« Le vieux Chien et son Maître », de Gilles Corrozet (1542)

Sommaire de cette page

Texte de la fable « Le Vieux Chien et son Maître », de Gilles Corrozet

Page de couverture du recueil Les Fables du très ancien Ésope Phrygien premièrement escriptes en Graec et depuis mises en rhitme françoise de Gilles Corrozet

Quelque seigneur avait ung Chien bien vieutx

Qui fut jadis de tous chassant le mieulx ;

Mais par vietllesse il fut tant afoibly

Qu’il avait mis toute chasse en oubly.

Ses piedz sont leniz et tardifz a la chasse,

Et toutesfois son maistre le menasse ;

Mais c’est en vain, le maistre a beau parler,

Le pauvre Chien n’a puissance d'aller.

Ung jour aux champs laisse eschapper la beste,

Parquoy luy feit son maistre grand moleste,

Et le batit de parolle et de coups,

Dont se complainct le Chien ainsi secoux,

En luy disant : « Seigneur, que penses tu ?

Je suis trop vieulx, je n’ay plus de vertu:

Pardonne donc a ma pauyre vieillesse,

Tu ne m’as pas ainst faict en jeunesse.

« Las ! je voy bien qu’à present suis destruict ;

Rien ne te plaist sil n’y a quelque fruict ;

Tu mas aymé en jeunesse fertille,

Et tu me hays en vieillesse inutille.

« Ton amour donc et son commencement

Tu mis en moy pour ton avancement,

Et, quand j’ay eu mon aage ainsi passé,

Je suis de toy tresmal recompensé. »

Explication et signification de la fable « Le Vieux Chien et son Maître », de Gilles Corrozet

« Le Vieux Chien et son Maître » est un poème de l’éditeur et homme de lettres français Gilles Corrozet. Elle figure parmi les 100 fables de son recueil Les Fables du très ancien Ésope Phrygien premièrement escriptes en Graec et depuis mises en rhitme françoise, publié en 1542.

 

En dépit de ce qu’indique le titre de l’ouvrage, c’est en l’occurrence chez le fabuliste latin Phèdre (qui naquit vers 14 avant J.-C. et mourut vers 50 après J.-C.) que Corrozet puise son inspiration, et non chez son prédécesseur grec Ésope (7ème et 6ème siècle avant J.-C.). Il s’appuie en effet sur une fable succincte intitulée « Le Chien et le Chasseur », qu’il s’attèle à développer en décasyllabes à rimes plates.

 

Ici comme chez Phèdre, un vieux chien se trouve confronté à son maître. Autrefois agile et très talentueux dans son rôle de chasseur, le voilà désormais affaibli par l’âge, au point de ne plus forcément être en mesure de suivre les ordres qui lui sont donnés. D’ailleurs, comme chez Phèdre, il laisse échapper une bête ; en plus d’être réprimandé, il subit alors des coups.

 

L’animal argumente alors longuement pour plaider sa cause et pointer du doigt le comportement injuste et égoïste de son maître. Humblement, il lui fait remarquer que l’amour qu’il lui portait était intéressé : il l’aimait lorsqu’il était jeune et utile, mais le déteste maintenant qu’il est vieux et inutile. Hypocrite, le maître ne s’intéressait donc à lui que quand il pouvait l’exploiter.

 

L’histoire de ce vieux chien témoignant des traitements injustes que peuvent recevoir les humains ou les animaux quand ils deviennent âgés ne comporte pas de morale. À l’instar de Phèdre, Corrozet a sans doute jugé que le récit est assez parlant pour qu’il soit possible de s’en passer.

Sommaire de l'article

  1. Page 1 : Le chien dans les fables
  2. Page 2 : « Les Deux Chiens », d’Ésope (7ème-6ème siècle avant J.-C.)
  3. Page 3 : « Les Chiens affamés », d’Ésope (7ème-6ème siècle avant J.-C.)
  4. Page 4 : « Le Chien endormi et le Loup », d’Ésope (7ème-6ème siècle avant J.-C.)
  5. Page 5 : « Le Chien qui porte de la viande », d’Ésope (7ème-6ème siècle avant J.-C.)
  6. Page 6 : « Les Chiens réconciliés avec les Loups », d’Ésope (7ème-6ème siècle avant J.-C.)
  7. Page 7 : « Le Loup et le Chien », d’Ésope (7ème-6ème siècle avant J.-C.)
  8. Page 8 : « La Brebis, le Chien et le Loup », de Phèdre (1er siècle après J.-C.)
  9. Page 9 : « Le Chien fidèle », de Phèdre (1er siècle après J.-C.)
  10. Page 10 : « Le Chien et le Crocodile », de Phèdre (1er siècle après J.-C.)
  11. Page 11 : « Le Loup et le Chien », de Phèdre (1er siècle après J.-C.)
  12. Page 12 : « Les Ambassadeurs des chiens et Jupiter », de Phèdre (1er siècle après J.-C.)
  13. Page 13 : « Le Chien et le Chasseur », de Phèdre (1er siècle après J.-C.)
  14. Page 14 : « Le Chien et la Brebis », de Marie de France (vers 1175)
  15. Page 15 : « Le Chien et la Puce », de Léonard de Vinci (vers 1490)
  16. Page 16 : « Le vieux Chien et son Maître », de Gilles Corrozet (1542)
  17. Page 17 : « Le Loup et le Chien », de Jean de La Fontaine (1668)
  18. Page 18 : « Le Chien qui lâche sa proie pour l’ombre », de Jean de La Fontaine (1668)
  19. Page 19 : « Le Chien et son Maître », d’Antoine Furetière (1671)
  20. Page 20 : « Les deux Chiens et l’Âne mort », de Jean de La Fontaine (1678)
  21. Page 21 : « Le Loup et le Chien maigre », de Jean de La Fontaine (1678)
  22. Page 22 : « Le Chien à qui on a coupé les oreilles », de Jean de La Fontaine (1678)
  23. Page 23 : « Le Chien trompé », de Charles Perrault (1699)
  24. Page 24 : « Le Chien de berger et le Loup », de John Gay (1727)
  25. Page 25 : « Le Chien couchant et la Perdrix », de John Gay (1727)
  26. Page 26 : « Le Roquet, le Cheval et le Chien de chasse », de John Gay (1727)
  27. Page 27 : « Les Deux Chiens », de Christian Fürchtegott Gellert (1746)
  28. Page 28 : « Le Chien et le Chasseur », d’Ignacy Krasicki (1779)
  29. Page 29 : « Le Vieux Chien et le Vieux Serviteur », d’Ignacy Krasicki (1779)
  30. Page 30 : « Le Maître et le Chien », d’Ignacy Krasicki (1779)
  31. Page 31 : « Le Chien et le Crocodile », de Félix María Samaniego (1781)
  32. Page 32 : « L’Aveugle et son Chien », de Jacques Cazotte (1788)
  33. Page 33 : « Le Chien et le Chat », de Jean-Pierre Claris de Florian (1792)
  34. Page 34 : « La Brebis et le Chien », de Jean-Pierre Claris de Florian (1792)
  35. Page 35 : « Le Petit Chien », de Jean-Pierre Claris de Florian (1792)
  36. Page 36 : « L’Éléphant et le Carlin », d’Ivan Krylov (1815)
  37. Page 37 : « Le Villageois et le Chien », d’Ivan Krylov (1843)
  38. Page 38 : « Le Chien et le Loup », de Léon Tolstoï (1875)
  39. Page 39 : « Le Loup et les deux Bassets », de Léon-Pamphile Le May (1882)
  40. Page 40 : « Le Chien pelé », de Jean Anouilh (1962)
  41. Page 41 : « Le Lévrier », de Jean Anouilh (1962)