Blondi, le chien d'Adolf Hitler : une amie fidèle utilisée par la propagande

Hitler avec son chien Blondi, aux côtés d'Eva Braun et un de ses Scottish Terriers
Hitler avec son chien Blondi, aux côtés d'Eva Braun et un de ses Scottish Terriers

Plus qu’un chien, Blondi (1941-1945) fut pour le dictateur allemand Adolf Hitler (1889-1945) l’incarnation des concepts d’hygiène raciale et de pureté raciale qui étaient au cœur de l’idéologie raciste de son régime. Cette femelle Berger Allemand lui fut offerte en 1941 par Martin Bormann (1900-1945), haut dignitaire nazi et un de ses plus proches amis.

 

Grand amoureux des animaux, Hitler s’attacha très vite à elle. Selon la journaliste britannique Angela Lambert, auteur du livre The Lost Life of Eva Braun (inédit en français) consacré à la vie de la compagne du chef du parti nazi, ce dernier se préoccupait même davantage de sa chienne que de cette dernière. En effet, d’après des témoignages qu’elle rapporte, il se montrait davantage démonstratif envers Blondi : il n’hésitait pas à l’embrasser et à lui faire des câlins en public, et la nuit elle dormait à ses côtés dans son lit.

 

Il faut souligner d’ailleurs que l’obsession d’Hitler pour la « pureté raciale » concernait non seulement les humains, mais aussi les chiens – et en particulier les Bergers Allemands. Pour lui, cette race crée en 1889 par un éleveur allemand qui voulait revenir à ce qu’il considérait être le « Germanischer Urhunde » (« le chien germanique primitif », en français) était aux chiens ce que la race aryenne était aux humains.

 

Blondi servit aussi à des fins de propagande. Elle apparut ainsi notamment sur des photos et dans des films visant à humaniser le dirigeant nazi et à le dépeindre comme un homme plein de compassion.

 

L’amour qu’Hitler éprouvait pour elle était sincère, mais selon certains témoignages, ses méthodes d’éducation étaient parfois brutales. Ainsi, il n’hésitait pas à la fouetter lorsqu'elle se montrait désobéissante. Cela dit, de tels traitements étaient nettement plus courants à l’époque que de nos jours.

 

En 1945, il la fit s’accoupler avec Harras, un Berger Allemand appartenant à l’architecte allemande Gerdy Troost (1904-2003). Elle eut cinq chiots, dont un qu’Hitler baptisa Wulf (« loup » en allemand), son surnom préféré.

 

Traudl Junge (1920-2002), la secrétaire particulière du dictateur, a expliqué qu’Eva Braun n’avait quant à elle guère d’estime pour Blondi. Elle avait ses propres chiens, Negus et Stasi, deux Terriers Écossais qu’Hitler lui avait offerts et qu’elle tenait à l’écart du Berger Allemand.

 

Lors de l’effondrement du régime nazi en avril et mai 1945, tous ces animaux connurent un sort funeste. Retranché dans son Bunker à Berlin avec Eva Braun et leurs chiens alors que l’Armée rouge se rapprochait, Hitler décida de faire administrer à son Berger Allemand une des capsules de cyanure dont il disposait, pour en vérifier l’efficacité. Cette décision n’avait rien d’un saut d’humeur : en plus de lui-même, il avait prévu de mettre fin aux jours de sa chienne afin qu’elle non plus ne tombe pas entre les mains des Soviétiques. Blondi mourut ainsi le 29 avril 1945, soit la veille du jour où son propriétaire et la compagne de ce dernier se suicidèrent.

 

Ce même 30 avril 1945, le dresseur particulier du Führer, un certain Fritz Tornow, fusilla également les chiots de Blondi, les deux chiens d’Eva Braun, celui de Garda Christian (l’une des secrétaires d’Hitler, qui vécut de 1913 à 1997) ainsi que son propre Teckel.

 

 

Hitler (premier à gauche) avec son chien Fuchsl et d'autres soldats
Hitler (premier à gauche) avec son chien Fuchsl et d'autres soldats

Il convient toutefois de souligner que Blondi ne fut pas le seul chien d’Hitler : ce dernier en eut plusieurs autres au cours de sa vie. Ainsi, il secourut pendant la Première Guerre mondiale un Fox Terrier qu’il baptisa Fuchsl, avec lequel il passait le plus clair de son temps libre lorsqu’il n’était pas en service. Toutefois, Fuchs disparut en 1917, sans doute volé, au grand désarroi de son propriétaire. Ce dernier eut ensuite plusieurs Bergers Allemands, sa race préférée, dont un mâle baptisé Prinz qui lui fut offert en 1921 et deux femelles nées respectivement en 1926 et 1930 qu’il baptisa toutes les deux Blonda.

 

Loin d’être anecdotique, la passion du dirigeant nazi pour les chiens - et plus largement pour les animaux - eut des conséquences positives sur la législation allemande en matière de protection animale. Ainsi, après son accession au pouvoir en 1933, le parti national-socialiste (NSDAP) adopta progressivement des mesures visant à lutter contre la cruauté animale. Il fit notamment passer dès 1933 une loi interdisant la vivisection (tout en octroyant de nombreuses exceptions à des universités et des instituts de recherche, qui continuèrent par ailleurs de mener des expérimentations sur les animaux) et obligeant les abattoirs à procéder à une anesthésie avant la mise à mort d’un animal. Les nazis interdirent également l’utilisation d’animaux au cinéma ou dans toute activité pouvant leur causer des souffrances. Ils allèrent même jusqu’à inscrire la protection animale au programme des écoles publiques. Ils promulguèrent également en 1935 la Reichstierschutzgesetz (« loi de protection de la nature du Reich »), définissant la liste des plantes ainsi que des animaux non chassables et établissant des mesures pour les protéger. Ces différentes lois furent en réalité peu appliquées, mais servirent de base à la Tierschutzgesetz, la loi fédérale de protection des animaux promulguée en Allemagne de l’Ouest en 1972.

 

La sincérité de l’engagement d’Hitler et des nazis envers la protection animale fait toutefois débat. Selon l’historienne française Élisabeth Hardouin-Fugier, spécialiste de l'art et des mentalités, il ne s’agissait là que d’une posture utilisée à des fins de propagande, l’animal ayant toujours été considéré par eux comme « une chose ». Le philosophe et homme politique français Luc Ferry (né en 1951) réfuta néanmoins cet argument, en écrivant ceci : « Le Führer, ami des animaux : propagande ? Bien sûr, et alors ? Ce n'est pas ici le fond de l'âme d'Adolf Hitler qui nous intéresse, mais la façon dont le dictateur répond aux attentes politiques de l'Allemagne romantique et nationaliste qui l'a plébiscité et qui est, le fait n'est hélas pas douteux, infiniment plus sensible au sort des chiens ou des chats qu'à celui des Juifs ou des Tsiganes. »

 

Quoi qu’il ne soit, il est certain que cette sensibilité était à géométrie variable : il était courant que les nazis abattent les animaux de compagnie des juifs et des autres personnes déportés et exterminés.