Les meilleurs n'évitent guère la punition de leurs méfaits.
Un Chien de mauvaise foi demandait à la brebis un pain qu'il soutenait lui avoir laissé en dépôt. Le loup, cité comme témoin, affirma qu'elle en devait non pas un, mais dix. La brebis, condamnée sur ce faux témoignage, paya ce qu'elle ne devait pas. Peu de jours après elle vit le loup pris dans une fosse. « Voilà, dit-elle, comme les dieux récompensent le mensonge ! »
« La Brebis, le Chien et le Loup » est un texte du fabuliste latin d’origine thrace Phèdre, né vers 14 avant J.-C et mort en 50 après J.-C. Il est connu pour avoir repris en vers de nombreuses histoires narrées dans les fables du Grec Ésope, qui vécut pour sa part aux 7ème et 6ème siècle avant J.-C. Toutefois, sur les 123 fables dont il est l’auteur, seul un tiers trouvent leur origine chez son illustre prédécesseur grec : le reste est issu de son imagination ou peut-être d’autres sources. C’est le cas notamment de « La Brebis, le Chien et le Loup », qui porte le numéro 17 dans le livre I de ses Fables ésopiques de Phèdre, affranchi d’Auguste, traduites en prose en français par Ernest Panckoucke.
Chose relativement peu courante dans ce genre littéraire, le récit met en scène non pas deux personnages, mais trois :
Le récit est bref : le chien prétend en mentant avoir laissé un pain à la brebis, et demande à récupérer son bien. Appelé comme témoin, le loup va même jusqu’à affirmer que dix pains ont été laissés, et non un seul. Suite à ce faux témoignage, l’innocente brebis est condamnée à rembourser le chien. Quelque temps plus tard, elle voit le loup pris dans une fosse, revers du sort qu’elle interprète comme une punition des dieux.
Cela semble être aussi l’avis de l’auteur, qui affirme dans sa morale que les « meilleurs » (il faut entendre « les meilleurs menteurs » ou « les meilleurs escrocs ») paient un jour ou l’autre pour leurs méfaits.
Telle n’est pas l’opinion de la poétesse Marie de France, qui vers 1175 reprend cette histoire dans une fable intitulée « Le Chien et la Brebis ». En effet, elle imagine une tout autre fin : non seulement le chien et le loup ne subissent pas de punition divine après avoir gagné le procès, mais en plus ils finissent par dépecer la brebis, ce qui permet à l’autrice de s’insurger dans sa morale contre les injustices dont sont victimes les plus pauvres.