Les lévriers étant les chiens les plus rapides du monde, ils sont utilisés depuis des millénaires par les hommes pour leur vitesse, que ce soit dans le cadre de la chasse ou du sport - la chasse prenant d’ailleurs parfois des allures de sport.
La course de lévriers, sous toutes ses formes, reste le sport le plus connu quand on parle des lévriers. Que ce soit au niveau professionnel ou amateur, comme propriétaire ou simplement comme spectateur, cette discipline mérite qu’on s’y intéresse!
Les lévriers font partie de la vie humaine depuis la nuit des temps.
Ainsi, dès le 4ème millénaire avant J.-C., les Sumériens les appréciaient particulièrement pour leurs talents dans la chasse à la gazelle.
Les Égyptiens s'entouraient aussi de ces chiens, si l'on en croit les nombreuses peintures et sculptures retrouvées dans des tombeaux de l’époque. À la mort du pharaon, un lévrier était d’ailleurs momifié à ses côtés, et le dieu Anubis lui-même, gardien des morts et conducteur des âmes, était représenté par une tête de lévrier ou de chacal. Utilisés à la fois pour la chasse et pour la compagnie, les lévriers avaient un rôle culturel, fonctionnel et quotidien très important. D’ailleurs, ils étaient extrêmement bien traités et des lois punissaient quiconque les maltraitait.
Dans la civilisation assyrienne, vers 2500 avant J.-C., la chasse à l’aide de lévriers prit une tournure plus sportive. En effet, les Assyriens pratiquaient la chasse à courre, ou vénerie, comme sport dans le cadre de leur entraînement à la guerre.
Entre 2000 et 1200 avant J.-C., le peuple celte apparut en Europe. Leur chien de prédilection était le lévrier, qu’ils nommaient Vertragus (« pied rapide ») et qu’ils utilisaient tant pour la chasse que pour le sport. Étant un peuple de cavaliers, avoir le lévrier comme partenaire de chasse leur permettait de chasser à cheval, puisque le lévrier chasse à vue et attrape le gibier lui-même.
Les Grecs connaissaient également le lévrier, mais ne firent apparemment nullement usage de ses talents de chasseur. Il est ainsi décrit à la fin du 8e siècle avant J.-C par le poète Homère, dans sa célèbre Odyssée, comme un « chien au poil ras dont les muscles saillaient et qui savait courir si vite ». Au 4e siècle avant J.-C., Xénophon, historien, philosophe et chef militaire grec vivant à Athènes, écrivit son célèbre livre De la cynégétique ou Art de la chasse, où il parle en détails de la chasse et du rôle du chien lors de celle-ci. Il évoque des chiens qui sont lents et pistent le gibier au flair, laissant à l’homme le travail de chasser. Son ouvrage est très complet, mais on n’y trouve aucune mention du lévrier et de son aptitude à chasser à vue, alors qu’il n’aurait pas manqué d’en parler si cela avait existé dans la Grèce de l’époque.
Il faut attendre la conquête de la Gaule par Rome en 52 avant J.-C. pour que les Romains découvrent et adoptent le Vertragus comme chien de chasse et le fassent connaître à leurs colonies, dont la Grèce vaincue un siècle plus tôt. Au 2e siècle de notre ère, l'écrivain Arrien, homme politique grec vivant sous l’Empire romain, écrivit une nouvelle version du traité de Xénophon sur la cynégétique. Il y évoque de manière très imagée les méthodes de chasse des Celtes avec leurs chiens. Il explique également les soins à prodiguer au lévrier en tant que chasseur et en tant que pratiquant du sport désigné alors sous le terme de « chasses celtes ». Cette activité celtique ressemble fort au coursing moderne : l’important n’est pas d’attraper le lièvre, mais de regarder une belle chasse et profiter du spectacle. Selon Arrien, « les vrais chasseurs apprécient quand le lièvre parvient à trouver un moyen de se sauver ». Les règles formulées par Arrien se limitent à quelques principes : un lièvre doit être poursuivi par maximum deux lévriers et doit avoir reçu une avance suffisante pour lui permettre de s’en sortir vivant.
Par ailleurs, les mythologies grecque et romaine mentionnent à de nombreuses reprises le lévrier. Par exemple, la déesse grecque Hecate, déesse de la lune et de la magie, était souvent représentée avec ses deux lévriers. Quant à la déesse de la chasse (Artémis chez les Grecs, et son pendant Diane chez les Romains), il est dit qu’elle se vit offrir sept lévriers par le dieu Pan. Selon Oppien de Cilicie, auteur grec du 2e siècle de notre ère, Castor, un des jumeaux divins des Dioscures, aurait même inventé la chasse avec lévrier!
C'est au Moyen Âge que l’usage du lévrier pour la chasse atteignit son apogée. Un document espagnol de 1081 fait état d’une transaction de 100 pièces d’argent pour l’achat d’un Galgo noir, ce qui représente une somme très importante pour l’époque. Il faut dire que ce chien était alors le préféré tant des grands d'Espagne (qui les nommaient « galgos ») que de la noblesse et royauté de France et d'Angleterre. Le roi Jean 1er d’Aragon (1350-1396) mourut d’ailleurs d’un accident de cheval en chassant une louve avec ses lévriers, préférant la chasse à ses devoirs royaux. Les lévriers étaient d’autant plus le chien des nobles que, jusqu’au 17ème, la loi espagnole interdisait au peuple d’en posséder. Une telle mesure avait d’ailleurs également été prise dès l’an 1014 en Angleterre, où le roi Canute établit une loi réservant aux seuls nobles la possibilité de posséder un lévrier, que ce soit pour la chasse ou simplement comme animal de compagnie.
Elle perdura toutefois moins longtemps qu’en Espagne, puisqu’elle fut abolie au 16ème siècle par la reine Elizabeth 1re (1533-1603) qui adorait le coursing. Les chasses celtes évoluèrent au rang de véritable sport, et un besoin pressant se fit sentir de disposer d’un cadre mieux établi. Thomas, 4ème duc de Norfolk, écrivit donc le premier code de règles officiel, en se basant principalement sur les principes formulés par Arrien 14 siècles plus tôt.
Le premier club de coursing au monde, la Swaffham Coursing Society, fut fondé en 1776 à Norfolk par Lord Orford, tandis que Lord Craven fonda le deuxième, nommé Hashdown Park Meeting, en 1780. Dans les années qui suivirent, de nombreux clubs virent ainsi le jour en Angleterre, en Irlande et en Écosse. La révolution industrielle apportant aisance financière et temps libre, de plus en plus de gens commencèrent à s’intéresser à ce loisir de l’aristocratie, ce qui explique la popularité croissante de ces clubs. En parallèle, le règlement officiel de cette activité fut peaufiné petit à petit par accord entre les membres des différents clubs, afin de compléter les règles déjà mises en place.
L’expansion ferroviaire permit à un nombre croissant de spectateurs d’assister à ses courses, en les rendant accessibles beaucoup plus facilement. En particulier, l’année 1836 vit la naissance de la Waterloo Cup, course prestigieuse qui continua d’être organisée chaque année jusqu’à l’interdiction des courses de lévriers dans le pays en 2005. La gagnante fut une femelle nommée Milanie, possession de Lord Molyneux, qui empocha 16 livres pour cette victoire. Cette compétition se déroula pendant près de deux siècles selon le même règlement, qui continue d’ailleurs à régir le coursing aujourd’hui. L’Australie eut aussi sa propre Waterloo Cup de 1868 à 1985.En France, la chasse avec des lévriers fut interdite à partir de 1844. L’Office National de Chasse et de Faune sauvage expliqua en effet que la grande vitesse de course des lévriers permettait une capture trop facile de certaines espèces de gibiers, ce qui pouvait nuire au cheptel. Cette réglementation est toujours en place de nos jours, et les contrevenants encourent jusqu’à un an de prison et 15 000 euros d’amende.
Aux États-Unis et au Canada, la réglementation varie selon les états ou provinces et selon les saisons, limitant l’utilisation du lévrier sans vraiment l’interdire, puisque le territoire est beaucoup plus vaste et la population de gibier beaucoup plus nombreuse par rapport à celle des chasseurs.
Les lévriers ne pouvant plus servir à la chasse aussi librement qu’avant, voire pas du tout, les courses de lévriers se popularisèrent et modernisèrent, avec toujours le but d’améliorer la race en sélectionnant les meilleurs reproducteurs. Durant la fin du 18ème et au cours du 19ème siècle, les clubs de coursing se multiplièrent dans les îles britanniques, puis dans les colonies et en Europe.
La France inaugura en septembre 1854 le terrain des sports de Longchamp et son nouvel hippodrome. Le journal Mercure de France – Courrier des deux-mondes d’août 1854 et le Journal des chasseurs de la saison 1853-1854 ne manquèrent pas d’évoquer cet événement, en mentionnant que les courses de lévriers seraient ajoutées au programme des nombreuses activités proposées par ce complexe sportif. Ce sport se pratiquerait sur le terrain de l’hippodrome, après les courses de chevaux, pour divertir le public. Eugène Chapus évoqua aussi cette inauguration dans son livre Le sport à Paris publié en 1854. Il y faisait grandement l’éloge de ce sport élégant, écrivant notamment que « pour rester en possession du privilège de vogue qui lui est fait, Paris, qui sent chaque jour combien il lui importe d’étendre le cercle de ses attractions, va nous révéler la course aux lévriers (…) avec ses émotions vives, ses incidents, ses occasions de paris et ses rapides allures. »
Parlant de la course aux lévriers et de la chasse au faucon, il ajoutait : « C’est dans les vastes plaines qui s’étendent du pont de Neuilly au pont de Suresnes, en longeant la Seine d’un côté et le bois de Boulogne de l’autre, sous les regards du château de Bagatelle, que vont s’établir enfin ces deux belles conquêtes du sport parisien. Paris, à la faveur d’une riche association de capitalistes, se crée là un centre unique de haut sport. Cette belle étendue de terrain d’un vert d’émeraude, d’un sol élastique et moelleux, aux vastes horizons, devient, sous la désignation des sports de Longchamps, un théâtre où se succéderont, en spectacles grandioses, tous les nobles plaisirs du genre, courses plates, courses en longueur pour chevaux de deux ans, steeple-chases, régates sur le fleuve, enfin la course aux lévriers […]. La course au lévrier est non seulement un plaisir de jeunesse, mais un plaisir accessible à l’homme qui, bien qu’il ne jouisse plus de sa pleine vigueur, aime encore le mouvement, l’exercice, le cheval, l’air, les champs, et se sent assez de verdeur pour l’action. La course au lévrier peut être le délassement de l’homme qui a l’œil encore bon, la main sûre, les jambes fermes, le corps droit, et qui veut ménager les précieux restes d’un bon tempérament et de fortes habitudes en ne les commettant pas dans les aventureuses et formidables épreuves des autres sports. »
Il expliquait ensuite avec grand enthousiasme le concept du coursing tel que pratiqué depuis des siècles chez les Anglais, ne manquant pas d’enthousiasme pour tenter de convaincre son lectorat, composé en grande partie de gentlemen, d’adopter ce sport dans la Ville lumière.
Néanmoins, malgré tout l’optimisme dont firent preuve Eugène Chapus et les journaux de l’époque, le projet d’hippodrome permanent échoua, faute du soutien de l’Empereur Napoléon III.
En 1857, le terrain changea de main au profit de la Société d’Encouragement pour l’Industrie nationale, qui érigea sur l’emplacement même de l’ancien édifice achevé à peine trois ans plus tôt ce qui devint le plus beau champ de courses du monde. Son inauguration eut lieu le 27 avril 1857, date qui marque l’avènement des courses hippiques dignes de ce nom en France, ainsi que, plus discrètement le début des coursings de lévriers. En effet, malgré la pratique du coursing par les aristocrates pour occuper leurs weekends en campagne, il semble que les courses de lévriers envoûtaient peu le public des événements sportifs.
C’est ce que l’on comprend notamment en lisant l’article intitulé « Une course de lévrier à Vaucluse » écrit par Maurice Crystal dans l’édition du 14 novembre 1863 de L’Illustration, Journal universel. L’auteur y raconte d’abord une partie de coursing amateur tenue par un aristocrate et ses amis. Les lièvres étaient attrapés la nuit précédant la course et mis dans un panier. La première manche constituait en une poursuite d’un lièvre par les dix lévriers présents en même temps. Seuls les deux meilleurs lévriers furent autorisés à participer à la manche suivante, qui se termina par un drame : les lévriers et leur proie moururent noyés dans une grotte. Malgré plus de huit jours de recherche, on ne retrouva jamais leurs corps.
Mr Crystal évoque ensuite le coursing comme discipline sportive organisée et présentée au public, s’étonnant du peu d’intérêt qu’elle suscite : « Le turf des chiens, spécialement le turf de la race fine, élégante, ailée et chère aux peintres, de grands lévriers, est une branche nouvelle du sport. Elle a conquis ses grandes lettres de naturalisation en Amérique, en Angleterre, en France. Mais il semble chez nous que les yeux soient ouverts pour ne rien voir. Des courses de lévriers ont lieu à Paris presque après chaque course de chevaux, et personne ne fait attention à ces sportsmen à cheval qui, la course finie, prennent rendez-vous et, se joignant aux piqueurs et aux lévriers, improvisent pour les dernières heures du jour, une course de lévriers bien plus vivace, mouvementée et agréable que la course des chevaux qui a rallié tous les badauds. Aujourd’hui, il n’est plus d’entraîneur, il n’est même plus de veneur qui, ayant un cheval de chasse, n’ait pas ses lévriers de course. Ce turf a, sur les luttes de l’hippodrome, l’avantage d’être moins monotone. Ce plaisir innocent sied aux châtelaines qui s’attardent en automne à la campagne?; aux jeunes chasseresses, il offre tout l’avantage de l’exercice en plein air, du gymnase à cheval, avec le but d’une lutte, d’une poursuite éminemment propice au développement des forces. […] Le turf des lévriers échappe à tout classement régulier dans les plaisirs parisiens?; mais on peut facilement, en automne, donner le spectacle à Longchamps, et plus souvent encore dans nos parcs historiques, dans les campagnes de nos grands éleveurs ou dans les bois du petit nombre de châteaux restés debout. Ce turf est admirablement constitué en Amérique, en Russie, en Autriche, en Belgique, en Angleterre. Il accompagne les courses de chevaux et en corrige la monotonie et le repos forcé. […] C’est un plaisir de jeunesse accessible à la femme, à la jeune fille qui aime le mouvement et l’exercice, le cheval, l’air, les champs, et qui se sent assez de verdeur pour cette poursuite émouvante et souvent bizarre. »
Malgré ce manque d’intérêt initial que déplore Maurice Crystal, le coursing finit par trouver petit à petit sa place en France. En 1881 fut fondée la Société Centrale Canine pour l’amélioration des races de Chiens en France (SCC), reconnue comme établissement d’utilité publique en 1914. Elle a pour but, entre autres, de patronner les règlements généraux des différents sports canins établis par les associations étrangères et par la Fédération Cynologique Internationale (FCI). Créée en 1911 par cinq membres fondateurs (dont la SCC), cette dernière est mandatée par ces dernier pour établir les standards internationaux des races de chiens et les règlements internationaux des différents sports canins, donc le coursing.
Il est difficile de déterminer quand exactement le lièvre fut remplacé par un leurre mécanique dans les épreuves de coursing. Il est établi en tout cas que le premier leurre mécanique fut inventé aux États-Unis en 1906, et que le dispositif ne fut introduit en Europe que dans les années 20. Toujours est-il que l’épreuve demeure identique, la seule différence étant que le lièvre est remplacé par un leurre mécanique.
Aux États-Unis, l’American Sighthound Field Association (ASFA) fut fondée en 1972. Il s’agit de la première association américaine de renommée nationale pour la course à vue, activité qu’elle réglemente à l’échelle de l’ensemble du pays.
Le développement de la PVL (Poursuite à Vue sur Leurre) réglementée dans l’Ouest américain intrigua un couple de Canadiens originaires de Victoria, Mr et Mme Loube. En 1975, ils décidèrent de parcourir plus de 2000 km pour faire concourir un de leurs Lévriers Afghans lors de la première compétition du Grand National Lure Coursing de Denver. Ils réitérèrent l’expérience quelques mois plus tard, en allant participer cette fois à une course dans la région de San Francisco, en Californie. A chaque fois, ils filmèrent les événements dans les moindres détails. De retour chez eux, ils passèrent une annonce dans les journaux locaux pour trouver d’autres amateurs de lévriers afin de fonder un club officiel de coursing au Canada. Tony et Helena James, fraîchement arrivés d’Angleterre avec leur Lévrier Whippet nommé Ringdove, ainsi que Clio Matheson, maître d’un Deerhound, y répondirent. Une machine à leurre mécanique fut construite par une classe du collège local, dont le professeur était justement propriétaire d’un Lévrier Afghan. Ces passionnés purent ainsi commencer à se réunir régulièrement pour pratiquer leur sport préféré dans les parcs locaux, en utilisant le règlement de l’ASFA. Ils baptisèrent leur association Canadian Sighthound Field Association (CSFA) puis, au cours des années qui suivirent, voyagèrent à travers leur pays, mettant le cap sur l’Est pour tenter d’implanter des clubs de coursing dans les villes principales. Ils furent aidés dans cette démarche par des membres de l’ASFA désireux de voir ce sport se développer également chez leur voisin du Nord, et leurs efforts conjugués portèrent leurs fruits. Ainsi, des associations de coursing virent le jour partout à travers le Canada à la fin des années 70 et au début des années 80. On apprit d’ailleurs avec le Québec qu’il était possible de pratiquer la PVL malgré la neige ! En 1982, un règlement canadien de coursing fut accepté par le Club Canin Canadien (CCC), et le CSFC devint l’autorité canadienne officielle pour cette activité.
La première course de lévriers où seule la vitesse fut jugée (embryon du racing moderne) se déroula en 1876 à Hendon, en Angleterre. Les compétiteurs devaient simplement courir sur une ligne droite.
En 1906, l’américain Owen Patrick Smith inventa le lièvre-leurre artificiel ; on peut le considérer comme le fondateur du racing tel qu’il est pratiqué encore de nos jours. Sept ans plus tard, en 1919, il ouvrit à Emeryville, en Californie, la première piste ovale employant son invention. En 1926, la Grande-Bretagne organisa sa première course de lévriers sur piste ovale, et la France fit de même quelques années plus tard. Après des millénaires de coursing, le racing venait de naître.
En 1924 fut créée l’Union Internationale des Clubs de Lévriers (UICL). Jusqu’à sa disparition en 2020, l’UICL, qui siégeait en Suisse, était chargée d’organiser les courses de lévriers en Suisse, en Allemagne, en Autriche, en Belgique et aux Pays-Bas.
Aux États-Unis, l’année 1992 vit la naissance de la National Oval Track Racing Association (NOTRA), dont le but affirmé demeure avant tout de permettre aux propriétaires de lévriers de s’amuser avec leur chien. La Canadian Amateur Racing Association (CARA), son pendant canadien, fut fondé quatre ans plus tard, en 1996.
Même si les paris entre particuliers ont toujours existé, les courses restaient surtout l’occasion, pour les éleveurs et propriétaires, de présenter les qualités de leurs chiens, et pour les spectateurs, de se divertir. Un prix était certes remis au vainqueur, mais il valait plus pour son côté symbolique que pour son montant intrinsèque. On retrouve un état d’esprit semblable dans la majorité des pays européens où les paris mutuels sont interdits, mais où les courses de lévriers demeurent parfaitement légales, comme en France et en Belgique.
L’arrivée des paris mutuels donna une tout autre dimension aux courses de lévriers, qui passèrent du rang de simple divertissement à celui d’activité lucrative pour l’État.
C’est aux États-Unis, et plus précisément en Floride, qu’ils furent autorisés pour la première fois en 1931. Plusieurs pays suivirent rapidement, à l’instar de la France en 1933. Ils y furent toutefois interdits ensuite pendant 10 ans entre 1951 et 1961, avant qu’un agrément ne soit accordé à la Société française de courses de lévriers, seul organisme habilité à orchestrer des paris mutuels sur de tels évènements.
Alors que les années 80 marquèrent un « âge d’or » du racing, de nombreux cynodromes ont depuis lors clos leurs portes par manque d’adeptes. On n’en compte plus désormais qu’environ 150 dans le monde, et ce nombre est en chute constante. Même les pays où la discipline était autrefois très populaire, comme l’Angleterre et les États-Unis, ne sont pas épargnés.
De fait, la notoriété du racing chute graduellement depuis les années 90, et les choses se sont accélérées au 21ème siècle. Aux États-Unis, par rapport à l’an 2000, 70 % des cynodromes ont vu leur activité décliner, voire ont fini par ferme. Les 30 % restant parviennent généralement tout juste à se maintenir.
En France, alors qu’il avait atteint dans les années 80 un sommet de près de 10 millions de francs, le montant total des paris passa en 2017 sous la barre des 100 000 euros. Ce chiffre fut même encore divisé par deux en 2019, d’après Claude Klein, ancien président de la Société Française des Courses de Lévriers (SFCL) L’enjeu en termes de recettes fiscales étant devenu anecdotique (2400 euros en 2018), il ne fut guère difficile d’opter à l’automne 2019 pour une interdiction des paris mutuels, applicable depuis janvier 2020 – et qui conduisit d’ailleurs à la disparition de la SFCL. Seules les courses amicales, sans enjeux financiers, demeurent légales. L’avenir de la discipline reste toutefois très incertain, quand on sait par exemple qu’en 2019, le Championnat de France de courses de lévriers comptait moins de 100 chiens inscrits, contre plusieurs centaines autrefois.
De fait, il n’y a plus aujourd’hui que 7 pays au monde où les courses avec paris restent permises. Il s’agit de l’Australie, la Grande-Bretagne, l’Irlande, le Mexique, la Nouvelle-Zélande, le Vietnam et les États-Unis. Dans ce dernier pays, elles ne sont autorisées que dans un nombre sans cesse plus minoritaire d’États : les courses de lévriers (qu’elles fassent ou non l’objet de paris) sont désormais illégales dans 41 des 51 États américains. Les seuls États où elles sont autorisées et qui détiennent des cynodromes sont l’Alabama, l’Arkansas, l’Iowa, le Texas et la Virginie-Occidentale. Le Connecticut, le Kansas, l’Oregon et le Wisconsin ne les interdisent pas non plus, mais ces États ne possèdent pas de cynodrome, ce qui rend quasi impossible la tenue de courses. D’ailleurs, à l’échelle de l’ensemble du pays, 30 cynodromes ont fermé leur porte dans les deux premières décennies du 21e siècle, si bien qu’il en reste désormais moins de 20.
En Australie, on constate la même évolution qu’aux États-Unis. Par exemple, en 2017, l’État de Nouvelle-Galles du Sud interdit à son tour les courses de lévriers.
En Grande-Bretagne, où sont apparues les premières courses de lévriers modernes, Londres compta jusqu’à une vingtaine de cynodromes. Cette époque est désormais bien révolue, puisque le dernier qui restait, situé à Wimbledon, ferma ses portes en 2017. Le terrain ayant acquis une valeur très importante vu la crise du logement, les propriétaires préférèrent rentabiliser leur parcelle de terre en y construisant des logements plutôt qu’en y laissant un cynodrome qui occupait beaucoup d’espace sans générer des recettes conséquentes. C’est d’ailleurs un phénomène que l’on constate dans la majorité des grands centres urbains dans le monde. Dans un contexte haussier du prix du foncier, voire de crise du logement, il n’apparaît pas surprenant que les habitations soient privilégiées au détriment des cynodromes…
Le Hunting Act de 2004, inspiré d’une loi semblable votée en Écosse deux ans plus tôt, porta également un grand coup à l’usage de lévriers dans l’ensemble du royaume. En effet, en même temps que l’interdiction notamment de la chasse à courre, elle bannit la chasse avec des lévriers en Angleterre et au pays de Galles, ce qui eut notamment pour effet de mettre fin en 2005 à la prestigieuse Waterloo Cup. Cette compétition emblématique se tenait chaque année depuis 1836 dans le village de Great Altcar, au cœur du Lancashire. Son abolition poussa des Irlandais à créer dès 2006 la Seamus Hughes Memorial Cup, aujourd’hui populaire auprès des Anglo-Saxons adeptes de coursing.
Plus que l’espace occupé et le coût du loyer, ce qui entraîne de nos jours le déclin des courses de lévriers partout dans le monde est avant tout la perte d’intérêt du public, dans un contexte où ces manifestations sont de plus en plus décriées.
En effet, nombre d’associations et organismes ont su utiliser les moyens de communication modernes pour sensibiliser l’opinion collective en dénonçant les mauvais traitements infligés aux chiens inscrits dans les courses avec paris. Ces derniers sont poussés à l’extrême de leur limite, et même parfois drogués, ce qui accroît le risque de blessures inhérent à la course en elle-même. En effet, sous l’effet de la drogue, ils repoussent leur limite au-delà du raisonnable, ne ressentant pas les signaux de douleur à temps : cela occasionne des blessures plus graves en intensité et en durée que celles que les courses sont déjà susceptibles d’engendrer à la base. En outre, le monde des courses de chiens peut être impitoyable : les animaux trop lents, blessés ou trop âgés et qui ne sont donc plus en mesure de concourir ne coulent pas forcément des jours heureux dans le cadre d’une retraite sportive bien méritée… Certains sont carrément éliminés physiquement, dans certains cas par des moyens cruels tels que la pendaison ou en les utilisant comme cibles vivantes dans des champs de tir. En Espagne et aux États-Unis furent même découvertes des fosses communes renfermant les carcasses de centaines de lévriers tués par balle à proximité des cynodromes.
Or, partout dans le monde, la prise de conscience sur le bien-être animal progresse, et de plus en plus d’initiatives (pétitions, manifestations…) pressent les législateurs d’agir pour mettre fin aux pratiques synonymes de maltraitance. Les courses de chiens ne sont pas épargnées par ce phénomène, comme le montrent d’ailleurs les nombreuses décisions d’interdiction prises au cours des dernières années par des autorités locales ou nationales.
En parallèle, divers organismes s’acharnent pour sauver ces chiens et les placer dans des familles d’adoption qui leur permettent de connaître une deuxième vie normale et une retraite paisible. Certains existent depuis longtemps, mais bénéficient désormais d’une notoriété qu’ils n’avaient pas jusqu’alors.