La reine Elizabeth II (1926-2022) avait au moins deux passions dans la vie : les chevaux et les chiens. En particulier, elle vouait un attachement sans faille à une race ancienne et originaire du pays de Galles, le Welsh Corgi Pembroke. Si à première vue ce petit chien court sur pattes souvent comparé à une pomme de terre ne paye pas de mine, il est en réalité réputé pour ses qualités athlétiques et sa grande intelligence. C’est la raison pour laquelle il était traditionnellement utilisé au Royaume-Uni pour conduire et garder les troupeaux de vaches et de poneys. En soi, cet animal digne, obéissant et « so british » avait tout pour plaire à cette souveraine très attachée aux traditions.
L’amour de la reine pour les Corgis est une longue histoire. En effet, elle découvrit cette race alors qu’elle n’était qu’une enfant - plus exactement en 1933, lorsque son père, le roi George VI (1895-1952), en adopta un répondant au nom de Dookie. Pendant les 85 années qui suivirent, c’est-à-dire jusqu’en 2018, elle eut constamment au moins un Corgi à ses côtés, et se consacra même à leur élevage. D’ailleurs, comme l’ont démontré les recherches de la journaliste britannique Penny Junor, spécialiste de la famille royale, l’ensemble des Corgis qu’elle eut par la suite sont tous des descendants d’un spécimen qu’elle reçut en cadeau d’anniversaire pour ses 18 ans et baptisa alors Susan.
Après son accession au trône en 1952, un de ses Corgis s’accoupla avec un Teckel appartenant à sa sœur, la princesse Margaret (1930-2002). Cette union – vraisemblablement non voulue - donna naissance à un type de chien croisé que l’on prit l’habitude de baptiser « Dorgi » (contraction de Dachshund, le nom du Teckel en anglais, et de Corgi). La souveraine décida par la suite de perpétuer cette nouvelle race non reconnue, qui d’ailleurs lui a survécu et jouit d’une certaine popularité. Elle eut également tout au long de son règne des Cocker Spaniel Anglais, mais aussi et surtout de nombreux Welsh Corgi Pembroke.
Parmi ces derniers, Monty est sans doute celui qui a le plus marqué le Royaume-Uni. En effet, ce petit mâle au pelage orange s’illustra en 2012 dans une vidéo diffusée au cours de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Londres : il y accompagne James Bond (interprété par Daniel Craig, né en 1968) et la reine d’Angleterre jusqu’à leur hélicoptère.
Comme leur maîtresse, les Corgis royaux n’avaient pas une vie ordinaire. Leur alimentation était scrupuleusement surveillée par des vétérinaires, et leurs repas préparés par des chefs cuistots puis servis dans des bols en porcelaine et en argent. Ils disposaient d’une pièce attitrée au sein du palais de Buckingham, la résidence officielle de la reine, et dormaient dans des paniers en osier placés en hauteur afin d’éviter d’attraper un rhume. Le personnel du palais veillait donc à leur bien-être, mais la reine elle-même s’occupait aussi beaucoup de ses chiens – par exemple pour les nourrir. En outre, elle les emmena en voyage avec elle à de nombreuses occasions.
Les Corgis sont tellement associés à l’image de la souveraine qu’ils furent représentés à ses côtés dans de nombreuses œuvres d’art. On peut même les voir aux pieds de sa figurine de cire au musée Madame Tussauds de Shanghai, en Chine. On les retrouve aussi dans le mémorial dédié à la Reine mère (1900-2002), la mère d’Elizabeth II, situé sur The Mall, l’avenue londonienne qui mène au palais de Buckingham. Ils furent même les héros d’un film d’animation belge intitulé Royal Corgi (The Queen’s Corgi dans la version originale), sorti en 2019.
En 2018, le dernier Corgi de la reine, une femelle nommée Willow, fut euthanasié alors qu’il souffrait d’un cancer. Cela marqua la fin d’une dynastie canine vieille de plus de 60 ans. En effet, comme elle ne souhaitait pas laisser de jeunes chiens seuls après sa mort, la monarque avait décidé en 2015 d’interrompre son activité d’éleveuse. Ses deux derniers Dorgis, Vulcan et Candy, moururent pour leur part en 2020 et 2022.
Une partie des chiens d’Elizabeth II sont enterrés à Sandringham, dans le comté de Norfolk, au sein d’un cimetière pour animaux fondé en 1887 par la reine Victoria (1819-1901) à la suite de la mort de son Border Collie Noble. Elle était elle aussi une grande amoureuse de la gent canine, et en posséda de nombreux représentants.