Thomas Jefferson, converti à la cause canine et promoteur du Briard

Tableau de Thomas Jefferson

Avant de devenir le troisième président des États-Unis d’Amérique, enchaînant deux mandats successifs de 1801 à 1809, Thomas Jefferson (1743–1826) avait mené une longue et riche carrière politique. En effet, celui qui fut l’un des rédacteurs de la Déclaration d’indépendance de 1776 œuvra notamment au sein de la toute jeune diplomatie américaine. De façon inattendue, c’est grâce à elle qu’il devint un éleveur de chiens à la fois rigoureux et passionné.

Il y était pourtant tout sauf prédestiné : fermier dans sa jeunesse après avoir hérité de la plantation familiale à la mort de son père en 1757, il grandit avec une piètre opinion de la gent canine. En effet, cette profession l’amenait à considérer le chien comme un animal dangereux, vecteur de la rage, tueur de bétail.

Néanmoins, un esprit curieux et ouvert comme le sien ne pouvait qu’être capable de remettre ses certitudes en question... au moins vis-à-vis de certaines races. C’est ce qu’il fit à l’occasion de son séjour en France en tant qu’ambassadeur, de 1785 à 1789. Au sein de la société intellectuelle du Paris d’alors, Jefferson fréquenta certains des plus grands noms de son temps. Parfaitement en phase avec son époque, il s’intéressa particulièrement à la compréhension de la nature, à propos de laquelle l’approche scientifique commençait tout juste à se mettre en place.

Ainsi se passionna-t-il pour les écrits du grand naturaliste de l’époque, Georges-Louis Leclerc, comte de Buffon (1707-1788) - dont les travaux influencèrent un certain Charles Darwin (1809-1882). Il eut même l’occasion de le rencontrer en 1786. Les théories du naturaliste le convainquirent que les qualités des chiens dépassaient leurs défauts, notamment lorsqu’on les mettait au service des activités humaines. La vision de Buffon repose en partie sur une hiérarchisation des espèces ainsi que des races au sein de ces dernières, et il soutenait que le meilleur des chiens était le Briard, ou Berger de Brie : ses qualités de chien de berger, sa robustesse et son intelligence lui semblaient atteindre un niveau que ses semblables ne pouvaient égaler.

Non seulement Jefferson fut convaincu par les arguments de Buffon, mais en plus il décida d’aller bien plus loin : peu avant son retour aux États-Unis, il se mit en quête des meilleurs spécimens et acquit ainsi une femelle Briard nommée Buzzy, qu’il choisit volontairement gestante et qui mit bas une portée sur le bateau du retour. Par la suite, bien décidé à enraciner la race aux États-Unis, il se fit envoyer d’autres Briards depuis la France.

Ce fut le début d’un travail d’élevage et de sélection qui fit la joie du futur président, séduit par les qualités de ces chiens à qui il confia la garde de ses troupeaux de moutons. D’ailleurs, il ne manqua pas d’en faire la promotion, au point que les demandes d’acquisition de chiots issus des nouvelles portées auxquelles ses femelles donnaient naissance se multiplièrent et que la race prospéra tout le reste de sa vie.

Elle n’est plus forcément aussi populaire de nos jours, puisqu’elle ne se situe qu’aux alentours de la 150ème place (sur environ 200) dans le classement des races établi par l’organisme cynologique de référence du pays, l’American Kennel Club (AKC), en fonction du nombre de demandes d’enregistrement qu’il reçoit chaque année. Toutefois, elle peut se targuer d’être présente dans le pays grâce à l’un des Pères fondateurs.

La passion de Thomas Jefferson pour les chiens doit cependant être fortement nuancée : son admiration semble s’être limitée à certaines races en particulier. Ainsi, dans une lettre envoyée en 1811 à un certain Peter Minor écrite en 1811, il tint des propos peu amènes vis-à-vis de la gent canine : « Je partage votre hostilité pour les chiens, et me tiens prêt à participer à toute initiative visant à exterminer la race dans son intégralité. »