L'apprentissage par imitation chez le chien

L'apprentissage par imitation chez le chien

« Dis-moi qui tu fréquentes (ou qui tu hantes), et je te dirai qui tu es ! ». Cette expression est bien connue lorsqu’il s’agit d’expliquer le comportement humain, mais elle est tout autant valable chez nos amis les chiens.


En effet, un aspect de l'apprentissage chez les chiens que semble souvent négliger la communauté scientifique est la reproduction de comportements observés chez des congénères. Ainsi, lorsqu’un chiot côtoie un chien adulte, il suffit parfois de quelques semaines pour qu’il commence à adopter les comportements de son aîné, même si ces derniers sont parfois contradictoires avec sa propre nature.

Qu'entend-on par "apprentissage par imitation" ?

Qu'entend-on par "apprentissage par imitation" ?

L’apprentissage par imitation a toujours existé tant chez les animaux que chez les humains, bien avant les différentes formes de langages, même si son importance et son mode de fonctionnement diffèrent d’une espèce à une autre. Il s’agit du processus par lequel un individu observe puis reproduit le comportement d’un autre individu « modèle », retenant le comportement en question comme étant celui qu’il convient d’adopter. Le « modèle » est le plus souvent un représentant de la même espèce, mais il peut aussi arriver qu’il appartienne à une espèce différente.

 

Quoi qu’il en soit, le processus d’apprentissage par imitation se déclenche dès lorsqu’un individu est identifié comme plus expérimenté ou plus intelligent, de manière générale ou pour une situation particulière. Par ailleurs, ce sont surtout des gestes du quotidien que le modèle répète fréquemment qui sont concernés par l’apprentissage par imitation, mais il peut aussi porter sur un geste ou une opération n’ayant été effectuée que de manière ponctuelle.

 

Chez les chiens, le modèle est généralement plus âgé. La configuration chien adulte / chiot est très courante, le modèle étant l’un des parents, un grand frère ou un autre membre de la famille. Mais d’autres cas de figure sont également possibles, et le modèle peut d’ailleurs parfaitement appartenir à une autre race : il peut s’agir d’un sujet influent du groupe (par exemple un autre chien du foyer, de sa meute, ou encore du cours d’éducation canine collective), d’un compagnon de jeu, etc. C’est particulièrement vrai pour des chiots élevés en l’absence de leurs parents, les modèles les plus naturels.

 

Comme pour la plupart des mammifères, le premier modèle pour un chiot est sa mère, et l’apprentissage commence normalement dès la naissance. Mais de manière plus rare, un chien peut aussi apprendre par imitation d’un individu humain ou d’un animal d’une autre espèce, comme un chat ou un animal sauvage.

Les avantages de l’apprentissage par imitation chez le chien

Les avantages de l’apprentissage par imitation chez le chien

Imiter un autre individu qui a connu du succès dans ses actions procure un certain confort et diminue la peur de l’échec, lorsqu’il s’agit à son tour d’affronter la même situation. Le fait de penser que son modèle possède un bagage d’expérience plus conséquent donne au chien qui apprend par imitation le sentiment de prendre moins de risque lorsqu’il doit se jeter à l’eau à son tour. La notion de « confiance » entre bien sûr en ligne de compte et est centrale ; elle facilite grandement l’apprentissage par imitation. C’est d’ailleurs ce qui explique que la mère est l’être qu’un chiot est normalement le plus susceptible d’imiter, puisqu’instinctivement, il s’agit de celui en qui il a le plus confiance. Un chiot trop indépendant, qui n’accorde à sa mère qu’une confiance très limitée, aura forcément des lacunes dans son développement cognitif, sauf s’il est capable de les combler grâce à d’autres formes d’apprentissage.

 

Lorsqu’il s’agit d’éduquer un chien, il est possible d’utiliser cette notion de confiance envers un congénère. Ainsi, pour apprendre un geste à un chien, rien n’est plus efficace que d’avoir recours à un autre chien qui connaît déjà le geste en question et puisse servir de modèle à l’apprenant. Non seulement cela permet de montrer de manière précise et sans incompréhension ce qui est attendu, mais en plus cela met l’apprenant en confiance.

N’importe quel chien peut-il apprendre par imitation ?

N’importe quel chien peut-il apprendre par imitation ?

L’apprentissage par imitation s’avère particulièrement efficace chez les chiots, qui sont les plus réceptifs. Cela dit, plus que l’âge du chien, c’est son bagage d’expérience qui est déterminant. Moins ce dernier est étoffé, plus il ressent le besoin d’apprendre, et se montre de ce fait plus réceptif. Et le cas échéant, quoi de plus naturel que d’imiter un congénère, dès lors qu’il paraît manifeste que celui-ci est en réussite ou en confiance dans une situation donnée. Le propos vaut donc aussi pour un chien déjà adulte qui aurait vécu un échec par rapport à la situation en question : pour lui, observer un individu « capable » et reproduire son comportement est une piste intéressante pour dépasser cet échec.

 

Par ailleurs, la propension à apprendre par imitation est aussi corrélée à la race du chien. En effet, les individus de certaines races sont davantage réceptifs à ce type d’apprentissage que d’autres. Cela va de pair avec le fait qu’il existe des races de chien faciles à éduquer, et d’autres qui donnent nettement plus de fil à retordre. Un chien que sa race prédispose à être têtu est moins réceptif et plus enclin à continuer dans sa propre logique, même en présence d’un modèle.

 

Cela dit, la race n’explique pas tout, car on trouve au sein d’une même race des individus au caractère très varié. Au final, c’est plus exactement ce dernier qui influe grandement sur la propension du chien à apprendre par imitation. En effet, l’observation est le point de départ de tout apprentissage. Or un chien trop indépendant voire franchement distant vis-à-vis de ses congénères (ce qui dans certains cas peut être dû à une mauvaise expérience passée, ayant causé un réel traumatisme), et qui donc ne se préoccupe guère de leurs activités, est peu enclin à en apprendre.

Les risques de l’apprentissage par imitation

Les risques de l’apprentissage par imitation

Le maître peut certes « forcer » un peu l’apprentissage par imitation dans le cadre de l’éducation de son chien, mais une bonne partie de cet apprentissage se fait de manière naturelle, hors de son contrôle. C’est particulièrement vrai si plusieurs chiens cohabitent à la maison ou si le chien a souvent l’occasion de rencontrer des congénères – ce qui est évidemment souhaitable, afin de lui assurer une bonne sociabilisation.

 

Les risques liés à l’apprentissage par imitation se situent surtout au niveau de l’apprentissage effectué de manière naturelle, et correspondent au cas où l’apprenti adopte les mauvais comportements de son modèle. D’où l’importance que le maître garde un œil attentif, et intervienne si nécessaire.

 

Par exemple, si l’aîné n’est pas correctement éduqué, a par exemple l’habitude de sauter sur les invités ou de faire ses besoins dans des endroits inappropriés, il est judicieux de le séparer du nouveau venu jusqu’à ce que ce dernier adopte les bons comportements, qu’il prenne comme modèle un autre chien plus sage ou apprenne grâce à l’éducation prodiguée par son maître. Toutefois, s’il avait déjà été mis en contact avec le premier chien, « réapprendre » avec un autre modèle n’est possible que s’il l’accepte à son tour comme tel, ce qui ne coule pas forcément de source. Punir l’aîné sous les yeux du nouveau venu peut également faciliter l’apprentissage de ce dernier, en l’aidant à identifier les comportements indésirables.

 

L’autre risque est la perte de l’influence du maître sur son chien, lorsque le « modèle » devient pour lui plus important. Pour éviter que cela ne devienne problématique, la clé se situe dans la relation du maître avec le modèle. S’il est obéissant envers le maître et adopte à la lettre et en toutes circonstances le comportement souhaité, il devient de fait son meilleur relais. En effet, il y a toutes les chances que l’apprenti mette ses pas dans les siens, et considère comme « l’idéal de comportement » ce qu’il voit le modèle faire.

Eduquer ou dresser un chien en le faisant imiter ses congénères

Eduquer ou dresser un chien en le faisant imiter ses congénères

Chez les chiens comme chez les autres animaux, l'apprentissage par imitation est une chose naturelle. Toutefois, cela n’empêche pas de l’utiliser comme outil, tout particulièrement dans le cadre de l’éducation d’un chiot.

 

Il existe en effet de nombreuses situations dans lesquelles l’apprentissage par imitation peut s’avérer grandement efficace :

L’arrivée d’un nouveau chien dans le foyer

L’arrivée d’un nouveau chien dans le foyer

L’observation et l’imitation des habitudes des autres chiens de la famille sont les meilleurs moyens pour un nouveau venu dans le foyer d’adopter les bons comportements, sans que son maître ait besoin de tout lui apprendre.

 

Par exemple, c’est en observant les autres chiens qu’il peut apprendre comment se rendre dehors, où il doit faire ses besoins, comment il doit se comporter avec son maître, les autres personnes de la famille, les visiteurs, etc.

L’apprentissage d’un comportement ou d’un ordre

L’apprentissage d’un comportement ou d’un ordre

Lorsqu’on souhaite apprendre un comportement précis à un chien, il peut être utile d’utiliser un autre chien qui maîtrise ledit comportement, de le récompenser puis de faire de même avec le premier chien lorsqu’il finit par imiter le « modèle ».

 

Par exemple, si on veut éduquer un chien à faire ses besoins dehors, la technique consiste à emmener les deux chiens et à récompenser le chien obéissant (par exemple avec une friandise pour chien ou une croquette), sans rien donner à l’autre. Il s’agit alors de répéter l’opération jusqu’à ce que ce dernier se mette à imiter le premier et fasse à son tour ses besoins au même endroit. Il ne faut alors bien sûr pas omettre de le récompenser lui aussi, pour lui signifier qu’il a bien agi et que tel est le comportement à adopter. En effet, le but de l’opération n’est pas de montrer une quelconque forme de favoritisme envers le premier chien, mais d’inciter l’apprenti à adopter les bons gestes.

La simplification de l’éducation d’un groupe de chiens

La simplification de l’éducation d’un groupe de chiens

Pour éduquer un groupe de chiens, il suffit d’en éduquer un ou quelques individus, puis de faire en sorte que les autres apprennent de lui ou d’eux par imitation - quitte à donner des récompenses à ceux qui effectivement jouent le jeu de l’imitation.

 

Toutefois, pour la réussite de l’opération, il est primordial de bien choisir le « modèle ». Pour des chiots, la mère est un modèle tout trouvé. À défaut, il peut s’agir de repérer l’alpha (c’est-à-dire le dominant) de la meute. Bien sûr, et c’est particulièrement vrai lorsque la meute est constituée de chiens de plusieurs races aux tempéraments très différents, il peut aussi être pertinent de choisir un individu plus docile et plus facile à éduquer. Cependant, faire en sorte que celui-ci devienne un modèle pour les autres chiens du groupe peut encore demander d’autres efforts, surtout s’il n’est pas l’alpha. Cela passe notamment par le fait de récompenser le chien après un bon comportement, car cela augmente la probabilité que les autres se mettent à l’imiter.

Le dressage des chiens de travail

Le dressage des chiens de travail

Le champ d’utilisation de la technique d’apprentissage par imitation est très large, et va bien au-delà des simples gestes du quotidien pour un chien de compagnie.

 

En effet, elle peut être utilisée pour bon nombre d’usages, qu’il s’agisse de faire assimiler à un chien de berger les bons comportements à adopter pour conduire et/ou protéger les bêtes, à un chien d’exposition l’attitude à avoir lorsqu’il est présenté lors d’un concours de beauté, à un chien d’assistance pour personne aveugle ou handicapée comment assister son maître, ou encore à un chien renifleur la méthode à suivre pour détecter de la drogue ou des explosifs, etc.

 

Les chiens de traîneau constituent un autre exemple de chiens de travail pour qui l’apprentissage par imitation joue un rôle central dans la formation. En effet, la formation des chiens de traîneau se fait moins par des séances individuelles avec le musher (même si celles-ci sont nécessaires au début, notamment pour l’apprentissage des ordres spécifiques à cette activité) que par la pratique en imitant leurs congénères plus expérimentés : dès l’âge de 6 à 8 mois, ils s’entraînent au sein d’un attelage déjà constitué et assimilent ainsi leur future tâche en observant et imitant leurs partenaires.

Eduquer ou dresser un chien en lui faisant imiter un humain

Eduquer ou dresser un chien en lui faisant imiter un humain

Même si un chien est plus spontanément enclin à utiliser des congénères comme modèles, le maître - voire un autre humain – peut aussi réussir à remplir ce rôle.

 

La chercheuse Claudia Fugazza présente ainsi dans son livre Do As I Do: Using Social Learning to Train Dogs (2014) un moyen très simple pour apprendre certains gestes à son chien grâce à l’apprentissage par imitation : une méthode qu’elle a intitulé simplement « Do As I Do » (« Fais comme moi »). Elle consiste à choisir un geste très simple que le maître peut réaliser, comme par exemple tourner sur soi-même, et d’encourager le chien à l'imiter grâce à une phrase (« Fais comme moi ») qui doit être retenue par la suite. Lorsque le principe d’imitation de l’humain qui prononce cette phrase est acquis par l’animal, le concept peut être appliqué progressivement à des gestes plus difficiles. Cette façon de procéder présente toutefois une limite évidente : seuls des mouvements et actions que l’humain est également capable de réaliser peuvent être enseignés de la sorte, ce qui limite grandement le champ des possibles.

 

Que ce soit chez le chien ou chez d’autres animaux, assez peu d’études ont de manière générale été réalisées sur l’apprentissage par imitation. En ce qui concerne l’étude des humains, des expériences menées en 2010 par Friederike Range et Ludwig Huber, de l’Université de Vienne (Autriche), ainsi que Cecilia Heyes, de l’université d’Oxford, apportent néanmoins un éclairage intéressant. Leurs travaux sont détaillés dans un article intitulé Automatic imitation in dogs, publié en 2010 dans la revue scientifique Proceedings of the Royal Society B: Biological Sciences. Ils constituèrent deux groupes de chiens et les mirent l’un après l’autre face à une boîte comportant une porte avec une poignée. Ceux figurant dans le premier groupe étaient récompensés lorsqu’ils l’ouvraient de la même manière que celle qu’un des chercheurs venait de leur montrer, c’est-à-dire tantôt avec la patte, tantôt avec la bouche. A l’inverse, ceux figurant dans le second groupe étaient récompensés quand ils faisaient l’inverse. Par exemple, si le chercheur ouvrait la porte avec sa main, le chien était récompensé s’il l’ouvrait avec sa gueule.

 

Les chiens du premier groupe apprirent beaucoup plus rapidement et efficacement que les seconds, ce qui tend à prouver une certaine prédisposition du chien à assimiler des choses en observant simplement les faits et gestes des humains.

Conclusion

L’apprentissage par imitation joue un rôle important chez le chien. Même sans aucune intervention humaine, il se fait de manière automatique dès lors qu’un binôme modèle / observateur se forme, peu importe l’âge ou la race des deux protagonistes.

 

Mais au-delà de ce processus « naturel », il constitue aussi un formidable outil à disposition du maître dans le cadre de la formation de son compagnon, qu’il s’agisse de choses aussi basiques qu’apprendre les ordres de base à son chien (« Assis », « Debout », « Couché ») ainsi que divers petits gestes du quotidien, ou de le dresser pour différents travaux qui l’attendent, comme garder un troupeau ou tirer un traîneau par exemple.

 

En tout état de cause, même si un chiot grandit entouré de ses deux parents, qui sont des modèles naturels pour lui, son propriétaire doit veiller à son éducation, et s’assurer que ce sont de bonnes choses qui sont transmises.

Dernière modification : 07/03/2020.