En tant que chien de type bull (« bully dog », en anglais), le Staffordshire Bull Terrier partage avec l’American Staffordshire Terrier (aussi connu comme Staffordshire Terrier Américain), l’American Pitbull Terrier (ou Pitbull Terrier Américain) et le Bull Terrier un ancêtre commun : l’English Bulldog (Bouledogue Anglais).
Tous ces chiens sont donc d’origine britannique et ont une histoire commune qui est loin d’être des plus heureuses. En effet, l’existence du Bouledogue Anglais remonte au moins au 15ème siècle, où le bullbaiting (c’est-à-dire les combats entre des chiens et un taureau, puisque « bull » signifie « taureau ») était très populaire dans le pays. À une époque où la télévision et les smartphones n’existaient pas encore, cette activité cruelle et sanglante était considérée par les Anglais comme à la fois divertissante et pratique : d’une part, parier sur l’issue de l’affrontement était amusant et très à la mode, et d’autre part, le stress ainsi causé au taureau était vu comme un moyen d’attendrir sa viande.
La pratique des combats d’animaux fut interdite en 1835. Néanmoins, elle perdura de manière clandestine, passant de grandes arènes à ciel ouvert à des fosses situées dans des arrière-salles des pubs ou des caves privées. À défaut de taureaux, on y faisait notamment combattre des chiens entre eux ou contre des groupes de rats qu’ils devaient mettre à mort le plus rapidement possible. C’est dans ce contexte que les éleveurs se mirent en tête d’utiliser des chiens tout aussi tenaces, mais plus petits, rapides et amicaux envers les humains. En effet, ces derniers avaient fréquemment besoin d’intervenir pendant ces combats clandestins et ne voulaient donc pas courir le risque d’être attaqués eux aussi.
Or, à partir du début du 19ème siècle, plusieurs éleveurs avaient commencé à organiser des croisements entre l’English Bulldog et des terriers plus petits comme le Manchester Terrier. Cela entraîna l’apparition des premiers représentants du Bull and Terrier, qui remplissaient tous les critères nécessaires pour participer aux combats clandestins.
Vers les années 1860, un éleveur originaire de Birmingham du nom de James Hinks perfectionna encore la race en la croisant avec des English Terrier à la robe blanche. Cela permit de rendre ses représentants davantage élégants, mais aussi encore plus amicaux envers les humains.
Chaque région d’Angleterre développa par la suite son propre chien de combat, souvent dérivé du Bull and Terrier. C’est ainsi qu’autour des années 1880 des ouvriers des Midlands de l’Ouest (une région anglaise située immédiatement à l’ouest de Birmingham) créèrent leur propre type de Bull and Terrier, le Staffordshire Bull Terrier. Ce dernier vit le jour plus précisément dans le Black Country, une zone des Midlands de l’Ouest qui doit son nom à la suie noire qui se dégageait des fonderies et forges de la ferronnerie.
Le nom de Staffordshire Bull Terrier fait donc référence à la fois aux chiens dont cette race est issue, mais aussi au Staffordshire, le comté du centre de l’Angleterre où elle fut développée et où elle devint particulièrement populaire.
À ses débuts, soit vers la fin du 19ème siècle, le Staffordshire Bull Terrier était très populaire auprès de la classe ouvrière anglaise, et en particulier des mineurs du Staffordshire. Ces hommes au quotidien difficile avaient effectivement pour passe-temps favori de faire combattre ce chien contre un congénère ou un groupe de rats, même si cette pratique était alors formellement interdite. Cela leur procurait à la fois du divertissement et des revenus potentiels, en raison des gains que l’élevage ou les paris pouvaient engendrer.
C’est d’ailleurs à cette pratique qu’on doit l’association communément faite entre chiens de type bull et agressivité, qui n’a cessé depuis d’entraîner nombre de difficultés et stigmates tant pour le Staffordshire Bull Terrier que pour ses cousins. En effet, comme ils furent utilisés dans des combats clandestins pendant de nombreuses années, leur réputation est encore entachée de ce passé violent.
Malgré cela, au début du 20ème siècle, l’intérêt pour le Staffordshire Bull Terrier devint de plus en plus grand, et il commença à être apprécié par des personnes issues de milieux plus aisés. C’est ainsi qu’il attira des individus influents dans le milieu des expositions canines tels que Joseph Dunn qui, pris de passion pour la race, monta en 1935 le premier club lui étant consacré, le Cradley Heath Club. Cela n’aurait d’ailleurs pas été possible sans l’aide d’un certain Joe Mallen, à la tête d’un pub situé à Cradley Heath et nommé « Old Cross Guns » : c’est là que l’association se réunissait, et qu’elle organisa la première exposition dédiée à la race.
C’est grâce à des passionnés de cette dernière comme Joseph Dunn ou Joe Mallen que le Stafford perdura au-delà de sa fonction de chien de combats. En effet, ceux-ci l'appréciaient et le promouvaient non seulement pour son exploitation sanglante et les profits que celle-ci pouvait engendrer, mais aussi pour ses qualités intrinsèques d’animal de compagnie loyal et amical.
Le Staffordshire Bull Terrier s’éloigna ainsi progressivement de son passé de gladiateur redoutable, puisqu’un nombre croissant de ses représentants vivaient éloignés des fosses de combat. Cela lui permit de gagner en notoriété et respectabilité.
Tant le travail des éleveurs de la race que l’évolution de son usage expliquent qu’elle finit par obtenir en 1938 la reconnaissance officielle du Kennel Club, l’organisme cynologique de référence du Royaume-Uni. Elle ne tarda pas alors à devenir un favori des expositions canines : de nombreux spécimens tels que Jim the Dandy, Cross Guns Johnson, Brother of Looe, Bocking-Joseph, Timyke-Mustard, Game Bill, Game Laddie, Gentleman Jim ou encore Lady Eve remportèrent ainsi rapidement différents titres dans des compétitions très prestigieuses comme le Crufts ou le Wembley National Dog Show.
Ses qualités de travail et d’exposition ainsi que son caractère loyal et affectueux font que le Staffordshire Bull Terrier continue depuis lors d’être très apprécié dans son pays natal, et a aussi de nombreux adeptes à l’international.
Le Staffordshire Bull Terrier essaima hors de ses terres d’origine dès la seconde moitié du 19ème siècle. Toutefois, que ce soit à cette époque ou par la suite, il ne reçut pas partout un accueil enthousiaste : dans certains pays et territoires, sa diffusion fut fortement freinée par divers préjugés à son encontre et réglementations restreignant voire interdisant sa possession.
Le Staffordshire Bull Terrier se diffusa avant tout dans les pays voisins de sa terre natale, l’Angleterre. C’est ainsi qu’on le retrouva d’abord en Irlande, après qu’il y fut amené dans la seconde moitié du 19ème siècle pour servir comme chien de combat et de chasse. Il y gagna très vite en popularité pour ses capacités de travail, ainsi que ses qualités d’animal de compagnie et de chien d’exposition. Il semble d’ailleurs que des éleveurs en développèrent leur propre version : l’Irish Staffordshire Bull Terrier, qui aurait été créé en croisant le Staffordshire Bull Terrier et l’Irish Bulldog. Toutefois, certains affirment qu’il s’agissait simplement de l’American Pit Bull Terrier nommé différemment pour contourner la législation irlandaise limitant sa possession. Quoi qu’il en soit, il n’est reconnu comme race à part entière par aucun organisme officiel – pas même l’Irish Kennel Club, l’organisme cynologique de référence du pays. Cela ne l’empêche pas néanmoins d’être listé dans la loi britannique de 1991 listant certains chiens dangereux et interdisant leur possession.
L’année 1954 marqua un tournant pour la diffusion du Staffordshire Bull Terrier. C’est en effet à ce moment-là qu’il fut reconnu par la Fédération Cynologique Internationale (FCI), dont une centaine d'organismes officiels nationaux sont membres - c’est le cas notamment de la Société Centrale Canine (SCC) française, la Société Royale Saint-Hubert (SRSH) belge et la Société Cynologique Suisse (SCS).
Il commença à se répandre en France à la fin des années 70, en tant que chien d’exposition et de compagnie. Néanmoins, ce n’est qu’à partir de la fin des années 80 que le nombre d’élevages de la race commença vraiment à décoller. Il mit ensuite un peu plus d’une vingtaine d’années à vraiment se faire une place, avant de remporter le succès qu’on lui connaît aujourd’hui. Il fallut par exemple attendre le début des années 2010 pour qu’un club de race voie le jour, le Staffordshire Bull Terrier Club de France (SBTCF).
La situation fut assez comparable en Belgique : les choses prirent du temps. Un club de race local, le Belgium Staffordshire Bull Terrier Club (BSBTC), finit toutefois par être créé en 2015.
En Suisse, où le Staffordshire Bull Terrier Club Suisse (SBTCS) est reconnu depuis 1997 par la Société Canine Suisse (SCS) comme club officiel de la race, la diffusion de cette dernière fut grandement freinée par les polémiques survenues au début des années 2000 autour des chiens présentés comme dangereux (dont le SBT fait généralement partie), et par les différentes réglementations prises à leur encontre.
Le SBT se répandit également dans le sud de l’Europe, et notamment en Espagne, où il existe un club de race depuis 1989. Cependant, comme en Suisse, sa diffusion dans le pays fut limitée par une loi sur les chiens dangereux – qui en l’occurrence fut promulguée en 1999.
En revanche, le Staffordshire Bull Terrier se diffusa largement aux Pays-Bas dès les années 70, à partir du moment où un individu dénommé Sevenoaks Slenkge (importé par Annigje Schneider-Louter, qui avait aussi importé le premier Lhassa Apso dans les années 60) se fit remarquer lors d’une exposition canine qui se tint à Amsterdam en 1971. D’autres passionnés se mirent alors à faire venir eux aussi des spécimens depuis la Grande-Bretagne, et des élevages locaux virent rapidement le jour - Sevenoaks Slenkge fut d’ailleurs lui-même utilisé comme reproducteur.
Le premier sol géographiquement éloigné que le Staffordshire Bull Terrier foula fut celui des États-Unis, où il arriva dans la deuxième moitié du 19ème siècle, période des grandes migrations vers le « Nouveau Monde » que représentait alors le continent américain. En effet, beaucoup d’Anglais et Irlandais partirent à cette période chercher meilleure fortune de l’autre côté de l’Atlantique, emportant avec eux leurs compagnons – dont des Staffordshire Bull Terriers. Il y fut utilisé comme chien de combat, mais également comme animal de compagnie.
Sa diffusion sur le territoire poussa d’ailleurs vers le début du 20ème siècle des éleveurs américains à en développer une version plus grande et lourde, l’American Staffordshire Terrier (nommé parfois simplement AmStaff), aujourd’hui reconnu comme une race à part entière par la plupart des organismes cynologiques de référence. Lui aussi fut utilisé dans les combats de chiens, qui s’étaient répandus dans le pays depuis la première moitié du 19ème siècle, mais finirent par y être interdits en 1976.
Cela dit, ce n’était pas gagné d’avance pour ces deux cousins. En effet, au départ, l’American Kennel Club (AKC), l’organisme canin de référence des États-Unis, refusait de reconnaître tout chien de type bull, voulant éviter que son image soit associée aux combats. Il fallut donc attendre 1974 pour qu’il reconnaisse le Staffordshire Bull Terrier, soit plus d’un siècle après l’arrivée de ce dernier dans le pays. L’autre organisme américain d'envergure, le United Kennel Club (UKC), lui emboîta le pas l’année suivante.
Ces décisions aidèrent évidemment le SBT à acquérir une renommée grandissante aux États-Unis ; un nombre croissant de personnes se mirent à connaître et apprécier ses qualités physiques et caractérielles.
Il se répandit également au Canada à partir des années 50, et sa reconnaissance par le Club Canin Canadien intervint dès 1953. Sa diffusion y doit beaucoup à un couple de Londoniens, Jack et Myrtle Horn, venus s’installer au Canada accompagnés de leurs deux SBT, Boy et Red Rali of Bandits. Ces derniers leur permirent de constituer un élevage qu’il baptisèrent Patty’s et qui eut un grand impact sur la diffusion de la race dans le pays. Un club de race, le Staffordshire Bull Terrier Club of Canada (SBTCC), fut fondé en 1965. Pendant longtemps, la plupart des spécimens se trouvaient en Ontario, jusqu’à ce qu’en 2005 les autorités de la province promulguent une loi bannissant les Pitbulls, auxquels le SBT fut assimilé en raison de son appartenance au groupe des chiens bull. D’autres villes et municipalités canadiennes s’alignèrent également sur cette position en bannissant les chiens de type bull de leur territoire (comme à Winnipeg, au Manitoba) ou en restreignant leur acquisition et leur possession. Dès lors, le nombre de spécimens et d’éleveurs présents au Canada diminua drastiquement.
Toutefois, à partir des années 2010, des provinces (tel le Québec) et certaines villes (Montréal, Sherbrooke, Vancouver…) levèrent quant à elles des restrictions qui touchaient auparavant certaines races considérées comme dangereuses, dont le Stafford. De fait, sur la même période, on constata une augmentation sensible du nombre d’individus dans certaines zones, en particulier la Colombie-Britannique et les Prairies. Ainsi, les efforts des éleveurs et passionnés permettent de maintenir la présence de ce chien dans le territoire canadien, malgré les obstacles légaux qui se dressent parfois sur sa route.