SUISSE - La campagne choc de la SVPA hérisse le poil des fourreurs

11/11/2006

Pas d’images d’animaux écorchés, mais des slogans offensifs sous forme de définitions de dico. Le coup de griffe des antifourrure fait rugir les pros.

«Attention aux blessures d'amour- propre, vous qui vous apprêtiez à ressortir votre bon vieux vison. «Grue», «petite dinde», «thon», «vieille cruche»… Vous allez vous faire traiter de tous les noms d'oiseau. La société vaudoise de protection des animaux (SVPA) vient de lancer une campagne antifourrure à 180 000 francs. Qui promet de hérisser pas mal de poils jusqu'à la mi-décembre.

Les slogans de la SVPA frisent le code en singeant des définitions du dictionnaire. Un échantillon: «FOURRURE [furyr] n.f. 1. Peau d'animal tué que certains vieux coqs offrent à la femme qu'ils n'aiment plus. La fourrure: signe extérieur de désamour.» Ou encore: «Peau d'animal tué que certaines petites dindes portent pour oublier qu'elles sont des thons.»

Jouant avec l'offense, ces formules se déclinent dans toute la Suisse romande et sur tous les supports possibles: fascicules tous ménages, affichettes dans les bus, affiches au format mondial, encarts publicitaires dans les journaux et les magazines. Impossible d'échapper aux foudres des défenseurs des bêtes.

«Bousculer les gens»

Pourquoi tant de haine? Parce que les images d'animaux massacrés ne heurtent plus personne, répond en substance la SVPA. Après le choc des photos, le poids des mots. «Il fallait essayer autre chose pour bousculer les gens», dit Alain Zwygart, administrateur de la société. Accessoirement, il se réjouit du fait que cette campagne sans précédent tranche avec l'image qui colle à la SVPA. Celle d'une institution vaudoise bien calme qui fait un travail de fond sans faire de vagues. «On reste gentils, mais on sort les griffes», plaisante-t-il.

Samuel Debrot, président de la SVPA, se déclare «exaspéré par l'inefficacité» des campagnes antifourrure: «Depuis les années 1960, depuis que Brigitte Bardot a dénoncé l'abattage des bébés phoques, les choses ont très peu bougé. C'est désespérant. Notre intention est de ridiculiser les gens qui continuent à porter de la fourrure et de leur donner mauvaise conscience. Tant pis si notre campagne heurte. Ou plutôt, tant mieux. Pourvu qu'on en parle.»

«Insulte aux femmes»

Du côté des fourreurs, l'exaspération n'est pas moindre. A Lausanne, le pelletier Ivan Benjamin - 54 ans de métier - fulmine: «Ce qui me choque dans cette campagne, c'est d'abord sa malhonnêteté intellectuelle. On fait passer sa propre définition de la fourrure pour une vérité encyclopédique. Par ailleurs je la trouve machiste et insultante à l'égard des femmes, qu'elle traite en objets.»

Vice-président de Swissfur et président de la commission d'éthique de la Fédération internationale des fourreurs, Ivan Benjamin ne comprend pas que la SVPA dépense autant d'argent pour attaquer une profession qui, souligne-t-il, «fait vivre des dizaines de milliers de personnes en Europe». Il enchaîne: «Que l'on doive respecter l'animal, c'est une évidence. Depuis vingt ans, nous avons une politique claire, une éthique irréprochable sur le sujet. Si le consommateur veut être sûr de ne pas acheter des peaux de chiens, de chats ou d'animaux traités avec cruauté, il va chez un professionnel membre de Swissfur. Tous nos articles sont étiquetés et certifiés.»