« La Brebis et le Chien », de Jean-Pierre Claris de Florian (1792)

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Illustration en noir et blanc de la fable « La Brebis et le Chien », de Jean-Pierre Claris de Florian

Texte de la fable « La Brebis et le Chien », de Jean-Pierre Claris de Florian

La brebis et le chien, de tous les temps amis,

Se racontaient un jour leur vie infortunée.

Ah ! Disait la brebis, je pleure et je frémis

Quand je songe aux malheurs de notre destinée.

Toi, l'esclave de l'homme, adorant des ingrats,

Toujours soumis, tendre et fidèle,

Tu reçois, pour prix de ton zèle,

Des coups et souvent le trépas.

Moi, qui tous les ans les habille,

Qui leur donne du lait, et qui fume leurs champs,

Je vois chaque matin quelqu'un de ma famille

Assassiné par ces méchants.

Leurs confrères les loups dévorent ce qui reste.

Victimes de ces inhumains,

Travailler pour eux seuls, et mourir par leurs mains,

Voilà notre destin funeste !

Il est vrai, dit le chien : mais crois-tu plus heureux

Les auteurs de notre misère ?

Va, ma sœur, il vaut encor mieux

Souffrir le mal que de le faire.

Explication et signification de la fable « La Brebis et le Chien », de Jean-Pierre Claris de Florian

« La Brebis et le Chien » est une œuvre de l’écrivain français Jean-Pierre Claris de Florian (1755-1794), surtout resté dans les mémoires pour ses Fables, publiées en 1792. Ce poème où alternent alexandrins et octosyllabes porte le numéro 1 dans le livre II de ce recueil.

 

Comme assez souvent dans les fables avec un chien, ce dernier interagit avec une brebis. Toutefois, contrairement à ce qu’on observe dans les autres œuvres de ce genre, leur interaction n’est pas conflictuelle : au contraire, ce sont deux amis « de tous temps » qui se parlent, échangeant sur leurs malheurs – et plus précisément sur ce que les humains leur font subir.

 

Florian fait d’abord parler la brebis. Elle commence en s’apitoyant non pas sur son propre sort, mais sur celui de son ami le chien, dont elle brosse un portrait mitigé : elle souligne ses qualités (tendresse et fidélité), mais le présente comme un « esclave » « soumis » adorant des ingrats qui le récompensent pour ses efforts en le battant, voire en le tuant. De fait, son propos porte en réalité sur la situation de la gent canine en général.

 

Elle poursuit en décrivant le sort tout aussi pitoyable qui est le sien : elle donne aux humains sa laine et son lait ainsi que de l’engrais pour leurs terres, mais ils la remercient en tuant chaque jour un nouveau membre de sa famille.

 

Elle décrit ainsi les deux espèces comme « victimes » des Hommes, qu’elle va jusqu’à qualifier d’inhumains.

 

Les quatre derniers vers du poème correspondent à la réponse du chien. Il ne conteste pas les propos de la brebis, mais apporte une réflexion qui aboutit à la morale de cette fable : les bourreaux ne sont pas plus heureux que les victimes, et mieux vaut par conséquent endurer le mal que le faire.

 

Bien que cette histoire soit originale, il est possible que Florian ait trouvé son inspiration dans une autre fable intitulée pour sa part « Le Chien de berger et le Loup », publiée en 1727 par l’écrivain britannique John Gay (1685-1732) et qui est vraisemblablement la première fable à souligner le traitement cruel des brebis par l’Homme. Cependant, c’est dans celle-ci un loup qui pointe l’hypocrisie des humains, et les chiens y sont accusés d’être leurs émissaires. Le loup est également présent dans le texte écrit par Florian, mais est présenté au contraire comme un « confrère » de l’Homme, qui ne manque pas de s’en prendre lui aussi aux brebis.

Sommaire de l'article

  1. Page 1 : Le chien dans les fables
  2. Page 2 : « Les Deux Chiens », d’Ésope (7ème-6ème siècle avant J.-C.)
  3. Page 3 : « Les Chiens affamés », d’Ésope (7ème-6ème siècle avant J.-C.)
  4. Page 4 : « Le Chien endormi et le Loup », d’Ésope (7ème-6ème siècle avant J.-C.)
  5. Page 5 : « Le Chien qui porte de la viande », d’Ésope (7ème-6ème siècle avant J.-C.)
  6. Page 6 : « Les Chiens réconciliés avec les Loups », d’Ésope (7ème-6ème siècle avant J.-C.)
  7. Page 7 : « Le Loup et le Chien », d’Ésope (7ème-6ème siècle avant J.-C.)
  8. Page 8 : « La Brebis, le Chien et le Loup », de Phèdre (1er siècle après J.-C.)
  9. Page 9 : « Le Chien fidèle », de Phèdre (1er siècle après J.-C.)
  10. Page 10 : « Le Chien et le Crocodile », de Phèdre (1er siècle après J.-C.)
  11. Page 11 : « Le Loup et le Chien », de Phèdre (1er siècle après J.-C.)
  12. Page 12 : « Les Ambassadeurs des chiens et Jupiter », de Phèdre (1er siècle après J.-C.)
  13. Page 13 : « Le Chien et le Chasseur », de Phèdre (1er siècle après J.-C.)
  14. Page 14 : « Le Chien et la Brebis », de Marie de France (vers 1175)
  15. Page 15 : « Le Chien et la Puce », de Léonard de Vinci (vers 1490)
  16. Page 16 : « Le vieux Chien et son Maître », de Gilles Corrozet (1542)
  17. Page 17 : « Le Loup et le Chien », de Jean de La Fontaine (1668)
  18. Page 18 : « Le Chien qui lâche sa proie pour l’ombre », de Jean de La Fontaine (1668)
  19. Page 19 : « Le Chien et son Maître », d’Antoine Furetière (1671)
  20. Page 20 : « Les deux Chiens et l’Âne mort », de Jean de La Fontaine (1678)
  21. Page 21 : « Le Loup et le Chien maigre », de Jean de La Fontaine (1678)
  22. Page 22 : « Le Chien à qui on a coupé les oreilles », de Jean de La Fontaine (1678)
  23. Page 23 : « Le Chien trompé », de Charles Perrault (1699)
  24. Page 24 : « Le Chien de berger et le Loup », de John Gay (1727)
  25. Page 25 : « Le Chien couchant et la Perdrix », de John Gay (1727)
  26. Page 26 : « Le Roquet, le Cheval et le Chien de chasse », de John Gay (1727)
  27. Page 27 : « Les Deux Chiens », de Christian Fürchtegott Gellert (1746)
  28. Page 28 : « Le Chien et le Chasseur », d’Ignacy Krasicki (1779)
  29. Page 29 : « Le Vieux Chien et le Vieux Serviteur », d’Ignacy Krasicki (1779)
  30. Page 30 : « Le Maître et le Chien », d’Ignacy Krasicki (1779)
  31. Page 31 : « Le Chien et le Crocodile », de Félix María Samaniego (1781)
  32. Page 32 : « L’Aveugle et son Chien », de Jacques Cazotte (1788)
  33. Page 33 : « Le Chien et le Chat », de Jean-Pierre Claris de Florian (1792)
  34. Page 34 : « La Brebis et le Chien », de Jean-Pierre Claris de Florian (1792)
  35. Page 35 : « Le Petit Chien », de Jean-Pierre Claris de Florian (1792)
  36. Page 36 : « L’Éléphant et le Carlin », d’Ivan Krylov (1815)
  37. Page 37 : « Le Villageois et le Chien », d’Ivan Krylov (1843)
  38. Page 38 : « Le Chien et le Loup », de Léon Tolstoï (1875)
  39. Page 39 : « Le Loup et les deux Bassets », de Léon-Pamphile Le May (1882)
  40. Page 40 : « Le Chien pelé », de Jean Anouilh (1962)
  41. Page 41 : « Le Lévrier », de Jean Anouilh (1962)