Les missions des chiens formés pour chercher des explosifs sont comparables d’un pays à l’autre. Il s’agit d’inspecter et donc sécuriser les lieux, que ce soit pour une occasion ponctuelle (comme la visite d’une personne officielle, un concert ou un match dans un stade) ou de façon permanente, par exemple dans les gares et les aéroports. Pour les visites de personnes officielles, on doit aussi sécuriser les véhicules du cortège.
En France, les unités cynophiles du RAID interviennent très souvent sur des missions de ce genre en lien avec le Groupe de Sécurité de la Présidence de la République (GSPR). Ces missions représentent la moitié de leurs interventions sur le territoire français. La procédure est de faire travailler deux chiens « en tiroir », c’est-à-dire l’un après l’autre, chacun étant accompagné de son maître-chien policier qui le guide en lui montrant certains endroits. De cette façon, on diminue le risque de « passer à côté » de quelque chose.
Tous les pays craignent le risque d’attentats, mais traumatisée par les événements de 2015, la France - plus précisément la Gendarmerie Nationale française - est allée jusqu’à créer une nouvelle spécialité dans la recherche d’explosifs. Quelques chiens sélectionnés parmi les meilleurs ont ainsi reçu une formation « REXPEMO », acronyme de Recherche d’Explosifs sur des Personnes en Mouvement. Cette toute nouvelle technique est utilisée pour des matches importants, et semble plutôt prometteuse.
Quelle que soit le pays et la mission, le chien souhaitant signaler à son maître qu’il a trouvé un explosif doit simplement se coucher et attendre. Il ne doit surtout pas gratter ni aboyer, pour le cas où on aurait affaire à un produit très instable susceptible d’exploser.
Dans le cas de la détection d’explosifs sur une voiture officielle, le maître désigne le véhicule au chien, qui commence son inspection par l’extérieur de l'auto. L’étape suivante est de lui faire inspecter l’intérieur : habitacle et coffre. Le tout prend moins de deux minutes, et sans mettre une patte sur les sièges - on ne salit pas la voiture d’un officiel !
Par ailleurs, le repérage peut se faire parfois à distance du maître. Le RAID, notamment, peut recevoir des demandes d’autres pays pour former les chiens sur des exercices particuliers, comme la recherche d’explosifs sur un véhicule ou un colis, en situation trop dangereuse pour que les hommes s’approchent (en général, les maîtres-chiens policiers accompagnent leur chien, mais ils sont susceptibles de recevoir des ordres le leur interdisant).
Dans ce cas-là, en formation, on utilise une voiture radiocommandée qui signale au chien le véhicule (ou le colis) suspect. Le chien doit alors faire son travail comme d’habitude, même si son maître n’est pas auprès de lui. Dans ce cas précis, le RAID s’est inspiré d’un exercice de la brigade cynophile des Fusiliers Marins de Toulon.
De façon générale, ce qui compte avant tout pour rechercher quelque chose, c’est le flair du chien. Comme pour les chiens policiers mordants, on retrouve donc le Berger Allemand et le Berger Belge Malinois, mais aussi des chiens moins puissants physiquement ayant toutefois un odorat très développé, comme le Labrador Retriever, le Springer Anglais et d’autres chiens de chasse.
Comme pour le chien d’intervention ou le chien d’assaut, plus que telle ou telle race, ce sont des qualités individuelles qui sont recherchées. Ainsi, suite aux attentats à Madrid en 2004, la Police espagnole avait surpris (et un peu inquiété) ses homologues européens en faisant appel à des Braques de Weimar pour la recherche d’explosifs. En effet, ce chien est généralement jugé trop vif pour ce type de recherche. Pourtant, il n’y a pas eu de problème : bien entraînés, les Braques de Weimar ont su remplir leur mission, et n’ont pas eu à rougir en comparaison de leurs congénères d’autres races également employés par la Police espagnole (Berger Allemand, Berger Belge Malinois, Labrador Retriever, Cocker…).
Un odorat très développé est évidemment la première qualité nécessaire à un chien de recherche d’explosifs. Néanmoins, cela ne suffit pas : il doit aussi être doté de bonnes capacités d’apprentissage et être très joueur, car l’apprentissage est basé sur le jeu.
En outre, pour la recherche d'explosifs, les chiens les plus calmes sont privilégiés, à condition qu'ils soient équilibrés. En particulier, ils ne doivent pas être peureux, ou se laisser distraire ou déstabiliser par la foule et le bruit.
Enfin, les chiens de taille moyenne sont privilégiés car ils peuvent se faufiler partout, et leur maître peut les porter pour les recherches en hauteur. Les races de chiens de très grande taille ne sont donc généralement pas les plus utilisées pour la recherche d'explosifs.
Quel que soit le pays, la sélection des chiens de recherche d’explosifs est la même que celle des chiens d’intervention : c’est simplement en fonction des résultats des tests que le chien est ensuite spécialisé en recherche ou en défense/intervention.
Autrement dit, ces évaluations permettent de le destiner à telle ou telle tâche. Jean-Marc Graff, comportementaliste animalier, le résume très bien : « Si vous avez un joueur foufou, vous allez l’orienter vers les “stup” et surtout pas vers les “explo”, parce que s’il fait une fête du feu de Dieu chaque fois qu’il trouve la substance, il ne va pas vivre longtemps...».
En mission, la recherche d’explosifs se fait essentiellement dans deux milieux : sur un site (local, appartement, stade, etc.) et sur des véhicules. Il en va de même lors de la formation.
Comme pour les autres types de chiens policiers, l’apprentissage de la recherche d’explosifs se fait sur la base du jeu, en ayant recours à la méthode d'éducation canine naturelle ou la méthode du renforcement positif. Les exercices de base ont ainsi pour objectif de créer dans l’esprit du chien une relation entre l’objet de la recherche et son jouet préféré, de sorte qu’il ne recherche pas un explosif, mais simplement son jouet. C’est d’ailleurs le principe de formation de tous les chiens de détection.
Au départ, le maître cache un jouet pour chien avec l’explosif sur lequel travaille le chien, dans une zone comprise entre 170 et 250 m² (parking, local, etc.). Celui-ci le trouve facilement et gratte pour essayer de le prendre, car il n’y a pas accès directement : le jouet et l’explosif peuvent être cachés dans une boîte, derrière un meuble, dans la boîte à gants ou à l’intérieur des sièges d’une voiture, etc. L’excitation du jeu peut aussi le faire aboyer.
Ensuite, le jouet est enlevé de la cachette. Le chien renifleur retrouve la même odeur et gratte : l’association explosif/objet est en cours. Le maître complimente son chien et lui donne son jouet pour le récompenser.
Par la suite, on affine le dressage en obtenant du chien une réaction plus appropriée : il apprend à ne plus gratter ni aboyer, mais à « marquer » l’explosif en se couchant (si l’explosif est près du sol) ou en s’asseyant (s’il est caché en hauteur). Le chien doit attendre sans quitter sa position jusqu’à l’arrivée de l’équipe de déminage. En parallèle, on augmente progressivement la complexité des cachettes.
Le chien n’est pas seul lors d’une recherche d’explosif : que ce soit en formation, en entraînement ou en intervention, le maître-chien policier est auprès de lui, ou juste derrière. Il le guide du geste en touchant des points (des boîtes, la plaque d’immatriculation si c’est une voiture, et de façon générale tous les endroits susceptibles de dissimuler de l’explosif) et l’encourage de la voix.
À ce stade de la formation, chien et maître se vouent déjà une grande confiance réciproque. Lorsque le chien trouve un explosif, le maître le félicite de façon très démonstrative et le caresse, puis lui donne le jouet tant convoité. Le chien associe le fait de trouver telle ou telle odeur avec l’obtention de son jouet et le plaisir de son maître.
La complicité qui existe entre l’homme et le chien est indispensable pour la détection. En effet, pour des raisons de sécurité, le chien ne peut ni gratter, ni aboyer. Il doit garder une attitude statique, et envoyer des signaux corporels qu’il incombe au maître de décrypter : ainsi, la direction du regard, la position de la tête ou celle des oreilles donnent un complément d’information sur la cachette. Pour que cela fonctionne, le maître doit bien comprendre son chien et savoir interpréter le langage canin non verbal.
Cette symbiose est ce qui est le plus difficile à obtenir en formation. En effet, la détection elle-même est basée sur l’odorat du chien, et ne fait que stimuler et diriger une aptitude naturelle chez lui ; elle est relativement simple. Ce qui l’est moins, c’est d’arriver à ce que le chien « marque » correctement et suive à la lettre les directives enseignées par son maître. Or, le bon fonctionnement du binôme est d’autant plus crucial qu’il en va de leur vie et de celle des personnes alentour.
En France, seuls le RAID et le GIGN (des unités d’élite) ainsi que les Douanes forment des chiens de recherche d’explosifs. Si d’autres services (ou d’autres pays) ont besoin de ces unités, elles leur sont « prêtées » pour des missions ponctuelles. Au RAID, cette formation se fait pendant les deux mois de spécialisation des équipes cynophiles au siège de Bièvres.
En Suisse, la Fédération Suisse des Conducteurs de Chiens de Police forme ces unités pendant environ deux ans.
Au Canada, après la formation de base commune à tous les chiens policiers effectuée au centre de Formation de la Gendarmerie Royale du Canada (GRC), le chien et son maître vont se spécialiser pendant 5 semaines, toujours au sein du centre. Ils seront formés graduellement pour atteindre le niveau exigé en recherche extérieure, puis en bâtiment. Comme pour tous les chiens policiers, le binôme opérationnel doit par la suite participer à des stages de perfectionnement obligatoire, et se soumettre à des tests annuels de validation de ses aptitudes.
Généralement quotidien, l’entraînement des chiens de recherche d’explosifs reprend les exercices effectués en formation, en les complexifiant pour que l'animal reste au meilleur niveau.
Il peut s’agir par exemple de déposer sur une voiture des odeurs fortes, comme du fuel, pour voir si le chien trouve quand même l’explosif, dont l’odeur est beaucoup plus subtile. S’il réussit, démonstrations d’affection et jouets pour chiens lui sont donnés par le maître. S’il échoue, l’exercice est recommencé jusqu’à obtention du résultat attendu.
Par ailleurs, un chien peut apprendre à détecter de nouveaux types d’explosifs tout au long de sa carrière : il les mémorise l’un après l’autre, et les meilleurs chiens « explo » sont capables d’identifier plus de 80 types différents d’explosifs. On les forme et les entraîne sur les produits les plus utilisés par les terroristes, mais il peut sans cesse y en avoir de nouveaux. Par conséquent, leur formation n’est jamais vraiment terminée.