, il n'en faut généralement pas plus de deux à trois maximum.
Pour moi, le gabarit ne change pas grand-chose : je traite les chiens de la même façon indépendamment de leur taille. Il m’est parfois nécessaire de m’adapter pour effectuer les manipulations (par exemple en travaillant partiellement ou intégralement au sol pour les plus grandes races de chiens), mais fondamentalement cela reste le même travail.
Cela dit, si un animal se montre particulièrement récalcitrant, le port de la muselière n’est pas forcément un luxe. Pour autant, je ne souhaite pas agir par la contrainte : s’il ne finit pas par se calmer et refuse vraiment de se laisser faire, il n’y a pas d’autre choix que d’annuler la séance.
Je ne cherche jamais à me battre avec un chien : s’il se laisse faire facilement, je peux le manipuler de manière plus « sportive », et au contraire privilégie davantage la douceur s’il se montre un peu récalcitrant.
Ainsi, dans la mesure où je choisis les techniques en fonction de ses réactions, sa race ne fait pas vraiment de différence au final. Il faut simplement savoir s’adapter à chaque patient, et cela n’est pas qu’une question de race : le chien peut être très douillet ou à l'inverse très stoïque, très tendu et anxieux ou au contraire très détendu et à l’écoute, etc.
L’âge du chien n’est pas déterminant, mais il joue un rôle. En effet, l’ostéopathie remet en mouvement un corps qui a accumulé durant sa vie des blocages physiques (avec en particulier les traumatismes éventuels causés par des chutes, des interventions chirurgicales…) mais aussi émotionnels (par exemple dans le cas d'un chien qui a perdu son maître ou un autre animal avec qui il partageait son foyer, qui a subi des maltraitances…) : plus il y a de « couches » de blocages, plus il y a de travail ostéopathique.
Or, un chien âgé est susceptible d’avoir davantage de blocages, et ces derniers sont souvent plus profondément ancrés. Il a donc des chances de donner davantage de fil à retordre.
Que ce soit par des caresses, des paroles douces ou des récompenses, obtenir la confiance du chien est primordial. En effet, s'il ne vous l’accorde pas, le soin ne sera pas efficace, car son corps doit être en harmonie avec le vôtre : on ne doit faire qu'un.
Or, sa confiance dépend aussi du regard que son propriétaire a sur vous, car un chien ressent très bien les émotions de son maître. Si ce dernier est apaisé et vous fait une confiance aveugle, son compagnon le perçoit, et la séance ne se déroule que mieux.
Le calme est aussi un gage d’efficacité. Le soin doit donc se faire dans le calme extérieur (salle tranquille, sans congénères à proximité) et dans le calme intérieur (l’ostéopathe doit être posé, ne pas se fixer de limite de temps et ne plus avoir de contraintes pressantes ni d’idées « polluantes » : toute son attention doit être sur le chien et son propriétaire, et rien d’autre).
Enfin, il faut bien sûr que je sois moi-même en confiance. C’est pour cela qu’il m’arrive parfois de mettre une muselière au chien pour prendre contact au début de la consultation, afin que je sois sereine. En effet, si cela devait ne pas être le cas, il ne manquerait pas de le ressentir, et cela nuirait à l’efficacité de mon intervention. Je la lui retire une fois que nous sommes tous deux en confiance.
Je n’aime pas trop intervenir à domicile, car il y a généralement trop de sollicitations extérieures pour l’animal. En outre, les déplacements en voiture représentent de mon côté une perte de temps. Enfin, être dans mon cadre de travail habituel, dans la tranquillité de mon cabinet, me permet d’être plus facilement pleinement concentrée sur ma pratique.
Il m’arrive toutefois de me déplacer au domicile des clients quand l’animal est trop mal en point pour être déplacé, mais cela reste rare.
Je travaille surtout en ostéopathie « tissulaire », donc très douce. Il est très rare que les animaux y soient hostiles, car ils perçoivent rapidement le bien-être que cela leur procure. Ils tendent alors à m’accompagner dans ma pratique en suivant mes mouvements ou les facilitant, plutôt qu’à s’y opposer.
Le maitre est toujours présent pendant les séances, et c’est très important à mes yeux. En effet, plus les années passent et plus je suis persuadée que je ne soigne pas un animal, mais bien un couple « animal + propriétaire ».
Cela peut paraitre étrange, mais parfois les propriétaires ont eux-mêmes des ressentis lors des consultations (gargouillements digestifs, bouffées de chaleurs…) : je pense qu’ils « profitent » eux aussi du soin.
Cela a dû m’arriver une ou deux fois, mais c’est rarissime. En général, l’animal apprécie les manipulations, et ne cherche donc pas à les faire cesser.
Les plus grosses difficultés qui se présentent à moi, ce sont les blocages que je ne parviens pas à éliminer, même si ce genre de situations ne se présentent que rarement.
Je suis encore loin de tout comprendre, et c’est d’ailleurs ce qui rend cette pratique intéressante : il y a tout le temps de nouvelles choses à assimiler, de nouvelles approches ou techniques à utiliser – ou au moins à essayer.
C’est une vaste question !
L’ostéopathie ne peut pas soigner les pathologies d’ordre infectieuses, parasitaires, cancéreuses ou chirurgicales.
En revanche, elle peut aider l’organisme à mieux encaisser certains traitements lourds ou chroniques et être utile en post-chirurgical, afin de travailler sur les cicatrices.
Elle est aussi en mesure d’agir sur des problèmes viscéraux chroniques (digestifs, urinaires…), des troubles du comportement (stress ou agressivité causé par la douleur, changement de comportement après un trauma physique où l’examen clinique classique n’a rien révélé d’anormal), des conséquences d’une mise bas difficile tant pour le chiot (problème pour téter, défaut de postures…) que pour la mère (douleurs au niveau du bassin…), des problèmes de croissance trop rapide (chiot panard, dos rond…), etc. La liste des applications possibles de l’ostéopathie canine est très longue !
C’est là qu’il est intéressant d’avoir les deux casquettes : celle de vétérinaire et celle d’ostéopathe. En effet, normalement, le tri doit se faire au téléphone, lors de la prise de rendez-vous.
Toutefois, cela m’arrive encore de ne pas faire la séance car le problème présenté relève de la chirurgie ou de la médecine classique, et non de l’ostéopathie. Néanmoins, cela reste rare.
Je refuse les demandes de consultations uniquement lorsqu’il apparaît que le problème n’est pas d’ordre ostéopathique.
Oui, il m’arrive bien sûr d’échouer, c’est inévitable…
Pour tout ce qui concerne les troubles locomoteurs, l’imagerie vient souvent à mon secours si elle n’a pas déjà été réalisée : une radio, un scanner ou un IRM affinent le diagnostic, et permettent parfois de comprendre pourquoi les objectifs de la séance n’ont pas été atteints – ils ne pouvaient tout simplement pas l’être, puisque je n’étais pas la bonne personne à qui s’adresser. J’invite d’ailleurs parfois le propriétaire à faire réaliser d’abord certains examens complémentaires (avec l’accord de son vétérinaire) pour être sûre que la solution n’est pas avant tout d’ordre chirurgical.
Par exemple, dans le cas d’une rupture du ligament croisé du genou d'un chien, la solution est fondamentalement chirurgicale. L’ostéopathie peut être utile, mais uniquement pour aider l’animal à retrouver une bonne mobilité une fois qu’il a été opéré.
C’est la même chose pour les problèmes de fracture : parfois, elles ne sont pas évidentes à repérer (c’est le cas notamment pour celles aux phalanges), si bien que le propriétaire vient me voir alors qu’en fait je ne suis pas le bon interlocuteur.
J’ai eu une grosse frayeur une fois, lorsqu’une chienne très caractérielle (qui heureusement était muselée) s’est retournée sur moi en voulant me mordre au niveau du visage, sans prévenir. Je n’ai pas compris.
Je travaille souvent les yeux fermés, et c’est peut-être ce qui m’a empêché de voir les signes précurseurs – mais il n’est même pas certain qu’il y en ait eu !
La relation très authentique et très naturelle que l’on a avec l’animal est clairement ce que j’apprécie le plus dans le métier d’ostéopathe canin. L’échange avec le propriétaire et la compréhension de la relation avec son chien sont également stimulants.
Le coté solitaire du travail au cabinet est parfois un peu pesant et frustrant. C’est pourquoi je suis contente de continuer à travailler aussi deux jours par semaine comme vétérinaire « classique » : il est bon de pouvoir partager avec les confrères, de discuter de cas, etc.
Le fait de garder en parallèle ma casquette de vétérinaire me permet aussi de continuer à pratiquer en chirurgie. C’est ce qui me manque le plus dans l’activité d’ostéopathie pure : une autre façon de travailler avec mes mains, cette fois en étant dans la « matière » au sens strict.
Je reçois de temps en temps des messages de propriétaires heureux de retrouver leur animal « comme avant », et que celui-ci ait à nouveau le regard qui était le sien « quand il était jeune ». Ce genre de témoignages me rendent extrêmement fière et heureuse de pratiquer ce métier.
Je n’oublierai jamais ma première consultation en ostéopathie : un Labrador Retriever noir très âgé et très arthrosique référé par un confrère… Il n’y avait plus grand chose à perdre, alors autant tenter l’ostéopathie !
Ce n’est pas la consultation en elle-même qui avait été marquante, d’autant qu’à cette époque mon expertise était encore limitée, mais le coup de téléphone des propriétaires pour donner des nouvelles : il allait mieux, avait gagné en souplesse et en joie de vivre. J’en aurais pleuré : c’était donc vrai, on peut bel et bien avoir une action réparatrice « juste » avec ses mains ! Presque un miracle pour moi, car intérieurement j’étais encore très dubitative quant à mes capacités et quant à cette approche pas très cartésienne.
Beaucoup de personnes se dirigent vers le métier d’ostéopathe canin en pensant qu’il suffit simplement d’avoir de bonnes capacités d’écoute de l’animal. Ces dernières sont en effet indispensables, et généralement ces personnes les ont.
Mais souvent, elles ne réalisent pas que cela ne fait pas tout : il faut aussi et surtout savoir écouter les propriétaires, et développer une empathie pour eux. En effet, pour soigner correctement un animal, il faut parvenir à appréhender ses conditions d’existence : lieu et mode de vie, présence éventuelle d’autres animaux, environnement émotionnel familial difficile…
Il existe deux manières de devenir ostéopathe canin : la voie vétérinaire, et les écoles spécialisées en ostéopathie animale.
La première option implique de suivre une formation complémentaire sur l’ostéopathie après un cursus vétérinaire classique vétérinaire. Pour pratiquer exclusivement comme ostéopathe, il faut être titulaire d’un DIE (Diplôme Inter-Écoles) : cela nécessite plus de 500 heures de formation, la rédaction de cas cliniques ainsi que celle d’un mémoire. Dans mon cas, cette formation s’étalait sur deux ans et demi, à raison de 3 jours par mois, et coûtait autour de 15.000 euros. L’idéal est de passer d’abord quelques années à exercer en médecine vétérinaire classique, puis de reprendre des études pour se spécialiser. En effet, cela permet de connaitre toutes les autres façons de soigner, et donc notamment d’être à même de faire le tri entre ce qui est d’ordre ostéopathique et ce qui ne l’est pas.
La seconde option consiste à intégrer directement une école d’ostéopathie animalière après le baccalauréat, et d’y suivre une formation qui s’étale sur 5 ans. À la fin de cette dernière, il faut passer devant un jury de vétérinaires pour obtenir le droit d’exercer. Le coût est toutefois sensiblement plus élevé, puisqu’il faut compter autour de 8.500 euros par an, soit plus de 40.000 euros au total.
Quelle que soit l’option retenue, je pense que ces différentes formations sont de qualité, mais l’ostéopathie est une médecine qui demande une grande implication personnelle et beaucoup de temps passé à pratiquer, pour être en mesure de ressentir correctement et se faire confiance. À mon sens, c’est donc d’abord et avant tout beaucoup de travail personnel.
Par ailleurs, dans un cas comme dans l’autre, il est souhaitable de participer par la suite à des formations complémentaires, afin de ne jamais cesser de progresser et rester à jour. Cela n’a rien d’obligatoire, mais l’idéal est à mon avis de le faire au moins une par an. Elles s’étalent en général sur une à trois journées. Dans mon cas, celles que je suis coûtent environ 800 euros et occupent un weekend.
La réglementation française relative à l’exercice du métier d’ostéopathe animalier a évolué au cours de la période récente. En effet, depuis 2020, toute personne non vétérinaire pratiquant des actes d'ostéopathie animalière sans être inscrite sur le Registre National d'Aptitude tenu par l’Ordre national des vétérinaires (qui liste les professionnels habilités à exercer cette activité) peut être poursuivie pour exercice illégal.
Je trouve positif que ce cadre ait été institué et espère qu’il y a des contrôles afin qu’il soit respecté. En effet, il me semble essentiel que quand vous confiez votre animal à un ostéopathe, vous ayez des garanties sur sa formation et puissiez donc être serein(e).
C’est principalement lors des formations complémentaires que je suis chaque année qu’il m’arrive d’être en contact avec d’autres ostéopathes pour animaux.
L’ostéopathie est un domaine qu’il faut creuser et recreuser sans cesse, car on a toujours des choses à apprendre pour mieux pratiquer ce métier. Les échanges avec des homologues y contribuent, et aident à ne pas tomber dans une routine de soins.
Je pense qu’avoir suivi une formation vétérinaire de base est une meilleure option que de s’engager directement dans une école spécialisée en ostéopathie après le baccalauréat. J’estime aussi qu’avoir déjà de l’expérience en clientèle sur de la médecine « classique » permet d’avoir les bons réflexes et d’être capable d’échanger plus facilement avec des confrères sur les traitements en cours, les options thérapeutiques qui s’offrent au propriétaire, les coûts, etc.
Je considère même qu’il est tout à fait possible de faire les deux en parallèle, et qu’un bon vétérinaire peut aussi être en même un bon ostéopathe, dès lors qu’il se donne les moyens d’exercer correctement cette activité-là. Cela suppose en particulier de lui réserver des créneaux calmes et de veiller à ce qu’elle occupe une fraction suffisante de son temps : plus un ostéopathe pratique, meilleur il est.
À mon avis, un bon ostéopathe l’est pour toutes les espèces.
Me concernant, je me suis spécialisée dans les petits animaux car j’avais à la base une expérience comme vétérinaire canin, et estime ne pas maitriser suffisamment la médecine classique des grands animaux pour être compétente (ne serait-ce que dans le tri entre ce qui relève ou non de l’ostéopathie ainsi que dans le choix des modes thérapeutiques à conseiller).
Il est difficile de répondre, car il existe de telles différences d’un ostéopathe à un autre, que ce soit dans ses techniques, dans son approche… ou même tout simplement dans son état émotionnel d’un jour à l’autre ! En effet, je pense que si votre esprit n’est pas libre et que vous êtes dans des émotions négatives (stressé par le temps, contrarié par diverses choses qui vous viennent à l’esprit plus ou moins régulièrement, ou que sais-je encore), le chien le sent tout de suite et cela diminue sa propension à tirer pleinement profit de la séance.
Deux choses sont certaines, à mon sens. D’une part, il doit y avoir des résultats quantifiables, visibles objectivement. D’autre part, il ne devrait pas avoir à revoir votre animal tous les quatre matins, « tourner en rond » sur certains blocages revenant d’une séance à l’autre. Ou alors, c’est que quelque chose cloche : soit que ses techniques ne sont pas adaptées, soit tout simplement que la pathologie n’est pas d’ordre ostéopathique mais qu’il ne sait pas le remarquer et/ou orienter le propriétaire vers le bon interlocuteur.
En tout état de cause, un bon ostéopathe ne doit pas se sentir indispensable et omniscient ; l’humilité est une qualité primordiale dans ce métier.
De manière générale, j’ai plutôt un regard bienveillant sur les autres ostéopathes animaliers et n’ai jamais rencontré de problème avec un confrère, qu’il soit uniquement ostéopathe ou qu’il ait comme moi la double casquette de vétérinaire ostéopathe.
Mais peut-être est-ce parce que dans ma région la concurrence n’est pas trop intense ? Le manque de clientèle, ou plus exactement le déséquilibre entre la taille du bassin de clientèle et le nombre de pratiquants, peut en effet être problématique : certains professionnels risquent alors d’avoir tendance à à pousser les propriétaires à leur amener leur animal plus souvent que nécessaire....
Dans mon cas, le fait que je sois moi-même vétérinaire (et continue de pratiquer comme telle à temps partiel) facilite évidemment les choses, même si certains ne savent peut-être pas que je pratique les deux activités en parallèle…
De façon générale, je pense que la multiplication des passerelles entre les deux métiers est une bonne chose pour l’ostéopathie, car même des vétérinaires autrefois très circonspects s’y intéressent désormais.
Je ne dirais pas cela : il est tellement satisfaisant en termes d’échanges et de relations, tant avec les animaux qu’avec leurs propriétaires !
En outre, il est certes moins rémunérateur que celui de vétérinaire, mais aussi nettement moins stressant : le téléphone ne risque pas à tout moment de sonner pour une urgence vitale.
Empathie, patience et écoute sont à mon sens les trois qualités les plus importantes pour un ostéopathe animalier.
Et cela ne vaut pas que vis-à-vis de l’animal. En effet, il faut aussi et surtout savoir écouter les propriétaires et développer de l’empathie pour eux. Le faire vis-à-vis des animaux est assez spontané pour les personnes qui choisissent ce métier, car elles sont en général habituées depuis longtemps à être très proches d’eux. En revanche, la relation avec les propriétaires peut être source de difficultés ; c’est là que parfois ça peut « coincer ».
Cette capacité à se focaliser pleinement sur le couple animal + maître doit aller de pair avec une capacité à faire abstraction de ses propres problèmes, préoccupations et pensées du moment : on ne peut agir efficacement qu’à condition de les mettre de côté.
Enfin, un bon ostéopathe doit aussi faire preuve d’humilité. En particulier, il doit savoir connaître les limites de sa pratique et rediriger le maître vers un autre professionnel (vétérinaire, comportementaliste…) s’il s’avère que le problème qui lui est soumis ne relève en fait pas de son champ d’action.
Je n’ai commencé à pratiquer ce métier qu’en 2014, et n’ai donc qu’assez peu de recul.
Néanmoins, je constate déjà des changements majeurs : l’ostéopathie s’est fait une place dans le milieu canin (et plus seulement dans le milieu équin) et est désormais reconnue par l’Ordre national des vétérinaires (et en conséquence par les vétérinaires eux-mêmes, surtout les nouvelles générations).
On voit aussi un nombre croissant de clubs canins en parler.
Certaines professions faisant usage des chiens s’y intéressent également. Par exemple, on m’a demandé de venir exercer au Centre National d'Instruction Cynophile de la Gendarmerie (CNICG) à Gramat, dans le Lot.
Bref, le regard porté sur l’ostéopathie change. La clientèle est plus nombreuse, plus variée et mieux conseillée concernant ce type de thérapie.
Je pense qu’il va y avoir de plus en plus d’ostéopathes canins dans les années à venir, car la demande sera au rendez-vous. En même temps, je crains un peu cette déferlante, car je ne voudrais pas que cela ternisse l’image encore fragile de la discipline.
Tout d’abord, il faut savoir qu’en France comme ailleurs, les prix des consultations sont fixés librement par le praticien. Il convient toutefois de faire la distinction entre les personnes qui comme moi ont le statut de vétérinaire du fait de leur formation initiale, et celles qui n’ont qu’un diplôme d’ostéopathe animalier. En effet, les premiers sont assujettis à la TVA (20%), pas les seconds. En outre, leurs charges sont plus lourdes, car il faut payer la caisse de retraites spécialisée, les cotisations à l’Ordre des vétérinaires, etc. Tout cela a forcément un impact sur le tarif de la consultation.
En fixant ce dernier à 60 euros TTC, je suis en mesure de me verser autour de 2000 euros par mois, mais ce montant inclut à la fois mon activité d’ostéopathe exclusive trois jours par semaine et mon activité en cabinet « classique » deux jours par semaine.
Les tarifs des autres vétérinaires ostéopathes de la région sont entre 60 et 75 euros par consultation. J’ai donc choisi de me situer dans la fourchette basse, par volonté de rendre ce type de soins accessible au plus grand nombre.
Quoi qu’il en soit, du fait des spécificités précédemment évoquées (à commencer par la TVA), il est normal qu’un vétérinaire exerçant également comme ostéopathe animalier applique des honoraires plus élevés qu’une personne qui n’est « que » ostéopathe animalier.
En tout cas, les mutuelles pour animaux ne prennent en charge l’ostéopathie que si c’est une personne ayant à la base une formation de vétérinaire qui a réalisé la consultation.
Je lui conseillerais d’effectuer des stages - par exemple ceux basés sur le volontariat au lycée.
En effet, cela lui permet vérifier si le métier lui plait vraiment avant de se lancer et de confirmer qu’elle a non seulement le bon feeling avec les animaux, mais aussi la capacité à être suffisamment à l’écoute de leurs humains.