I have done mostly what most men do,
And pushed it out of my mind;
But I can’t forget, if I wanted to,
Four-Feet trotting behind.
Day after day, the whole day through –
Wherever my road inclined –
Four-Feet said, ‘I am coming with you!’
And trotted along behind.
Now I must go by some other round, –
Which I shall never find –
Somewhere that does not carry the sound
Of Four-Feet trotting behind.
J’ai fait essentiellement ce que l’essentiel des hommes font
Et l’ai écarté de mon esprit ;
Mais même si je le voulais, je ne pourrais oublier
Quatre-Pattes trottant derrière moi.
Jour après jour, à longueur de journée –
À chaque inclinaison de mon chemin –
Quatre-Pattes disait : « Je viens avec toi ! »
Et trottaient derrière moi.
À présent je dois suivre un autre parcours, –
Que jamais je ne trouverai –
En des lieux qui ne portent pas le son
De Quatre-Pattes trottant derrière moi.
(Traduction : Muriel Levet)
Dans « Quatre-pattes » (« Four-Feet », en version originale), publié en 1932 au sein du recueil de nouvelles et de poèmes Limits and Renewals (non disponible en français), l’auteur britannique Rudyard Kipling (1865-1936) revient sur le thème de la mort d’un chien, déjà évoqué en 1909 dans son poème plus connu « Le Pouvoir du chien » (« The Power of the Dog »).
Là non plus, on ne connaît pas le contexte précis dans lequel ce texte fut rédigé, mais l’écriture apparaît comme un moyen d’affronter son chagrin et d’exprimer l’attachement qu’il avait pour son animal.
Composé de trois quatrains aux rimes croisées, « Quatre-pattes » est un hommage à un représentant de la gent canine que Kipling avait surnommé ou baptisé ainsi. Le bruit de ses pattes trottant sur le sol, ainsi que le silence après sa disparition, est au coeur de ce poème. D’ailleurs, tout comme dans « Le Pouvoir du chien », une expression est répétée dans le dernier vers de chacune des strophes, presque comme un refrain : « trotter derrière moi ».
La première d’entre elles introduit la situation en évoquant la déchirante contradiction du deuil : le poète a écarté son compagnon de son esprit, mais paradoxalement il ne veut pas l’oublier.
Dans la deuxième strophe, c’est la fidélité de l’animal qui est célébrée : le chien, compagnon loyal, suivant son maître à chaque « inclinaison de [son] chemin ».
La dernière strophe revient sur l’impossibilité de l’oubli : le chien ayant été le compagnon de tous les instants, toujours là pour suivre les pas de son propriétaire, il est impossible de trouver un lieu qui ne porte pas le souvenir du bruit de ses quatre pattes en train de trotter – un peu comme un refrain.
Ainsi, « Quatre-Pattes » reprend les thèmes déjà présents dans le « Pouvoir du chien », mais en étant formulé de façon plus lyrique et plus personnelle – ne serait-ce parce qu’il est écrit à la première personne du singulier : c’est un hommage à la fidélité des chiens et au bonheur qu’ils apportent, mais aussi une réflexion mélancolique sur les souffrances qu’occasionne leur disparition.