Le chien dans l'animation japonaise : 10 animes avec un chien

Le chien Ein dans l'anime « Cowboy Bebop »

Présent au Japon depuis environ 12.000 ans, le chien y est très apprécié pour sa sociabilité et sa loyauté. Même s’il ne parvient pas à rivaliser avec le chat, qui jouit d’une popularité encore plus grande, il fascine les artistes en tout genre et est bien présent dans l’art pictural japonais depuis le 18ème siècle.


Il n’est donc pas surprenant de constater qu’il occupe également une place de choix dans les animes, que ce soit en tant que simple personnage secondaire kawaii (mignon), compagnon fidèle du héros ou lui-même héros de l’histoire.


Voici une sélection de 10 animes avec des chiens ayant marqué les esprits, précédée de quelques explications sur la place du meilleur ami de l’Homme dans l’animation japonaise.

Si aujourd’hui le chien semble omniprésent dans l’animation japonaise, le phénomène est en réalité relativement nouveau. En effet, alors que les Japonais se passionnent pour les dessins animés depuis les années 60, il y brille globalement par son absence jusqu’à la fin du 20ème siècle.

L’animation japonaise d’avant-guerre : mais où sont les chiens ?

Monkey et Puppy en train de dire au revoir à leurs familles dans « Momotaro: Sacred Sailors »
« Momotaro: Sacred Sailors », un anime de propagande

L’absence du chien dans l’animation japonaise pendant la première moitié du 20ème siècle est flagrante. Elle est d’autant plus étonnante qu’il est au contraire bien présent dans les dessins animés occidentaux depuis les années 30.

 

Aux États-Unis, c’est par la comédie qu’il fait son entrée dans le monde des cartoons. Son potentiel comique est visible dès 1932 et la première apparition de Dingo dans le court-métrage Mickey au théâtre. Le chien le plus célèbre de l’univers de Mickey Mouse est suivi par d’autres trublions canins comme Droopy, le chien apathique de Tex Avery (1908-1980) qui apparait à l’écran en 1943, et plus largement par toute une pléthore d’animaux anthropomorphiques qu’on retrouve à la fois dans l’univers de la Walt Disney Company et dans celui des Looney Tunes. En Amérique, animation rime alors pleinement avec animaux.

 

Ce n’est pas le cas au Japon. Gangrénées par une obsession nationaliste et anti-américaine, les œuvres d’animation de l’époque résistent à cette tendance jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Même le chat, l’animal de compagnie fétiche des Japonais, est boudé par ces productions au profit de personnages humains et 100% japonais, destinés à inspirer la jeunesse du pays durant ces temps troubles et à lui servir de modèles.

Les années 60 : Les premiers animaux anthropomorphiques

Doraemon, le chat robot dans l'anime « Doraemon »
Doraemon, le chat robot dans l'anime « Doraemon »

Après la guerre et notamment sous l’influence de la culture américaine, les choses changent petit à petit, alors que le Japon commence à s’intéresser aux dessins animés américains. Il faut toutefois attendre les années 60 pour que certains studios d’animation du pays planchent enfin sur des productions ambitieuses mettant en scène des animaux.

 

À cette époque, la division animation de la Toei Company, qui produit des films et des programmes de télévision, ambitionne alors de devenir le « Disney de l’Orient » et décide de suivre son illustre modèle. Elle lance alors la production d’un long-métrage d’animation par an, en s’inspirant des contes et légendes du Japon et du reste du monde.

 

Cette stratégie porte ses fruits en 1969, année de la sortie du film d’animation Le Chat botté (Nagagutsu o haita neko). Réalisé par Kimio Yabuki (né en 1933), celui-ci s’inspire autant du conte éponyme de Charles Perrault (1628-1703) que des romans de cape et d’épée d’Alexandre Dumas (1802-1870). Il met en scène les aventures de Pero, un chat anthropomorphique qui défend la veuve et l’orphelin dans un monde entièrement peuplé d’animaux. Ce film est un grand succès et lance la carrière de plusieurs animateurs d’envergure, dont Hayao Miyazaki (né en 1941), qui fonde en 1985 ce qui devint par la suite le plus célèbre des studios d’animation japonais : Ghibli.

 

Quatre ans plus tard, c’est à la télévision qu’un autre animal mémorable fait son apparition : Doraemon. Ce célèbre chat robot bleu est créé par Hiroshi Fujimoto (1933-1996) et Motoo Abiko (1934-2022), deux dessinateurs de mangas qui signent leurs oeuvres sous le nom de plume Fujiko Fujio. En 1973, il fait ses débuts à l'écran dans un anime qui porte simplement son nom et est produit par le studio japonais TMS Entertainement. La tentative est un échec, mais Doraemon n’est pas complètement mis de côté.

 

En 1979, les studios Shin-Ei Animation tentent le coup à leur tour et réalisent une nouvelle adaptation en anime de Doraemon. Cette fois, c’est la bonne : celle-ci connait un succès retentissant, au point de se décliner en pas moins de 1787 épisodes jusqu'en 2005. Et quand elle s’arrête cette année-là, c’est en fait simplement pour laisser la place à une troisième version plus moderne.

 

Le chat le plus célèbre de l’animation japonaise prouve alors que les animaux ont bel et bien leur place dans le paysage télévisuel, même s’ils sont alors encore très peu présents à l’écran.

Les années 80 : Miyazaki et les chiens

Sherlock, le chien héros de l'anime « Sherlock Holmes » (Hayao Miyazaki)
Sherlock, le héros de « Sherlock Holmes »

Le chat robot Doraemon rencontre un succès fou à partir de 1979, mais les chiens n’ont manifestement pas l’intention de laisser leur meilleur ennemi leur voler la vedette bien longtemps.

 

En 1981, le studio Tokyo Movie Shinsha s’associe à la RAI, la principale société de production audiovisuelle publique italienne, et se lance dans une adaptation en dessin animé très libre des romans dédiés à Sherlock Holmes, le célèbre détective créé par Arthur Conan Doyle (1859-1930). Le projet est confié à Hayao Miyazaki (né en 1941), qui avec Le Chat Potté (1969) a justement travaillé sur un projet similaire.

 

Comme dans Le Chat Potté, le casting de l’anime Sherlock Holmes est entièrement composé d’animaux - et plus particulièrement de canidés. Sous le crayon de Miyazaki, Sherlock est un Welsh Corgi Pembroke, le docteur Watson un Scottish Terrier et leur logeuse, madame Hudson, une femelle Golden Retriever. Quant à Moriarty, l’ennemi juré de Sherlock Holmes, il prend les traits d’un loup.

 

La production de la série est cependant interrompue dès la première année en raison de problèmes de droits d’auteur, si bien que Miyazaki n’a le temps de ne terminer que 6 des 26 épisodes prévus. Quand les producteurs finissent par trouver un accord avec les ayant droits, il est déjà accaparé par la production de son tout premier film, Nausicaä de la vallée du vent (Kaze no tani no Naushika), et ne peut se remettre à travailler sur la série.

 

Sherlock Holmes (Meitantei Hōmuzu en japonais) est finalement diffusé de 1984 à 1985, et rencontre le succès tant au Japon que dans le reste du monde. Une fois n’est pas coutume, certains épisodes sont même diffusés en Occident avant de l’être au pays du Soleil Levant.

 

Tout au long de sa carrière, Miyazaki continue de s’intéresser aux animaux et utilise fréquemment des personnages anthropomorphiques - ou du moins doués de parole. Cela dit, Sherlock Holmes demeure le seul de ses films dans lequel un chien occupe un rôle de premier plan.

 

Il n’écarte pas pour autant totalement le meilleur ami de l’Homme. On retrouve par exemple ce dernier en 2004 aux côtés de Sophie, l’héroïne du film Le Château ambulant (Hauro no ugoku shiro en japonais). Elle est en effet accompagnée de Heen, un Petit Basset Griffon Vendéen particulièrement paresseux qui sert fréquemment de ressort comique. Il ne s’agit pas cette fois d’un animal anthropomorphique, mais son intelligence et ses capacités de communication non verbales sont telles qu’on ne peut pas le considérer comme un chien normal. De fait, tant chez Miyazaki que dans l’animation japonaise de façon plus générale, un chien est toujours plus qu’un simple chien.

Une dépendance aux mangas préjudiciable pour le chien

Gin, le chien héros de l'anime japonais « Ginga Nagareboshi Gin »
Gin, le héros de « Ginga Nagareboshi Gin »

Le succès de Sherlock Holmes ne saurait masquer le fait qu’au cours des années 80, le chien est peu présent dans les animes japonais. Cela s’explique en partie par le manque de sources exploitables par les studios. En effet, ces derniers sont extrêmement dépendants des mangas, les bandes dessinées de l’archipel : la majorité des productions sont des adaptations de mangas à succès, car ces projets sont considérés comme moins risqués d’un point de vue financier.

 

Or, dans les années 80, les mangas avec des chiens sont encore rares. Il y a bien Blanco, publié de 1984 à 1986 par Jiro Taniguchi (1947-2017) et qui raconte en quatre volumes les aventures d’un chien blanc génétiquement modifié pourchassé par l’armée dans les terres désertiques de l’Alaska, mais cette bande dessinée est si violente qu’elle se prête difficilement à une adaptation grand public au cinéma ou à la télévision.

 

Néanmoins, les producteurs de Toei Animation jettent en 1986 leur dévolu sur Ginga Nagareboshi Gin, une œuvre de Yoshihiro Takahashi inspirée comme Blanco de L’Appel de la forêt  (1903) et de Croc-Blanc (1906), les deux célèbres romans de Jack London (1876-1912), et publiée en 18 volumes entre 1983 et 1987. Comme ces derniers, l’anime suit le parcours d’un courageux Akita Inu cherchant à réunir un groupe de chiens pour affronter l’ours sanguinaire qui a assassiné son père. Ginga Nagareboshi Gin est un succès et connait même une suite en 2005. Toutefois, faute de mangas avec des chiens susceptibles d’être adaptés à leur tour, il ne fait guère d’émule.

Les années 90 : une vision originale du chien

Le chien Ein et les autres personnages de l'anime « Cowboy Bebop »
Ein, le héros de « Cowboy Bebop »

Dans les années 90, les animes avec des chiens demeurent aussi rares que dans la décennie précédente, mais ils se démarquent par leur originalité.

 

C’est le cas notamment de l’adaptation en 1993 du manga comique Bow de Terry Yamamoto (né en 1966) par les studios Nippon Animation. Elle se décline sur pas moins de 40 épisodes loufoques qui racontent les aventures de Bow, un Bull Terrier blanc errant qui est adopté par une jeune enfant. Or, celle-ci se trouve être la fille d’un yakuza, c’est-à-dire d’un gangster. En se concentrant sur la relation électrique entre le chien et son malfrat de maître, Bow parvient à parodier les films familiaux comme Beethoven qui mettent en scène un chien turbulent, mais attachant.

 

En 1998, un chien occupe également une place de choix dans le casting de Cowboy Bebop, un anime en 26 épisodes qui raconte les aventures d’un groupe de chasseurs de primes intergalactiques à bord d’un vaisseau spatial nommé Bebop. Dès le deuxième épisode de la série, ces aventuriers adoptent en effet Ein, un Welsh Corgi Pembroke dont l’intelligence rivalise avec celle des humains.

Le 21ème siècle : un succès de plus en plus retentissant pour la gent canine

Le chien Charo, héros de l'anime japonais « Little Charo »
Charo, le héros de « Little Charo »

À partir des années 2000, plusieurs animes mettant en scène des chiens remportent de francs succès, si bien que ceux-ci semblent désormais partout. La loyauté, le courage, la paresse et les autres traits de personnalité auxquels on associe le meilleur ami de l’Homme en font un personnage multifacette susceptible d’avoir sa place dans presque tout type de production.

 

Ainsi, on le retrouve aussi bien dans les animes les plus populaires du début du début du 21ème siècle comme One Piece (produit depuis 1999) et Naruto (2002 à 2017) que dans des productions beaucoup plus confidentielles et/ou terre à terre.

 

Il trouve tout particulièrement sa place dans des animes du genre « tranche de vie » comme Air (2005) ou Itoshi no Muco (2013), qui racontent le quotidien en apparence banal de personnages divers et variés. À l’inverse du chat, souvent présenté comme un animal mystérieux et doté de pouvoirs surnaturels, le chien est plutôt utilisé comme un simple compagnon qui enrichit le quotidien de son maître avec ses frasques.

 

Il est aussi à l’affiche de productions plus originales comme Little Charo, anime en 50 épisodes de 10 minutes diffusés en 2008 et 2009. Destiné à un très jeune public, ce n’est pas un anime comme les autres : il s’agit en fait d’un programme éducatif mettant en scène un jeune Beagle perdu dans un pays dont il ne parle pas la langue, et qui fait l’apprentissage de la vie. Créée en 2008 par Wakagi Efu, la série mêle personnages animés et photographies de lieux véritables.

 

Enfin, le chien est désormais plus fréquemment le personnage principal. C’est le cas par exemple dans Fortune Dogs, diffusé de 2002 à 2003 et qui suit les aventures de Ai, un Bouledogue Français qui cherche à retrouver sa maîtresse et croise en route des dizaines de congénères appartenant à toutes sortes de races de chien différentes.

 

Depuis le début du 21ème siècle, l’animation japonaise fait donc la part belle au chien. Ce faisant, elle reflète bien l’importance que cet animal occupe aujourd’hui dans la vie de nombre d’habitants de l’archipel.

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La place du chien dans l’animation japonaise
Par Nicolas C. - Dernière modification : 02/17/2023.