Louis XV, le chien pour seul ami

Le tableau «Misse et Luttine» de Jean-Baptiste Oudry (1729)
Le tableau «Misse et Luttine» de Jean-Baptiste Oudry (1729)

Surnommé « le Bien-Aimé » lorsqu’en 1715 il devint roi à l’âge de 5 ans, Louis XV (1710-1774) fut pourtant isolé et détesté de nombre de ses sujets (surtout à Paris) vers la fin de son règne de près d’un demi-siècle. Longtemps considéré comme un piètre monarque, il fut réhabilité à partir du 21ème siècle par des historiens voyant en lui une personnalité plus complexe qu’il n’y paraît et un chef d’État au bilan positif.

De nombreux parallèles seraient à faire entre Louis XV et son successeur Louis XVI (1754-1793), mieux connu. Tous deux accédèrent au trône de façon imprévue, suite au décès des prétendants directs. Tous deux souffraient en outre d’une grande timidité, qu’ils compensaient chacun à leur façon : Louis XV se réfugiait derrière une attitude froide et distante, ce qui lui valut de passer pour un homme dépourvu de cœur, tandis que son successeur s’enfermait dans de longs silences et dans ses activités manuelles favorites, ce qui conduisit parfois à le présenter à tort comme un benêt.

Si le second trouvait la chaleur qui lui manquait dans l’amour de ses enfants, le premier entretenait avec les siens (il en eut pas moins de douze) des rapports plus compliqués. En revanche, il offrait une affection sans borne aux seuls êtres qui ne le trahiraient jamais : ses animaux, et en particulier ses chiens.

Il en possédait beaucoup, mais connaissait et appréciait chacun d’entre eux. Certains étaient destinés à la chasse, d’autres à la compagnie ; ceux-là l’accompagnaient en toute circonstance et avaient leur place auprès de lui, aussi bien durant ses promenades qu’à sa table. Dans le petit monde très codifié de la cour de Versailles, le bon traitement et la place dans le protocole royal des chiens de compagnie étaient sous la responsabilité d’un officier portant le titre de « gouverneur des petits chiens de la chambre du roi ».

Louis XV aimait en particulier les Cavaliers King Charles, et son préféré entre tous se nommait Filou. « Il savait que cet animal était peut-être le seul à l’aimer pour lui-même », écrivit Jean-Nicolas Dufort de Cheverny (1731-1802), comte de Cheverny et mémorialiste français dans ses ouvrages sur le règne. Voilà qui en dit long sur la solitude du pouvoir, si jamais on en doutait…

Le souvenir de l’affection du roi pour ses chiens et de la consolation qu’il trouvait auprès d’eux est conservé notamment grâce aux tableaux réalisés par Jean-Baptiste Oudry (1686-1755), peintre des chasses royales, auquel Louis XV passa commande de nombreux portraits animaliers. On lui doit notamment Misse et Turlu, levrettes de Louis XV (1725) ainsi que Misse et Luttine (1729).