L'histoire du Saint-Hubert

La genèse du Saint-Hubert

Le Chien de Saint-Hubert a des origines lointaines : ce fin limier est connu et apprécié depuis des siècles pour son flair exceptionnel ainsi que pour ses aptitudes à la chasse.

 

Il fut élevé dès le 7ème siècle dans l’actuelle Belgique par les moines de l'abbaye de Saint-Hubert, et descend de chiens de chasse à courre de couleur noire qui étaient employés par le moine - puis évêque - François Hubert (656-727). Toute sa vie durant, ce chasseur passionné éleva des chiens capables de suivre tous types de pistes, même déjà anciennes. Rapidement canonisé après sa mort, il devint le saint patron des chasseurs au moins dès le 11ème siècle, comme en témoignent des documents datant de cette époque.

 

Il donna également son nom à la race qui naquit grâce à lui, même s’il est assez difficile d’établir la véritable date à laquelle cette dernière apparut. Les spécialistes estiment toutefois qu'elle vit le jour entre l’an 750 et l’an 900, c’est-à-dire après la mort de l’évêque.

La diffusion du Saint-Hubert dans son pays d'origine

Le grand chien courant portant le nom de l'évêque Hubert se répandit rapidement dans les Ardennes et ailleurs en Belgique, se montrant très utile pour s’attaquer au gros gibier qu'abritaient les forêts étendues de cette région. On vanta rapidement sa robustesse et son endurance, surtout dans le cadre de la chasse à courre au sanglier.

 

La race prospéra au Moyen Âge et fut largement utilisée pour la chasse, tant en Belgique qu’en France. Par ailleurs, elle évolua un peu au fil du temps : alors que les premiers individus étaient tous noirs, des spécimens noir et feu firent leur apparition.

La diffusion internationale du Saint-Hubert

La diffusion du Chien de Saint-Hubert en Europe

Déjà présent en France à l'époque, le Saint-Hubert fut importé en Angleterre par Guillaume le Conquérant (1027-1087), à la suite de l’invasion de 1066 par les Normands. Il y fut largement utilisé comme cadeau pour les rois et autres nobles.

 

Au 12ème siècle, il fut présenté par les moines à Charles IX, le roi des Francs. Ces derniers le décrivirent comme convenant particulièrement pour la chasse aux cerfs et aux sangliers. Cependant, le monarque ne tomba pas vraiment sous le charme : ce ne fut que bien plus tard qu’un souverain français, Henri IV (1553-1610), décida d’élever des Chiens de Saint-Hubert pour chasser.

 

La première mention connue de la race dans le domaine de la littérature remonte au 13ème siècle et se trouve dans Guillaume de Palerme, un long poème français qui relate l’histoire de ce chevalier présenté comme « noble, preux et vaillant », enlevé par un loup-garou puis recueilli par l’empereur de Rome.

 

Au 16ème siècle, la race était toujours très appréciée au Royaume-Uni et ailleurs. Chasseuse aguerrie, la reine Elizabeth Ière (1533–1603) en possédait même une meute.

 

En France, la révolution de 1789 marqua un coup d’arrêt à son développement. En effet, avec la fin des grandes chasses à courre dans lesquelles ils étaient jusqu'alors utilisés, bon nombre de ses représentants moururent. Les historiens estiment même que le Saint-Hubert disparut totalement du pays à cette époque.

 

Le développement du Saint-Hubert moderne en Angleterre

Si le Saint-Hubert connut une période trouble en France, il continua toutefois d’être présent et très apprécié ailleurs, notamment en Angleterre. Il y était utilisé non seulement pour chasser, mais aussi, à partir des toutes premières années du 19ème siècle, pour aider les forces de l’ordre à traquer les malfaiteurs : voleurs, braconniers… En effet, les Anglais se rendirent compte que l’excellent odorat de ce chien pouvait aussi être utile pour la recherche des personnes. Cette époque vit donc le Chien de Saint-Hubert employé pour une nouvelle mission, même si certains écrits pourraient laisser penser que des représentants de la race auraient déjà été employés pour la traque d’humains au cours du 16ème siècle.

 

Quoi qu’il en soit, c’est justement en Angleterre que fut développé le Chien de Saint-Hubert moderne, sensiblement plus petit que ses ancêtres. Selon les spécialistes, cette évolution morphologique est due à des croisements avec le Talbot, une race française ou belge de couleur blanche et d’apparence similaire, aujourd'hui disparue. Les individus issus de ces croisements reçurent le nom de Bloodhound, qui signifie « chien de sang » - une expression diminutive du terme « chien de sang pur » utilisé pour décrire cette race.

 

L’ère victorienne (1837–1901) fut caractérisée par une diffusion croissante de la race, et ce pour au moins deux raisons. En premier lieu, cette époque vit l’apparition et la multiplication des expositions canines modernes, évènements dans lesquels celle-ci était bien représentée. En outre, quelle que soit leur race, les chiens commençaient à être vus comme des animaux de compagnie et non comme de simples assistants de travail ; dans ce cadre, le côté exotique et inhabituel du Bloodhound lui permit de se faire remarquer positivement par la population anglaise. Comme si cela n’était pas suffisant, la reine Victoria elle-même l'adorait, et en possédait d’ailleurs plusieurs - dont un qui participa à une exposition en 1869.

 

L'histoire polémique du Bloodhound aux États-Unis

Si le Royaume-Uni fut le pays où le Saint-Hubert que l’on connaît aujourd’hui fut développé, la race avait déjà posé ses pattes sur le territoire américain au tout début du 17ème siècle.

 

Au cours du siècle suivant, Benjamin Franklin (1706-1790) fut d’ailleurs l’auteur de textes décrivant son fort intérêt pour elle, notamment parce qu’elle permettait de traquer les peuples natifs et de se défendre contre eux. Plus tard, elle fut également beaucoup utilisée dans les États du sud, notamment pour rechercher les esclaves évadés.

 

La réputation du Bloodhound aux États-Unis fut entachée par ces missions qui lui étaient confiées, au point qu’il put être perçu comme un animal cruel et vicieux. C’est d’ailleurs ainsi qu’il fut décrit en 1852 par la romancière Harriet Beecher Stowe dans son roman anti-esclavagiste intitulé La case de l’oncle Tom.

 

L’intérêt des Américains à son égard déclina d'ailleurs fortement à partir du milieu du 19ème siècle, jusqu’à un tournant survenu en 1888. C’est en effet cette année-là que trois représentants de la race participèrent au Westminster Kennel Club Dog Show, qui est aujourd’hui encore une des expositions canines les plus célèbres tant au niveau national que mondial. Un certain nombre de personnes s’intéressèrent alors de nouveau à lui, et il parvint à gagner de nouveau le cœur des Américains.

La reconnaissance du Saint-Hubert par les organismes officiels

Les organismes américains firent partie des premiers à reconnaître le Bloodhound, aux côtés du prestigieux Kennel Club britannique. Ce fut le cas de l’American Kennel Club (AKC) dès 1885, soit à sa fondation. L’autre institution de référence du pays, le United Kennel Club (UKC), en fit de même en 1914.

 

Il fallut toutefois attendre 1952 pour qu’un club de race local, l’American Bloodhound Club (ABC), soit fondé par des passionnés. Par la suite, d’autres clubs se concentrant sur l’utilisation de ce chien par la police virent le jour, à l’instar de la National Police Bloodhound Association en 1966 ou de la Law Renforcement Bloodhound Association en 1988.

 

Quant à la Fédération Cynologique Internationale (FCI), qui regroupe pas moins d’une centaine d’organismes nationaux (dont ceux de la Belgique, la France et la Suisse), elle reconnut le Chien de Saint-Hubert en 1960.

 

Au Canada, le Club Canin Canadien (CCC) n’est pas membre de la FCI, mais le reconnaît lui aussi. De fait, la totalité des principales institutions cynologiques du monde entier en font de même.