Parmi les problèmes auxquels sont confrontés les territoires comptant beaucoup d'animaux domestiques, celui des chiens errants est probablement l'un des plus importants, que ce soit en termes d'ampleur ou de difficultés à y apporter des solutions pérennes.
Qu'il s'agisse d'accidents, de morsures, de maladies ou d'autres enjeux, les chiens errants posent toutes sortes de problèmes à leur entourage et leur environnement. Des solutions existent, mais aucune toutefois n'est parfaite, ce qui explique que le problème demeure.
Un chien errant est un chien domestique n'ayant pas de domicile ni de véritable maître, dans le sens où personne ne s'occupe véritablement de lui au quotidien. Il peut tout de même avoir un propriétaire officiel s'il vivait auparavant dans un foyer, mais le lien avec ce dernier a été brisé, à la suite d'un abandon, d'une fugue, d'une perte ou encore d'un décès.
Les chiens errants ne doivent pas être confondus avec les chiens parias, qui sont quant à eux semi-sauvages car n'ayant jamais été vraiment domestiqués, même s'ils vivent plus ou moins au contact de l'Homme.
Ils ne doivent pas non plus être confondus avec les chiens bâtards (ou croisés), qui désignent simplement des individus n'appartenant à aucune race en particulier (il s'agit donc de l'équivalent canin des chats de gouttière). De fait, si beaucoup de chiens errants sont des croisés, les croisés sont loin d'être tous errants.
Par définition, il est assez difficile de connaître avec précision le nombre de chiens errants, puisque ces derniers ne sont rattachés à aucun foyer et ne sont donc pas recensés. Diverses études estiment toutefois le nombre de chiens errants dans le monde entre 300 et 500 millions.
Le nombre de chiens en Europe est estimé à quelques dizaines de millions, sachant que ce sont globalement les pays de l'Est qui en comptent le plus. Ainsi, la Russie en compte environ 4 millions, la Turquie et la Roumanie 2 millions chacune, et l'Ukraine 1 million.
Pour ce qui est de l'Europe de l'Ouest, les chiffres sont assez disparates en fonction des politiques mises en place. Ainsi, autant des pays comme l'Italie et l'Espagne en comptent respectivement autour de 600.000 et 800.000 sur leur territoire, autant des pays comme la France, la Belgique et la Suisse n'en comptent que quelques milliers à dizaines de milliers chacun. Quant aux Pays-Bas, il s'agit à ce jour du seul pays au monde ne comptant officiellement plus aucun chien errant ni abandonné.
Pour ce qui est du continent américain, les données manquent pour estimer le nombre de chiens errants avec précision.
Ils seraient ainsi quelques dizaines de millions aux Etats-Unis, et probablement un peu moins au Canada.
Dans le sud du continent, la situation est probablement encore plus grave, même si là aussi les chiffres font défaut. Par exemple, certaines études estiment à près de 30 millions le nombre d'animaux abandonnés au Brésil chaque année, dont beaucoup ne sont pas pris en charge et deviennent donc vagabonds par la force des choses. Pour ce qui est de La Paz (la capitale de la Bolivie) et Santiago du Chili (la capitale du Chili), on y compte respectivement environ 400.000 et 500.000 chiens errants.
De manière générale, c'est surtout en Afrique et en Asie que les chiens errants sont les plus nombreux :
Ces continents représentent vraisemblablement à eux deux la moitié voire plus du total de chiens errants dans le monde.
Depuis la domestication du chien par l'Homme il y a des dizaines de milliers d'années, il y a vraisemblablement toujours eu des chiens errants. Ce n'est donc pas une situation nouvelle.
Le phénomène s'est toutefois largement amplifié depuis les chiens domestiques sont devenus des animaux de compagnie à part entière, et qu'on les retrouve en nombre dans tous les pays ou presque. Certains experts estiment ainsi à environ 500 millions le nombre de chiens domestiques dans le monde, ce qui en fait probablement l'animal de compagnie le plus répandu.
Or, une augmentation du nombre de chiens domestiques entraîne mécaniquement une augmentation de celui de chiens errants. En effet, ceux-ci sont en bonne partie d'anciens animaux de compagnie ayant été abandonnés, perdus, qui ont fugué ou qui se sont tout simplement retrouvés sans personne pour s'occuper d'eux. Dans certains territoires, des mesures ont été prises pour prendre soin de ces chiens sans famille : lorsque ce n'est pas le cas, ou que leur nombre est trop important pour qu'ils soient tous secourus, ils deviennent alors errants, par la force des choses.
Le phénomène s'auto-entretient ensuite naturellement, car les chiens errants non stérilisés se reproduisent entre eux et engendrent des petits qui à leur tour vivent dans la rue, et ainsi de suite.
Un nombre important de chiens errants n'est pas souhaitable pour ces animaux eux-mêmes bien sûr, mais aussi pour leur entourage. En effet, leur présence s'accompagne de toutes sortes de problèmes pour leur environnement.
Les chiens errants sont chaque année responsables d'un grand nombre d'attaques sur des humains, avec tous les risques que cela comporte (blessures importantes, maladies...).
En effet, même si le risque de se faire mordre existe avec n'importe quel chien, il est globalement plus élevé avec les animaux errants. Ceci est lié au fait qu'ils sont assez mal socialisés aux humains, plus peureux (donc plus à même d'avoir une réaction de défense si une personne s'approche d'eux) et globalement moins équilibrés psychologiquement du fait de leurs conditions de vie précaires.
Il peut aussi y avoir des attaques de chiens errants liées à l'alimentation, notamment si des personnes ont sur elles de la nourriture alléchante pour eux ou si elles leur donnent l'impression de vouloir leur prendre ce qu'ils sont en train de manger. Enfin, même si le cas est rare, les chiens affamés assimilent parfois des humains à des proies potentielles et sont tentés de s'en prendre à des individus faibles et/ou isolés (notamment des enfants).
Il n'est malheureusement pas rare que des chiens errants s'en prennent à d'autres animaux, le plus souvent pour pouvoir se nourrir.
Cela peut aller d'animaux de petite taille comme des lapins, des poules, des chats ou des petits chiens, à des bêtes bien plus grosses comme des moutons ou même des vaches dans les zones rurales.
La faune sauvage n'est pas non plus à l'abri : chevreuils, biches, cerfs... sont autant de proies parfaitement à la portée de chiens errants chassant en meute. Cela pose ainsi un problème écologique dans les endroits où ces derniers sont nombreux, car ils menacent alors les populations d'animaux sauvages, et par ricochet également celles de leurs prédateurs naturels en réduisant le nombre de proies disponibles.
Comme ils ne sont pour la plupart ni vaccinés, ni traités contre les parasites, ni soignés quand ils sont malades, les chiens errants constituent un véritable problème de santé publique. En effet, ils peuvent facilement véhiculer diverses maladies plus ou moins graves, et les transmettre à des humains (dans le cas de zoonoses canines) ou à d'autres animaux, y compris des animaux sauvages.
Le cas le plus parlant est probablement celui de la rage. Cette maladie mortelle et incurable se transmet à l'Homme principalement par le biais des canidés. Ainsi, dans les territoires où elle est très présente comme l'Indonésie, l'Île Maurice ou les pays du Maghreb, les chiens errants sont chaque année responsables d'un grand nombre de cas de rage chez l'être humain.
Les chiens errants sont généralement responsables d'un certain nombre de dégradations là où ils vivent et se déplacent.
Les traces qu'ils laissent après leur passage sont assez variées : flaques d'urine, déjections, restes de nourriture, fouille dans les poubelles et les décharges... avec tous les risques pour la santé que cela comporte.
Ils peuvent aussi dégrader les habitations (notamment les barrières et les clôtures), par exemple s'ils tentent de pénétrer dans une propriété pour y poursuivre une proie ou y dérober de la nourriture.
Les chiens errants ont beau n'appartenir techniquement à personne, ils représentent tout de même un coût important pour les territoires.
En effet, entre les destructions qu'ils causent et qu'il faut donc réparer, les saletés qu'ils laissent derrière eux (déjections, urines, restes de nourriture, sacs poubelles déchirés...) et qu'il faut nettoyer, et les maladies qu'ils peuvent propager aux autres animaux et/ou aux humains, les dépenses qu'ils occasionnent sont loin d'être négligeables.
Lorsqu'ils sont très nombreux, les chiens errants peuvent aussi engendrer un manque à gagner pour les localités, dans la mesure où ils sont susceptibles de nuire à leur image et donc au tourisme, en particulier si les attaques sur des humains sont régulières.
Si l'on ajoute à cela toutes les politiques publiques mises en place pour tenter d'en réduire le nombre (mise en place de fourrières et de refuges, sensibilisation des maîtres contre les abandons, campagnes de stérilisation ou d'euthanasie...), ils constituent donc un réel budget pour les collectivités. Cela explique d'ailleurs les difficultés de certains territoires à lutter efficacement contre ce fléau.
Un problème auquel on ne pense pas forcément est celui des croisements entre des chiens errants et d'autres canidés, comme des loups ou des coyotes. Il s'agit d'un phénomène courant, que l'on observe aussi (et peut-être même surtout) chez les félins avec les chats.
Concrètement, lorsque deux espèces animales sont très proches et qu'elles vivent à proximité l'une de l'autre, elles sont parfois amenées à s'accoupler ensemble et à donner ce que l'on appelle des hybrides. Dans le cas du chien, il peut se reproduire avec bon nombre de canidés, notamment le loup et le coyote.
Dans la mesure où les chiens errants se retrouvent fréquemment en contact avec leurs cousins sauvages, ils se reproduisent parfois avec eux plutôt qu'entre congénères, et donnent alors naissance à des hybrides. On trouve ainsi en Europe (en particulier en Italie) une quantité importante d'hybrides loups-chiens, et en Amérique du Nord un nombre croissant de coyloups, c'est-à-dire des hybrides loups-coyotes-chiens.
Cette situation a priori amusante soulève pourtant d'importantes questions en termes de préservation des espèces. En effet, on compte trois problèmes majeurs avec ces hybrides :
Il s'agit donc d'un vrai enjeu dans les territoires où les chiens errants sont nombreux et plus à même de se reproduire avec d'autres canidés.
Pour faire face au problème des chiens errants et tenter d'en réduire leur nombre, de nombreuses solutions ont été expérimentées à travers le monde, avec plus ou moins de succès. Certaines sont assez douces et bienveillantes, tandis que d'autres sont beaucoup plus radicales.
La solution la plus « efficace » à court terme mais aussi la plus radicale consiste à abattre massivement les chiens errants. L'idée n'est pas forcément de tous les éliminer, mais d'en tuer suffisamment pour que leur nombre soit ramené à un niveau jugé acceptable par les localités.
La question de l'abattage des chiens errants se pose surtout dans les territoires où ils sont très nombreux, et où ils posent alors de graves problèmes de sécurité et de santé publique - notamment lorsque la rage est toujours présente et qu'ils en sont un des vecteurs.
En effet, les coûts élevés qu'engendreraient les solutions alternatives font bien souvent pencher la balance en faveur de celle-ci, plus radicale et moins coûteuse. Cela explique qu'elle est surtout pratiquée en Afrique et en Asie, là où les populations de chiens errants sont nombreuses.
Bien évidemment, l'abattage des chiens errants pose de gros problèmes sur le plan éthique, et fait bondir les associations de protection animale et les amoureux des animaux en général, en raison de sa grande cruauté. Qu'il soit pratiqué avec des armes à feu, des appâts empoisonnés ou d'autres méthodes, les chiens ciblés agonisent parfois pendant plusieurs jours. Quant aux cadavres, ils sont souvent laissés sur place, ce qui occasionne des problèmes d'hygiène évidents.
Cette méthode est d'autant plus décriée qu'elle est jugée assez inefficace à long terme pour réguler la population de chiens errants. En effet, les canidés compensent généralement une perte importante d'individus adultes par des portées de chiots plus nombreuses et ayant un meilleur taux de survie : par conséquent, à moins d'éliminer quasiment tous les chiens adultes en peu de temps, le résultat à terme n'est pas forcément très visible.
L'abattage est couramment utilisé dans les territoires où le nombre de chiens errants est important : le Maroc, la Tunisie, l'Algérie, le Cambodge, l'Indonésie, le Vietnam... À l'inverse, dans les territoires où ils sont assez peu nombreux (notamment en Europe), l'abattage de masse est très rare.
La stérilisation des chiens errants est une alternative à l'abattage, soutenue et même encouragée par les associations de protection animale. Elle consiste à les faire opérer afin qu'ils ne puissent plus se reproduire, et permet donc que leur population diminue naturellement sans avoir besoin de les abattre.
Après l'opération, les animaux stérilisés peuvent être replacés là où ils vivaient, ou alors confiés à des refuges dans l'attente d'une adoption : tout dépend de la stratégie mise en place localement et de la capacité d'accueil des structures en question.
Stériliser les chiens errants présente plusieurs avantages indéniables :
Malgré tout, faire stériliser les chiens errants a plusieurs inconvénients, qui font que cela n'est pas applicable partout :
La stérilisation des chiens errants est assez rarement pratiquée dans les pays qui en auraient le plus besoin, car elle demande des moyens financiers importants et du personnel qualifié.
Quelques territoires se sont tout de même lancés, tels que :
Dans un certain nombre de territoires, un dispositif de fourrière a été mis en place afin de gérer les chiens errants et de limiter leur nombre. Il s'agit d'une structure apte à l'accueil et la garde des chiens en état de divagation - généralement une fondation, une association ou tout autre établissement à but non lucratif.
Le principe est assez simple : lorsqu'un chien semblant errant, perdu ou abandonné est repéré puis capturé, il est alors confié à la fourrière la plus proche, qui le garde jusqu'à ce que son maître éventuel vienne le récupérer. S'il ne possède pas de maître, ou si ce dernier ne se manifeste pas avant un certain délai, il est alors généralement confié à un refuge pour qu'il soit proposé à l'adoption.
La mise en place d'une fourrière est une méthode efficace de lutte contre le problème des chiens errants.
En effet, elle les sort de la rue, prend soin d'eux et les propose à l'adoption. Il s'agit donc de la méthode la plus « éthique », puisqu'elle leur offre des conditions de vie nettement plus agréables que ce qu'ils auraient connu s'ils étaient restés errants.
Elle réduit aussi les désagréments causés sur l'environnement : en effet, en ne les laissant pas à la rue, elle limite les risques d'accidents, de maladies et de dégâts en tout genre.
Malgré son efficacité, le système de fourrière n'est pas applicable partout, car il a plusieurs inconvénients majeurs.
Tout d'abord, il est assez onéreux, puisqu'il nécessite d'avoir des locaux assez grands, ainsi que du personnel formé pour s'occuper des chiens récupérés pendant tout le temps nécessaire. Il est certes le plus souvent demandé de payer une indemnité pour récupérer un animal ayant été placé en fourrière, mais cela ne suffit pas à couvrir l'ensemble des frais. On ne trouve donc pas de fourrières partout.
De plus, ce système ne peut être efficace qu'à condition que les chiens errants soient déjà en nombre suffisamment réduit pour être à peu près tous pris en charge. En effet, s'il s'agit de ne récupérer qu'une petite proportion des individus en divagation, ces derniers sont rapidement remplacés par de nouveaux chiots : ce serait un retour à la case départ.
Enfin, même si les chiens recueillis sont censés être proposés à l'adoption, il n'est pas rare qu'un certain nombre d'entre eux soient en fait euthanasiés, faute de place, de personnel et de moyens pour pouvoir tous les garder.
Des systèmes de fourrière ont été mis en place dans un certain nombre de pays occidentaux, notamment en Europe (France, Belgique, Suisse...) et en Amérique du Nord (Canada et Etats-Unis donc). Il s'agit d'ailleurs du principal moyen utilisé dans ces endroits pour réduire le nombre de chiens errants - avec bien sûr en parallèle la lutte contre les abandons.
Une politique efficace de réduction du nombre de chiens errants passe nécessairement par une lutte contre les abandons. En effet, une part non négligeable d'animaux abandonnés par leur propriétaire finissent dans la rue. Il ne suffit donc pas de s'occuper des chiens déjà errants : il faut également veiller à ce qu'il n'y en ait pas de nouveaux.
Il n'existe malheureusement pas de formule magique pour faire cesser les abandons. Néanmoins, différentes pistes peuvent être tentées :
C'est d'ailleurs un mélange de ces propositions qui a permis aux Pays-Bas de déclarer ne plus avoir de chien errant ni abandonné sur leur territoire - en tout cas officiellement.
Les chiens errants constituent un véritable problème dans de nombreux pays et territoires à travers le monde. Accidents, maladies, nuisances, dégâts sur l'environnement... : ils suscitent le mécontentement de leur entourage - et c'est d'autant plus regrettable qu'eux-mêmes ont une vie loin d'être enviable...
Lutter contre le fléau des chiens errants n'est toutefois pas si simple, car aucune solution n'est parfaite. L'abattage de masse est généralement la méthode privilégiée pour éliminer un grand nombre d'individus à peu de frais, mais en plus d'être cruel, il ne semble paradoxalement pas être efficace à long terme pour endiguer le problème. Les politiques de stérilisation et de système de fourrière sont globalement plus efficaces, mais plus chères et plus compliquées à mettre en place.
Dans tous les cas, une politique de lutte contre les abandons de chiens semble indispensable, pour éviter que de plus en plus d'animaux se retrouvent à la rue et finissent par devenir errants faute de propriétaire. Cela passe notamment par des campagnes de sensibilisation, afin de faire prendre conscience qu'un animal n'est pas un jouet, dont on se débarrasse dès qu'on s'en est lassé. Beaucoup de chemin reste toutefois encore à parcourir avant que les abandons deviennent résiduels.
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