Après l'avoir longtemps laissé à l'arrière-plan dans leurs oeuvres (à l'exception notable de Pluto et Dingo), les studios Disney font passer dans les années 50 le meilleur ami de l'Homme sur le devant de la scène - en particulier avec La Belle et le Clochard en 1955 puis Fidèle Vagabond en 1957.
Surfant sur le succès de ces deux longs métrages, ils réitèrent en 1961 avec un autre film dont des chiens sont le héros et qui deviendra à son tour un grand classique : Les 101 Dalmatiens (One Hundred and One Dalmatians).
Au début du film Les 101 Dalmatiens, un musicien célibataire nommé Roger Radcliff est en train de composer chez lui pendant que son Dalmatien Pongo paresse et regarde les passants. À la vue d'une magnifique femelle de la même race nommée Perdita, il incite son maître à sortir le promener au parc, avec la ferme intention de la retrouver. Pongo use alors de tous ses talents pour séduire sa dulcinée et, par la même occasion, rapprocher son maître d'Anita, la propriétaire de Perdita. Une double histoire d'amour est née.
Quelques temps plus tard, alors que Roger et Anita se sont mariés et que Perdita attend des chiots, la famille reçoit la visite de la charismatique Cruella d'Enfer, amie d'école d'Anita et passionnée de vêtements en fourrure. Une fois nés, les 15 chiots suscitent la convoitise de Cruella. Elle tente dans un premier temps de les acheter, mais se heurte à un refus de Roger. Elle décide alors de solliciter les frères Jasper et Horace Badun pour orchestrer un grand kidnapping.
L'opération réussit, mais Pongo et Perdita avertissent d'autres chiens du désastre par des aboiements. La trace des chiots est ainsi retrouvée : ils ont tous été emmenés au Castel d'Enfer, la demeure de Cruella. Partant à la rescousse de leurs petits, Pongo et Perdita réalise qu'en réalité de nombreux autres Dalmatiens sont retenus prisonniers.
Ils parviennent tout de même à libére tout le monde, et à ramener l'ensemble de leurs chiots sains et saufs à la maison, après avoir échappé à Cruella lors d'une course-poursuite mémorable.
Si La Belle et le Clochard (Lady & The Tramp) en 1955 puis Fidèle Vagabond (Old Yeller) en 1957 sont des succès, on ne peut pas en dire autant de La Belle au bois dormant (Sleeping Beauty), sorti en 1959.
Cela ne dissuade pas Walt Disney (1901-1966) de décider de se consacrer uniquement aux longs métrages. Deux projets sont alors en cours, dont Les 101 Dalmatiens depuis 1957. Toutefois, le célèbre créateur et entrepreneur estime que, succès ou non, il faut laisser au moins deux ans entre deux longs métrages, afin que le public puisse absorber le premier avant de profiter pleinement du second. Cela explique que Les 101 Dalmatiens ne sort dans les salles qu'en 1961, deux ans après l'échec de La Belle au bois dormant.
Toutefois, comme c'est souvent le cas, son scénario n'est pas le pur produit de l'imagination des équipes du studio. En effet, ce film n'est en réalité qu'une adaptation à l'écran d'un roman de l'écrivaine britannique Dodie Smith (1896-1990) intitulé The One Hundred and One Dalmatians et paru en 1956, dont Disney achète les droits dès l'année suivante.
Dodie Smith elle-même n'a pas tout inventé : l'histoire est tirée de sa propre expérience, et Pongo a bel et bien existé. Il en va de même pour Lucky, le chiot mort-né puis réanimé par Roger, tout comme les quatorze autres chiens de la portée.
Quoi qu'il en soit, le récit original convient à Walt Disney, qui n'apporte donc que peu de modifications : le scénario du film reprend quasiment à l'identique celui du roman. La principale différence réside dans la fusion des deux chiennes des Radcliffe en un seul personnage. En effet, Perdita a existé, mais n'était pas la partenaire de Pongo ni la chienne qui avait mis bas quinze chiots : elle avait simplement été recueillie par Dodie Smith et son marie et aidait Missis, la véritable mère, à élever une partie de ses chiots.
Il convient toutefois de souligner qu'au moment de soumettre son oeuvre aux autorités de publication afin d'obtenir une autorisation de diffusion, Disney se voit contraint de la modifier légèrement. En effet, comme les chiens prononcent les mêmes voeux que leurs maîtres, la scène du mariage fait débat et déplaît au Central Board of Film Certification : ce dernier estime que le rapprochement entre les humains et les animaux est potentiellement offensant. La scène est donc retravaillée pour passer le filtre de la censure et éviter tout risque de polémique.
Comme dans La Belle et le Clochard, la place du meilleur ami de l'Homme dans Les 101 Dalmatiens ne se limite pas aux rôles principaux : outre Pongo, Perdita et leurs 15 chiots, de nombreux protagonistes du film sont des chiens.
On peut évoquer bien sûr l'ensemble des autres Dalmatiens capturés par la démoniaque Cruella, mais cette race est loin d'être la seule représentée.
Ainsi, lorsque Pongo et Perdita appellent leurs congénères à l'aide, des représentants de nombreuses races apparaissent à l'écran. Le plus charismatique d'entre eux (et des seconds rôles du film) est Colonel, un Bobtail. Il se distingue par son manque d'organisation et par son visage recouvert de poils, au point que ses yeux sont à peine perceptibles. Parmi ses proches figure Towser, un Chien de Saint-Hubert qui aide à retrouver la trace des chiots de Pongo et Perdita.
On peut aussi évoquer le Labrador dont le nom est inconnu mais qui inspirer ces derniers pour camoufler leurs petits. En effet, voyant la robe noire du Labrador, Pongo a l'idée de couvrir ces derniers de suie pour qu'ils ressemblent à tout sauf à des Dalmatiens.
Enfin, il convient de souligner qu'une référence canine à La Belle et le Clochard est glissée dans la scène de l'aboiement du soir : apparaissent alors à l'écran non seulement les deux chiens de la fourrière, Peg et Bull, mais aussi Lady et Clochard eux-mêmes.
Après trois ans de travail et la mobilisation de plus de 300 personnes pour qu'il voie le jour, Les 101 dalmatiens rencontre dès sa sortie en 1961 un énorme succès auprès du public et fait l'objet de critiques dithyrambiques. Certains estiment même qu'il s'agit du meilleur film Disney depuis très longtemps.
Pourtant, la simplicité de son scénario ainsi que son style graphique très épuré pourraient représenter des faiblesses. En réalité, c'est le contraire qui se produit : son succès repose en bonne partie sur ces deux facteurs. Il doit aussi beaucoup au personnage de Cruella, qui est au moins autant la star du film que Pongo
La firme n'hésite pas à capitaliser sur ce classique parmi les classiques en le sortant à nouveau à quatre reprises, en tout cas aux États-Unis : en 1969, 1979, 1985 et 1991.
Surtout, elle lui offre en 1996 une nouvelle version, cette fois en prises de vues réelles mais avec exactement le même nom que l'oeuvre originale. Elle se différencie toutefois par le fait qu'aucun des chiens ne parle. Le résultat est loin d'être aussi convaincant que le film de 1961, et le succès est d'ailleurs nettement moins prononcé.
Il est néanmoins réel, ce qui explique l'apparition quatre ans plus tard, en 2000, d'une suite nommée Les 102 Dalmatiens (102 Dalmatians). L'actrice américaine Glenn Close (née en 1947) y joue à nouveau le rôle de Cruella, tandis que l'acteur français Gérard Depardieu (né en 1948) y fait son apparition en interprétant un couturier français au service de cette dernière.
Disney sort aussi en 2003 une autre nouvelle version reprenant cette fois la forme du film original, à savoir un long métrage d'animation : Les 101 Dalmatiens 2 : Sur la trace des héros (101 Dalmatians II: Patch's London Adventure). Toutefois, il sort directement en vidéo plutôt qu'au cinéma. Au demeurant, il est loin de connaître le même succès que son prédécesseur.
Les 101 Dalmatiens est un film incontournable, une oeuvre de référence tant dans les années 60 que de nos jours.
Le personnage de Cruella, le parallèle entre la relation Pongo/Perdita et celle entre Roger et Anita, le scénario simple mais efficace ainsi que le rendu visuel sont autant d'éléments qui contribuent à son succès et séduisent les spectateurs - tant hier qu'aujourd'hui, d'ailleurs.