Je suis un petit chien
Mon poil ne sert à rien
Qu’à salir les bas blancs
Que je heurte en jouant.
Je suis un petit chien
Et je ne garde rien,
Pas même un bout de miche
Dans un coin de ma niche.
Je suis un peu voleur,
Mais bien moins que le chat.
Bien mieux que lui d’ailleurs,
Je sais prendre les rats.
J’aboie longtemps sur tout,
Je pleurniche pour rien.
Je ne suis, voyez-vous,
Qu’un chien, un petit chien.
Publié en 1966 dans le recueil de poésie Ronds de lumière, « Le Petit Chien » est une œuvre de l’écrivain Maurice Carême (1899-1978), souvent qualifié de « poète de l’enfance ». Ce titre est sans doute restrictif, mais il n’en reste pas moins que le prolifique auteur belge a consacré au moins un quart de son œuvre aux plus jeunes, chez qui il semblait trouver une grande source d’inspiration.
Comme donc une grande partie de ses écrits, ce poème se caractérise par la simplicité du ton et des mots employés. Rédigé en hexasyllabes et composé de quatre quatrains aux rimes plates (pour les deux premiers) et croisées (pour les deux derniers), il met en scène un petit chien qui brosse son autoportrait en insistant surtout sur ses défauts.
Il commence donc par se présenter : « Je suis un petit chien », affirmation qui se répète tel un refrain au début des deux premières strophes. Il énumère dans celles-ci quelques-uns de ses défauts : il n’est pas très propre après avoir joué dehors, il est maladroit et il est gourmand - autant de caractéristiques qui ne sont pas sans rappeler celles des enfants. En se dévalorisant (notamment à travers la répétition des mots « petit » et « rien »), il tend à attirer la sympathie et la tendresse du lecteur. Proche de lui, il devient, en quelque sorte, un antihéros auquel ce dernier peut s’identifier - quel que soit son âge, d’ailleurs.
Dans le quatrain suivant, il se compare à un chat : il est voleur, mais attention, moins que celui-ci, qui d’ailleurs est un moins bon chasseur que lui. De la modestie, on passe donc à une vantardise toute enfantine qui, là encore, a quelque chose de touchant.
La dernière strophe vient boucler la boucle : après avoir énoncé ses deux derniers défauts (comme un enfant, il fait beaucoup de bruit et a tendance à pleurnicher), l’animal recommence à se rabaisser en utilisant de nouveau les mots « petit » et « rien ». Le refrain « Je suis un petit chien » laisse même alors la place à « Je ne suis […] / Qu’un chien », qui insiste encore plus en ce sens.
Maurice Carême tend donc dans ce poème à rapprocher le chien et l’enfant par le biais des défauts qu’ils ont en commun. En faisant du meilleur ami de l’Homme une sorte d’antihéros pour la jeunesse, il cherche vraisemblablement à attirer sur lui la sympathie et la tendresse des lecteurs – aussi bien les petits que les grands, d’ailleurs.