Interview témoignage : le métier d'éducateur canin

Eric Tramson avec un de ses chiens

Un chien - et en particulier son comportement - est en bonne partie le résultat de son vécu, et ses premiers mois sont déterminants. Entamée dès ses premières semaines de vie, la socialisation du chiot joue un rôle déterminant pour toute sa vie future, mais il en va de même de l'éducation que son maître lui prodigue une fois qu'il a rejoint un nouveau foyer.


Pour bien éduquer son compagnon, celui-ci peut non seulement se documenter dans les livres et/ou sur Internet, mais aussi choisir de bénéficier de l'aide d'un expert : un éducateur canin.


Le recours à un tel professionnel peut également être utile pour un chien ayant déjà reçu une éducation de base, et à qui on souhaite apprendre un métier donné : la garde ou la défense, la chasse, l'assistance...


Eric Tramson fait partie des éducateurs canins les plus connus, avec une expertise spécifique sur les chiens difficiles.

Sommaire de l'article

  1. 1. Se lancer comme éducateur canin
  2. 2. Le quotidien d’un éducateur canin
  3. 3. La profession d'éducateur canin
  4. 11. Conclusion

Se lancer comme éducateur canin

Bonjour. Pouvez-vous vous présenter ?

L'éducateur Éric Trasmon et un chien

Je m’appelle Éric Tramson et je possède un centre de formation canin certifié Datadock à Trans-en-Provence, dans le Var (sud de la France). J’ai pour spécialité la rééducation des chiens agressifs ou mordeurs.

 

Cela dit, si une partie de mon activité en tant qu’éducateur est tournée vers l’entrainement et la formation des chiens au mordant ou à la défense, cela ne représente pas mon unique centre d’intérêt – loin de là ! En effet, j’éduque des chiots de toutes races et de tous types sans stigmatiser, j’aide les propriétaires rencontrant des problèmes d’éducation avec leur compagnon, je forme des éducateurs canins comportementalistes, et j’interviens dans des écoles ainsi que des centres aérés pour sensibiliser les enfants aux bons comportements à adopter face à un chien.

 

Je suis par ailleurs l’auteur du livre Le chien de vous à lui, publié aux éditions Sydney Laurent.

 

Enfin, en plus de mon site, ma page Instagram et ma page Facebook, j’ai créé une chaîne Youtube pour aider les propriétaires de chien. Elle comporte plus de 1000 vidéos.

 

De façon générale, mon combat est de sauver un maximum de chiens de l’euthanasie et de l’abandon.

Pourquoi avez-vous choisi de devenir éducateur canin ?

Eric Tramson entouré par deux chiens

L’éducation canine a longtemps été pour moi une simple passion. Je m’investissais bénévolement dans une association que j’avais créée,  « Sauvons nos chiens », avec l’espoir de donner une seconde chance à des animaux maltraités et devenus anormalement agressifs. Souvent, la seule issue qui les attendait était l’euthanasie.

 

J’aidais également des propriétaires de chien qui me contactaient par bouche-à-oreille à retrouver une relation équilibrée avec leur animal.

 

De fait, je n’ai pris conscience que récemment du manque de professionnels spécialisés dans les chiens dits agressifs. J’ai alors sauté le pas pour devenir éducateur canin comportementaliste spécialisé dans ce domaine.

Quel formation / parcours avez-vous suivi pour y parvenir ?

Le titre de champion de Provence de Snipper, le chien d'Éric Tramson
Le titre de champion de Provence de Snipper, le chien d'Éric Tramson

Mon parcours professionnel a commencé en tant que parachutiste puis militaire au prestigieux 132ème bataillon cynophile de l’armée de terre basé à Suippes (département de la Marne), puis je suis devenu formateur interne et conducteur au sein de plusieurs brigades cynophiles dans diverses polices municipales.

Assez naturellement, je me suis intéressé à cette époque de ma vie au monde du ring et du mondioring. Mon chien Snipper, un Berger Belge Malinois, a d’ailleurs obtenu en 2005 un titre de champion de Provence en ring, en plus de diverses autres distinctions.

Ce parcours m’a amené à côtoyer des chiens au caractère très affirmé, destinés à la compétition. Les erreurs d’éducation et de dressage se payent cher dans ce milieu, que ce soit pour le maître ou pour l’animal. Et disant cela, je ne pense évidemment pas qu’aux résultats sportifs, mais aussi aux conséquences d’une formation rendant le chien instable émotionnellement.

Les ringueurs partagent parfois leur vie avec leur champion, et ce fut le cas pour moi : Snipper vivait au contact de mes enfants. Tout ne m’a pas convenu dans ce monde, mais cela m’a permis de mettre en place ma propre philosophie du dressage et de l’éducation canine basée d’avantage sur l’expérience que sur une théorie apprise.

 

Eric Tramson et deux chiens

Quels sont les coûts pour se lancer ?

Le terrain de travail d'Éric Tramson
Le terrain de travail d'Éric Tramson

Une personne souhaitant exercer à plein temps le métier d’éducateur canin doit au minimum disposer d’un lieu dédié à cet effet. Elle doit aussi disposer d’une voiture, pour les séances au domicile des clients.

Par ailleurs, sous réserve d’avoir les agréments nécessaires, il peut être pertinent de proposer l’enseignement de certaines disciplines canines, comme par exemple l’agility voire le mordant. On élargit ainsi son offre ; quand on se lance, les revenus additionnels que cela procure peuvent ne pas être négligeables. Cela implique toutefois des coûts supplémentaires pour se lancer, puisqu’il faut alors acquérir les matériels homologués requis.

Est-il compliqué de se lancer ?

Eric Tramson et un Bouledogue Français

Comme pour toute activité indépendante, il faut se préparer à devoir gérer l’administratif, les finances et la publicité de votre entreprise. C’est une charge de travail non négligeable, qui vient s’ajouter aux séances elles-mêmes.

Se lancer comme éducateur canin nécessite également un certain investissement financier de départ. Il vaut mieux être sûr de soi et de ses compétences avant de se lancer, car vous ne bénéficiez alors plus de toute la protection sociale associée au statut de salarié.

Est-il difficile de développer et fidéliser sa clientèle ?

Un entraînement d'agility

L’offre est conséquente dans notre secteur d’activité, et a explosé au cours des dernières décennies - tout particulièrement au cours des années 2010, avec la multiplication des offres en ligne. La concurrence est donc assez vive.

Dans ce contexte, je ne suis pas certain que surfer sur la vague de la méthode d’éducation à la mode suffise à procurer un revenu stable et suffisant. Il est donc judicieux d’élargir son offre en proposant par exemple des cours à domicile, la pratique de sports canins, le gardiennage de chien pendant les vacances, la vente d’accessoires et de matériel, de la balnéothérapie… Les possibilités dépendent de vos compétences personnelles et de vos moyens financiers. En tout état de cause, rien n’interdit de se recentrer sur son activité d’éducateur une fois bien établi, notamment s’il devient difficile de tout gérer de front.

 

« Le chien de vous à lui, le livre d'Eric Tramson »
Publier un livre est un bon moyen d'asseoir sa notoriété

Fidéliser sa clientèle est un sujet plus complexe. L’écoute, la disponibilité et un suivi de qualité me semblent être les bases pour aboutir à la satisfaction des clients, qui permet leur fidélisation.

 

Donner des cours collectifs d’éducation pour chiots de façon robotisée, sans informer les clients des différentes phases de l’évolution comportementale du chiot ni fournir réellement de conseils personnalisés (par exemple parce qu’on considère que c’est le travail du comportementaliste et qu’on n’est pas payé pour cela) conduit à mon sens à une impasse en termes de satisfaction du client.

Le quotidien d’un éducateur canin

Votre activité est-elle saisonnière et/ou très fluctuante d'un jour à l'autre de la semaine ?

Eric Tramson arrose un chien

Je ne constate une diminution sensible de la demande qu’au mois d’août. En dehors de cette période, elle reste soutenue tout au long de l’année.

Par ailleurs, je travaille davantage le week-end qu’en semaine, alors que pour les professionnels qui entraînent les chiens aux concours de sport canin, c’est généralement plutôt le contraire. Tout dépend donc des spécialités choisies.

Comment se passe une séance d’éducation avec un chien ? Combien de temps dure-t-elle ?

Eric Tramson en pleine séance d'éducation canine avec deux chiens

Je suis un artisan indépendant. Rien chez moi n’est standardisé, et je n’appartiens à aucune école d’éducation qui imposerait telle ou telle manière de faire. Cela me laisse la liberté d’utiliser différentes techniques en fonction du chien et des circonstances.

Les clients qui me confient l’éducation d’un chiot s’engagent avec moi sur le long terme, puisque celle-ci dure au moins jusqu’à son adolescence. En moyenne, j’accompagne donc leur animal jusqu’à ses 8 ou 9 mois. Par ailleurs, ils ont parfois des objectifs particuliers, par exemple si leur compagnon est destiné à servir comme chien de garde et de protection. Quoi qu’il en soit, ils ne viennent pas « à la séance » .

 

Lorsque j’éduque un chiot, j’organise au sein de ma structure des séances de familiarisation en faisant intervenir des chiens adultes équilibrés ainsi que des enfants.

Je l’accoutume également à toutes sortes de situations, de bruits, aux vélos, aux cris... Pour cela, j’utilise aussi bien des bouteilles en plastique froissées que des cornes de brume, des ballons lancés subitement devant lui, des planches basculantes sur lesquelles il doit grimper… : l’objectif est de le surprendre de mille manières, afin qu’il apprenne à rester serein même face à une situation inattendue ou une nouveauté.

 

Eric Tramson s'apprêtant à donner une balle à un Bouledogue Français

Dans certains cas, que ce soit parce le besoin s’en fait sentir ou parce que celui-ci me le demande, j’interviens directement au domicile du client.

J’organise aussi des séances en ville, individuelles ou collectives, petits et grands confondus. En effet, on me confie également de nombreux chiens adultes n’ayant pas bénéficié d’une socialisation adéquate au cours de leur jeunesse.

D’autres séances sont dédiées à l’obéissance. Là aussi, je mélange volontiers les profils et les âges, car je trouve que cette approche est profitable à tous. D’anciens chiens agressifs rééduqués viennent même souvent se joindre à ces cours. Les propriétaires apprécient de pouvoir confronter leur animal aux autres en ayant le support d’une structure et la supervision d’un professionnel. Quant aux chiots et aux autres chiens, ils apprennent la vie en collectivité avec toutes sortes de congénères, comme dans la vie normale, mais le fait que tout se déroule sous surveillance permet d’éviter les débordements.

Par ailleurs, une partie de la formation est dédiée à la théorie. Ceci prend la forme de dialogues avec les maîtres après ou entre les moments d’exercices. Je distribue aussi aux propriétaires de chiots des fiches donnant des conseils sur la façon de gérer son animal au sein de la famille, ainsi que des indications sur l’évolution comportementale de leur compagnon en fonction de son âge.

 

Séance de formation d'un chien au mordant
Séance de formation d'un chien au mordant

Ainsi, j’envisage l’éducation du chiot d’une manière globale, sans distinguer par exemple l’obéissance, la familiarisation et la théorie : c’est un tout. Je ne me focalise pas non plus sur une durée de cours déterminée. Mes clients restent souvent plus de deux ou trois heures, et je facture régulièrement à la mission plutôt qu’à l’heure. Il faut dire que ma clientèle habite souvent loin du lieu où j’exerce, et qu’il serait donc compliqué d’envisager les choses sous forme de sessions d’une heure.

 

De nombreux clients me sollicitent également pour former leur chien à la défense et à la garde, qu’il s’agisse de chiots dont l’éducation n’a pas encore été entamée ou d’individus déjà adultes ayant déjà reçu une éducation de base digne de ce nom. En fonction de l’équilibre de l’animal et des attentes du client, j’accepte ou non ce genre de demandes. En tout état de cause, le nombre de séances nécessaires dépend notamment du potentiel du chien et du caractère de son propriétaire ; la mission s’adapte à chaque fois aux besoins et à l’environnement de chacun. Je travaille au forfait, et une partie de la formation s’effectue au sein de ma structure, tandis que lors de certaines séances je me déplace chez le client.

Cela dit, l’éducation n’est qu’une partie de mon activité : ma spécialité est la rééducation des chiens agressifs et mordeurs grâce à la méthode salivaire. Les séances durent alors « seulement » une journée complète, à la suite de laquelle je reste en contact téléphonique avec le propriétaire et disponible s’il a besoin d’aide. Elles sont le point de départ d’une nouvelle relation entre les deux protagonistes, mais un long chemin reste alors à parcourir avant que les résultats ne deviennent pérennes. Tout dépend de la persévérance du maître dans la nouvelle gestion de son animal.

Combien de séances sont nécessaires, en général, pour éduquer un chien ?

L'éducateur Canin Eric Tramson tenant un chiot avec une laisse

Davantage encore que celui de l’animal, c’est le profil du maître qui détermine le nombre de séances nécessaires à l’éducation d’un chiot.

S’il n’en est pas à sa première adoption et qu’il choisit toujours le même genre de chien, il peut devenir autonome très vite. Les personnes dans ce cas ont généralement déjà de bonnes bases, mais souhaitent approfondir leurs connaissances en matière d’éducation canine afin d’éviter quelques erreurs qu’elles ont pu commettre précédemment, et comprennent très vite ce qu’elles doivent faire. Ainsi, 3 ou 4 séances peuvent alors suffire.

En revanche, un primo-adoptant a tout à apprendre. S’il est curieux et réellement désireux de bien faire, il est susceptible de rester un certain temps – généralement plusieurs mois, même si le nombre de séances dépend bien sûr grandement de ses disponibilités et de son implication.

D’autres personnes encore décident de changer de race lors de l’adoption d’un nouveau chien, et se sentent démunies face à la différence de tempérament - et donc d’approche – entre leur ancien compagnon et leur nouveau. J’ai en tête par exemple une personne qui possédait précédemment un Labrador Retriever femelle et qui avait décidé d’adopter un Cane Corso mâle. Je l’ai rencontrée alors que ce dernier avait presque 5 mois et lui donnait du fil à retordre. Elle était dans une situation comparable à celle d’un propriétaire face à son premier chien et est restée plusieurs mois en notre compagnie.

Quels sont les plus grands challenges que vous rencontrez ?

Rééducation d'un chien agressif qui veut mordre

Rééduquer un chien agressif ayant déjà mordu son propriétaire ou destiné à l’euthanasie représente en soi un très grand challenge.

 

Convaincre son propriétaire que l’origine du problème est souvent un dysfonctionnement dans sa relation avec leur animal, par méconnaissance de sa nature ou de ses besoins, et donc le conduire à se remettre lui-même en cause, est encore plus compliqué.

Remarquez-vous de réelles différences d’une race (ou d’un groupe de races) à l’autre ?

Séance d'éducation avec Éric Tramson

Absolument. Nos ancêtres ont sélectionné pendant plusieurs centaines d’années - voire davantage pour certaines races - différents patrimoines génétiques, en fonction de leurs besoins. Le chien était avant tout utilitaire : il chassait, gardait la ferme, conduisait le troupeau ou le protégeait, etc. Pour chaque fonction, un type morphologique et des traits de caractère spécifiques étaient privilégiés lors des reproductions.

Par exemple, avez-vous déjà vu un agent de sécurité choisir un Setter Irlandais comme compagnon de travail ? C’est pourtant un chien de grande taille, mais il ne possède aucun instinct de protection.

Quant aux personnes faisant participer leur animal à des concours d’obéissance, choisissent-elles des Mastiffs ou des Chow Chow ? Non, et pour cause : comme bien d’autres, ces deux races sont réputées pour leur faible réceptivité au dressage.

 

L'éducateur canin Eric Tramson enlace un chien

De la même manière, connaissez-vous un chasseur vantant les mérites du Malinois pour la traque ou le rapport du gibier ? On peut pourtant tout apprendre à ce chien, qui possède d’ailleurs un excellent flair. Simplement, les chasseurs préfèrent choisir une race ayant déjà l’instinct de la tâche à accomplir : la formation nécessite alors moins de temps et de compétences.

Autrement dit, tous les chiens répondent aux codes sociaux liés à leur espèce, mais leurs aptitudes physiques et mentales divergent grandement en fonction du groupe de races auquel ils appartiennent, et même de leur race.

Toutefois, même à ce niveau-là, il faut se méfier : au sein d’une race donnée, une très large majorité des individus partagent plus ou moins un même profil mental général, mais ce n’est pas pour autant le cas de tous. Cela dit, prétendre que la race n’a aucune influence sur le comportement d’un chien serait malhonnête.

Dans quelle mesure l’éducation canine peut-elle influer sur le tempérament d’un chien ?

Eric Tramson avec deux chiens portant une muselière

La part de l’instinct dans le comportement canin, et la capacité du travail d’éducation à atténuer les tendances pré-existantes qui ne conviennent pas voire à les « détourner », est une question très intéressante.

Pour ma part, je pense que l’instinct propre à chaque race devrait être réellement pris en compte par les futurs maîtres avant toute décision d’achat. Aujourd’hui, la plupart des chiens occupent dans les foyers un rôle exclusivement d’agrément ; de ce fait, on se focalise souvent sur leur esthétisme, en oubliant leur part d’inné et les besoins spécifiques à leur race.

Or, l’éducation canine peut atténuer la plupart des traits de caractère, mais pas les inhiber complètement. Par exemple, l’instinct de prédation existe chez tous les canidés, puisque ce sont à la base des carnivores ; lorsqu’on choisit pour compagnon un Jack Russel ou un braque, c’est-à-dire un animal fait pour la chasse, on peut lui apprendre à ne pas s’attaquer aux animaux de la famille (chat, lapin...), mais son instinct le pousse à considérer comme des proies ceux qui sont étrangers à son cercle familial. Il faut alors faire appel au dressage et apprendre à son chien le rappel.

Ceci demande du temps, de l’implication, et souvent le recours à un professionnel. Or, tous les propriétaires n’en sont pas conscients au moment de l’achat. Trop nombreux sont ceux qui viennent nous voir avec un animal déjà adulte aux mauvaises habitudes bien ancrées, et la contrainte d’un emploi du temps chargé. Les choses sont alors forcément plus compliquées que si le problème avait été abordé dès les premiers mois du chiot.

 

L'éducateur canin Eric Tramson met son visage dans la gueule d'un chien

Un autre exemple d’instinct qui peut poser problème est l’instinct de protection des races destinées à la défense et à la garde. Ces chiens sont souvent qualifiés à tort de peureux et agressifs. Or ils ont été sélectionnés précisément pour leur méfiance face à l’inconnu ! Familiarisés au monde extérieur dès leur arrivée au sein du foyer et éduqués correctement, ils peuvent se montrer tout aussi sereins que les autres en société.

Au final, la non prise en considération dès le début des instincts du chien conduit un jour ou l’autre à des difficultés, et c’est à ce moment-là que les maîtres nous demandent d’intervenir pour solutionner le problème. Évidemment, c’est un travail beaucoup plus long et compliqué que si les choses avaient été faites correctement dès le début. Il est aussi plus aléatoire, même si généralement la persévérance finit toujours par payer. Dans l’intérêt de tous, je plaide donc pour une meilleure information du public à ce niveau.

Il faut aussi d’ailleurs parler des besoins intrinsèques du chien. Par exemple, tous les chiens ont besoin d’être promenés. Mais lorsque vous choisissez un Husky Sibérien parce que vous êtes tombé amoureux de ses yeux bleus, vous devez avoir à l’esprit qu’il a été sélectionné pendant des millénaires pour son envie de parcourir de longues distances chaque jour, et sera malheureux (avec tous les problèmes de comportement que cela peut impliquer) s’il n’a pas la possibilité de le faire.

La plupart des problèmes rencontrés par les propriétaires sont solutionnables avec une prise en charge adéquate, mais le mieux est évidemment de les anticiper et les éviter…

À vos yeux, l’âge du chien joue-t-il un rôle déterminant ?

Éducation d'un chiot par Eric Tramson

Trop peu de maîtres savent que leur chiot de 2 mois possède une aptitude maximale à s’habituer à différents environnements, profils humains (en termes d’âge, de sexe, de couleur de peau, de gabarit, de tenues…) et espèces (chats, chevaux, poules…), qu’il perdra au plus tard à 4 mois.

Tous les acquis obtenus par une familiarisation répétée durant cette période seront inscrits de manière très stable dans son psychisme.

Une fois cette période cruciale passée, un maître peut bien sûr continuer à développer les capacités relationnelles de son animal, mais cela nécessite beaucoup plus d’efforts.

 

Au demeurant, un chien qui a « appris à apprendre » en évoluant dans un environnement riche en stimuli extérieurs de toutes sortes dès les débuts de sa relation avec son maître est plus à même d’intégrer de nouvelles compétences en grandissant qu’un autre qui n’a pas eu cette chance.

Par ailleurs, si des erreurs ont été faites dans l’éducation du chien, la facilité à les corriger dépend fortement de son âge. Il est assez simple de revenir dessus lorsqu’il a moins de six mois, mais ça l’est un peu moins durant l'adolescence du chien, et bien sûr c’est encore plus dur une fois adulte.

Il est utile d’ailleurs de souligner que les lacunes au niveau de la socialisation du chiot ou les erreurs commises dans son éducation n’ont pas le même impact d’une race à l’autre. Par exemple, il est plus facile de revenir sur les mauvaises habitudes d’un Malinois que d’un Berger Allemand. De la même manière, la non-familiarisation aux enfants ou à des bruits urbains se corrige plus simplement s’il s’agit d’un Labrador Retriever que d’un chien de garde et de défense.  

Vous arrive-t-il de refuser des missions ?

Un Berger Allemand en train d'écouter l'éducateur canin

Oui, le cas le plus courant étant que le client et moi ne parvenons pas à nous entendre sur la mise en place d’un programme ou une tarification.

 

Il arrive aussi que je refuse la formation d’un chien de garde et de défense si je pense que ses propriétaires ne sont pas cohérents dans leurs attentes ou qu’ils ne sont pas en mesure d’assumer la gestion d’un tel chien, par exemple s’il s’agit de primo-adoptants (hormis quelques profils exceptionnels). En effet, je n’ai aucune envie d’avoir potentiellement contribué indirectement à des situations extrêmement dangereuses.

Vous arrive-t-il d’échouer ?

Travail avec un chien agressif qui mord

Vu le domaine dans lequel je suis spécialisé, des échecs sont inévitables.
 
En premier lieu, même si c’est plutôt rare, certains chiens souffrent de problèmes neurologiques qu’aucune rééducation ne peut résoudre, puisqu’on est alors dans le registre du médical et non du mental et comportemental. Dès lors que je soupçonne que c’est le cas, je demande aux clients de consulter un vétérinaire afin qu’il examine l’animal. Normalement, ce dernier passe alors un scanner. Si les résultats confirment mon intuition, je rembourse le propriétaire.

Il arrive également que je parvienne à rééquilibrer le comportement d’un chien très dominant, qui avec moi se comporte alors tout à fait normalement, mais que je constate que ses propriétaires ne sont pas aptes à reprendre en main leur animal. Il peut y avoir différentes raisons à cela, comme par exemple une détresse émotionnelle suite à un deuil ou une séparation, mais aussi simplement un caractère qui n’est pas compatible avec la gestion de ce chien. Heureusement, c’est un cas de figure peu fréquent.

 

Mes clients viennent parfois de très loin me voir dans l’espoir de sauver leur relation avec leur compagnon, voire littéralement sauver celui-ci (par exemple après qu’il ait mordu quelqu’un). Ils sont souvent déterminés à trouver une solution et prêts à modifier leur comportement si nécessaire. Il leur manque simplement une compréhension claire des causes, et la marche à suivre pour remédier au problème qu’ils rencontrent.

Je me rappelle une jeune femme célibataire accompagnée d’un American Staffordshire Terrier qu’elle avait recueilli à la SPA. Après avoir beaucoup pleuré, elle est repartie prête à assumer ses choix, c’est-à-dire faire montre d’autorité et jouer le rôle de « chef de meute » - ce qui n’est pas forcement simple face à un chien au caractère bien trempé.

Avez-vous déjà eu des frayeurs ?

Séance de mordant avec Eric Tramson

Étant donné ma spécialité, il serait bien sûr peu crédible de vous répondre par la négative.

Je me rappelle entre autres d’un Dogue Allemand nommé Jo qui était destiné à l’euthanasie. Je suis parvenu à le faire lâcher prise et accepter mon autorité, mais cette séance fut psychologiquement éprouvante pour moi.

 

Ma conviction est qu’un chien se soumet à une énergie vitale supérieure à la sienne. La carrure physique peut aider, mais n’est pas un facteur déterminant de réussite. Il faut se concentrer et puiser en soi cette « énergie » sans se laisser envahir par la peur, car il remarquerait immédiatement votre faiblesse : c’est un champion du langage corporel !

Y a t-il un moment, un épisode dont vous êtes particulièrement fier ?

Éric Tramson et un chiot Berger Allemand en formation

De façon générale, je me sens très fier lorsque je parviens à rétablir une relation harmonieuse entre le maître et son chien, alors que ce dernier était destiné à l’euthanasie ou que le premier avait totalement perdu confiance dans le second. Ce travail crée des liens très forts, et c’est sans doute la plus grande satisfaction de mon métier.

 

Je pourrais donner l’exemple de James, un Malinois de 5 ans qui prenait pas moins de quatre comprimés de Prozac par jour. Malgré cette dose massive de calmants, il manifestait une agressivité très importante envers les humains et ses congénères.

Au terme d’une année de collaboration avec ses propriétaires, James ne prenait plus qu’un cachet de Prozac par jour et participait sans problème à des cours collectifs d’éducation au sein de ma structure. Il était également capable d’accompagner ses maîtres en ville lors de leurs déplacements, sans poser de problème.

Qu est ce qui vous plaît le plus au quotidien ?

Des personnes autour d'un chien

Ce que j’apprécie le plus est d’être au contact permanent des chiens. Chacun d’entre eux représente un nouveau challenge et est source d’émotions positives.

J’aime aussi la profondeur des relations humaines que l’on peut établir avec les propriétaires lorsqu’on fait ce métier avec passion.

 

Enfin, je suis bien sûr toujours heureux de transmettre et enrichir mes connaissances. On apprend tous les jours au contact des animaux mais aussi de leurs maîtres.

Et ce qui vous déplaît le plus ?

Les critiques gratuites sur internet de la part de personnes qui ne m’ont jamais rencontré. En soi, la critique est bonne et peut faire progresser lorsqu’elle est argumentée et constructive. L’invective cependant n’a pour but que de détruire, et n’apporte rien. 

Que diriez-vous à une personne estimant qu’il est inutile de faire appel à un professionnel pour éduquer un chien ?

L'éducateur canin Eric Tramson portant un chien dans ses bras

Tout dépend de la qualité de la relation que l’on attend et de l’expérience que l’on possède. Une personne ayant vécu depuis son enfance au contact d’une race a peut-être appris de façon empirique à la gérer dans un contexte particulier, mais n’est pas forcément à même de le faire un autre contexte, du moins sans l’aide d’un professionnel.

 

Une autre choisira une femelle d’une race réputée pour sa docilité et s’accommodera de ses défauts d’éducation éventuels, alors que recourir à l’expertise d’un éducateur aurait permis de les éviter et ainsi d’obtenir une cohabitation plus agréable pour les deux protagonistes.
                                           
Toutefois, il me semble que la plupart des maîtres auraient tout à gagner à se former lors de l’acquisition de leur chiot afin d’anticiper les problèmes éventuels et de maximiser leurs chances de vivre une relation parfaitement sereine avec leur compagnon.

C’est d’autant plus vrai que notre environnement et nos attentes ont beaucoup évolué par rapport à ce qui se faisait par exemple à l’époque de nos grands-parents. En particulier, nous sommes plus citadins et exigeants, voire intransigeants. Les aboiements intempestifs posent problème et ne sont pas acceptés au sein des immeubles et des lotissements. Il n’est pas davantage toléré qu’un chien divague dans les rues, tout inoffensif soit-il. Par ailleurs, les procès intentés aux propriétaires de chiens mordeurs se multiplient.

 

L'éducateur canin Eric Tramson serrant un chien contre lui
L'éducateur canin Eric Tramson serrant un chien contre lui

La profession d'éducateur canin

Est-ce un métier accessible à tous ?

Une femme éduque deux chiens

En principe, oui : dès l’âge de 16 ans, il est possible d’obtenir un agrément permettant d’exercer la profession d’éducateur canin.

 

En réalité, comme pour n’importe quel métier, des aptitudes et une formation solide sont nécessaires.

Quelles sont selon vous les qualités à avoir pour devenir éducateur canin ?

Eric Tramson et son chien

La passion est le premier moteur. Il faut vouloir vivre au contact permanent des chiens, posséder une solide connaissance du monde canin, mais aussi et surtout avoir à cœur et être capable de transmettre son savoir.

De fait, un éducateur canin est un enseignant, et à ce titre il doit posséder les qualités que l’on attend d’un pédagogue :

  • la psychologie, non seulement vis-à-vis des chiens, mais aussi et surtout des humains. En effet, nous formons d’abord et avant tout les maîtres, bien davantage que leurs compagnons ;
  • des facultés de leadership, car un éducateur canin doit être capable de guider un groupe lors de séances collectives. S’il est naturellement sur la réserve, il parvient difficilement à motiver les propriétaires à progresser dans leur apprentissage, qu’il soit question de dressage, d’éducation ou de formation aux sports canins.

 

La théorie est indispensable, et s’apprend de préférence au sein d’une institution spécialisée. Il peut s’agir d’une école privée ou d’un organisme public : l’armée, la police, la gendarmerie...

 

Education d'un Berger Australien au clicker training

Un passionné s’intéresse normalement à diverses techniques d’éducation canine (l’éthologie, le clicker-training, la méthode classique...), puis en privilégie une ou au contraire décide d’en utiliser plusieurs, en fonction de sa sensibilité, des circonstances, de sa ou ses spécialité(s) : éducation de chiots, dressage, formation aux sports canins...

Bien entendu, la théorie ne suffit pas. Seule une solide expérience pratique donne l’assurance et la tranquillité qui se dégagent d’un professionnel qui connaît son métier.

En outre, s’occuper au mieux d’un chien est un vaste sujet, qui ne se cantonne pas à son éducation. De fait, les clients s’attendent à ce qu’un éducateur canin ait des notions solides et soit capable de les éclairer dans de nombreux autres domaines : alimentation, santé, croissance du chiot...

Enfin, une bonne santé est également préférable. Il s’agit d’un métier que l’on exerce en extérieur, quelle que soit la météo, et dans lequel on est debout voire en mouvement une bonne partie du temps. Il ne demande pas des aptitudes physiques exceptionnelles, mais une bonne condition générale et un certain dynamisme.

Que pensez-vous des formations à votre métier ?

Des personnes en formation

Comme évoqué précédemment, des formations très diverses peuvent conduire à exercer comme éducateur canin.

Toutefois, les acquis obtenus ne sont pas les mêmes d’une filière à l’autre. Certaines écoles dispensent une formation très tournée sur la théorie, alors que d’autres voies font la part belle à la pratique, mais ne couvrent pas la totalité des connaissances indispensables à l’exercice de cette profession.

Au final, il n’y a pas de « voie royale » en ce domaine. L’idéal serait de cumuler diverses expériences, sans a priori idéologique, et donc de se former de plusieurs manières différentes. Chaque filière permet d’apprendre de nouveaux aspects du monde canin, même celles qui sont décriées, comme l’est par exemple le ring. Ce dernier a l’avantage d’apprendre à connaître le monde de la compétition et le dressage de chiens dotés d’un fort caractère.

Libre ensuite à chacun de prendre du recul, comparer les différentes choses apprises et pourquoi pas remettre en question certaines pratiques. Mais je ne crois pas qu’en matière d’éducation et rééducation canine, une seule approche « magique » soit capable de répondre à tous les problèmes, quels que soient le chien, le maître et les circonstances. C’est comme si on prétendait qu’une éducation standardisée pouvait convenir à tous les enfants, peu importe leur passé, leur caractère, leurs prédispositions...

Pensez-vous qu’il y a une réelle différence de qualité d’un éducateur canin à l’autre ?

Eric Tramson et son Bouledogue Français

Oui, bien entendu. La formation, l’expérience et le talent font la différence, comme dans n’importe quelle profession.

Le talent par définition est rare, mais il se reconnaît très vite. Les personnes qui en ont ne rencontrent en général aucune difficulté à vivre de leur activité, pour peu qu’elles sachent transmettre leur savoir.

L’expérience et la formation jouent également beaucoup, car ils sont gages de qualité pour le client. Au moment de choisir un éducateur canin, ce dernier n’hésite pas à s’appuyer notamment sur le CV de chaque professionnel : le suivi d’une formation de longue durée sur une méthode d’éducation spécifique, la variété de ses expériences, sa participation à des concours canins...

Au final, je ne pense pas que l’on puisse « tricher » longtemps dans ce secteur. Comme dirait l’adage, « c’est au pied du mur que l’on reconnaît le maçon ». Un propriétaire, même néophyte, ressent vite si la personne à qui il confie son animal connaît ou non son travail.

Etes-vous régulièrement en contact avec vos homologues ?

L'éducateur canin Eric Tramson et deux chiens

D’une part, je n’appartiens à aucun « courant », aucune école de pensée. D’autre part, ma spécialité, quoi que nécessaire, est mal vue par un certain nombre de « bien-pensants ».

Par conséquent, je préfère aider des clients et des chiens en difficulté plutôt que d’échanger avec des éducateurs qui souvent ont des idées préconçues.

Pensez-vous qu’un bon éducateur canin est forcément un bon comportementaliste, et inversement ?

Eric Tramson avec des clients

Personnellement, je ne conçois pas l’un sans l’autre. C’est d’ailleurs la variété des tâches qui rend mon travail passionnant et enrichissant.

Cela dit, il est peut-être possible d’être un bon comportementaliste sans pour autant vouloir éduquer des chiots au sein d’une structure en cours collectif ou pratiquer le dressage. En revanche, je ne comprends pas comment on pourrait efficacement faire l’inverse.

En tout cas, le client lui n’opère quasiment jamais cette distinction instituée récemment entre l’éducation et le comportement. Il attend de la personne à qui il confie son chien une formation complète et efficace pour vivre dans les meilleures conditions avec son animal.

Personnellement, je dispense aux propriétaires une formation à la fois théorique et pratique. Je leur explique les différentes phases d’évolution comportementale de leur compagnon (si c’est un chiot), la conduite à tenir à la maison, les erreurs d’éducation les plus fréquentes, et surtout, je les laisse expliquer leurs problèmes et leur mode de vie afin de trouver ensemble une solution à leurs difficultés. Le dialogue avec mes clients existe peu importe la raison pour laquelle ils m’ont contacté et ma mission : éducation d’un chiot, dressage, sports canins ou bien sûr ma spécialité, la rééducation des chiens mordeurs et agressifs.

Diriez-vous que c’est un métier difficile ? Pourquoi ?

Un chien mord au bras durant une séance de mordant

Ce doit être une passion plus qu’un métier, et il faut être conscient que rien n’est jamais acquis d’avance, car on parle d’êtres vivants. Chaque couple maître / chien est différent et représente un nouveau challenge - un peu comme un cuisinier remet sa réputation en jeu à chaque service.

Il faut également aimer le contact humain. Les maîtres sont émotionnellement très impliqués lorsque l’on s’occupe de leur animal de compagnie. Vous touchez à leur sphère privée, et ce peut être là une vraie difficulté de ce métier. C’est particulièrement vrai lorsqu’ils doivent se remettre en question face à un problème de fond. J’ai en tête l’exemple d’un homme célibataire qui avait l’habitude de dormir avec son chien, venu me voir avec sa nouvelle compagne…

Pensez-vous que c’est un métier qui va évoluer ? Si oui comment ?

Eric Tramson sur un tournage avec un Bouledogue Français
Eric Tramson sur un tournage avec un Bouledogue Français

Pour l’instant, l’accès à la profession d’éducateur canin n’est pas correctement encadré en France. Aucune formation de longue durée délivrant un diplôme reconnu par l’État n’est exigée pour exercer ce métier, pas plus d’ailleurs que pour celui de comportementaliste canin.

Face à ce vide juridique, des franchises commencent à voir le jour. Elles assurent au client une sélection des intervenants et des pratiques d’éducation canine homogènes ; c’est la « promesse de la marque ». De leur côté, les indépendants qui rejoignent ces réseaux n’ont quasiment plus à gérer leur publicité (à commencer par exemple par la création et le référencement de leur site web), et plus largement bénéficient du support de la marque dans de nombreux domaines : standard téléphonique, centrale d’achat...

Cette formule est promise à un bel avenir, mais j’y vois un inconvénient pour le client et pour les chiens en cas de saturation du marché par ces franchises. En effet, elles ont tendance à ne prendre aucun risque commercial et imposer une méthode standardisée, non sujette à controverse. Dès lors, la singularité de chaque chien en tant qu’être vivant unique n’est plus vraiment au centre des préoccupations. Pire, les individus ou races qui ne répondent pas positivement à ce type d’approches (ceux-là même dont mon travail consiste à s’occuper) risquent d’être écartés d’une manière ou d’une autre.

 

Eric Tramson et deux chiens dans une cage

C’est déjà un phénomène qu’on constate dans certains endroits en Europe, où la profession d’éducateur canin est beaucoup plus encadrée et où est plus ou moins imposée une méthode d’éducation canine unique.

Je pense en particulier à certains cantons suisses qui interdisent de plus en plus de races ayant un fort caractère, en raison du fameux « principe de précaution » - mais aussi parce qu’idéologiquement ils refusent d’admettre qu’à une grande diversité de caractères doit correspondre une grande diversité de méthodes d’éducation. Limiter la variété des méthodes, avec l’objectif de n’employer que des procédés considérés comme « respectueux » du chien, à qui doit être prodiguée une éducation uniquement positive basée sur le jeu, sans aucune notion de hiérarchie ou d’autorité, conduit à limiter la variété des races et des individus - quitte même à euthanasier les récalcitrants.

De nombreux propriétaires de chiens suisses traversent d’ailleurs la France pour venir chercher chez moi ce qui n’existe pas chez eux.

Bien sûr, les franchises que l’on voit se développer ne sont en rien responsables de ces décisions publiques. Je soulève simplement un problème qui pourrait survenir si une seule approche annihilait toutes les autres.

 

Un Labrador en cours d'éducation canine

En dehors des franchises, de nouveaux intervenants sur le web promettent d’aider les éducateurs indépendants à se rendre plus visibles et attractifs commercialement, en proposant par exemple de créer et opérer leur site moyennant un abonnement. Avoir recours à leur service est onéreux mais deviendra, je pense, indispensable dans un monde de plus en plus digitalisé.

Une autre tendance en plein essor est la vente de cours en ligne. Toutefois, cette formule est surtout efficace pour des professionnels déjà reconnus sur le marché, car les maîtres ne font pas forcément confiance à n’importe qui.

Enfin, je crois que les propriétaires de chien attendront de plus en plus des éducateurs canins une réponse globale à leurs problématiques, c’est-à-dire que le niveau d’exigence va continuer d’aller crescendo. Les franchises l’ont d’ailleurs bien compris, qui proposent à leurs franchisés un service de conseils pour obtenir un appui non seulement sur des sujets liés à l’éducation, mais aussi sur des domaines annexes. Pour satisfaire les clients, il faudra pouvoir être tout à la fois éducateur, éthologue, comportementaliste et diététicien.

En termes de revenus, à quoi peut-on s’attendre ?

Séance d'éducation canine avec Eric Tramson

Honnêtement, il n’est pas évident de vivre exclusivement du métier d’éducateur canin. Beaucoup l’envisagent comme un complément de revenus en parallèle par exemple d’une activité d’élevage ou de gardiennage. D’autres l’exercent par passion, en plus d’une autre profession.

Pour devenir réellement rentable, mieux vaut être polyvalent :

  • proposer des séances d’éducation et de dressage sur site ou à domicile ;
  • être à la fois éducateur canin et comportementaliste ;
  • proposer des sports canins (agility, mordant, pistage...), ce qui implique toutefois de disposer d’une structure équipée à cette fin ;
  • faire de la formation d’éducateurs canins, d’agents cynophiles, de maîtres-chiens de polices municipales…

 

La liste n’est pas exhaustive, et chacun peut à loisir développer son « mix » personnel. Je veux simplement souligner le fait qu’il n’est pas simple de s’installer et qu’il vaut mieux développer le panel de ses compétences avant de songer à franchir le pas.

Certains font aussi le choix de devenir des spécialistes d’un problème comportemental précis, du dressage d’un certain type de chiens (par exemple ceux destinés à la chasse) ou encore de la formation à un sport en particulier. Pour pouvoir envisager cette option, il faut posséder une réelle expertise, et que celle-ci soit reconnue. De fait, peu y parviennent.

En ce qui me concerne, je suis spécialiste des chiens mordeurs et agressifs et ai inventé la méthode salivaire. Mais c’est là le fruit d’un long parcours professionnel. 

Que conseilleriez-vous à une personne qui envisagerait de devenir éducateur canin ?

L'éducateur canin Eric Tramson et un chien

Je lui conseillerais de se former au sein d’une école vraiment qualifiante, mais aussi d’être curieuse, ouverte et dépourvue d’a priori.

 

En parallèle, je l’inviterais à cumuler les expériences pratiques afin de trouver dans quelles spécialités elle se sent le plus à l’aise.

Conclusion

Le métier d'éducateur canin est extrêmement valorisant, dans la mesure où il consiste à poser les bases permettant aux maîtres et à leurs chiens de vivre en harmonie tout au long des années passées ensemble. L'intervention de ce professionnel peut d'ailleurs s'avérer décisive, en particulier dans le cas des races difficiles à prendre en main.

 

Néanmoins, nul ne peut espérer percer dans ce métier sans avoir d'une part une réelle passion pour la gent canine et la psychologie du meilleur ami de l'Homme, et d'autre part un certain tact pour « gérer » aussi les maîtres.

 

Si vous pensez avoir ces qualités et rêvez de travailler avec des chiens, n'hésitez pas à vous renseigner sur le parcours pour devenir éducateur canin !

Dernière modification : 01/18/2021.