Un chien tenant un morceau de viande traversait une rivière. Ayant aperçu son ombre dans l’eau, il crut que c’était un autre chien qui tenait un morceau de viande plus gros. Aussi, lâchant le sien, il s’élança pour enlever celui de son compère. Mais le résultat fut qu’il n’eut ni l’un ni l’autre, l’un se trouvant hors de ses prises, puisqu’il n’existait même pas, et l’autre ayant été entraîné par le courant.
Cette fable s’applique au convoiteux.
Figurant parmi les plus célèbres fables du Grec Ésope (7ème-6ème siècle avant J.-C.), « Le Chien qui porte de la viande » est numérotée 185 dans le recueil Fables d’Ésope. Paru en 1927, cet ouvrage de référence comporte pas moins de 358 fables compilées et traduites en français par Émile Chambry.
Comme son titre le laisse entendre, celle-ci a pour unique protagoniste un chien. Et comme dans nombre de fables de l’Antiquité, le meilleur ami de l’Homme n’est pas présenté sous un jour très positif…
Alors qu’il traverse une rivière, ce chien qui porte de la viande voit son ombre dans l’eau. La prenant pour un congénère tenant dans sa gueule un butin plus gros que le sien, il se jette sur lui en lâchant son morceau de viande, qui est emporté par le courant.
Le récit est tellement parlant qu’Ésope se contente de quelques mots pour sa morale, au demeurant très implicite : « Cette fable s’applique au convoiteux ». Ce chien qui lâche son morceau de viande, renonçant à ce qu’il a déjà au profit d’un gain potentiel encore plus séduisant, est donc une incarnation de la convoitise - c'est-à-dire du « désir de posséder et de jouir d'une chose qui, le plus souvent, appartient à autrui ou est plus ou moins interdite », selon la définition du Trésor de la Langue Français. Libre au lecteur de choisir l’enseignement qu’il tire de cette histoire.
Les nombreux fabulistes reprenant par la suite ce récit simple et marquant se montrent plus explicites à ce sujet. Il en va ainsi entre autres du Latin Phèdre (1er siècle après J.-C.), avec « Le Chien qui porte de la viande en traversant une rivière » : il fait le choix d’insister sur la notion de punition, écrivant qu’« on perd justement son bien quand on cherche à prendre celui d’autrui ». À partir de la Renaissance, l’accent est davantage mis sur l’erreur consistant à lâcher un acquis pour tenter d’obtenir quelque chose d’incertain. C’est le cas notamment chez les Français Gilles Corrozet (1510-1568) avec « Le Chien et la pièce de chaire » (1542), Charles Perrault (1628-1703) avec « Le Chien trompé » (1699), et Jean de la Fontaine (1621-1695) avec « Le Chien qui lâche la proie pour l’ombre » (1668). Cette fable donne d’ailleurs naissance à une expression devenue proverbiale.