On assiste depuis le début du 21ème siècle à une véritable renaissance du jeu de société, qui se traduit notamment par le lancement de toutes sortes de nouveaux titres. Parmi ces derniers, nombreux sont ceux qui ont pour thème les animaux – qu’il s’agisse de divertir et/ou d’éduquer les joueurs à leur sujet.
Présent dans plus de 500 jeux, le chien fait partie des espèces qu'on trouve le plus souvent sur ce support. De la simulation de promenade à celle de course de traîneaux, en passant par la séance de traitement antipuces, les créateurs puisent leur inspiration dans tout ce qui peut faire partie du quotidien du meilleur ami de l’Homme, et le résultat est parfois surprenant.
En voici 10 qui présentent la gent canine sous son meilleur jour et ont été bien accueillis tant par la critique que par le public, précédés par une petite rétrospective sur la place du meilleur ami de l’Homme dans les jeux de société.
Le chien fascine depuis longtemps les adeptes de jeux de société.
C’était déjà le cas dans l’Égypte antique (qui va de 3150 avant J.-C. à 30 avant J.-C.), puisqu'il était l’un des deux personnages du jeu du chien et du chacal, aussi connu sous le nom de jeu des 58 trous. Particulièrement populaire durant le Moyen Empire (de 2033 à 1786 avant J.-C.), celui-ci se compose d’un plateau comportant 58 trous dans lesquels on insère des bâtonnets dont la tête représente soit un chien, soit un chacal. Les règles du jeu n’ont jamais été établies, mais on suppose qu’elles étaient assez proches de celles du jeu de l’oie actuel. Ainsi, le but était probablement d’arriver le plus vite possible à la fin du parcours en déplaçant ses pions d’un nombre de trous déterminé par le hasard.
À ce jour, plus d’une quarantaine d’exemplaires ont été découverts par des archéologues en Égypte, mais aussi en Mésopotamie, en Israël, en Syrie, en Iran, en Azerbaïdjan et dans les régions limitrophes de la Méditerranée. Cela laisse à penser que ce jeu était largement diffusé dans cette partie du monde durant l’Antiquité.
Le chien était aussi représenté sur les pions du Tâb, un autre jeu égyptien dont les premières traces remontent à 1310. Semblable lui aussi au jeu de l’oie, il se pratiquait à deux et nécessitait d’utiliser des bâtonnets faisant office de dés pour déterminer de combien de cases avancer ses pions sur le plateau de jeu.
Le pays des pyramides et des pharaons n’est cependant pas le seul à s’être inspiré du meilleur ami de l’Homme pour élaborer des jeux de société. En 2013, des figurines de chiens et de cochons furent découvertes lors de fouilles archéologiques sur le site turc de Başur Höyük. Elles proviendraient d’un jeu de société vieux de 5000 ans, dont le plateau ne fut jamais retrouvé. On ignore tout des règles de ce jeu dont les éléments encore existants sont exposés au musée de Batman, en Turquie, mais certains pensent qu’il s’agirait d’un ancêtre des échecs.
Plus vers l’est, le chien est aussi l’une des 8 pièces du jeu traditionnel chinois Dou Shou Qi, appelé en français « jeu du combat des animaux » et dont l’origine demeure incertaine. Il pourrait avoir vu le jour au 5ème siècle de notre ère, mais il est admis que ses règles ont évolué avec le temps : la version moderne à laquelle s’adonnent les adeptes d’aujourd'hui daterait ainsi du début du 20ème siècle. Quoi qu’il en soit, le Dou Shou Qi est lui aussi similaire aux échecs, si ce n'est qu'il met en scène divers animaux ayant chacun des capacités qui leur sont propres.
Dans l’Europe du Moyen Âge, les jeux de société (notamment les jeux de cartes) étaient nombreux, mais rares étaient ceux avec des chiens. On peut néanmoins citer celui du lièvre et du chien, un jeu de stratégie dans lequel un joueur déplace trois chiens sur un terrain de 11 cases pour tenter de coincer un lièvre contrôlé par son adversaire. Il a su traverser les siècles, puisqu'il était encore très populaire au 19ème siècle. Il est cependant tombé dans un oubli relatif à partir du 20ème siècle.
Le jeu de société moderne est un loisir mal documenté : nombreux sont les titres sortis au 20ème siècle dont il n’existe aujourd’hui plus aucune trace. De fait, il est difficile de déterminer avec précision quel est le premier jeu moderne dans lequel figurent des chiens.
Il semble cependant qu’un nombre important de titres portant sur les courses de lévriers voient le jour à partir des années 20. C’est le cas notamment de Derby Dog Race Game (1920), Greyhound Race (1926) et Dog Race (1938) ; basiques dans leur gameplay, ils ne sont au fond que des variantes du jeu de l’oie.
Pendant de nombreuses décennies, les titres publiés ne s’écartent d’ailleurs guère de la formule. Pooch (1956) propose aux joueurs de reconduire des chiens égarés vers leur niche sur un joli plateau plastifié en 3 dimensions, et Lassie (1965) peut se targuer de profiter de la licence de la célèbre série de romans et de films éponymes, mais il ne s’agit là encore que de jeux de parcours très sommaires dans lesquels on se contente de lancer des dés et de déplacer son pion pour atteindre la ligne d’arrivée le plus vite possible. Il en va d’ailleurs de même pour la majorité des jeux de société portant sur des chiens personnages de dessins animés célèbres comme Scooby-Doo, Underdog ou encore Roquet belles oreilles.
Ce n’est qu’à partir des années 80 que les éditeurs commencent à s’interroger sur ce que leurs jeux peuvent offrir de plus. Sortis en 1985, Greyhounds et Greyhound Poursuit sont eux aussi basés sur les courses de lévriers, mais ils introduisent quelques mécaniques de gameplay inédites - notamment des cartes déterminant la vitesse des chiens, ainsi que la possibilité de placer des paris sur les participants.
Le meilleur ami de l’Homme est aussi la vedette de DOG, jeu de société créé en 1997 par l’éditeur allemand Schmidt Spiele. À première vue, le titre ne fait que reprendre le concept du jeu des petits chevaux : il demande en effet aux participants de faire faire un tour complet du plateau de jeu à l’ensemble de leurs chiens. Cependant, il apporte de nombreuses subtilités qui rendent les parties stratégiques, à commencer par le fait qu’il se joue obligatoirement par équipes. Les joueurs sont donc obligés de se concerter avec leur partenaire pour coordonner leurs déplacements et établir la meilleure stratégie possible. Il demande aussi de bien gérer les cartes que l’on a en main, car celles-ci déterminent les mouvements des pions. Enfin, à la différence des autres jeux de parcours, DOG invite les participants à ruser pour éviter des portions complètes du plateau de jeu. Il les encourage en effet à utiliser des cartes spéciales permettant d’atteindre plus vite la ligne d’arrivée par exemple en inversant deux pions, en atteignant directement un bord opposé du parcours ou même en avançant à reculons. D'une certaine manière, le titre remet en cause l’idée qu’un jeu de société est forcément composé d’un parcours sur lequel on doit avancer ses pions pour atteindre la ligne d’arrivée en premier. D'ailleurs, il ouvre ce faisant la voie à des titres plus originaux.
À partir du 21ème siècle, le succès international de titres allemands majeurs comme Les Colons de Catane (1995) de Klaus Teuber ainsi que Carcasonne (2000) de Klaus-Jürgen Wrede relance l’intérêt du grand public pour un divertissement tombé en désuétude.
Il faut dire que les éditeurs du pays de Gutenberg redoublent d’inventivité pour proposer des expériences de plus en plus complexes et stratégiques. Plus question désormais de se contenter de lancer des dés et de faire avancer des pions pour atteindre la ligne d’arrivée le premier : le jeu de société moderne vise avant tout à proposer des expériences thématiques immersives, et qui demandent une bonne dose de réflexion.
Peu à peu, les créateurs du monde entier leur emboitent le pas et se mettent à proposer des expériences plus riches, dont certaines sont centrées sur les chiens. C’est le cas en particulier de Snow Tails, sorti en 2008 et imaginé par les Écossais Gordon et Fraser Lamont. Il met en scène des courses de traîneaux sur un plateau de jeu composé de dalles cartonnées que l’on peut assembler comme on le souhaite, afin que chaque partie soit différente. Contrairement aux nombreux jeux de courses de lévriers, il laisse peu de place au hasard, puisqu’il se joue entièrement avec des cartes qui déterminent la vitesse des chiens et leur capacité à gérer les virages ainsi qu’à éviter les obstacles.
En 2016, c’est au tour d’Agility de faire découvrir aux amateurs de jeux de société une autre discipline canine : la course d’obstacles. Créé par Brent et Kaleen Povis, un couple d’Américains, ce titre ne se contente pas de mettre en scène les épreuves elles-mêmes, mais tente de simuler les différents aspects propres à ce sport. Les joueurs doivent ainsi sélectionner les meilleurs chiens possible, les entraîner puis les faire concourir.
Un an plus tard, en 2017, Une vie de chien, créé par le Français Christophe Boelinger, invite carrément les joueurs à se glisser dans la peau de véritables toutous. Ils doivent notamment se nourrir, se battre contre d’autres chiens, et peuvent même uriner sur les lampadaires pour marquer leur territoire.
Plus largement, le quotidien du meilleur ami de l’Homme ne cesse de donner des idées aux concepteurs de jeux de société. Certaines sont d’ailleurs couronnées de succès, à l’image de Dog Park (2023), un jeu britannique signé Lottie et Jack Hazell dans lequel on cherche à devenir le meilleur dog walker de la ville.
D’autres titres plus loufoques voient aussi le jour et puisent leur inspiration dans les nombreux dessins animés avec des chiens. C’est le cas de Doggy Scratch (2021), imaginé par les Espagnols Josep M. Allué et Dani Gomez, qui demande d’éliminer les puces (ayant l’apparence de soldats en mission) de la fourrure d’un toutou semblant tout droit sorti d’un cartoon américain. On peut aussi citer l’exemple de Dastardly Dog (2021), petit jeu de cartes signé Louis Robinson qui s’inspire des courses déjantées du dessin animé Les Fous du volant (1968).
L’offre de jeux de société avec des chiens s’est donc considérablement enrichie depuis les années 2010, et on trouve désormais des titres adaptés à tous les types de public.