1957 : Fidèle Vagabond, un scénario tragique pour un succès planétaire

Un film remarquable à plus d'un titre

Travis en train de chevaucher Fidèle Vagabond (©Disney)
Travis en train de chevaucher Fidèle Vagabond (©Disney)

Jusqu'aux années 50, les chiens ne tiennent qu'une place secondaire dans la filmographie des studios Disney - à l'exception de Pluto et Dingo. Celles-ci marquent toutefois un tournant. En 1952 sort Peter Pan : sans y occuper un rôle central, le chien-nounou Nana marque les esprits par son dévouement au service de ses maîtres et de leurs enfants. Mais surtout, en 1955 sort La Belle et le Clochard, où pour le coup ce sont des représentants de la gent canine qui occupent pratiquement tous les rôles principaux - à commencer par les deux premiers.

 

En clair, à cette époque, les équipes de Disney ont compris l'affection du public pour le meilleur ami de l'Homme et n'hésitent plus à le faire figurer dans leurs films, très souvent à bon escient.

 

C'est dans de contexte que sort en 1957 Fidèle Vagabond (Old Yeller, en version originale), qui met en scène l'affection qu'un enfant porte à un chien errant. Il est connu pour être l'un des plus dramatiques de Disney, mais aussi le premier d'une série de longs métrages proposés par les célèbres studios et tournant autour de la relation chien-enfant. Enfin, il est aussi le premier film Disney en prise de vues réelles dans lequel le personnage principal est un chien.

L'histoire d'une amitié indéfectible

Travis dormant aux côtés de son chien (©Disney)
Travis dormant aux côtés de son chien (©Disney)

L'histoire de Fidèle Vagabond prend place dans le Texas des années 1860 et met en scène un jeune garçon nommé Travis Coates, qui doit s'occuper de sa famille pendant que son père part élever du bétail dans le Kansas. Voulant affirmer son autorité, il tente de faire fuir un chien errant recueilli par son frère cadet, Arliss. Mais l'animal, fidèle et protecteur, parvient à gagner son coeur. Petit à petit, ils construisent une amitié des plus solides, et finissent même par devenir inséparables.

 

Toutefois, il s'avère que le chien a en fait un propriétaire : Burn Sanderson. Alors qu'un jour celui-ci souhaite récupérer son fidèle compagnon, il est émerveillé par l'amitié entre Travis et son chien, et se dit que ce dernier est plus utile à cette famille qu'il ne l'est pour lui. Burn décide donc de ne pas le récupérer, mais distille au jeune garçon quelques conseils afin de s'en occuper au mieux. Il l'avertit notamment vis-à-vis de la rage, une maladie grave et incurable qui se répand très rapidement.

 

Travis et Fidèle Vagabond partagent toutes sortes d'aventures et affrontent de nombreux dangers, mais le chien répond toujours présent lorsqu'il s'agit de protéger voire défendre son jeune propriétaire.

 

C'est notamment le cas un jour où Travis tente de piéger des cochons sauvages à l'aide d'un stratagème conseillé par un ami. Il s'assoit sur un arbre et tente d'attraper les cochons par le haut, tandis que son chien les empêche de fuir. Soudain, il tombe de l'arbre et se retrouve alors entouré par une horde de cochons sauvages, dont l'un se met à l'attaquer. Fidèle Vagabond comprend immédiatement le danger et n'hésite pas à intervenir pour que Travis puisse s'échapper. Les deux parviennent effectivement à s'enfuir, non sans avoir subi de nombreuses blessures.

 

Cette scène illustre parfaitement la dévotion dont fait preuve Fidèle Vagabond pour Travis, et toute l'affection que ce dernier lui porte en retour. Même dans les moments les plus difficiles, leur amitié demeure indestructible.

 

Elle se manifeste une nouvelle fois lorsqu'un loup sauvage se met à attaquer la propriété familiale. Toutefois, alors que Fidèle Vagabond défend avec bravoure cette dernière, le loup parvient à le mordre. À cause de cette morsure, il contracte la rage, ce qui obligea Travis à l'abattre.

Un classique Disney qui a failli ne pas exister

Travis et Fidèle Vagabond (©Disney)
Travis et Fidèle Vagabond (©Disney)

Comme c'était déjà le cas en 1952 avec le film Peter Pan, et même en 1955 avec La Belle et le Clochard, le scénario de Fidèle Vagabond n'est pas un pur produit de l'imagination des équipes de Disney. En effet, cette magnifique histoire d'amitié est en réalité une adaptation à l'écran d'un roman publié en 1956 (soit un an auparavant) par l'auteur américain Fred Gipson (1908-1973) et intitulée Old Yeller.

 

Cette dernière est repérée par Bill Anderson (1911-1997), collaborateur de Walt Disney promu la même année au rang de vice-président. Flairant le scénario parfait, il décide de présenter la nouvelle à son patron, Walt Disney (1901-1966), et lui suggère d'en acheter les droits afin de la porter à l'écran. Quelques jours plus tard, alors qu'il n'a toujours pas obtenu de réponse, Anderson est contacté par l'agent de l'auteur pour l'informer qu'une société de production concurrente, la MGM, souhaite elle aussi acheter les droits du roman en vue d'en faire un film. Il parvient à obtenir un délai, le temps de relancer Walt Disney. Ce dernier indique alors ne pas être intéressé, mais il n'en a alors lu que la première partie. Toutefois, deux jours plus tard et après avoir creusé un peu plus le sujet, il change d'avis et somme Anderson d'acheter les droits d'adaptation à n'importe quel prix.

 

La recette du succès

Fidèle Vagabond (©Disney)
Fidèle Vagabond (©Disney)

A l'époque de Fidèle Vagabond, les studios Disney connaissent un succès immense grâce en particulier à deux types de créations :

  • les films avec des animaux, à l'image de ceux de la série True-Life Adventures  (1948-1960) ;
  • les productions centrées autour des enfants - à commencer par l'émission Le Club Mickey (The Mickey Mouse Club), lancée en 1955 et qui continuera de manière intermittente jusqu'en 1996.

 

En achetant les droits de la nouvelle Old Yeller, Walt Disney obtient l'histoire idéale, savant mélange des deux ingrédients phares qui font alors le succès de son entreprise.

 

Toutefois, il n'hésite pas à s'écarter de la nouvelle d'origine, notamment en ce qui concerne l'apparence du chien. En effet, la race de ce dernier n'est pas précisée dans l'oeuvre de Fred Gipson, mais il semble inspiré du Black Mouth Cur, une race du sud des États-Unis très peu répandue en dehors de ses terres d'origine. Cela ne convient pas à Bill Anderson, qui se voit confier par Walt Disney la production du film : il voudrait une race avec davantage de personnalité. Il propose donc à son chef d'utiliser plutôt un Golden Retriever, mais ne parvient pas à le convaincre immédiatement. Walt Disney finit par rapporter chez lui les tests réalisés avec les deux races et les montrer à sa femme ; sur le conseil de cette dernière, il tranche effectivement au profit du Golden Retriever. 

Un succès planétaire

Travis et Fidèle Vagabond en train de se baigner ©Disney
Travis et Fidèle Vagabond en train de se baigner ©Disney

En 1957, alors que la production de Fidèle Vagabond est achevée, Walt Disney est inquiet : la manière tragique dont se termine l'histoire commence à le faire douter. En effet, le public ne va pas au cinéma pour pleurer. Ayant fait visionner le film à ses filles, il se dit que le scénario est trop dur : l'attachement éprouvé pour le chien étant trop fort, la scène de sa mort est excessivement douloureuse. Elles affirment qu'elles ne pourraient pas le visionner à nouveau. Or, aux yeux de leur illustre paternel, le fait qu'on soit enclin à le voir plusieurs fois est un critère important pour qu'un film soit une réussite. Il en vient donc à craindre que Fidèle Vagabond ne remporte pas le succès espéré.

 

Ses collaborateurs redoublent néanmoins d'efforts afin d'assurer sa promotion à travers différentes actions : par exemple la parution d'un documentaire dédié aux chiens dans l'émission Walt Disney Presents, la distribution d'aliments et de jouets pour chiens, et même la présence de maîtres chiens ainsi que de vétérinaires lors de la projection du film.

 

Au final, le succès est au rendez-vous : Fidèle Vagabond reçoit de très bonnes critiques de la part des professionnels, tandis que le grand public répond largement présent et apprécie l'oeuvre. Il faut dire qu'un travail remarquable a été accompli pour dresser et filmer le chien, qui est la vraie star du film. La qualité du jeu des acteurs n'est pas en cause, mais aucun d'eux ne ressort vraiment, contrairement au Golden Retriever

 

Le succès de Fidèle Vagabond est tel qu'il convainc les équipes Disney de s'orienter vers la production de films avec des prises de vue modestes, reléguant l'animation au second plan.

 

Il les incite aussi à le sortir à nouveau par deux fois, en 1965 et 1974, soit respectivement 8 et 17 ans après la première parution. À nouveau, le succès est au rendez-vous.

 

Par ailleurs, Fidèle Vagabond fait l'objet d'une adaptation en bande dessinée publiée par Dell, parue une première fois dès 1957 puis une deuxième en 1966.

 

Enfin, Fidèle Vagabond connaît une suite en 1963, intitulée Sam l'intrépide (Savage Sam). Elle aussi correspond en fait au portage à l'écran d'une nouvelle éponyme publiée un an plus tôt par Fred Gipson. Ce dernier sera aussi adapté en bande dessinée et publié en octobre 1974 dans le magazine "Walt Disney Showcase". Enfin, deux courts métrages éducatifs ont été réalisés à l'aide des images du film.

Conclusion

Conclusion

Fidèle Vagabond n'a pas atteint le même niveau de postérité que certains grands classiques Disney comme Peter Pan ou La Belle et le Clochard, mais a au moins marqué la génération du baby boom.

 

Il faut dire qu'il est difficile de ne pas être séduit par cette merveilleuse relation entre un enfant et son chien. En outre, la scène où ce dernier meurt fait partie des plus déchirantes de l'histoire du cinéma.

 

Ce long métrage a aussi un rôle de précurseur : son succès ouvre la voie à de nombreux autres films Disney autour de la relation entre chiens et enfants, même si aucun n'atteint son intensité en termes d'émotions.