S'il était le plus laid
De tous les chiens du monde
Je l'aimerais encore
À cause de ses yeux.
Si j'étais le plus vieux
De tous les vieux du monde
L'amour luirait encore
Au fond de ses yeux.
Et nous serions tous deux,
Lui si laid, moi si vieux,
Un peu moins seuls au monde
À cause de ses yeux.
Publié pour la première fois en 1953 dans le recueil de poésie Bestiaire pour un enfant poète, « Le Vieux et son chien » est une œuvre de l’écrivain français Pierre Menanteau (1895-1992). Ce dernier est célèbre pour ses contes, ses anthologies, ses florilèges ainsi que ses poèmes - dont beaucoup, à l’image de celui-ci, sont principalement destinés aux enfants.
Le texte est composé de trois quatrains aux vers réguliers, chacun se terminant par la répétition de deux mots qui prennent des allures de refrain (« ses yeux »). Comme souvent dans les poèmes avec un chien, c’est donc le regard qui est au cœur de ce poème.
Les deux premières strophes ont une construction presque parfaitement parallèle, et soulèvent deux hypothèses. La seconde est celle où le poète serait « le plus vieux / De tous les vieux du monde » : cela n’empêcherait pas son animal d’éprouver un amour inconditionnel pour lui, dont ses yeux témoigneraient. Le premier scénario est quant à lui celui où l’animal serait « le plus laid / De tous les chiens du monde » : cela n’empêcherait pas son propriétaire de l’aimer, précisément à cause de l’amour inconditionnel qu’il lirait dans son regard.
L’amour absolu éprouvé quoi qu’il en soit par un chien et exprimé dans son regard (« L’amour luirait encore / Au fond de ses yeux ») se trouve ainsi au centre du poème, et pour cause : c’est sur lui que se fonde toute la relation entre les chiens et les humains.
La dernière strophe fait office de conclusion, et expose l’aboutissement des deux hypothèses : le réconfort que chacun trouverait en l’autre, qui lui éviterait la solitude et l’exclusion générées par la laideur ou la vieillesse. Et naturellement, ce lien passerait par l’amour transmis par le regard du chien.
Pierre Menanteau présente donc ici le chien comme le compagnon ultime, celui de tous les instants, présent auprès de son maître quoi qu’il advienne, et jusqu’à la fin. Ce poème est aussi une célébration de l’amour inconditionnel qu’il éprouve envers ce dernier, et dont témoigne son regard.