Des chiens affamés virent des peaux qui trempaient dans une rivière. Ne pouvant les atteindre, ils convinrent entre eux de boire toute l’eau, pour arriver ensuite aux peaux. Mais il advint qu’à force de boire ils crevèrent avant d’atteindre les peaux.
Ainsi certains hommes se soumettent, dans l’espérance d’un profit, à des travaux dangereux, et se perdent avant d’atteindre l’objet de leurs désirs.
Courte fable de l’auteur grec Ésope, qui vécut aux 7ème et 6ème siècle avant J.-C., « Les Chiens affamés » porte le numéro 176 dans le recueil de référence Fables d’Ésope, paru en 1927 et regroupant 358 textes compilés et traduits par Émile Chambry.
Fait assez rare dans ce genre d’œuvre, les protagonistes n’y sont opposés à aucun autre personnage. L’histoire, très courte, tient en trois phrases. Des chiens affamés aperçoivent des peaux qui trempent dans une rivière : probablement du cuir que des hommes ont mis à tremper pour l’assouplir. Ils aimeraient s’en nourrir, mais elles sont hors d’atteinte. Ils décident donc de boire toute l’eau de la rivière pour pouvoir y accéder, mais naturellement finissent par mourir d’avoir trop bu avant d’avoir réalisé leur objectif.
Dans la morale de l’histoire, qui fait suite au récit, l’auteur compare ces chiens aux hommes qui, désireux de quelque chose, se lancent dans des tâches dangereuses qui les amènent à périr avant d’avoir atteint leur but.
Cette fable est assez proche d’une autre du même auteur intitulée « Le Chien qui porte de la viande ». Toutefois, cette dernière met plutôt en garde contre la nature illusoire de certains objectifs, alors qu’il est ici davantage question des moyens que de la fin.
« Les Chiens affamés » est reprise au 1er siècle après J.-C. sous le même titre par le fabuliste latin Phèdre qui, pour sa part, met l’accent sur la nature irréalisable de certains projets, dans leurs moyens comme dans leur fin : « Un dessein insensé non seulement n'aboutit pas, mais encore entraîne les mortels à leur perte ». Elle inspire également à Jean de La Fontaine (1621-1695) la fable « Les Deux Chiens et l’Âne mort » (1678), où les peaux sont remplacées par le corps d’un animal. Le célèbre auteur français offre un récit ainsi qu’une morale nettement plus développés et insiste sur l’importance de la mesure, un concept cher au mouvement littéraire classique français du 17ème siècle.