« Le Chien et le Loup », de Léon Tolstoï (1875)

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Illustration de la fable « Le Chien et le Loup », de Léon Tolstoï

Texte de la fable « Le Chien et le Loup », de Léon Tolstoï

Un chien s’endormit en dehors de la cour. Un loup affamé survint et voulut le dévorer. 

 

Le chien lui dit : 

— Loup ! patiente un peu, avant de me manger ; je suis maintenant maigre, osseux ; laisse-moi un peu de temps, mes maîtres vont bientôt célébrer un mariage ; j’aurai beaucoup à manger, j’engraisserai et je serai plus appétissant. 

Le loup eut confiance dans les paroles du chien, et s’éloigna. 

Quand il revint de nouveau, il aperçut le chien étendu sur le toit. 

— Eh bien, lui demanda le loup, ce mariage a-t-il eu lieu ? 

— J’ai une recommandation à te faire, répondit le chien. Quand une autre fois tu me trouveras à ta portée, n’attends pas le mariage ! 

 

(Traduction : Ely Halpérine-Kaminsky)

Explication et signification de la fable « Le Chien et le Loup », de Léon Tolstoï

« Le Chien et le Loup » est une fable de l’écrivain russe Léon Tolstoï (1828-1910). Ce dernier est célèbre pour ses essais, ses nouvelles ainsi ses romans, notamment Guerre et Paix (1864-1869) et Anna Karénine (1873-1877). On sait moins en revanche qu’il s’intéressait beaucoup à la pédagogie et qu’il fonda en 1859 une école visant à instruire les enfants des paysans résidant près du domaine où il vivait, au sud de la ville de Toula. S’étant beaucoup impliqué dans ce projet, il rédigea quelque temps plus tard un Abécédaire, publié en 1872 puis réédité dans une nouvelle version en 1875. Cet ouvrage mêle méthodes de lecture, contes, légendes et fables. Au nombre de 36, ces dernières sont très étudiées dans les écoles russes.

 

« Le Chien et le Loup » est l’une d’entre elles, et la seule où il est question d’un chien. Alors que la majorité des fables de Tolstoï sont originales, celle-ci est directement inspirée d’une histoire du fabuliste grec Ésope (7ème et 6ème siècle avant J.-C.) intitulée « Le Chien endormi et le loup », que l’auteur reprend quasiment mot pour mot. 

 

Comme bien souvent dans les fables avec un chien, celui-ci est confronté à son cousin sauvage le loup. Et des deux personnages, c’est lui qui se montre le plus malin.

 

Alors qu’il est en train de dormir hors de la cour de sa ferme, il est réveillé par un loup qui veut le dévorer. Il parvient toutefois à le convaincre de différer son festin en mentant : il évoque en effet un prétendu mariage que ses maîtres s’apprêteraient à fêter, qui lui permettrait d’engraisser et donc de devenir encore plus appétant. Le loup le croit, et s’en va. Quand il revient quelques temps plus tard, le chien s’est mis à l’abri du danger : ce n’est plus devant la cour qu’il dort, mais sur le toit de la maison. Fort de sa victoire, il va même jusqu’à tancer son interlocuteur sur sa crédulité.

 

Ésope intègre à la fin de « Le Chien endormi et le loup » une morale : il explique que le chien est une figure allégorique des « hommes sensés » qui, après avoir échappé à un danger, prennent des mesures de prudence. Tolstoï opte pour une approche différente : à l’instar du Français Jean de La Fontaine (1621-1695), qui avant lui reprend cette histoire à son compte dans une fable intitulée « Le Loup et le chien maigre » (1678), il se dispense de tout commentaire théorique. Il fait d’ailleurs de même dans l’ensemble de ses fables : préférant laisser le lecteur libre de tirer ses propres conclusions, Tolstoï n’y intègre jamais une morale.

Sommaire de l'article

  1. Page 1 : Le chien dans les fables
  2. Page 2 : « Les Deux Chiens », d’Ésope (7ème-6ème siècle avant J.-C.)
  3. Page 3 : « Les Chiens affamés », d’Ésope (7ème-6ème siècle avant J.-C.)
  4. Page 4 : « Le Chien endormi et le Loup », d’Ésope (7ème-6ème siècle avant J.-C.)
  5. Page 5 : « Le Chien qui porte de la viande », d’Ésope (7ème-6ème siècle avant J.-C.)
  6. Page 6 : « Les Chiens réconciliés avec les Loups », d’Ésope (7ème-6ème siècle avant J.-C.)
  7. Page 7 : « Le Loup et le Chien », d’Ésope (7ème-6ème siècle avant J.-C.)
  8. Page 8 : « La Brebis, le Chien et le Loup », de Phèdre (1er siècle après J.-C.)
  9. Page 9 : « Le Chien fidèle », de Phèdre (1er siècle après J.-C.)
  10. Page 10 : « Le Chien et le Crocodile », de Phèdre (1er siècle après J.-C.)
  11. Page 11 : « Le Loup et le Chien », de Phèdre (1er siècle après J.-C.)
  12. Page 12 : « Les Ambassadeurs des chiens et Jupiter », de Phèdre (1er siècle après J.-C.)
  13. Page 13 : « Le Chien et le Chasseur », de Phèdre (1er siècle après J.-C.)
  14. Page 14 : « Le Chien et la Brebis », de Marie de France (vers 1175)
  15. Page 15 : « Le Chien et la Puce », de Léonard de Vinci (vers 1490)
  16. Page 16 : « Le vieux Chien et son Maître », de Gilles Corrozet (1542)
  17. Page 17 : « Le Loup et le Chien », de Jean de La Fontaine (1668)
  18. Page 18 : « Le Chien qui lâche sa proie pour l’ombre », de Jean de La Fontaine (1668)
  19. Page 19 : « Le Chien et son Maître », d’Antoine Furetière (1671)
  20. Page 20 : « Les deux Chiens et l’Âne mort », de Jean de La Fontaine (1678)
  21. Page 21 : « Le Loup et le Chien maigre », de Jean de La Fontaine (1678)
  22. Page 22 : « Le Chien à qui on a coupé les oreilles », de Jean de La Fontaine (1678)
  23. Page 23 : « Le Chien trompé », de Charles Perrault (1699)
  24. Page 24 : « Le Chien de berger et le Loup », de John Gay (1727)
  25. Page 25 : « Le Chien couchant et la Perdrix », de John Gay (1727)
  26. Page 26 : « Le Roquet, le Cheval et le Chien de chasse », de John Gay (1727)
  27. Page 27 : « Les Deux Chiens », de Christian Fürchtegott Gellert (1746)
  28. Page 28 : « Le Chien et le Chasseur », d’Ignacy Krasicki (1779)
  29. Page 29 : « Le Vieux Chien et le Vieux Serviteur », d’Ignacy Krasicki (1779)
  30. Page 30 : « Le Maître et le Chien », d’Ignacy Krasicki (1779)
  31. Page 31 : « Le Chien et le Crocodile », de Félix María Samaniego (1781)
  32. Page 32 : « L’Aveugle et son Chien », de Jacques Cazotte (1788)
  33. Page 33 : « Le Chien et le Chat », de Jean-Pierre Claris de Florian (1792)
  34. Page 34 : « La Brebis et le Chien », de Jean-Pierre Claris de Florian (1792)
  35. Page 35 : « Le Petit Chien », de Jean-Pierre Claris de Florian (1792)
  36. Page 36 : « L’Éléphant et le Carlin », d’Ivan Krylov (1815)
  37. Page 37 : « Le Villageois et le Chien », d’Ivan Krylov (1843)
  38. Page 38 : « Le Chien et le Loup », de Léon Tolstoï (1875)
  39. Page 39 : « Le Loup et les deux Bassets », de Léon-Pamphile Le May (1882)
  40. Page 40 : « Le Chien pelé », de Jean Anouilh (1962)
  41. Page 41 : « Le Lévrier », de Jean Anouilh (1962)