Avec plus de 76 millions de spécimens dans le pays selon les chiffres de l’American Veterinary Medical Association, le chien est sans conteste l’animal de compagnie favori des Américains. Il n’est donc pas surprenant de constater qu’il s’est aussi fait depuis longtemps une place de choix chez le premier d’entre eux, l’occupant de la fameuse Maison-Blanche : le président des États-Unis d’Amérique.
En effet, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, tous les présidents américains à l’exception de Donal Trump ont possédé au moins un chien le temps de leur mandat.
Construite de 1792 à 1800 et sise 1600 Pennsylvania Avenue à Washington D.C., la Maison-Blanche est à la fois la résidence et le lieu de travail du président américain depuis l’intronisation de John Adams, deuxième président des États-Unis, en 1800. En grande partie souterraine, elle s’étend sur pas moins de 5200 m², et plus de 1800 personnes y travaillent quotidiennement.
Comme le président des États-Unis y vit avec sa famille, il est normal qu’il y installe aussi ses animaux domestiques, s’il en possède. Cependant, certains peuvent ne pas forcément apprécier ce nouveau cadre de vie. Entre l’indisponibilité de leur maître, le nombre important de personnes travaillant sur place et les mesures de sécurité prises pour protéger à la fois le président et ceux qui viennent le rencontrer, ce mode de vie n’est pas fait pour tout le monde : certains chiens de présidents ont clairement eu du mal à s’adapter à cette vie pas comme les autres. C’est la raison pour laquelle certains occupants finirent par décider d’envoyer vivre leur compagnon dans leur résidence personnelle le temps de leur mandat.
Quoi qu’il en soit, aucune règle écrite n’existe concernant la place du meilleur ami de l’Homme (et du président ?) à la Maison-Blanche, qu’il s’agisse par exemple d’éventuelles races de chiens non admises, des pièces dans lesquels il peut se trouver et d’autres qui lui seraient interdites, ou encore du temps qu’il peut passer avec son illustre maître. Certains présidents comme Roosevelt (1882-1945), Nixon (1913-1994) ou encore George W. Bush (né en 1946) étaient toutefois connus pour être inséparables de leurs chiens. Ainsi, celui de Roosevelt l’accompagnait par exemple dans ses nombreux déplacements, y compris lorsqu’il s’agissait de se rendre sur des destroyers et des porte-avions en pleine guerre du Pacifique. Quant à Bush fils, il avait autorisé Spot, l’une de ses chiennes, à se trouver dans le célèbre bureau ovale, prétextant avec humour qu’elle comprenait le protocole des lieux et que par conséquent elle avait le droit d’y rentrer.
La sécurité du personnel de la Maison-Blanche et l’éventuelle dangerosité du chien semblent néanmoins être prises en compte lorsqu'il s'agit de l’autoriser ou non à rester vivre dans cette résidence officielle. Ainsi, il est arrivé que certains chiens fassent l’objet d’un renvoi provisoire ou définitif soit parce qu’ils avaient endommagé du mobilier, soit parce qu’ils s’étaient attaqués à un membre du personnel. Ce fut notamment le cas de Major, l’un des deux Bergers Allemands de Joe Biden, qui en 2021 fut envoyé chez un professionnel pour parfaire son éducation après avoir mordu un employé.
Une rumeur tenace voudrait que les services secrets chargés d’assurer la sécurité du président aient également pour mission de promener ses chiens. Il n’en est pourtant rien ; certes, les photos où l’on peut apercevoir un agent des services secrets promener un chien du président sont nombreuses, mais il ne s’agit pas d’une de leurs fonctions officielles.
Au passage, si les services secrets ont pour mission de protéger le président et sa famille, la définition de celle-ci se limite aux êtres humains. Ils n’ont donc pas en théorie à protéger son chien. Toutefois, ce n’est pas parce que cela ne fait pas partie de leur travail qu’ils s’en désintéressent totalement ; dans les faits, ils n’hésitent pas à intervenir si la sécurité d’un des précieux toutous est compromise. Par exemple, en 2016, ils parvinrent à déjouer une tentative d’enlèvement qui visait Bo et Sunny, les Chiens d’Eau Portugais de Barack Obama.
Qu’on se le dise : à la Maison-Blanche, les chiens peuvent dormir sur leurs deux oreilles !
C’est à partir des années 1920 et de la présidence de Warren G. Harding (1865-1923) que la presse commença à s’intéresser à l’animal de compagnie du président américain. Au printemps 1921, le fraîchement élu 29ème président des États-Unis adopta un Airedale Terrier qu’il nomma Laddie Boy. Lui et sa femme se prirent d’affection pour cet élégant animal venu de l’Ohio, au point d’en faire la tête d’affiche d’une campagne publicitaire contre les violences animales.
Cette dernière rendit Laddie Boy extrêmement populaire auprès des Américains, et tout particulièrement des enfants. Telle une star de cinéma, il se mit même à recevoir de nombreuses lettres de ses fans, auxquels son président de maître prenait parfois le temps de répondre en personne au nom de son compagnon. En outre, ses anniversaires étaient célébrés en grande pompe par la Maison-Blanche, qui n’hésitait pas à convier les autres chiens du quartier à ces événements. Un gâteau confectionné avec des biscuits pour chiens était même servi aux convives. Laddie Boy pouvait même assister aux réunions du cabinet présidentiel depuis le fauteuil fabriqué à la main que lui avait offert son maître.
On raconte que leur relation était si fusionnelle qu’en août 1923, alors que Harding se mourait au Palace Hotel de San Francisco, Laddie Boy, qui était resté à Washington D.C., hurla à la mort pendant trois jours, semblant pressentir le décès de son maître.
Après la mort du président, des milliers de livreurs de journaux de tout le pays firent don d’un penny. Les pièces furent alors fondues pour confectionner une sculpture à taille réelle de Laddie Boy. Bien qu’elle ne soit pas présentée au public, cette statue est encore aujourd’hui conservée au National Museum of American History de Washington D.C.
Quant à Laddie Boy lui-même, après le décès de son maître, la première dame Florence Harding décida de l’offrir à Harry Barker, un agent des services secrets chargé de la protéger. En effet, sa santé fragile ne lui permettait pas de s’occuper d’un chien aussi bien qu’elle ne l’aurait souhaité. Laddie Boy passa donc le reste de sa vie à Boston, auprès des Barker, loin du landerneau politique. Il finit par mourir de vieillesse en 1929, et sa disparition fut alors annoncée par les journaux du pays. Le prestigieux New York Times alla même jusqu’à faire l’éloge d’un chien qu’il qualifia de « magnifique », prouvant ainsi que même six ans après son départ de la Maison-Blanche, Laddie Boy n’avait pas sombré totalement dans l’oubli.
Rares furent depuis lors les chiens présidentiels capables de rivaliser en popularité avec Laddie Boy, mais la presse ne manque pas de s’intéresser à ces occupants pas comme les autres. Une chose demeure certaine : à la Maison-Blanche comme dans n’importe quel autre foyer, les chiens ne manquent jamais d’égayer le quotidien de leurs maîtres. Le portrait des différents First Dogs ayant occupé les lieux de 1945 à nos jours est là pour en témoigner...