« Le Chien trompé », de Charles Perrault (1699)

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Texte de la fable « Le Chien trompé », de Charles Perrault

Page de couverture du recueil Cent Fables en latin et en françois, choisies des anciens auteurs, mises en vers latin par Gabriel Faerne et traduites par Mr. Perrault de Charles Perrault

Un chien traversant un ruisseau,

Dans sa gueule, en nageant, emportait de la viande.

Comme elle se mirait dans l’eau,

Il crut en voir un bien plus gros morceau,

Et d'une chair plus belle et plus friande :

Lâchant donc ce qu'il emportait,

Il lance sa mâchoire avide

Sur ce que l’eau représentait,

Et sa dent ne porta qu’à vide.

« Juste ciel ! dit-il, à quel point

Manqué-je aujourd’hui de cervelle !

Pour une chose qui n’est point

Je quitte une chose réelle. »

 

Qui laisse l’assuré pour prendre l'incertain,

N’a pas le jugement bien sain.

Explication et signification de la fable « Le Chien trompé », de Charles Perrault

Considéré par ses contemporains comme l’un des plus grands écrivains français de son époque, Charles Perrault (1628-1703) est surtout resté dans les mémoires pour ses Contes de ma mère l’Oye (1697), parmi lesquels on trouve « La Belle au bois dormant », « Cendrillon », ou encore « Le Petit Chaperon rouge ». Deux ans après la publication de ce texte, l’auteur s’essaye de nouveau à l’exercice consistant à conter avec ses propres mots des histoires déjà connues, mais en optant cette fois pour des fables.

 

En l’occurrence, il part du travail de l’Italien Gabriele Faerno (1510-1561), auteur en 1564 d’un recueil intitulé Fabulae centum, ex antiquis auctoribus delectae et a Gabriele Faerno, cremonensi carminibus explicatae. Il décide d’adapter très librement en vers français ces différents textes en vers latins et publie ainsi en 1699 son propre recueil, intitulé Cent Fables en latin et en françois, choisies des anciens auteurs, mises en vers latin par Gabriel Faerne et traduites par Mr. Perrault.

 

On y trouve notamment « Le Chien trompé », qui constitue un bon exemple du chemin que certaines fables – et donc certains de leurs personnages emblématiques – parcourent au fil du temps. En effet, elle est inspirée d’une histoire du fabuliste grec Ésope (7ème et 6ème siècle avant J.-C.) intitulée « Le Chien qui porte de la viande », déjà reprise en français une trentaine d’années plus tôt par son compatriote et contemporain Jean de La Fontaine (1621-1695) avec « Le Chien qui lâche sa proie pour l’ombre » (1668) - non sans rencontrer un grand succès, d’ailleurs.

 

Charles Perrault se démarque de ses prédécesseurs en élaborant de belles images et en donnant la parole au chien.

 

« Le Chien trompé » met donc en scène un représentant de la gent canine en train de traverser un ruisseau en portant un morceau de viande dans sa gueule. Il croit alors voir un butin plus gros et plus appétissant, qui n’est en fait que son reflet dans l’eau. À travers un jeu de mots établissant un parallèle entre l’avidité et le vide (« Il lance sa mâchoire avide / Sur ce que l’eau représentait, / Et sa dent ne porta qu’à vide. »), Perrault décrit très visuellement la scène. Contrairement à la fable d’Ésope, le chien s’exprime alors lui-même, et c’est pour s’affliger de sa sottise.

 

Tenant en deux vers aux rimes plates, la morale est formulée comme un proverbe et a tout pour rester dans les mémoires : « Qui laisse l’assuré pour prendre l'incertain, / N’a pas le jugement bien sain ». Autrement dit, mieux vaut se satisfaire de ce que l’on a déjà qu’y renoncer au profit de quelque chose d’hypothétique.

Sommaire de l'article

  1. Page 1 : Le chien dans les fables
  2. Page 2 : « Les Deux Chiens », d’Ésope (7ème-6ème siècle avant J.-C.)
  3. Page 3 : « Les Chiens affamés », d’Ésope (7ème-6ème siècle avant J.-C.)
  4. Page 4 : « Le Chien endormi et le Loup », d’Ésope (7ème-6ème siècle avant J.-C.)
  5. Page 5 : « Le Chien qui porte de la viande », d’Ésope (7ème-6ème siècle avant J.-C.)
  6. Page 6 : « Les Chiens réconciliés avec les Loups », d’Ésope (7ème-6ème siècle avant J.-C.)
  7. Page 7 : « Le Loup et le Chien », d’Ésope (7ème-6ème siècle avant J.-C.)
  8. Page 8 : « La Brebis, le Chien et le Loup », de Phèdre (1er siècle après J.-C.)
  9. Page 9 : « Le Chien fidèle », de Phèdre (1er siècle après J.-C.)
  10. Page 10 : « Le Chien et le Crocodile », de Phèdre (1er siècle après J.-C.)
  11. Page 11 : « Le Loup et le Chien », de Phèdre (1er siècle après J.-C.)
  12. Page 12 : « Les Ambassadeurs des chiens et Jupiter », de Phèdre (1er siècle après J.-C.)
  13. Page 13 : « Le Chien et le Chasseur », de Phèdre (1er siècle après J.-C.)
  14. Page 14 : « Le Chien et la Brebis », de Marie de France (vers 1175)
  15. Page 15 : « Le Chien et la Puce », de Léonard de Vinci (vers 1490)
  16. Page 16 : « Le vieux Chien et son Maître », de Gilles Corrozet (1542)
  17. Page 17 : « Le Loup et le Chien », de Jean de La Fontaine (1668)
  18. Page 18 : « Le Chien qui lâche sa proie pour l’ombre », de Jean de La Fontaine (1668)
  19. Page 19 : « Le Chien et son Maître », d’Antoine Furetière (1671)
  20. Page 20 : « Les deux Chiens et l’Âne mort », de Jean de La Fontaine (1678)
  21. Page 21 : « Le Loup et le Chien maigre », de Jean de La Fontaine (1678)
  22. Page 22 : « Le Chien à qui on a coupé les oreilles », de Jean de La Fontaine (1678)
  23. Page 23 : « Le Chien trompé », de Charles Perrault (1699)
  24. Page 24 : « Le Chien de berger et le Loup », de John Gay (1727)
  25. Page 25 : « Le Chien couchant et la Perdrix », de John Gay (1727)
  26. Page 26 : « Le Roquet, le Cheval et le Chien de chasse », de John Gay (1727)
  27. Page 27 : « Les Deux Chiens », de Christian Fürchtegott Gellert (1746)
  28. Page 28 : « Le Chien et le Chasseur », d’Ignacy Krasicki (1779)
  29. Page 29 : « Le Vieux Chien et le Vieux Serviteur », d’Ignacy Krasicki (1779)
  30. Page 30 : « Le Maître et le Chien », d’Ignacy Krasicki (1779)
  31. Page 31 : « Le Chien et le Crocodile », de Félix María Samaniego (1781)
  32. Page 32 : « L’Aveugle et son Chien », de Jacques Cazotte (1788)
  33. Page 33 : « Le Chien et le Chat », de Jean-Pierre Claris de Florian (1792)
  34. Page 34 : « La Brebis et le Chien », de Jean-Pierre Claris de Florian (1792)
  35. Page 35 : « Le Petit Chien », de Jean-Pierre Claris de Florian (1792)
  36. Page 36 : « L’Éléphant et le Carlin », d’Ivan Krylov (1815)
  37. Page 37 : « Le Villageois et le Chien », d’Ivan Krylov (1843)
  38. Page 38 : « Le Chien et le Loup », de Léon Tolstoï (1875)
  39. Page 39 : « Le Loup et les deux Bassets », de Léon-Pamphile Le May (1882)
  40. Page 40 : « Le Chien pelé », de Jean Anouilh (1962)
  41. Page 41 : « Le Lévrier », de Jean Anouilh (1962)