A quoi servent les chiens dans les films?

23/05/2008

61ème Festival de Cannes
Pas bête
Pour Darroussin, les chiens apparaissent forcément dans les films de campagne, de la même façon que les chevaux galopent dans les westerns. «Dans “Dialogue avec mon jardinier”, Jean Becker s’arrachait les cheveux pour une scène où je devais être poursuivi sur ma mobylette, par un chien. On lui avait mis un truc à manger à l’arrière de la mob, mais ça n’a marché que pour une prise. Or, dans le film, il y a deux plans sur cette poursuite, mais c’est deux fois la même image, car on n’avait pas d’autre choix.» Car, à moins de faire tourner un animal entraîné pour le ciné, les chiens lambda comprennent après la première prise le stratagème mis en place pour les faire se déplacer d’un point à un autre. Du coup, le réalisateur n’a droit qu’à une prise. Une seule.

C’est nous, ou il y a eu un débarquement de chiens dans les films sélectionnés à Cannes cette année? «Valse avec Bachir» s’ouvre sur une scène où des chiens enragés courent la langue pendante à toute allure dans les rues de Beyrouth, renversant tout, chaises comme humains, sur leur passage. Dans «De La Guerre», un énorme dogue allemand assiste en spectateur aux gesticulations d’une communauté à la recherche forcenée de plaisir. Dans «Wendy and Lucy» de Kelly Reichardt et «Blindness» de Fernando Meirelles, le casting est encore canin.

A quoi servent les chiens dans les films? La question n’est pas facile à poser aux réalisateurs et acteurs, qui ouvrent des yeux ronds comme des billes quand on ose formuler l’interrogation, nous prenant pour, au mieux, un clown ou, au pire, un être mono-neuronal.

«Ça change des acteurs humains»
«J’ai toujours mis beaucoup d’animaux dans mes films, dit Bertrand Bonello, le réalisateur de «De La Guerre». C’est un challenge, ça change des acteurs humains. Mais c’est quand même plus facile de tourner avec un chien qu’avec un hérisson. Une fois, j’ai voulu faire jouer un âne qui n’avançait pas, c’était un cauchemar!» Dans son film, le dogue sert d’élément de transition entre les séquences. Pour Fernando Meirelles, en revanche, l’utilisation du chien est plus compliquée. Le voici ici quasiment loup dévorant le cadavre d’un homme étalé sur des marches. Une sauvagerie aussitôt annulée par le plan suivant où un autre chien, sorte de gentil Milou en plus grand, vient câliner le personnage principal (Julianne Moore).

«Une petite consolation animale»
En réalité, l’usage du chien dans les films ne date pas d’hier. «Les chiens font partie du paysage des hommes. Ils permettent d’évoquer toute une palette de sentiments, allant de la tendresse à l’agressivité», décrit Jean-Pierre Darroussin, qui se remémore une scène du film de Christine Carrière, «Qui plume la lune?» où son personnage, «dans un moment de désespoir, pleurait tout seul dans la forêt» jusqu’à ce qu’une chienne vienne lécher ses larmes. «Une petite consolation animale», rit l’acteur.

«Le chien a une fonction sociale dans le cinéma: il est un substitut d’amour», résume le réalisateur Bruno Dumont, président du jury de la Caméra d’or cette année, un prix qui récompense les premiers films au Festival de Cannes. «Au fond, on n’est pas obligé de faire des films qui parlent de sujets nobles comme la connaissance ou le bien. On peut faire un très bon film sur la vie d’un chien, à condition que la mise en scène montre ce qu’il se passe à l’intérieur de cet animal. Si c’est juste pour faire défiler des images de chiens, ce n’est pas du bon
Alice Antheaume, à Cannes