Hypersensibilité médicamenteuse : la mutation du gène MDR1 chez le chien

Hypersensibilité médicamenteuse : la mutation du gène MDR1 chez le chien

Même si son nom prête à rire, il n'y a vraiment pas de quoi : le gène MDR1 aide en effet à limiter les risques d'empoisonnement du chien à certains médicaments et/ou à des toxines. Lorsque ce gène ne fonctionne pas correctement, l'animal souffre d'une hypersensibilité médicamenteuse, ce qui peut mettre sa vie en danger.


Quels sont les chiens prédisposés à l'anomalie du gène MDR1 ? En quoi consiste l'hypersensibilité aux médicaments dont ils souffrent ? Quels sont les produits à éviter sur un sujet atteint ? Peut-on la soigner ?

Qu'est-ce que l'hypersensibilité médicamenteuse ?

Qu'est-ce que l'hypersensibilité médicamenteuse ?

Parmi les nombreuses protéines que l'on trouve dans l'organisme d'un chien, figure la glycoprotéine P. Elle est produite par un gène baptisé MDR1 pour Multi-Drug Resistance, soit en français "résistance à de multiples médicaments".

 

Au sein de l'organisme, elle assure le transport et plus particulièrement l'évacuation de nombreuses molécules qui pourraient sinon s'accumuler dans les tissus et organes à des taux élevés (en particulier au niveau du système nerveux central du chien) et finir par provoquer une intoxication. Parmi les molécules concernées, on trouve de nombreuses toxines, mais aussi des substances présentes dans des antiparasitaires externes, des vermifuges, des traitements anticancéreux tels que la chimiothérapie, des produits utilisés dans le cadre de maladies cardiovasculaires, des anti-diarrhéiques et toutes sortes d'autres médicaments.

 

Pour des raisons encore mal comprises, il se produit parfois une mutation génétique, c'est-à-dire un changement de certaines informations contenues dans un gène. Ce dernier voit alors son rôle modifié : il peut produire des protéines différentes de celles qu'il fabrique en temps normal, ou ne plus en produire autant. Certaines mutations génétiques sont bénéfiques (c'est notamment par ce biais que s'effectue l'évolution des espèces), tandis que d'autres sont néfastes et engendrent ce que l'on appelle des maladies génétiques.

 

La mutation du gène MDR1 fait partie de cette seconde catégorie. Lorsqu'elle se produit chez le chien, la glycoprotéine est produite en faibles quantités, voire ne l'est plus du tout. En conséquence, les molécules toxiques s'accumulent dans les organes de façon anormalement rapide et provoquent un empoisonnement, même quand elles sont données à des doses habituellement inoffensives. C'est ce phénomène que l'on appelle hypersensibilité médicamenteuse.

 

Chaque chien possède deux copies (ou allèles) du gène MDR1, chacune héritée d'un de ses deux parents. Si la mutation ne concerne qu'un seul allèle sur les deux, la sensibilité est atténuée par le fait que l'allèle normal produit les quantités habituelles de glycoprotéine. En revanche, si les deux allèles sont mutés, la production de glycoprotéine est fortement réduite voire totalement interrompue : la sensibilité aux médicaments est alors très marquée, avec à la clef des risques élevés d'empoisonnement.

Les races prédisposées à l'hypersensibilité médicamenteuse

Beaucoup de Colleys souffrent d'hypersensibilité aux médicaments
Beaucoup de Colleys souffrent d'hypersensibilité aux médicaments

L'hypersensibilité médicamenteuse est un problème génétique dû à une mutation du gène MDR1. Cette mutation est héréditaire, puisque le gène concerné fait partie de ceux que les chiens transmettent à leur descendance lorsqu'ils se reproduisent.

 

Par conséquent, si un parent possède un seul allèle muté sur les deux, il a une chance sur deux de le transmettre à sa descendance. Si en revanche ses deux allèles sont mutés, tous ses petits sont forcément porteurs d'au moins un allèle muté (et potentiellement d'un second hérité de l'autre parent, si lui-même est porteur de l'anomalie).

 

Il existe de nombreuses races de chiens prédisposées à l'hypersensibilité médicamenteuse, mais celles pour lesquelles le risque est le plus élevé sont le Colley, le Berger Australien, le Berger des Shetland et le Berger Blanc Suisse. Au sein de ces quatre races, le pourcentage d'individus porteurs du gène muté est supérieur à 25%, et pour le Colley il serait même supérieur à 50%, ce qui est considérable. À noter toutefois que ces chiffres peuvent différer selon les pays considérés.

 

Parmi les races également prédisposées, mais dans des proportions bien moindres (moins de 10% des individus), on trouve par exemple l'English Shepherd, le Border Collie, le Bouvier Australien, le Whippet et le Berger Allemand.

 

Un Lévrier de Soie
Un Lévrier de Soie

Les résultats de croisements effectués avec ces races peuvent bien sûr aussi être porteurs de la mutation. C'est le cas par exemple du Lévrier de Soie, une race de chien non reconnue issue du croisement entre un Whippet et un Barzoï.

 

Si la plupart des prédispositions concernent des races de chiens de berger, ce n'est peut-être pas un hasard : une étude intitulée « Breed distribution and history of canine mdr1-1Δ » et publiée en 2004 dans la revue scientifique Proceedings of the National Academy of Sciences a en effet suggéré que tous les porteurs de la mutation pourraient en fait descendre d'un même ancêtre commun qui aurait vécu en Grande-Bretagne au 19ème siècle.

 

En effet, beaucoup de croisements furent effectués à cette époque entre des chiens de berger britanniques et donnèrent naissance à de nombreuses races actuelles, comme le Colley. Si un des chiens utilisés pour ces croisements était en fait porteur du gène muté, cela expliquerait qu'on retrouve désormais cette particularité chez toutes les races qui en descendent, mais pas chez les autres. Ainsi, le Fox Terrier, le Malamute d'Alaska, le Labrador Retriever et beaucoup d'autres ne sont absolument pas concernés par cette anomalie, car ils n'ont pas le même ancêtre.

 

À noter toutefois que si la plupart des chiens atteints sont des bergers, tous les chiens de berger ne sont pas forcément atteints : par exemple, le Malinois, le Groenendael et le Patou ne sont a priori pas concernés par cette anomalie génétique, car ils ont vraisemblablement des ancêtres différents de leurs congénères.

Quels produits éviter avec les chiens hypersensibles ?

Quels produits éviter avec les chiens hypersensibles ?

Les médicaments qui peuvent provoquer un empoisonnement en cas de déficience du gène MDR1 sont nombreux. On y trouve ainsi :

 

  • les antiparasitaires et vermifuges contenant de l'ivermectine, de la milbemycine, de l'émodepside, de la moxidectine, du spinosad, de l'abamectine, de la lopéramide, de la sélamectine ou encore de la doramectine. Ce sont généralement les plus dangereux : ils ne doivent en aucun cas être donnés à un sujet affecté, y compris s'il n'a qu'un seul allèle muté sur les deux ;

 

  • les traitements anticancéreux contenant de la doxorubicine, de la vinblastine, de la vincristine, de l'actinomycin D, de la mitoxantrone, du paclitaxel... ;

 

  • les médicaments pour le coeur contenant de la quinidine, de la digoxine, de la digitoxine, du diltiazem, du verapamil... ;

 

  • les anti-diarrhéiques et anti-vomitifs à base de lopéramide, métoclopramide, ondansetron, domperidone, cimétidine, ranitidine... ;

 

  • certains antalgiques, tranquillisants, immunodépresseurs, etc.

 

Dans la mesure où les effets de la glycoprotéine sont multiples et pas toujours bien compris par les scientifiques, il n'est pas toujours facile de savoir quelles molécules sont réellement dangereuses pour le chien hypersensible. Si certaines comme l'ivermectine, la doramectine, l'émodepside, l'abamectine et le lopéramide ont une toxicité avérée et doivent être proscrites dans tous les cas, d'autres sont simplement soupçonnées d'être nocives.

 

Les vétérinaires constatent aussi parfois de petites différences d'un chien à l'autre, même s'ils ont le même nombre d'allèles mutés. Ces sensibilités individuelles encore mal comprises sont toutefois minimes et modifient seulement à la marge la dose à partir de laquelle chaque substance est toxique.

 

Dans l'idéal, mieux vaut donc bannir tous les produits potentiellement problématiques, au cas où. Si ce n'est pas possible, il est impératif de se tourner vers un vétérinaire pour choisir des médicaments dont les risques sont moindres, et adapter si besoin leur dosage à l'anomalie du chien.

Le dépistage des chiens hypersensibles aux médicaments

Le dépistage des chiens hypersensibles aux médicaments

L'hypersensibilité aux médicaments est un véritable problème, puisque même des produits du quotidien comme un antiparasitaire ou un vermifuge classique peuvent provoquer la mort du chien par empoisonnement.

 

Heureusement, dans la mesure où il s'agit d'une maladie génétique héréditaire, elle est circonscrite à une vingtaine de races bien précises, ainsi qu'à leurs éventuels croisements avec d'autres races. Ainsi, un Caniche, un Pitbull ou un Dalmatien, par exemple, n'ont aucune chance d'être porteurs de cette anomalie génétique : il n'y a donc pas besoin de dépistage dans ces cas-là.

 

En revanche, lorsqu'un chien appartient à une race à risque comme le Border Collie ou le Berger des Shetland, il convient de se montrer prudent pour éviter les accidents, d'autant que ceux-ci peuvent vite prendre une tournure gravissime. Un dépistage préventif est recommandé : il se fait grâce à un test génétique permettant de déterminer si l'individu concerné est porteur ou non de l'anomalie, et si oui, quelle est l'étendue de sa sensibilité. Le test est facile à réaliser : il consiste en un simple prélèvement buccal ou une prise de sang du chien, qu'il faut ensuite envoyer en laboratoire pour analyse. Les résultats sont généralement disponibles en moins d'une semaine. Le prix est d'environ 50 euros, et ce montant n'est généralement pas couvert par les formules classiques des assurances santé pour chien.

 

Il faut toutefois noter que ce test permet simplement de connaître le nombre d'allèles mutés dont le chien est porteur : il ne donne aucune information sur les substances auxquelles il est sensible, ni sur les doses à partir desquelles l'intoxication survient. La mise en évidence de l'hypersensibilité d'un individu doit donc automatiquement impliquer une très grande prudence de la part de son maître dans le choix des médicaments qu'il lui administre.

 

Dans la mesure où l'anomalie se transmet des parents à leurs petits, il faudrait dans l'idéal tester massivement tous les représentants des races à risque et exclure de la reproduction les individus les plus atteints. Mais dans la pratique, certaines races comme le Colley comptent une telle proportion d'individus porteurs qu'il serait illusoire d'espérer venir à bout de l'hypersensibilité médicamenteuse de cette manière en un temps raisonnable. Pour cette raison, le dépistage n'est pas toujours réalisé par les éleveurs ou les vétérinaires. Au demeurant, il suffit de remplacer tous les produits potentiellement problématiques par des alternatives sans danger pour que le chien puisse mener une vie parfaitement normale, sans même qu'on ait besoin de savoir s'il est effectivement hypersensible ou non.

L'intoxication du chien hypersensible aux médicaments

L'intoxication du chien hypersensible aux médicaments

Lorsqu'un chien hypersensible aux médicaments ingurgite malencontreusement un produit contenant des molécules problématiques, ces dernières s'accumulent dans son organisme et finissent par provoquer une intoxication, là où chez un individu sain, elles sont régulièrement évacuées par la glycoprotéine.

 

Les symptômes d'une telle intoxication sont principalement nerveux. Ils ressemblent d'ailleurs beaucoup à ceux d'un empoisonnement du chien au cannabis : une prostration, des difficultés de coordination des mouvements, des pupilles dilatées, des tremblements, voire des convulsions. Les cas graves peuvent même entraîner une cécité totale, une paralysie, un coma, voire le décès du chien. On peut aussi constater des troubles digestifs, comme pour toute intoxication : vomissements, hypersalivation, etc.

 

Si de tels symptômes apparaissent après avoir administré un médicament à un chien à risque, il faut impérativement contacter un vétérinaire ou un centre antipoison de toute urgence et leur expliquer la situation en précisant bien le nom du traitement en question.

Traiter l'intoxication du chien hypersensible

Traiter l'intoxication du chien hypersensible

Quoi qu'il en soit, il n'existe pas réellement de traitement curatif pour ce type d'empoisonnement : la seule aide possible consiste à soutenir le chien en le mettant sous perfusion et éventuellement sous respiratoire artificiel. En parallèle, certaines substances comme du charbon végétal peuvent lui être administrées pour empêcher l'organisme d'absorber davantage de substances toxiques, et donc éviter que les symptômes ne s'aggravent.

 

Il faut toutefois savoir que le pronostic est généralement très réservé et que les cas de décès ne sont pas rares. Les chances de guérison dépendent principalement de la molécule concernée, de la quantité ingérée, du niveau d'hypersensibilité du chien et du temps de réaction une fois que l'intoxication est constatée. Cela dit, même dans le cas d'un rétablissement, le malheureux animal peut garder des séquelles à vie.

 

Par ailleurs, les frais vétérinaires correspondant à l'intoxication d'un chien hypersensible ne sont généralement pas couverts par les formules classiques des assurances santé pour animaux, car un tel empoisonnement n'est pas considéré comme un accident inévitable. Par conséquent, lorsqu'on souhaite souscrire pour son chien une assurance qui accepte de couvrir ce type de dépenses, mieux vaut se tourner vers un comparateur d'assurances et mutuelles (il en existe de nombreux, à l'instar par exemple de Lecomparateurassurance.com) afin de parvenir à dénicher la perle rare. Il faut toutefois s'attendre à ce que les cotisations soient plus élevées que dans le cas normal.

Prévenir l'intoxication des chiens hypersensibles

Prévenir l'intoxication des chiens hypersensibles

Les chiens hypersensibles aux médicaments peuvent être intoxiqués avec certaines molécules qui sont pourtant parfaitement éliminées par les individus normaux. Heureusement, il existe généralement des alternatives par lesquelles il est possible de remplacer les produits potentiellement dangereux - il faut simplement le savoir et y penser !

 

Si l'hypersensibilité du chien ne fait aucun doute (par exemple parce qu'un test génétique a été effectué ou parce qu'une intoxication est déjà survenue par le passé), il est primordial d'exclure de la liste des possibles tous les produits qui contiennent des substances problématiques, et de les remplacer par des produits alternatifs. Par exemple, il existe des vermifuges spécialement conçus pour les individus à risque.

 

Si le chien appartient à une race prédisposée et/ou qu'au moins un de ses deux parents est hypersensible, il est préférable de le faire tester pour être fixé sur son état, ou à défaut de faire comme s'il était effectivement porteur de l'anomalie, par mesure de précaution au cas où cela serait effectivement le cas.

 

Enfin, dans tous les cas, mieux vaut attacher au collier du chien une petite médaille précisant cette particularité. Ainsi, si jamais il se perd ou fugue et nécessite un quelconque traitement, quiconque le trouve sait qu'il ne doit pas lui donner n'importe quel médicament. Certains sites comme Collie-online proposent aussi des petites étiquettes à coller dans le carnet de santé du chien, afin de rappeler aux vétérinaires la liste des molécules médicamenteuses potentiellement mortelles pour lui.

Conclusion

L'anomalie du gène MDR1 et l'hypersensibilité aux médicaments qu'elle induit ne constituent pas un problème très grave en soi, car ils peuvent facilement être contournés... à condition de le savoir !

 

Si le chien fait partie des sujets à risque, le mieux est de le faire tester pour savoir ce qu'il en est. S'il s'avère qu'il est effectivement porteur de la mutation, pas de panique : en utilisant des traitements sans danger pour lui, il connaîtra une vie on ne peut plus normale.

Par Aurélia A. - Dernière modification : 10/23/2020.