Frédéric II de Prusse, sa chienne et la philosophie

Tableau de Frédéric II

Présent sur le trône de Prusse à partir de 1740, le roi Frédéric II (1712-1786), dit Frédéric le Grand, est l’un des pères fondateurs de ce qui devint un siècle plus tard la nation allemande. Ce monarque hors du commun marqua son époque.

En effet, il était reconnu tant pour ses qualités de dirigeant et pour son sens de la stratégie militaire (qui lui permirent d’ailleurs de hisser la Prusse au rang des grandes puissances européennes) que pour ses capacités intellectuelles. Il fut d’ailleurs passionné dès son enfance par les savoirs, et était un grand lecteur de philosophie.

En outre, il surprit le monde dès son avènement en engageant des réformes inédites pour son époque : abolition de la torture, instauration de la liberté de culte, liberté de la presse… L’écrivain et philosophe français Voltaire (1694-1778), avec qui il établit une longue correspondance, voulut d’ailleurs y voir le modèle du despote éclairé – ce monarque certes tout-puissant, mais guidé par les lumières de la philosophie.

Durant l'ensemble de son règne, Frédéric II resta un monarque apprécié de son peuple. En revanche, l’opinion que lui-même avait du genre humain se détériora avec le temps – à tel point que vers la fin de sa vie, il préférait volontiers la compagnie de ses nombreux lévriers à celle de sa cour. Il en posséda des dizaines, et c’est d’ailleurs non sans humour qu’il baptisa ceux-ci ses « marquises de Pompadour » en référence à la favorite du roi Louis XV (1710-1774). En outre, dans son testament rédigé en 1757, il demanda qu’on l’enterre auprès de ses chiens dans son palais de Sanssouci à Postdam, le tout « sans splendeur, sans pompe et de nuit ».

 

Cette volonté ne fut pas respectée par son successeur, son neveu Frédéric-Guillaume II (1744-1786), qui le fit enterrer dans l’Église de la garnison, séparé de ses chiens. Ceci finit par être corrigé en 1991 : son cercueil fut alors exhumé et transféré de nuit près de ces derniers, dans le jardin de Sanssouci, conformément à ce qu’il avait souhaité.

Parmi les lévriers envers qui il affichait sa préférence, il éprouvait le plus grand attachement pour une femelle nommée Biche. Celle-ci est notamment connue grâce à la courte correspondance épistolaire que son illustre propriétaire lui fit entretenir avec Folichon, le chien de sa sœur Wilhelmine de Bayreuth (1709-1758). Ces lettres dans lesquels Wilhelmine et son frère cadet imaginent les réflexions que ses derniers pourraient se faire sur les humains sont avant tout prétexte à un dialogue philosophique et satirique. Dans une de ses lettres, on peut ainsi lire Folichon déclarer : « Avouons, ma chère Biche, que le genre humain est bien fou et qu’il se rend peu de justice ». Ce à quoi son correspondant répond : « J’ai été fort étonnée de voir que mon maître, qui m’a lu votre lettre, est tout à fait de votre sentiment, il est presque aussi raisonnable que nous autres, c’est une bonne tête, mais ce que je trouve à redire à votre lettre, c’est qu’en humiliant l’amour-propre de l’espèce humaine, si pétrie d’orgueil et de vanité, vous n’en ayez point excepté votre maîtresse. »

Dernière modification : 03/22/2024.