Une libéralité soudaine peut séduire ; mais elle tend d'inutiles embûches aux gens d'expérience.
Un Voleur de nuit jetait du pain à un Chien, et cherchait à le séduire par cet appât. « Tu voudrais me lier la langue, dit le Chien, et m'empêcher d'aboyer pour le bien de mon maître : tu te trompes fort ; car ta bonté subite m'avertit de veiller à ce que tu ne voles rien ici par ma faute. »
Œuvre de l’auteur latin Phèdre (né vers 14 avant J.-C., mort en 50 après J.-C.), « Le Chien fidèle » est un texte en vers dans sa version originale et porte le numéro 23 dans le livre I des Fables ésopiques de Phèdre, affranchi d’Auguste, traduites en prose en français par Ernest Panckoucke.
Comme l’indique le titre, un représentant de la gent canine occupe la place centrale de cette courte histoire. Alors qu’il se retrouve confronté à un voleur, est mise en valeur une des qualités les plus fréquemment associées à cet animal : sa fidélité. Il est en outre assimilé dans la morale aux personnes « d’expérience », qui ont la sagesse de ne pas se laisser berner.
Un voleur, donc, tente de faire taire ce bon gardien en lui jetant du pain. Mais ce dernier est rusé : il ne se laisse pas tromper par cette bonté subite qui, au contraire, lui met la puce à l’oreille. Loyal envers son maître et bien résolu à le protéger, il explique sans ambages au voleur qu’il ne se laissera pas soudoyer.
Cette histoire inspire de nombreux fabulistes tout au long des siècles. En particulier, elle est reprise au Moyen Âge (plus précisément vers 1175) par Marie de France, qui la renomme « Le Voleur et le chien » et la développe longuement en insistant sur l’importance de la fidélité des sujets envers leur seigneur. À la Renaissance, en 1542, l’éditeur et homme de lettres français Gilles Corrozet (1510-1568) la reprend sous ce même titre. Sa version s’inscrit dans un registre moins social, puisque l’accent est plutôt mis ici sur l’amitié, comme le montre sa morale : « Qui se laisse corrumpre / Des dons de l’ennemy / Est en danger de rompre / La foy vers son amy. ».
On retrouve plus tard dans d’autres fables l’idée d’un chien fidèle s’opposant vaillamment à des voleurs. C’est le cas notamment avec « Le Chien et son Maître », publié en 1671 par l’écrivain français Antoine Furetière (1619-1688), ainsi qu’avec « Le Maître et le Chien » (1779), du fabuliste polonais Ignacy Krasicki (1735-1801). L’un comme l’autre ont potentiellement puisé leur inspiration dans l’histoire de Phèdre, mais la trame de leurs récits diffère sensiblement de celle-ci.