« Les Ambassadeurs des chiens et Jupiter », de Phèdre (1er siècle après J.-C.)

Sommaire de cette page

Une statue représentant le dieu romain Jupiter

Texte de la fable « Les Ambassadeurs des chiens et Jupiter », de Phèdre

Un jour, les Chiens envoyèrent une ambassade à Jupiter pour lui demander une condition plus douce, et le prier de les soustraire aux mauvais traitements des hommes ; on ne leur donnait que du pain de son, ils devaient assouvir leur faim dans les plus dégoûtantes ordures.

 

Les ambassadeurs partent donc sans se presser, cherchant dans chaque tas de fumier quelque nourriture. Mercure les appelle, mais en vain ; enfin ce dieu les va chercher, et les amène tout troublés. Mais dès qu'ils virent la face majestueuse de Jupiter, de frayeur, ils infectèrent toute la cour céleste. Chassés à coups de bâton, ils cherchaient à sortir, lorsque le grand Jupiter défendit qu'on les renvoyât.

 

Les Chiens étonnés du retard de leurs Députés, pensèrent bien qu'ils avaient fait quelque sottise ; aussi, peu de temps après, on en choisit de nouveaux. La renommée avait déjà trahi les premiers ; et pour prévenir pareil accident, on leur injecte dans l'anus des parfums, à profusion. Ils reçoivent les pétitions, partent tout de suite.

 

Arrivés, ils demandent audience et l'obtiennent. Alors, le maître de tous les dieux s'assied sur son trône, agite son foudre terrible, et fait trembler l'univers. Les Chiens, surpris par un tel fracas, laissèrent aller parfums et excréments. Tout l'Olympe demanda justice d'un tel affront. Mais avant de condamner, Jupiter parla ainsi : « Un roi ne doit point retenir des Ambassadeurs ; cependant il me sera facile de punir cette insulte. Qu'ils reçoivent ce bienfait pour toute punition, je veux qu'on les laisse aller ; mais ils seront tourmentés par la faim, pour qu'à l'avenir ils soient maîtres de leur ventre ; Quant à ceux qui vous ont si sottement députés vers moi, ils souffriront toujours les outrages des hommes ».

 

C'est pourquoi leurs descendants, qui attendent toujours leurs Députés, dès qu'ils voient un nouveau Chien, le flairent au derrière.

Explication et signification de la fable « Les Ambassadeurs des chiens et Jupiter », de Phèdre

« Les Ambassadeurs des chiens et Jupiter » est une longue fable en vers de l’auteur latin Phèdre, qui naquit vers 14 avant J.-C et mourut vers 50 après J.-C. Elle porte le numéro 16 dans le livre IV des Fables ésopiques de Phèdre, affranchi d’Auguste, traduites en prose en français par Ernest Panckoucke.

 

Elle se distingue des autres textes de l’auteur pour deux raisons. D’une part, elle a une dimension comique : il s’agit en réalité d’une parodie jouant sur les codes du genre. D’autre part, le récit se construit comme dans une fable traditionnelle sur la confrontation entre deux personnages ou groupes de personnages, mais ici ce n’est pas à d’autres animaux ou à des humains que l’auteur oppose les chiens. En effet, ce sont les dieux qu’ils rencontrent, à commencer par le plus grand d’entre tous : Jupiter.

 

L’auteur commence son récit en expliquant que les chiens décident d’envoyer des émissaires auprès des dieux de l’Olympe afin de se plaindre des conditions de vie sordides que leur imposent les Hommes. Il y a donc dès le départ un contraste marquant entre leurs conditions de vie, qui sont des plus triviales (ils sont obligés d’«assouvir leur faim dans les plus dégoûtantes ordures ») et celles des dieux qui, naturellement, sont très loin de tout ça. C’est sur ce contraste que s’appuie le comique burlesque du récit.

 

Arrivés devant Jupiter, les chiens désignés comme émissaires sont impressionnés, et cela les conduit à déféquer dans « la cour céleste ». Malgré cette bourde qu’il serait fondé à considérer comme un affront, Jupiter refuse qu’on les renvoie.

 

Ne voyant pas leurs porte-paroles revenir, les chiens décident d’envoyer une autre délégation à Jupiter. Toutefois, ayant eu vent du problème survenu avec la première, ils injectent des parfums dans l’anus de leurs nouveaux émissaires, pour éviter qu’un tel incident diplomatique se reproduise. 

 

Cependant, lorsque Jupiter fait trembler le monde en agitant le foudre, c'est-à-dire l’arme qui lui permet de déclencher le tonnerre, la seconde équipe commet exactement la même erreur que la première : elle se laisse aller. Parfum ou non, cela passe mal encore une fois.

 

Jupiter décide cette fois de punir cet affront : ces chiens sont condamnés à être toujours « tourmentés par la faim, pour qu'à l'avenir ils soient maîtres de leur ventre ». Quant à leurs congénères, ils ne cesseront de souffrir des « outrages des hommes ».

 

Cette étrange parodie burlesque de fable où les chiens prêtent à rire se termine par un propos aux airs de légende. En effet, l’auteur explique que c’est à cause de cette histoire que les représentants de la gent canine, lorsqu’ils croisent un de leurs congénères, cherchent à renifler son derrière.

Sommaire de l'article

  1. Page 1 : Le chien dans les fables
  2. Page 2 : « Les Deux Chiens », d’Ésope (7ème-6ème siècle avant J.-C.)
  3. Page 3 : « Les Chiens affamés », d’Ésope (7ème-6ème siècle avant J.-C.)
  4. Page 4 : « Le Chien endormi et le Loup », d’Ésope (7ème-6ème siècle avant J.-C.)
  5. Page 5 : « Le Chien qui porte de la viande », d’Ésope (7ème-6ème siècle avant J.-C.)
  6. Page 6 : « Les Chiens réconciliés avec les Loups », d’Ésope (7ème-6ème siècle avant J.-C.)
  7. Page 7 : « Le Loup et le Chien », d’Ésope (7ème-6ème siècle avant J.-C.)
  8. Page 8 : « La Brebis, le Chien et le Loup », de Phèdre (1er siècle après J.-C.)
  9. Page 9 : « Le Chien fidèle », de Phèdre (1er siècle après J.-C.)
  10. Page 10 : « Le Chien et le Crocodile », de Phèdre (1er siècle après J.-C.)
  11. Page 11 : « Le Loup et le Chien », de Phèdre (1er siècle après J.-C.)
  12. Page 12 : « Les Ambassadeurs des chiens et Jupiter », de Phèdre (1er siècle après J.-C.)
  13. Page 13 : « Le Chien et le Chasseur », de Phèdre (1er siècle après J.-C.)
  14. Page 14 : « Le Chien et la Brebis », de Marie de France (vers 1175)
  15. Page 15 : « Le Chien et la Puce », de Léonard de Vinci (vers 1490)
  16. Page 16 : « Le vieux Chien et son Maître », de Gilles Corrozet (1542)
  17. Page 17 : « Le Loup et le Chien », de Jean de La Fontaine (1668)
  18. Page 18 : « Le Chien qui lâche sa proie pour l’ombre », de Jean de La Fontaine (1668)
  19. Page 19 : « Le Chien et son Maître », d’Antoine Furetière (1671)
  20. Page 20 : « Les deux Chiens et l’Âne mort », de Jean de La Fontaine (1678)
  21. Page 21 : « Le Loup et le Chien maigre », de Jean de La Fontaine (1678)
  22. Page 22 : « Le Chien à qui on a coupé les oreilles », de Jean de La Fontaine (1678)
  23. Page 23 : « Le Chien trompé », de Charles Perrault (1699)
  24. Page 24 : « Le Chien de berger et le Loup », de John Gay (1727)
  25. Page 25 : « Le Chien couchant et la Perdrix », de John Gay (1727)
  26. Page 26 : « Le Roquet, le Cheval et le Chien de chasse », de John Gay (1727)
  27. Page 27 : « Les Deux Chiens », de Christian Fürchtegott Gellert (1746)
  28. Page 28 : « Le Chien et le Chasseur », d’Ignacy Krasicki (1779)
  29. Page 29 : « Le Vieux Chien et le Vieux Serviteur », d’Ignacy Krasicki (1779)
  30. Page 30 : « Le Maître et le Chien », d’Ignacy Krasicki (1779)
  31. Page 31 : « Le Chien et le Crocodile », de Félix María Samaniego (1781)
  32. Page 32 : « L’Aveugle et son Chien », de Jacques Cazotte (1788)
  33. Page 33 : « Le Chien et le Chat », de Jean-Pierre Claris de Florian (1792)
  34. Page 34 : « La Brebis et le Chien », de Jean-Pierre Claris de Florian (1792)
  35. Page 35 : « Le Petit Chien », de Jean-Pierre Claris de Florian (1792)
  36. Page 36 : « L’Éléphant et le Carlin », d’Ivan Krylov (1815)
  37. Page 37 : « Le Villageois et le Chien », d’Ivan Krylov (1843)
  38. Page 38 : « Le Chien et le Loup », de Léon Tolstoï (1875)
  39. Page 39 : « Le Loup et les deux Bassets », de Léon-Pamphile Le May (1882)
  40. Page 40 : « Le Chien pelé », de Jean Anouilh (1962)
  41. Page 41 : « Le Lévrier », de Jean Anouilh (1962)