Les rêves et cauchemars avec des chiens

Une femme allongée sur son lit en train de dormir

Les rêves nous emmènent au cœur de notre intimité, tellement profondément dans notre inconscient que nous-mêmes sommes parfois incapables de comprendre le sens véritable de ces scènes dont nous sommes témoins ou acteurs pendant notre sommeil.


Quoi qu’il en soit, leur principale utilité est de prendre acte d’une situation vécue par le rêveur et de lui permettre de l’intégrer dans son subconscient de façon symbolique.


Or, il arrive que des chiens y soient présents.


Qu’est-ce qu’un rêve, scientifiquement parlant ? Quelle est la symbolique du chien communément admise par la psychiatrie, et quelles sont les interprétations les plus populaires de la présence de cet animal dans un rêve ? Quelle attitude adopter face à un éventuel traumatisme révélé par un rêve avec un chien ?

Qu’est-ce qu’un rêve ?

Une femme allongée en train de dormir avec un masque sur les yeux

Selon le dictionnaire Larousse, un rêve est une « production psychique survenant pendant le sommeil, et pouvant être partiellement mémorisée ». Cette définition est proche de celle donnée par le professeur en psychologie Tobie Nathan (né en 1948), pour qui le rêve est concrètement « le témoignage de l’activité mentale durant le sommeil ». Autrement dit, il est le produit de l’activité de notre cerveau.


Une telle définition exprime la double nature du rêve : il est la conséquence d’un phénomène neurologique réel, mais en même temps il existe uniquement à travers le récit (le « témoignage ») qu’en fait le rêveur. Autrement dit, il existe réellement, mais seulement pour la personne qui l’a fait.


En effet, malgré les avancées de la neurobiologie, les rêves demeurent totalement imperceptibles, et il est impossible pour autrui d’en être témoin : ils demeurent donc des phénomènes mystérieux, voire pour certains constituent un univers mystique tout entier.


Au passage, il n’existe techniquement aucune différence entre un rêve et un cauchemar : les mécanismes neurologiques et psychologiques qui président à leur apparition sont les mêmes. En revanche, l’effet produit sur la personne est grandement différent. Ainsi, le dictionnaire Larousse définit un cauchemar comme étant « un rêve pénible avec sensation d’angoisse ». Une étude intitulée « Thematic and content analysis of idiopathic nightmares and bad dreams » et parue en 2014 dans la revue scientifique Sleep propose pour sa part un critère discriminant entre cauchemar et mauvais rêve : le premier provoque un réveil, pas le second.


Selon le révérend Jeremy Taylor (1943-2018), auteur d’ouvrages sur l’étude des rêves et fondateur de l’International Association for the Study of Dreams, qui comme son nom l’indique se consacre à ce sujet, les cauchemars sont le moyen employé par l’inconscient pour faire comprendre à la personne qui les fait l’importance d’un message, en utilisant pour cela quelque chose d’impressionnant.

Quelle est la signification symbolique du chien dans un rêve ?

Un enfant courant dans une prairie avec un chien

Il ne serait pas réaliste de prétendre pouvoir déchiffrer la signification de tous les rêves où des chiens apparaissent. En revanche, on peut plus modestement fournir des clefs pour décrypter le sens que peut prendre la présence d’un chien. Il convient néanmoins d’être conscient qu’il s’agit là de tendances générales : chaque rêve et chaque rêveur sont des cas particuliers qui doivent faire l’objet d’une étude spécifique par un psychologue ou un psychanalyste si l’on en cherche une explication la plus objective possible.


Faisant partie depuis des millénaires de l’inconscient collectif des humains, le chien revêt assurément une valeur métaphorique. En conséquence, sa présence dans un rêve a un sens précis ou apporte une signification complémentaire au songe dans son ensemble, en fonction notamment de la place qu’il y occupe.


Cependant, chercher la signification d’un rêve est un exercice d’autant plus difficile qu’il faut prendre en compte, outre sa valeur métaphorique, le contexte culturel et l’intimité du dormeur.


En effet, hier comme aujourd’hui, les connaissances et les croyances influencent à la fois le contenu des rêves et la façon de les interpréter. Ce n’est toutefois qu’à partir de la Renaissance qu’en Europe un début d’approche rationnelle voit le jour, prenant en compte des aspects psychologiques et proposant d’envisager les rêves comme des révélateurs de désirs cachés.

C’est ce dernier point de vue que retient le célèbre psychanalyste autrichien Sigmund Freud (1856 - 1939) : il affirme ainsi dans L’interprétation des rêves (1900) qu’un rêve est systématiquement « l’accomplissement déguisé d’un désir refoulé », au même titre qu’un lapsus. Ce seraient ainsi les pulsions et l’inconscient du sujet qui s’exprimeraient dans ses songes, mais de façon symbolique. En effet, leur expression crue serait trop difficile à accepter pour lui et perturberait son sommeil. C’est en ce sens qu’il qualifie les rêves de « gardiens du sommeil ».


Le psychiatre suisse Carl Jung (1875 - 1961), disciple de Freud, parvient à une conclusion similaire. Il développe son point de vue sur la question dans L’Homme à la découverte de son âme (1943) et Sur l’interprétation des rêves, une compilation de ses notes de séminaires de 1936 à 1941.


Pour Freud comme pour Jung, le chien est généralement à considérer non en tant que bête au comportement potentiellement incertain, mais plutôt en tant qu’animal domestique – avec donc une connotation nettement plus positive. Il incarne notre relation à nos propres instincts, à notre « flair » et à notre sensibilité. Ainsi, la pensée freudienne et la pensée jungienne s’accordent sur le fait qu’il représente notre partie instinctuelle et inconsciente.

L’interprétation des rêves avec des chiens

Un chien allongé sur l'herbe devant une niche en bois

Avant toute chose, il convient de souligner que les rêves qui mettent en scène des éléments de l’univers canin ont généralement la même signification que s’ils impliquaient directement un chien. Rêver par exemple de chasse à courre, de laisse, de collier ou de niche, c’est toujours rêver de chien.


Cela s'applique également si l'on rêve d’animaux similaires au chien, qu’ils soient réels (un fennec, un loup…), fantastiques ou mythologiques.


En effet, quand on analyse les rêves, il faut raisonner en termes d'associations d'idées. Le meilleur ami de l’Homme est donc susceptible d’apparaître de bien des manières dans les rêves ou les cauchemars, et l'on peut même rêver de chien sans qu'il y en ait effectivement un dans le rêve en question.


Pour autant, tous les rêves impliquant directement ou indirectement cet animal n’ont pas la même signification. Celle-ci dépend principalement de ses caractéristiques spécifiques dans le songe en question.  


Quoi qu’il en soit, la place importante que le chien occupe dans les rêves n’est guère surprenante, tant il fait partie de notre quotidien. Cette proximité avec les humains ne facilite pas pour autant l’analyse de sa présence dans les rêves : il est vrai qu’il possède une symbolique universelle et que certaines significations sont très répandues en psychologie, mais les nombreuses relations que l’on a tissées avec lui à travers les siècles font que les possibilités d’interprétations sont nombreuses et variées.

La symbolique universelle du chien

Un chien assis sur une souche au milieu d'une forêt

L’interprétation de la présence d’un chien dans un rêve repose sur la perception de cet animal dans la culture du rêveur. Connaître celle-ci permet de dégager à gros traits des pistes d’interprétation, qui doivent cependant être ajustées en fonction des circonstances dans lesquelles le songe est survenu.

Cela dit, de nombreuses cultures partagent une vision assez proche du chien en tant que compagnon qui, depuis la nuit des temps, veille sur ses humains ainsi que sur leur demeure et leurs biens. Autrement dit, d’un point de vue symbolique, il est notre gardien, notre corps physique pouvant être considéré comme la demeure qui abrite notre âme.

La signification du chien en psychologie

Une petite fille assise sur l'herbe en train de faire un câlin à un chien

Ce rôle de gardien, le chien le remplit dans nos rêves, car il représente notre inconscient et nos instincts, ainsi que Freud et Jung l’ont établi. Dès lors, tout ce qui arrive au chien de notre rêve arrive en fait à notre inconscient.

Par exemple, s’il est enfermé, il incarne un ou plusieurs instinct(s) que nous muselons. S’il se rebelle, il représente l’inconscient qui hurle que certains besoins du corps ou de l’âme ne sont plus satisfaits. Si on le perd au cours du rêve, c’est le signe d’un désordre intérieur.

Quel qu’il soit, le message est encore plus prégnant si le chien qui nous apparaît en songe est celui de notre enfance, car cette période fait intimement partie de nous : elle est celle de la construction de notre personnalité.

Dans tous les cas, il est important pour notre propre sécurité de toujours prendre en compte dans l'analyse le bien-être de nos chiens oniriques. Ils ont en effet une sorte de rôle d’indicateur : leur santé physique ou mentale reflète notre équilibre, de la même façon que l’état de santé des poissons reflète le degré de pureté de l’eau où ils vivent. Si le chien de nos rêves ne va pas bien, alors il y a de grandes chances que nous n’allions pas bien nous-même.

Quand les significations s’entremêlent…

Photo d'un homme se grattant la tête, confus

Il est important de ne jamais perdre de vue que les sciences humaines n’obéissent pas aux lois linéaires, newtoniennes, de l’univers cartésien dans lequel nous vivons. Ce n’est pas pour rien qu’on appelle ces champs de la connaissance les « sciences molles », par opposition aux sciences dures que sont la physique, les mathématiques, etc.

Dès lors, il faut se méfier de toute généralisation. Ainsi, un chien dans un rêve n’est pas forcément - ou pas seulement - la représentation de notre inconscient. Il peut aussi avoir une tout autre signification. Par exemple, en référence à son rôle ancestral auprès des humains, il peut incarner un guide, souligner ce à quoi nous savons que nous devrions être attentifs. Il peut aussi arriver qu’on rêve du chien d’une personne que l’on connaît, et il représente alors potentiellement l’inconscient de cette personne. Enfin, on ne peut pas exclure qu’il puisse être simplement… un chien, sans avoir de signification particulière.

Les éléments à prendre en compte pour analyser un rêve avec un chien

Les possibilités d’interprétation d’un rêve avec un chien sont nombreuses, et peuvent même se combiner. On comprend mieux dès lors pourquoi l’ensemble des données du rêve doivent être prises en compte pour parvenir à une analyse la plus fiable et précise possible.

C’est le cas en particulier de l’apparence et de l’attitude de l’animal, mais aussi des éventuelles interactions qu’on a avec lui.

La physionomie du chien

Rendu 3D d'un chien à trois têtes

La physionomie de l’animal dont on rêve n’est pas sans lien avec sa signification.

Par exemple, si on rêve d’un chien à trois têtes, et quelle que soit son apparence, il s’agit vraisemblablement d’une référence à Cerbère, le chien qui garde les Enfers dans la mythologie grecque. De même, un homme cynocéphale (c’est-à-dire possédant une tête de chien) représente Anubis, le dieu funèbre égyptien de l’embaumement.

Pour l’anecdote, on notera qu’aucun spécialiste ne s’est penché sur les rêves où apparaît un Jinmenken, cette créature issue de la culture japonaise qui est un chien à visage humain – c’est-à-dire en quelque sorte l’inverse d’Anubis.

 

Il n’existe pas non plus de publications qui prennent en compte le sexe du chien dont on rêve.

Son attitude

Un chien au milieu d'un champ en train de sourire

En plus de son apparence, l’attitude de l’animal doit également être prise en compte. Le sens de sa présence dans le rêve est en effet différent selon la manière dont il se comporte.

Par exemple, un chien qui aboie gaiement (notamment dans une situation de jeu) traduit une bonne entente du rêveur avec son entourage. À l’inverse, des aboiements agressifs représentent une tendance à l’exigence et au besoin de contrôle.

Dans le même registre, rêver d’un chien-loup ou d’un chien qu’on entend hurler à la mort (comme un loup) indique l’imminence d’un danger.

 

Quant au cas où l’animal est mort, cela pourrait indiquer le risque d’un échec à cause d’un stress intense ou d’un besoin inassouvi. On retrouve en effet alors l’idée du chien qui représenterait nos besoins fondamentaux, comme évoqué précédemment.

Les interactions avec lui

Une femme tapant la patte d'un Border Collie

Lorsqu’on analyse un rêve avec un chien, il est également utile d’étudier les éventuelles interactions avec lui qui y surviennent.


Par exemple, rêver que l’on cajole un chien (indépendamment de la sympathie que l’on a ou non pour la gent canine), c’est se réconcilier avec ses intuitions et son instinct. Un tel songe est un excellent signe, car il indique que l’on reconnaît les besoins de son propre corps et que l’on embrasse sa nature psychique. Cela peut également signifier que notre mode de vie actuel ou le but que l’on poursuit est en accord avec nos valeurs personnelles.

Les types de rêves avec un chien les plus courants

Rêver d’un chien jouant un rôle de guide

Un homme promenant son chien sur une route au milieu d'une forêt

Guider son maître est une façon de le protéger. Dans de nombreuses cultures, le chien qui nous a guidés tout au long de nos vies conserve son rôle dans l’au-delà. Il est ainsi un psychopompe, un guide de l’âme après la mort. Ainsi, chez les Aztèques, il arrivait parfois qu’un chien soit sacrifié à la mort de son maître afin qu’il le conduise jusqu’au royaume des défunts. À défaut, on sacrifiait durant les rituels funéraires des Xoloitzcuintles (Chiens Nus du Mexique), élevés dans ce seul but.

Cette conception renvoie à nouveau à Anubis, Cerbère et Garm, le chien gardien du monde des morts dans la mythologie nordique. Ce sont certes des chiens fabuleux, voire divins dans le cas d’Anubis, mais ce sont des chiens avant tout. On leur prête donc les mêmes facultés qu’à nos chiens de compagnie, notamment celle de connaître la valeur de l'âme de leur maître. Ainsi, ces chiens des enfers ont par analogie la mission de juger la pureté de l'âme d’un défunt afin de décider si dans l’au-delà il sera puni ou récompensé.

En ce sens, rêver d’Anubis, de Cerbère ou de Garm n’évoque pas directement la mort, mais plutôt le bilan qui est tiré au moment du jugement. À la lumière du bilan qu’il anticipe, le rêveur peut se remettre en question et prendre un nouveau départ dans sa vie. Autrement dit, rêver de l’une de ces créatures est le signe d’une remise en question de sa vie et des objectifs qu’on y poursuit. Cette interprétation est d’autant plus forte que la mort est symboliquement l’expression du renouveau.

Rêver d’un chien inconnu

Un homme tendant la main à un chien

Rêver d’un chien qui n’est pas le sien a évidemment une signification. En effet, si « notre » chien onirique représente notre inconscient et donc notre être, celui d’une autre personne incarne lui aussi cette dernière.


En rêver refléterait le souci que l’on a de son propriétaire, dont on aurait capté des signaux de détresse. Ainsi, certains affirment que rêver du chien d’un proche signifie que ce dernier aurait besoin d’aide. Bien évidemment, cette signification doit être ajustée en fonction de l’action mettant en jeu ledit chien.

Quand le chien représente nos mauvais instincts

Un chien noir agressif, en train d'aboyer

Si dans un rêve on tue un chien méchant, cela signifierait que l’on est en mesure d’aller au combat contre une autre personne dont la nature et les besoins sont opposés aux nôtres. En revanche, frapper un chien qui n’est pas méchant indiquerait que l’on se prépare à affronter un proche – quand bien même ce dernier n’est pas le propriétaire de l'animal en question.

Un chien onirique peut également faire référence à des instincts peu présentables. Utilisés pour parler d’une personne, les mots « chien » et « chienne » ont d’ailleurs une acception péjorative : qu’ils désignent la lâcheté, la servilité ou le dévoiement sexuel, ce sont autant de comportements qu’on peut retrouver dans un songe.

Ainsi, un chien lubrique dans un rêve sexuel représente la libido insubordonnée. Il symbolise là encore les instincts du dormeur, qui sont trop puissants pour être admis par sa raison tant ils sont inavouables dans son environnement socioculturel et contraires à la bienséance. C’est ainsi que, à défaut de pouvoir s’exprimer clairement - et encore moins dans la réalité -, ils s’expriment de manière symbolique.

Exemple de la complexité de l’interprétation des rêves, l’apparition de Cerbère ou de ses équivalents peut également symboliser les instincts puissants du dormeur. Les Enfers, dont Cerbère est le gardien, sont en effet souvent considérés comme une représentation de notre inconscient. Ainsi, la présence du chien infernal dans un rêve peut servir de mise en garde quant au fait que certaines parties profondes de notre psyché, sur lesquelles nous n'avons pas de contrôle car elles sont inconscientes, pourraient resurgir. Il faut alors tâcher d’identifier le problème sous-jacent à résoudre dans la vie réelle, et y faire face.

Les superstitions et croyances concernant les chiens dans les rêves

Les croyances d’origine religieuse

Un zoom sur un chapelet de prières posé sur un Coran

Il existe différentes croyances d’origine religieuse concernant la signification des rêves qui mettent en scène des chiens.


Ce n’est pas le cas dans le christianisme et le judaïsme, mais l’islam en revanche propose de nombreuses interprétations des rêves avec des chiens. Il fournit en effet un véritable catalogue de significations en fonction de la couleur du pelage de l’animal ou de son comportement : courir, parler, mordre...

Par exemple, rêver d’un chien noir annoncerait que l’on sera victime d’une trahison, qui serait même imminente si l’animal se montre agressif. Un chien jaune indiquerait pour sa part que l’on souhaite reprendre le contrôle de sa vie privée, en s’affranchissant au besoin de personnes trop autoritaires. Quant à un chien marron, il évoquerait la fidélité : en rêver serait donc un excellent présage sur le plan personnel. Enfin, rêver d’un chien blanc serait signe de pureté et d’harmonie avec ses proches.


Faut-il en déduire que l’on n’a aucune chance d’être trompé si l’on rêve d’un chien marron ? Que l’on n’a aucune chance d’être rejeté par ses proches si l’on rêve d’un chien blanc ? Même si l’on est un musulman très croyant, l’exactitude de ces interprétations prémonitoires doit évidemment être considérée avec la plus grande prudence…

Les autres croyances

Photo d'une croix celtique en pierre

Au-delà des croyances religieuses, toutes sortes de superstitions culturelles peuvent influencer l'interprétation des rêves – y compris ceux avec des chiens.

C’est le cas par exemple des légendes autour des chiens noirs, présentés comme des émissaires du mal dans le folklore britannique contemporain. Des croyances populaires leur donnent ainsi la faculté de voyager entre notre monde et l'au-delà dans des lieux imprégnés par la mort tels que cimetières, champs de bataille et autres endroits où se sont déroulés des événements violents.

Si cette superstition a fait que la vision d’un chien noir est dans la culture anglo-saxonne un mauvais présage, en rêver est devenu au 20ème siècle l’indicateur d’un désespoir présent ou imminent. On doit cette interprétation au premier ministre britannique Winston Churchill (1874-1965). En effet, pour illustrer métaphoriquement les sentiments dépressifs qui l'habitaient, il affirmait qu'un gros chien noir le suivait en permanence. Ce faisant, il popularisa une expression attribuée à Samuel Johnson (1709-1784), l'un des principaux hommes de lettres britanniques, qui l’avait formulée en 1776 pour évoquer l’état mélancolique et la dépression.

Par extension, le chien noir symbolise quelque chose de négatif qui plane sur nos épaules, tel que le poids du malheur. Si l'on est de culture anglo-saxonne, rêver d’un tel animal présagerait donc d'une perte d'espoir.

Les rêves révélateurs de traumatismes

Une femme apeurée allongée dans un lit et se couvrant le visage avec une couette

Interpréter les songes uniquement en fonction d’une grille de lecture mystique ou religieuse peut s’apparenter à de la divination.


La démarche rationnelle consiste à prendre le problème à l’envers et à considérer que le rêve est plutôt l’expression d’un ressenti que l’on éprouve confusément, expression mettant en scène différents symboles. Par exemple, un rêve avec un tsunami est une métaphore de sa propre impuissance, telle qu’on a pu la vivre dans une situation traumatisante.


Dès lors, le rêve n’est pas annonciateur d’un événement : au contraire, ce sont les prémices ou les vestiges de cet événement qui sont à l’origine du rêve. Il est donc le révélateur d’un état connu du seul inconscient de la personne, c’est-à-dire dont cette dernière n’a pas (encore) conscience. Indépendamment du fait qu’un chien y soit présent ou non, tout rêve peut donc être révélateur d’un traumatisme que l’inconscient avait essayé de cacher.


Freud lui-même cautionne cette vision des choses. Dans Au-delà du principe de plaisir (1920), il remet en question sa propre théorie antérieure selon laquelle les rêves sont une manière pour notre inconscient de réaliser symboliquement des désirs que nous ne pouvons ou ne voulons pas réaliser dans notre vie réelle.


Il y explique en effet que le rêve pourrait avoir initialement une fonction différente dans la chronologie du développement de l’individu. En effet, sa fonction première serait la maîtrise d’un traumatisme : il serait une tentative de l'esprit de comprendre et gérer un traumatisme que l’on a vécu.


Freud suggère également que, au fur et à mesure que l'individu grandit, le rôle du rêve évoluerait : il se mettrait à servir principalement de lieu de réalisation symbolique de désirs inassouvis. Toutefois, cette fonction initiale de maîtrise d’un traumatisme pourrait réapparaître à tout moment, suite à un événement traumatique ultérieur.

 

Une photo du psychiatre Jacques Lacan
Jacques Lacan

Le psychiatre français Jacques Lacan (1901-1981) propose quant à lui un exemple de résurgence traumatique mettant justement en scène un chien. Il relate le cas d’une femme qui rêve qu’elle cherche à traduire une inscription archéologique formulée en araméen. Or, l’une des pierres gravées est manquante, ce qui rend la traduction impossible. Du trou causé par la pierre manquante surgit un chien errant et inquiétant, très maigre, qui est à la recherche de quelque chose ; l’angoisse causée par cette apparition réveille la rêveuse. Or, selon l’analyste, l’angoisse ne vient pas du chien lui-même, mais plutôt de l’impossibilité de traduire la phrase. En apparaissant à la place des mots manquants, le chien met un terme à l’espoir de découvrir la signification de la phrase. Aussi effrayant qu’il soit, il n’est pas le sujet de l’angoisse ni la pièce maîtresse du rêve.


Dans le numéro 178 de la revue Le Coq-Héron, le psychiatre britannique Jonathan Sklar met en parallèle les thèses de Freud et celles du neurologue et psychanalyste hongrois Sándor Ferenczi (1893-1933). Il évoque une patiente dont les rêves mettent en scène des excréments de chien. Il s’avère que cela est lié au seul souvenir positif qu’elle a de son père : étant petite, celui-ci l’avait nettoyée après qu’elle fut tombée dans des déjections canines. Son esprit avait choisi d’enfouir cet épisode : comme c’était le seul moment agréable qu’elle avait passé avec son père, s’en souvenir est douloureux pour celle, car cela revient à penser au père qu’elle aurait pu avoir.


À l’évidence, un chien a produit les déjections et, comme expliqué plus haut, rêver d’éléments canins revient à rêver de chien. Pour autant, dans cet exemple, le chien n’est pas directement lié au traumatisme de la patiente : ce dernier correspond au fait d’avoir été abandonné par son géniteur. Cela illustre la complexité de l’interprétation des rêves : même si un chien occupe une place importante dans un rêve, il ne représente pas nécessairement la source du traumatisme exprimé, et il n’y avait même pas forcément un chien présent lors du traumatisme initial. Autrement dit, il peut être simplement un élément de contexte.

Sándor Ferenczi considère que les éléments des rêves liés à un événement véritablement vécu (ce qu’il appelle les restes diurnes) sont « des symptômes de répétition de traumatismes ». Cela l’amène à proposer une nouvelle définition : « tout rêve, même le plus déplaisant, est une tentative d’amener des événements traumatiques à une résolution ».


Cela dit, il faut bien garder en tête que si un rêve peut effectivement refléter un traumatisme, ce n’est pas pour autant toujours le cas.

Faut-il consulter un psychologue ?

Un homme allongé sur un canapé parlant à une psychologue au cours d'une consultation

Le sens d’un rêve pouvant échapper au rêveur, il est difficile de déterminer un moment ou un événement qui doit déclencher une prise en charge par un professionnel de santé.


En tout état de cause, il convient de souligner que même si un rêve comporte certaines scènes apparemment violentes, il n’y a pas forcément lieu de s’inquiéter outre mesure : on est dans le royaume du symbolique. Par exemple, Freud évoque une patiente qui se voit étrangler un petit chien blanc, alors qu’elle aime profondément la gent canine. Il est apparu après analyse que cet animal représente sa belle-mère, dont la voix sèche et haut perchée lui rappelle les jappements d’un roquet. Ce rêve matérialise donc son ressentiment envers elle.


Quoi qu’il en soit, avant de se tourner vers un professionnel pour comprendre la signification d’un rêve avec un chien, il peut être utile de chercher une première interprétation par soi-même pour tâcher de déterminer s’il semble anodin ou s’il est potentiellement révélateur d’un trauma.


Pour cela, il convient de l’étudier en identifiant les sentiments associés aux différentes étapes de son scénario, ainsi qu’en s’interrogeant sur les symboles qu’il contient : un chien, un bâtiment, un paysage, un artefact... Chacun d’entre eux doit être interprété à l’aune de ce qu’il évoque pour le rêveur : la force, l’élégance, la bonté, la sérénité, le pouvoir, la sagesse, etc. Enfin, il est essentiel de consigner avec précision les éléments remarquables, c’est-à-dire notamment ceux qui présentent des caractéristiques comme la redondance (par exemple la présence d'un chien et d'un loup, ou l’apparition répétée d’une émotion), la polarisation (par exemple un loup et un agneau, le jour et la nuit…), le paradoxe, l'homonymie ou l'homophonie. Il convient cela dit d’avoir en tête que certains éléments qui pourraient sembler anodins à un tiers sont en fait remarquables pour le rêveur, parce qu’ils ont pour lui un sens particulier. Bien sûr, eux aussi doivent être consignés de manière minutieuse et rigoureuse.


Cette première étude permet normalement d’y voir déjà un peu plus clair. Dans le cas contraire, la méthode des associations d’idées peut s’avérer efficace : si l’on est attaqué par un ours, qu’y a-t-il de gros et d’effrayant qui nous menace dans le monde réel ? À ce jeu, les détails du rêve ont toujours une grande importance.


En tout cas, si l’on tient à décoder un rêve ou si l’on soupçonne qu’il peut être révélateur d’un traumatisme, consulter un psychologue est une bonne idée. Il en va de même s’il suscite une angoisse profonde ou une incompréhension obsédante - a fortiori s’il se répète.


En effet, une interprétation objective passe nécessairement par un tiers qui est moins impliqué émotionnellement, et peut donc avoir une analyse plus froide du rêve et de sa signification.

Conclusion

Les rêves mettant en scène un chien sont extrêmement variés, d’autant que celui-ci peut ne pas y apparaître directement, mais simplement être présent indirectement à travers un objet lui appartenant (niche, laisse, jouet...) ou même par exemple ses déjections.


Il est souvent possible de dégager de grandes lignes d’interprétation, en veillant à prendre en compte à la fois la culture du rêveur, son vécu particulier et le contexte dans lequel le rêve survient. En effet, deux rêves assez similaires vécus par deux personnes de culture différente peuvent avoir des significations divergentes.


Pour autant, l’interprétation des rêves ne peut pas se généraliser, même au sein d’un environnement culturel donné : il n’est pas possible, et ce serait à tout le moins malhonnête, d’établir un dictionnaire normatif de l’interprétation des rêves. Seul un entretien avec un professionnel est à même de fournir de manière fiable les clefs pour décrypter un songe, sans se livrer à des interprétations aux conséquences éventuellement dévastatrices pour l’équilibre psychique du rêveur.

Par Jérôme G. - Dernière modification : 12/12/2023.