Néro, chien de Napoléon III et instrument de la propagande impériale

La sculpture « L’enfant au lévrier », qui met en scène le futur empereur Napoléon III

D’un caractère très différent de celui de son oncle Napoléon Ier (1769-1821), Louis-Napoléon Bonaparte (1808–1873), empereur des Français de 1852 à 1870 sous le nom de Napoléon III, nourrissait une grande affection pour les animaux - et en particulier pour son chien Néro.

Né en 1861, ce Pointer Anglais mâle au pelage brun foncé lui fut offert vers 1864. Au-delà de son rôle de chasseur, il devint rapidement un compagnon de tous les jours apprécié tant par l’empereur que par sa famille, en particulier son fils unique Louis-Napoléon Bonaparte (1856-1879).

La relation entre le prince impérial et Néro fut d’ailleurs immortalisée en 1865 par Jean-Baptiste Carpeaux (1827-1875), l’un des plus célèbres sculpteurs du 19ème siècle. La commande de cette œuvre intitulée Le Prince impérial et son chien Néro n’est pas anecdotique, car elle avait clairement un but politique : promouvoir la figure du prince héritier auprès du public et faire entrer dans les esprits l’idée d’une dynastie napoléonienne. L’objectif fut pleinement atteint : en donnant à l’enfant une pose naturelle, en lui faisant porter un vêtement simple, mais aussi en représentant à ses côtés ce chien prenant une posture affectueuse et fière, regard tourné vers son maître, Carpeaux réussit une magistrale démonstration de ce qu’on appellerait aujourd’hui de la communication politique. L’œuvre connut un tel succès qu’elle fut reproduite dans plusieurs matériaux (marbre, bronze, porcelaine et plâtre) et continua d’être diffusée après la chute du régime sous de nouveaux noms ayant une connotation moins impériale, notamment L’enfant au chien et L’enfant au lévrier.

Néro était aussi connu des Français pour sa fugue très médiatisée du palais des Tuileries, également en 1865. En effet, on placarda alors dans la ville de Paris des affiches le représentant, et l’empereur alla même jusqu’à faire publier des avis de recherche dans plusieurs journaux. Le chien fut finalement retrouvé par une dame qui se vit pour cela récompensée d’une médaille en or.
 
Après sa mort prématurée des suites d’une rupture d’anévrisme, survenue en 1868 alors qu’il n’avait que sept ans, Néro ne put échapper à quelques moqueries dans la presse. Il faut dire que celle-ci disposait d’une grande liberté d’expression, qu’elle utilisait pour se montrer globalement très critique du régime de l’empereur. Emile Blavet (1838-1924), chroniqueur du journal Le Figaro, suggéra par exemple avec humour qu’on inscrive l’épitaphe latine « Hic Jacet Nero » (« Ici repose Néron ») sur la tombe du chien, afin d’induire en erreur les archéologues de l’an 3000.  Son nom n’avait cependant aucun rapport avec celui de l’empereur romain Néron (37-68) : il s’agissait en fait d’une francisation du mot italien « nero », qui signifie noir.