Le mot « chien » est présent à de nombreuses reprises dans la Torah, mais y est majoritairement utilisé de manière péjorative. C’est le cas par exemple dans le verset 3 du chapitre 15 du livre de Jérémie : « Je ferai appel contre eux à quatre genres de fléaux, dit l'Éternel : au glaive pour mettre à mort, aux chiens pour déchirer en lambeaux, aux oiseaux du ciel et aux bêtes de la terre, pour dévorer et détruire ».
En outre, on trouve dans la Torah beaucoup de mentions de chiens carnassiers qui dévorent les cadavres des ennemis de Dieu. C’est d’ailleurs un des pires châtiments qui soit, et le sort que connaît notamment Jézabel, après avoir expulsé les croyants d’Israël. En effet, après qu’il eut été défenestré, son corps fut laissé dans la rue et dévoré par les chiens.
Selon l’auteur chrétien Yves I-Bing Cheng, la représentation du chien dans la Torah doit être mise en perspective avec le fait qu’à l’époque de sa rédaction (entre le 8ème et le 2ème siècle avant J.-C.), les chiens n’étaient ni dressés ni gardés comme animaux domestiques, mais organisés en meutes sauvages qui arpentaient les abords des villes et des villages à la recherche de nourriture. Ils représentaient donc certainement un danger, et une image négative leur était associée.
Cela dit, les chiens n’ont pas systématiquement une mauvaise image dans les textes sacrés du peuple juif : il existe quelques (rares) exemples plus neutres, à l’image de l’évocation de chiens de garde de troupeaux dans le livre de Job (chapitre 30, verset 1) : « Et maintenant, j'excite les moqueries de gens plus jeunes que moi, dont les pères m'inspiraient trop de mépris pour les mettre avec les chiens de mon troupeau ».
Le mot de français vernaculaire « clébard » (ou « kleb ») tire d’ailleurs ses origines d’un terme hébreu utilisé dans les textes religieux juifs : « kelev », qui signifie « chien » et se traduit littéralement par « comme le cœur ». Cette étymologie démontre un attachement particulier à cet animal et vient nuancer le champ lexical négatif souvent associé aux chiens dans la Torah.
En tout état de cause, il faut garder en tête que dans le judaïsme, le devoir d’amour pour la Création est un aspect central de la foi. Or, le chien fait partie de cet ensemble d’êtres vivants : il convient donc de le traiter avec considération. Au demeurant, rien dans cette religion n’interdit explicitement de posséder un chien de compagnie.
Dans certains cercles orthodoxes, la question est néanmoins sujette à débat. Jacob Emden, dit le Ya’avetz (1697-1776), l’une des grandes autorités rabbiniques du 18ème siècle, déclara ainsi dans Ché’ilatt Ya’bets (volume 1, chapitre 17) que l’élevage des chiens est interdit dans le judaïsme. Toutefois, les propos de ce « gaon » ne furent pas retenus dans la Halakha, la « loi juive » qui regroupe l’ensemble des coutumes et traditions.
Selon certaines interprétations orthodoxes de la Guemera, les explications de la Mishna (le premier recueil de la loi juive et de la littérature rabbinique), il serait toutefois interdit de posséder un chien de garde dans la cour de sa maison. En effet, il risquerait d’effrayer les nécessiteux venus demander l’aumône, ce qui irait à l’encontre d’un des grands principes de cette religion. Par ailleurs, tout propriétaire de chien serait tenu par la loi rabbinique de dresser son animal, car le traité Baba Kama (qui couvre les droits civils rabbiniques) stipule qu’il est strictement interdit de posséder un chien « sauvage ».
Il n’en reste pas moins possible en théorie pour les juifs orthodoxes de posséder un chien, mais sous réserve de suivre certaines règles très strictes. Par exemple, après l’avoir touché, il faut impérativement se rincer les mains ou se les laver. En outre, le stériliser ou le castrer serait contraire aux principes de la Mishna.
Ces différentes contraintes expliquent pourquoi de nombreux juifs orthodoxes préfèrent simplement s’abstenir d’adopter un chien.