Les chiens du Titanic : nombre, races, survivants...

Photo du Titanic en noir et blanc

Le 10 avril 1912, lorsque le Titanic quitta la ville anglaise de Southampton pour son voyage inaugural à destination de New York, il comptait, en plus de ses 1234 passagers et 889 membres d’équipage, un certain nombre de chiens à son bord.

Les témoignages des survivants permettent d’en savoir plus sur la vie et le destin des représentants de la gent canine voyageant à bord du tristement célèbre paquebot.

Ceux-ci sont toutefois à prendre avec des pincettes. Le naufrage du Titanic donna en effet naissance à bon nombre de mythes et de légendes, alimentés tant par les récits des survivants que par les journaux de l’époque. Plusieurs concernent directement ses passagers à quatre pattes.

Dans quelles conditions les chiens étaient-ils autorisés à prendre place sur le navire, et à quelles règles devaient-ils se plier ? Combien y avait-il de chiens à bord, et quelles races étaient-elles représentées ? Certains chiens du Titanic appartenaient-ils à des figures célèbres ou importantes de l’époque ? Quelle était la procédure les concernant en cas d’évacuation d’urgence, et dans quelle mesure fut-elle respectée ? Combien de chiens survécurent-ils au naufrage ?

Le Titanic, un bateau « dog-friendly » ?

J. Joseph Edgette, historien enseignant à l’université Widener et conservateur d’une exposition dédiée à l’histoire du Titanic qui y fut présentée en 2012, recense 12 chiens ayant embarqué avec leur maître à bord du célèbre paquebot. Il faut dire que tout le monde n’était pas autorisé à voyager avec son animal.

Une admission coûteuse et limitée

Photo de la couverture du livret de la White Star Line

Le règlement officiel de la White Star Line, la compagnie maritime opérant le Titanic, stipulait que seuls les passagers voyageant en première classe étaient autorisés à effectuer la traversée avec un chien. Ils devaient toutefois s’acquitter d’un supplément.


Des brochures promotionnelles publiées alors permettent de savoir que ce dernier était de 2 à 5 livres sterling par animal, en fonction de son poids. Quand on prend en compte l’inflation, cela équivaut de nos jours à environ 300 à 700 livres sterling (entre 350 et 800 euros). Une telle somme peut paraître conséquente, mais il faut savoir qu’un billet pour une cabine en première classe coûtait 30 livres (soit environ 4200 livres en équivalent actuel, ou 4900 euros). Il était également possible de s’offrir une suite pour la modique somme de 870 livres, soit environ 120.000 livres actuels (autour de 140.000 euros).


Pour les riches passagers effectuant la traversée en première classe, le supplément à régler pour emporter leur compagnon avec eux semblait donc modeste - voire dérisoire.

Les conditions de voyage

Des membres de l'équipage du Titanic en train de s'occuper des chiens en pension

Les chiens embarqués à bord du Titanic étaient officiellement considérés comme des marchandises. Certains étaient même assurés au même titre que n’importe quel autre objet de valeur à destination de New York.


Pour autant, cela ne veut pas dire qu’ils étaient maltraités par le personnel de bord. Le paquebot comprenait en effet une pension canine située en troisième classe et placée sous la responsabilité de John Hutchison, le charpentier du navire, et les bagagistes les promenaient quotidiennement sur la dunette (une section du pont arrière).


Néanmoins, il n’était probablement pas possible d’aller rendre visite à son animal pendant la traversée. En effet, afin d’éviter la propagation de maladies à bord, les passagers n’avaient pas le droit d’accéder aux installations se trouvant dans une classe autre que la leur. Si ce règlement était appliqué à la lettre, un passager en première classe ne pouvait donc pas se rendre à la pension canine, ni dans la zone où les chiens bénéficiaient de leur promenade quotidienne (elle aussi réservée aux passagers de troisième classe).


On sait cependant que certains propriétaires avaient prévu d’organiser un concours canin au cours de la traversée, sans doute avec l’aide de l’équipage. Cette compétition n’eut toutefois jamais lieu, en raison du naufrage.


Tous les chiens du Titanic ne voyageaient cependant pas en pension. En effet, un certain nombre de petits chiens purent rester en cabine de première classe avec leurs maîtres. On suppose que ces derniers parvinrent à les faire embarquer à l’insu des membres de l’équipage, ou que ceux-ci décidèrent simplement de fermer les yeux sur ces infractions au règlement. Ceci explique d’ailleurs pourquoi il est difficile de connaître précisément le nombre de chiens à bord.


Il est en revanche peu probable que des passagers de troisième classe aient pu faire embarquer un chien en cachette. En effet, il aurait fallu le jour du départ tromper non seulement la vigilance de l’équipage, mais aussi celle du docteur qui examinait tous les passagers de cette catégorie. En outre, comme ils devaient faire halte à Ellis Island avant de pouvoir rejoindre New York, leur animal aurait été découvert à ce moment-là.

Des chiens de personnages éminents

Le Bouledogue Français de Robert Williams Daniel, Gamin de Pycombe
Gamin de Pycombe

On connaît l’identité de huit passagers canins ayant embarqué à bord du Titanic, et il s’avère qu’une majorité d’entre eux appartenaient à des personnages importants de cette époque. On trouvait ainsi sur le navire :

 

  • un Airedale Terrier d’un âge avancé et un Cavalier King Charles Spaniel qui voyageaient avec Lucile Carter (1875-1934), mondaine américaine, et son mari, le millionnaire William E. Carter (1875-1940) ;

  • Chow-chow, un Chow Chow appartenant à Harry Anderson (1864-1951), un agent de change de Wall Street ;

  • Gamin de Pycombe, le Bouledogue Français de Robert Williams Daniel (1884-1940), un banquier américain qui fut également membre du Sénat de l’état de Virginie. Il venait d’acheter ce chien en Angleterre pour la somme conséquente de 150 livres (soit environ 21.000 livres en valeur actualisée) ;

  • Bebe, un Spitz Nain appartenant à Margaret Bechstein Hays (1887-1956), qui devint célèbre pour avoir assumé la garde des « orphelins du Titanic » - deux enfants français en bas âge qui survécurent au naufrage, mais y perdirent leur père ;

  • Sun Yat Sen, le Pékinois d’Henry Sleeper Harper (18864-1944), un homme d’affaires américain ;

  • Frou-frou, un chien nain de race inconnue appartenant à Helen Bishop (1892-1916). Elle abandonna son animal dans sa cabine lorsqu’elle comprit que l’équipage ne lui permettrait pas d’embarquer à bord d’un canot de sauvetage avec lui ;

  • Un autre Spitz Nain dont le nom est inconnu mais qui appartenait à Elizabeth Rothschild (1858-1943), philanthrope américaine.

Les autres animaux du Titanic

La chatte Jenny et Edward Smith, le capitaine du Titanic

Les chiens n’étaient pas les seuls animaux à voyager sur l’Insubmersible, surnom donné au Titanic.


En premier lieu, et comme le voulait la tradition, ce dernier accueillait aussi à son bord une chatte de navire, Jenny, qui faisait office de mascotte et était chargée de limiter la prolifération des rongeurs.  


Jenny officiait jusqu’alors sur l’Olympic, le navire « jumeau » du Titanic également opéré par la White Star Line. Toutefois, il fut décidé de la transférer vers ce dernier à l’occasion de son voyage inaugural. Elle donna naissance à une portée de chatons une semaine avant que le paquebot ne largue les amarres.


Jenny fut l’objet d’une des nombreuses légendes urbaines qui vit le jour à la suite du naufrage. Selon Joseph Mulholland, l’un des membres de l’équipage, la chatte aurait en effet été aperçue en train d'abandonner le navire avec sa portée quelques jours avant que le Titanic ne quitte Southampton. Le matelot aurait alors décidé de démissionner, interprétant ce départ comme un mauvais pressage.


Toutefois, rien ne permet d’étayer cette thèse. Joseph Mulholland a bel et bien quitté le navire à Southampton, mais aucune preuve ne permet de confirmer le départ de Jenny. Selon toute vraisemblance, elle et ses chatons sont morts noyés.


Le Titanic transportait aussi à son bord des oiseaux, notamment des poules et des coqs.


Enfin, comme tout navire, il embarquait un nombre relativement important de rats.

Le destin des chiens du Titanic

Photo des trois chiens qui ont survécu au naufrage du Titanic
Les trois chiens ayant survécu au naufrage

Seuls trois passagers canins du Titanic survécurent au naufrage : les deux Spitz Nains appartenant respectivement à Margaret Bechstein Hays et Elizabeth Rothschild, ainsi que le Pékinois nommé Sun Yat Sen. Ces trois chiens étaient en effet suffisamment petits soit pour être autorisés à embarquer dans un canot de sauvetage avec leur propriétaire, soit pour que ces derniers puissent les cacher jusqu’à la mise à l’eau. Tous les autres partagèrent le sort des plus de 1500 victimes humaines de cette catastrophe maritime.


Selon toute vraisemblance, rien n’avait été prévu concernant les animaux domestiques en cas d’évacuation du navire. Les efforts de l’équipage se portèrent donc intégralement sur le sauvetage des passagers humains.


Par ailleurs, même si un protocole dédié aux animaux avait existé, rien ne garantit que davantage de chiens auraient pu être secourus lors de cette évacuation chaotique. Le personnel de bord n’avait en effet jamais été formé à gérer un éventuel naufrage, et le Titanic n’avait même pas assez de canots de sauvetage pour évacuer l’ensemble de ses passagers.


Il n’en comptait en effet que 20, pour une capacité d’accueil totale de 1178 places alors que le navire embarquait environ 2200 personnes. Du reste, nombre de ces canots furent mis à l’eau alors qu’ils n’étaient pas pleins, ce qui explique que seules 706 personnes purent être secourues à la suite du naufrage.


D'après les témoignages de plusieurs survivants, les chiens en pension à bord furent libérés de leurs boxes pour leur permettre de se sauver. Ils auraient ensuite parcouru le pont de long en large avant de sombrer avec le paquebot. Tout comme les personnes qui ne parvinrent pas à rejoindre un canot de sauvetage à temps, ils moururent vraisemblablement noyés après avoir été victimes d’un choc hypothermique au contact de l’eau.

Les légendes sur les chiens du Titanic

Le naufrage du Titanic connut un grand retentissement aussi bien aux États-Unis qu’en Europe. Du fait de la multiplication des articles de presse et des témoignages parfois peu crédibles que ces derniers relatèrent, toutes sortes de rumeurs et de légendes concernant le déroulement de la tragique nuit du 15 avril 1912 ne tardèrent pas à se propager.


Deux d’entre elles concernèrent directement des chiens présents à bord du navire : Rigel le Terre-Neuve d’une part, le Dogue Allemand d’Ann Elizabeth Isham (1862-1912) d’autre part.

Rigel, star ou canular ?

Un article de presse sur le chien Rigel

Rigel, un Terre-Neuve qui aurait appartenu à William Mcmaster Murdoch (1873-1912), premier officier du Titanic, devint malgré lui un symbole de courage et d’héroïsme.


Un article publié le 21 avril 1912 dans le New York Herald explique ainsi que ce chien gigantesque accompagna à la nage le canot de sauvetage numéro 4, et aboya pour attirer l’attention du Carpathia, le navire envoyé à la rescousse des naufragés du Titanic. Toujours selon cet article, les survivants étaient trop épuisés pour appeler à l’aide et risquaient de se faire renverser par le navire, en raison de conditions météorologiques déplorables. Sans le courage de Rigel, le Carpathia n’aurait ainsi jamais repéré les naufragés. Ils auraient ainsi du leur survie à ce Terre-Neuve, adopté ensuite par un certain Jonas Briggs, membre de l’équipage du Carpathia.


Repris par plusieurs quotidiens de l’époque, ce récit tinté d’héroïsme a pourtant tout d’un faux. D’une part, aucun des passagers du canot en question n’évoqua la présence d’un chien à leurs côtés. D’autre part, les photos de la tragédie prouvent que le ciel était dégagé ce matin-là, et que le Carpathia était parfaitement en mesure de repérer les embarcations des naufragés. En outre, aucun document ne permet d’attester la présence d’une personne nommée Jonas Briggs à bord de ce dernier.


Rien même ne prouve que William Murdoch, le premier officier du Titanic, ait jamais eu un chien. Un animal aussi imposant aurait été de nature à susciter la curiosité des passagers ; or, aucun témoignage n’évoque sa présence à bord du navire.


Tout laisse donc à penser que l’existence de Rigel et son histoire furent inventées de toute pièce par les journaux de l’époque. Il faut dire qu’à la suite de la tragédie, les quotidiens étaient avides d’histoires concernant le Titanic et prêts à tout pour alimenter les pages de leurs publications, quitte à parfois publier des informations sans les vérifier au préalable.

La légende de la femme qui refusa d’abandonner son chien

Article de presse sur Anne Elizabeth Isham

Quelques jours après le naufrage, un des survivants ayant pu embarquer à bord d’un des canots de sauvetage affirma avoir vu flotter le corps d’une femme noyée tenant dans ses bras la dépouille d’un grand chien. Ce témoignage ne fut jamais corroboré par d’autres survivants, mais lui aussi donna naissance au fil des années à une véritable légende urbaine.


Comme seuls les passagers de première classe avaient les moyens de voyager avec leur animal de compagnie, on chercha à découvrir l’identité de cette mystérieuse passagère. Sur les cinq femmes voyageant dans cette catégorie décédées lors de la catastrophe maritime, seul le corps d’Anne Elizabeth Isham (1862-1912) ne fut jamais localisé. On en conclut alors qu’il devait s’agir de la mystérieuse noyée, et l’histoire s’étoffa par la suite. Il fut dit en effet qu’elle voulut embarquer à bord d’un canot de sauvetage avec son Dogue Allemand. Quand on le lui refusa, elle préféra mourir avec son compagnon que de l’abandonner.


Il n’existe cependant aucune preuve qu’Isham possédait un chien. Par ailleurs, aucun témoignage ne fait état de la présence d’un Dogue Allemand à bord, alors qu’il est peu probable qu’un chien aussi imposant ait pu passer inaperçu. 

Conclusion

Plus d’un siècle après la tragédie du Titanic, traverser l’océan sur un navire de croisière avec son chien demeure une expérience peu commune. En effet, parmi les quelques compagnies maritimes assurant encore la traversée de l’Atlantique, seule la Cunard Line accepte les chiens à son bord.


Fondée en 1840 et ayant fusionné en 1934 avec la White Star Line, la compagnie qui opérait le Titanic, l’entreprise dit accepter depuis toujours les chiens à bord de ses navires et rappelle que le Queen Mary 2, son fleuron qui effectue la traversée transatlantique, comporte un chenil.


Les compagnies de croisière ont su tirer des leçons du naufrage du Titanic, et la Cunard Line applique aujourd’hui des protocoles de sécurité et de maintenance stricts pour éviter qu’une telle tragédie ne survienne à nouveau. Même s’ils donnent toujours la priorité aux humains en cas d’évacuation, il est permis de penser que les passagers canins du Queen Mary 2 peuvent dormir sur leurs deux oreilles.

Par Nicolas C. - Dernière modification : 01/30/2024.

Commentaires sur cet article

Très bel article, et oui nos amis les chats sont très intelligents et qu'elle tristesse pour ces chiens qui se sont noyés et qui n'avaient rien demandé à personne, et aussi quel courage à ces gens restés avec leur chien sur le paquebot alors qu'il coulait.

   
Par Milka73