Jack est un Labrador Retriever noir né en 1930 à Swansea, au Pays de Galles. Sa destinée hors du commun commence par une erreur de jeunesse : après avoir décimé les canards du parc Llewellyn, il est éloigné de la ville. Son propriétaire, Taulford Davies, le fait adopter par William Thomas, qui vit près du fleuve Tawe.
Il semble toutefois que Jack craint l’eau, pour une raison inconnue. Son nouveau propriétaire l’emmène fréquemment se baigner en compagnie des garçons des environs mais son chien, considérant l’élément liquide comme très dangereux tant pour lui-même que pour les humains, prend rapidement l’habitude d’agripper les baigneurs pour les ramener à la rive.
Bien que passé assez inaperçu faute de témoins, son premier véritable sauvetage a lieu en juin 1931, alors qu’il a seulement neuf mois : un jeune garçon d’une douzaine d’années en train de jeter des déchets depuis le dock est projeté à l’eau au cours d’une bagarre qui vient de se déclencher. Jack saute immédiatement dans le fleuve et le ramène vers le bord.
Sa légende de chien héroïque commence quelques semaines après ce premier sauvetage. En plein mois de juillet, un nageur qui traverse l’embouchure du fleuve, près de la jetée de Swansea West, se trouve en difficulté. Jack le repère et se lance immédiatement à sa rescousse, devant une foule nombreuse. Son acte héroïque est immédiatement relaté dans le journal gallois Evening Post.
En 1934, Jack a déjà au moins 14 sauvetages à son actif. Toutefois, le nombre réel est sans doute plus élevé : William Thomas étant analphabète, il peine à tenir un décompte précis des actes de bravoure de son chien.
Au total, Jack a vraisemblablement sauvé 27 vies humaines… En outre, certains de ses congénères lui doivent eux aussi une fière chandelle : il sort un jour de l’eau l’un d’entre eux qui est en fâcheuse posture, et une autre fois, ramène sur la rive un sac de toile contenant toute une portée de chiots.
Le conteur gallois Carl Gough a une théorie pour expliquer ce nombre important de sauvetages : les docks, dont l’accès est gratuit, sont un endroit très fréquenté en raison du déclin économique la ville. En effet, ils sont le seul lieu divertissant auquel les habitants peuvent accéder gratuitement. Cependant, comme la majorité de la population ne sait pas nager, on déplore de nombreux cas de noyade.
La presse nationale puis internationale se fait écho de l’héroïsme de Jack, ce qui lui vaut d’être élu par la PDSA (People’s Dispensary Sick Animals, un équivalent britannique des Sociétés Protectrices des Animaux) chien le plus courageux de l’année et de recevoir une coupe en argent. Il reste surtout le seul chien à avoir reçu deux médailles de bronze de la Canine Defence League, l’équivalent canin de la prestigieuse Victoria Cross, la plus haute distinction de l’armée britannique et du Commonwealth.
Jack meurt empoisonné par de la mort-aux-rats à l’âge de sept ans, sans que l’on sache s’il s’agit de malveillance ou d’une ingestion accidentelle - ce produit est alors d’un usage très courant.
Le journal local lance une souscription pour ériger un monument en sa mémoire, auquel la Canine Defence League participe à hauteur de l’équivalent actuel de 3000 livres sterling. Enterré à l’origine dans le jardin de son propriétaire à Treboeth, Jack est donc déplacé à la demande de la population sous le mémorial qui se trouve toujours sur la promenade près du stade de rugby et de cricket de Swansea.
Aujourd’hui encore, les habitants de la ville sont appelés les « Jacks », et les supporters de l’équipe de football de Swansea City constituent la « Jack Army ».