Le chien dans l’islam

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Le chien dans l'hindouisme
Un chien allongé avec le Taj Mahal en arrière plan
Un chien allongé en train de dormir devant la mosquée Hagia Sophia, à Istanbul (Turquie)

Un des mythes les plus tenaces à propos de l’islam est que le Coran parle des chiens comme étant impurs (« haram », en arabe). Ils sont d’ailleurs abhorrés par certains musulmans qui citent, pour se justifier, un hadith (les hadiths sont des paroles et des gestes du Prophète rapportés par ceux qui l’accompagnaient) qui impose de nettoyer un vase sept fois si un chien y a bu.

 

L’Union des Mosquées de France a répondu à cette croyance en 2018, affirmant que l’obligation de nettoyer un contenant qui serait entré en contact avec la bave d’un chien n’est pas un motif suffisant pour déclarer cet animal comme impur. Il s’agit plutôt d’un rituel et d’une mesure d’hygiène, similaire à celle de l’ablution avant la prière.

 

Le chien dans l’islam

Au demeurant, il est peu plausible que les premiers musulmans, dont le prophète Mohammed (571-632), aient détesté les chiens au point de les interdire dans leur religion : la péninsule arabique était alors habitée par des tribus pastorales, qui utilisaient des chiens de berger tant pour la conduite que pour la protection de leur bétail.

 

Un passage du Coran évoque d’ailleurs la grande proximité entre les chiens et les humains à l’époque de Mohammed : « Et à les voir, tu aurais cru qu’ils étaient éveillés alors qu’en réalité ils dormaient. Nous les retournions tantôt à droite, tantôt à gauche, pendant que leur chien était couché à l’entrée, les pattes allongées » (Coran, sourate 18, verset 18).

 

Un hadith raconte même l’histoire d’un homme admis au paradis pour être venu au secours d’un chien : « On tient du Prophète qu’un homme vit un chien tellement altéré qu’il mangeait de la terre humide. Prenant alors sa bottine, cet homme s’en servit pour puiser de l’eau qu’il offrit au chien et répéta ce manège jusqu’à ce que l’animal se fût désaltéré. Dieu sut gré à cet homme et le fit entrer au Paradis » (Hadith n°2363).

 

Le chien dans l’islam

Ainsi, quand on prend la peine de tout mettre dans la balance, on comprend mal la perception négative du chien qu’ont certains musulmans un peu partout dans le monde. Alan Mikhail, professeur d’histoire à l’université de Yale (États-Unis), a émis en 2017 l’hypothèse que la haine du chien est apparue après la découverte scientifique du phénomène de contagion microbienne. En effet, il n’a pas échappé aux savants musulmans que les grandes épidémies du Moyen-Âge firent leur apparition dans des zones densément peuplées où les déchets humains s’accumulaient. Les autorités de l’époque commencèrent donc à faire nettoyer les rues, sortir les déchets en dehors des zones urbaines et rejeter les animaux qui se trouvaient normalement près des déchets, notamment les rongeurs et les chiens.

 

Le chien dans l’islam

Alan Mikhail affirme qu’à partir du 19ème siècle, les campagnes d’éradication des chiens errants dans les grandes villes du monde musulman (Le Caire, Istanbul et Bagdad, notamment) furent très efficaces. Ainsi, en l’espace de quelques décennies, le nombre de chiens y chuta rapidement, rendant leur présence moins « normale » pour les citadins. Cela impliqua également qu’ils furent de plus en plus associés à la maladie et à la mort, puisqu’ils se rabattirent alors sur les cimetières et les décharges, à l’extérieur des cités.

 

Aujourd’hui, beaucoup de musulmans ont des chiens ou s’occupent de chiens errants. C’est le cas par exemple à Istanbul où, à l’instar des chats, ils sont choyés par les habitants de la ville. Autrement dit, la tradition s’incline devant l’empathie et l’amour tout naturel de l’Homme pour le chien.

 

Le chien dans l’islam

Il existe toutefois encore quelques exceptions, comme celui du régime des mollahs en Iran. Face à la prolifération du nombre de chiens dans la capitale du pays, Téhéran, des députés ont souhaité limiter leur présence, considérant le fait d’avoir un chien chez soi comme « un problème culturel [qui] constitue une imitation aveugle de la culture occidentale vulgaire », rapportait en 2011 l’agence de presse iranienne Irna. Ils trouvèrent un soutien de poids en 2019 en la personne de Hossein Rahimi, chef de la police de la ville, qui décréta qu’il était désormais interdit de promener un chien en public ou de le prendre en voiture, et que les contrevenants s’exposaient à des sanctions. Toutefois, contrairement par exemple à d’autres interdictions de nature religieuse comme celles de consommer de l’alcool, de danser ou de jouer d’un instrument de musique en public, celle-ci est globalement ignorée par la population et par la police elle-même. Même si des amendes sont prévues, il y a donc peu de chances que de nombreux propriétaires se séparent effectivement de leur fidèle compagnon.

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Dernière modification : 12/09/2020.