Dingo, le plus célèbre des chiens gaffeurs

Qui est Dingo ?

Dingo avec le doigt tendu et en train de sourire

Moins connu que son compère Pluto mais tout aussi attachant, Dingo (Goofy en anglais) est décrit comme étant un condensé de « stupidité associée à un bon fond » par Dave Smith, archiviste de Disney. Arrivé deux ans plus tard dans la famille, soit en 1932, il a réussi à se faire lui aussi une place de choix aux côtés de Mickey. 

 

Dingo est inspiré du Setter Gordon, même si cela ne coule pas de source à première vue. Au demeurant, avec ses dents de lapin et ses grandes oreilles, on ne peut pas vraiment dire qu'il ait un physique hollywoodien. Son style vestimentaire, avec son gilet sans manches, son pantalon beaucoup trop large et ses énormes chaussures trouées, n'est pas non plus pour le servir. Ce savant mélange donne toutefois à Dingo un côté attachant, et surtout reconnaissable entre tous.

 

Ce qui est moins connu en revanche, c'est qu'il n'a pas toujours été ce « simplet » que l'on connaît aujourd'hui...

1932-1933 : les débuts de Dingo

Dingo (au centre) dans « Mickey au théâtre » (©Disney)
Dingo (au centre) dans « Mickey au théâtre » (©Disney)

La première apparition de Dingo a de quoi surprendre. En effet, il décroche son premier rôle en 1932 dans un court métrage intitulé Mickey au théâtre (Mickey's Revue, en version originale). Il y tient une place tout à fait secondaire, puisqu'il fait simplement partie du public venu regarder Mickey et ses amis se donner en spectacle. Il se distingue toutefois des autres spectateurs par son rire caractéristique, si bruyant qu'il en vient à irriter ses voisins - ces derniers finissent d'ailleurs par l'assommer. Ce rire caractéristique lui vaut d'être nommé Dippy Dawg (« homme farfelu »).

 

Son apparence est alors sensiblement différente de celle qu'on connaît de nos jours : Dippy Dawg est un vieux monsieur doté d'une barbichette et d'une queue touffue qui porte un chapeau, un gilet sans manches tout à fait élégant ainsi que des lunettes pince-nez carrées. Autrement dit, il est alors difficile d'imaginer que ce dandy deviendra le personnage maladroit qui a atteint la célébrité que l'on sait.

 

En tout cas, sa gestuelle, son caractère et surtout son rire rauque et puissant convainquent Walt Disney (1901-1966) lui-même (ainsi que son équipe) de réutiliser ce personnage. On le retrouve ainsi dans pas moins de cinq autres courts-métrages Mickey en 1932 et 1933, toujours avec un rôle secondaire.

 

Petit à petit, Dippy Dawg s'impose donc comme un personnage secondaire régulièrement utilisé par les studios Disney, notamment pour son rire rauque si significatif. Néanmoins, il demeure comme bloqué par un plafond de verre qu'il ne peut pas briser. Art Babbitt (1907-1992), alors réalisateur au sein de l'entreprise, résumait ainsi la situation en 1934 : « À mon avis, le Goof (Dingo en anglais) a été pour le moment un personnage de second plan à cause à la fois de son physique et de sa mentalité, qui sont indéfinis et intangibles... [...] Quand bien même il est supposé avoir une personnalité, on ne lui a jamais donné suffisamment l'opportunité de la montrer. [...]  La seule caractéristique qui l'identifiait [...] était sa voix ».

1934 : au revoir Dippy Dwag, bienvenue Goofy !

Dingo dans « Le Gala des orphelins » (©Disney)
Dingo dans « Le Gala des orphelins » (©Disney)

L'année 1934 marque un tournant dans la carrière de Dingo. En effet, c'est cette année-là qu'Art Babbitt décide de prendre ce personnage sous son aile, et de le façonner afin de lui donner une identité propre et bien définie. Grâce à sa plume, Dingo devient le personnage sympathique et familier que l'on connaît, savant mélange d'optimisme invétéré, d'idiot du village et de rustre instable.

 

Cette métamorphose passe notamment par un changement de nom : c'est ainsi que dans Le gala des orphelins (Orphan's Benefit, en version originale), il est nommé pour la première fois Goofy (qui signifie « niais » en anglais). Toutefois, les choses se font progressivement : l'appellation « Dippy Dwag » continue d'exister pendant quatre ans, jusqu'à disparaître complètement en 1938. Par ailleurs, il faut attendre 1937 pour qu'apparaisse le nom français du personnage, à savoir Dingo.

 

En 1935, le court métrage Les joyeux mécaniciens (Mickey's Service station) achève la transformation de Dingo. Il met en scène le trio Mickey, Donald et Dingo, qui s'affaire pour réparer la voiture de Pat Hibulaire, un client désagréable qui souhaite voir réparer en moins de dix minutes son automobile qui couine. Après analyse, le problème est identifié : un grillon s'est logé dans l'une des chambres à air du pneu. Afin de l'éliminer, les trois comparses enlèvent l'un après l'autre divers éléments de la voiture, jusqu'à finir par la détruire. Se rendant compte de leur énorme erreur, ils tentent alors de la réparer aussi vite que possible...

 

Une scène en particulier illustre le changement radical de personnalité de Dingo opéré par Art Babbitt. Alors que la fine équipe recherche activement le grillon, Dingo monte sur le moteur de la voiture pour l'inspecter. Après avoir plongé sa main gauche dans un trou, il s'interroge sur la présence d'une autre main qui lui tapote le dos. Trop idiot pour s'apercevoir qu'il s'agit en fait de la sienne, il prend un marteau avec sa main droite et assène un violent coup... sur sa propre main gauche. Grâce à la douleur, il finit par comprendre, et manifeste alors une satisfaction béate ornée d'un sourire niais, mais très attachant : on peut dire en quelque sorte que c'est à ce moment-là qu'il a trouvé sa personnalité. Cette scène culte fait dire à John Grant, auteur chez Disney, que « Dingo a enfin développé son art glorieux de prendre le plus de temps possible pour réaliser le moins possible ».

Les trois mousquetaires : Mickey, Donald et Dingo

Dingo, Mickey et Donald dans « Les revenants solitaires » (©Disney)
Dingo, Mickey et Donald dans « Les revenants solitaires » (©Disney)

En 1935, le court métrage Les joyeux mécaniciens (Mickey's Service station) marque les débuts du fameux trio des « three mousekeeters » (« les trois mousquetaires », en français), jeu de mots avec souris et mousquetaires. Lorsque les trois protagonistes sont associés, la trame est toujours identique, voire rigide. Dans un premier temps, ils poursuivent un but commun puis se retrouvent séparés. Agissant de manière autonomie et avec son caractère propre, chacun vit alors sa propre aventure jonchée de rebondissements... jusqu'à ce qu'ils finissent par se retrouver à nouveau réunis tous les trois, à leurs dépens. 

 

Sorti en 1936, Le déménagement de Mickey (Moving Day) est une parfaite illustration de ce scénario. Les trois héros y gèrent un déménagement, et chacun s'occupe d'une partie de la maison. En particulier, Dingo s'affaire à déplacer un piano, qui se trouve être vivant. C'est d'ailleurs l'une des particularités du personnage que d'être souvent confronté à des objets normalement inanimés qui soudain prennent vie, ce qui ne manque jamais de provoquer son étonnement béat.

 

Pendant trois ans, de 1935 à 1938, de nombreux autres films permettent au trio de s'épanouir, d'affiner leur relation et, in fine, de faire rire le public à travers toutes sortes de situations loufoques.

 

Toutefois, le trio prend fin dès 1938, en même temps que s'achève l'ère « classique » de Disney. En juin, Trappeurs arctiques (Polar Trappers) met en scène pour la première fois Dingo et Donald sans Mickey, toujours dans le même genre d'aventures. Quelques mois plus tard, en août, Chasseurs de baleines (The Whalers) sonne le glas des trois mousquetaires : c'est la dernière fois qu'ils apparaissent ensemble à l'écran, en l'occurrence sur un baleinier.

La carrière solo de Dingo

Dingo en papa modèle dans « Maman est de sortie » (©Disney)
Dingo en papa modèle dans « Maman est de sortie » (©Disney)

Peu après 1935 et Les joyeux mécaniciens (Mickey's Service station), l'arrivée de la couleur donne encore plus d'ampleur au personnage de Dingo. Ses traits niais ressortent mieux, et la couleur de ses vêtements renforce son côté négligé. Étant devenu un personnage incontournable de l'univers de Disney, il n'est pas surprenant qu'il se lance dans une carrière solo.

 

C'est en 1939 que débute cette dernière, avec Dingo et Wilburg (Goofy and Wilbur). Ce court métrage de 8 minutes met en scène Dingo et son criquet Wilburg dans des situations incongrues, résultant souvent d'un concours de circonstances.

 

Comme beaucoup d'autres, cette oeuvre est née à la suite d'une réorganisation des équipes des studios Disney. En effet, chaque personnage est alors confié à une équipe en particulier. Plus efficiente d'un point de vue économique, cette manière de faire permet aussi d'affiner le caractère de chaque personnage. Ainsi, Dingo devient moins hébété et doté d'un sens du comique de rapidité plus large.

 

1939 marque donc un tournant : à partir de cette année-là, il mène une carrière essentiellement solo, au contraire de Pluto qui lui reste fidèle à Mickey. Dingo et Wilburg (Goofy and Wilbur) est ainsi le premier opus d'une série qui se prolonge jusqu'en 1953.

 

Au sein de cette dernière, il convient de mentionner en particulier la sous-série Comment... (How to...), qui débute en 1940 avec Le Planeur de Dingo (Goofy's Glider). Dingo essaie de voler à bord d'un planeur : une voix off explique comment s'y prendre pour décoller, mais bien sûr il échoue systématiquement pour différentes raisons. Les épisodes parus au cours des années suivantes reprennent le même fonctionnement, non sans raison : Pinto Colvig (1892-1967), la voix derrière le célèbre personnage canin, a quitté les studios Disney en 1937. Il finit par y revenir en 1941, mais entretemps le recours à une voix off permet de pallier son absence, en évitant d'avoir à faire parler Dingo.

 

Quoi qu'il en soit, le fait que ce dernier devienne le héros principal de toutes sortes de films permet de l'associer à de nouveaux personnages, mais aussi de développer son univers. En outre, son apparence change de manière progressive ; en particulier, il perd son chapeau et ses deux dents de lapin. Sa personnalité évolue également : ainsi, le Dingo niais et stupide laisse peu à peu la place à un bon père de famille - qui n'en reste pas moins un gaffeur invétéré !

 

En quelque sorte, grâce à la nouvelle orientation qu'il prend dans les années 50, Dingo finit par incarner l'Américain moyen et symboliser la fameuse « American way of life ». Ses différentes apparitions à l'écran parodient merveilleusement la vie et les habitudes de consommation des Américains, et elle restent d'ailleurs assez pertinentes de nos jours. N'est-ce pas ce qu'on appelle « ne pas prendre une ride » ?

Dingo des années 60 à nos jours

Dingo et Max dans le film éponyme (©Disney)
Dingo et Max dans le film éponyme (©Disney)

En 1965 paraît le dernier court métrage dont Dingo est le personnage principal : Goofy's Freeway Trouble. Il offre toutes sortes d'exemples de ce qu'il ne faut pas faire quand on conduit sur autoroute, au risque de représenter un danger pour soi-même ou pour les autres.

 

Néanmoins, cette année marque aussi le début d'une nouvelle carrière pour lui : celle de super-héros de bandes dessinées. En mangeant des cacahuètes magiques, il est capable de se transformer en Super Dingo (Super Goof, en version originale)

 

Dingo revient toutefois à l'écran dans les années 80, grâce au sport. Fortement engagée dans la promotion du sport, l'entreprise façonne alors un Dingo sportif, plus musclé et doté de dents moins longues. Elle lui donne alors pour rôle de promouvoir toutes sortes de sports, à commencer par le tennis - y compris à travers des contrats de sponsoring et autres partenariats. Sa carrière de sportif atteint son apogée avec la sortie en 1987 du moyen-métrage Fou de foot (Soccermania), où il est en charge de coacher l'équipe de football parrainée par l'oncle Picsou. 

 

Disney tente également de mettre Dingo sur le devant de la scène en lançant en 1990 un magazine de bandes dessinées qui lui est consacré, Goofy Adventures. Toutefois, le succès n'est pas au rendez-vous : l'aventure cesse dès 1991, après 17 numéros publiés.

 

Il en va tout autrement pour la série télévisée La bande à Dingo (Goof Troop), diffusée en 1992 : cette fois, le public répond largement présent. Elle se compose de 78 épisodes qui retracent la vie de Dingo et son fils Max, voisins de Pat Hibulaire.

 

Son succès incite l'entreprise à proposer en 1995 un long métrage intitulé Dingo et Max (A Goofy Movie). Lui-même fait l'objet en 2000 d'une suite : Dingo et Max 2 : Les sportifs de l'extrême (An Extremely Goofy Movie). Toutefois, celle-ci sort directement en vidéo plutôt qu'en cinéma.

 

En 2007, Disney décide de remettre au goût du jour la série Comment... (How to...), et c'est ainsi que paraît un court métrage de 6 minutes intitulé Comment brancher son home cinéma (How to hook up your home theater). Dingo y fait l'acquisition d'un kit de home cinéma, mais évidemment les choses se compliquent lorsqu'il tâche de l'installer...

 

On retrouve le principe de la série lorsqu'en 2021 est diffusée sur Disney+ une série de trois courts-métrages intitulée Comment rester à la maison avec Dingo (How to Stay at Home). Elle s'inscrit évidemment dans le contexte de la pandémie de Covid qui sévit alors et contraint la population à passer davantage de temps à son domicile.

Conclusion

Conclusion

Au vu de son parcours chaotique, Dingo apparaît comme un OVNI dans la famille des personnages Disney. Du dandy au superhéros en passant par le gaffeur niais et le bon père de famille, il a eu tout au long de son importante filmographie différentes personnalités.

 

Une chose reste sûre : alors qu'il semblait initialement destiné à une carrière de personnage secondaire, il a réussi à tirer son épingle du jeu et à se faire apprécier du public. Certes moins connu que Pluto, mais doté de plus de personnalité et de finesse, il a marqué de son empreinte maladroite l'histoire de Disney - ainsi que la jeunesse de générations entières.

Dernière modification : 01/03/2021.

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