Canada - Faut-il bannir les races de chiens dites «dangereuses»?

04/05/2008


Certaines races de chiens ont mauvaise presse dans les médias comme le pitbull par exemple. Certains arrondissements au Québec interdisent déjà la présence de cette race, dont plusieurs à Montréal, et d'autres y songent. Il est vrai qu'une morsure de pitbull fait plus mal qu'une morsure de caniche, mais est-ce vraiment la race qui fait qu'un chien est dangereux ou plutôt ce qu'en fait son maître?

L'Académie de médecine vétérinaire du Québec (AMVQ) est contre la prohibition de races de chiens comme les pitbulls. "En éliminant ces chiens, on ne règle pas le problème. Aujourd'hui ce sont les pitbulls qui ont mauvaise presse, mais en 1970 c'était les dobermans. Il y a chaque année de nouvelles races et quand ce ne sera plus les pitbulls, ce sera autre chose. D'ailleurs, le pitbull n'est pas la race qui se retrouve à la tête du palmarès des chiens qui mordent. Les bergers allemands et les races croisées par exemple font plus de victimes de morsures. Ce qu'il faut vraiment, c'est une réglementation qui permet le contrôle des animaux domestiques et des propriétaires, plutôt que le bannissement de races", explique Michel Pepin, directeur général de l'AMVQ.

Selon le Dog Legislation Council of Canada, les races de chiens ayant le plus mordu sont, dans l'ordre, le berger allemand, le labrador, le collie, le husky et le rotweiller. Le pitbull arrive bon huitième, après le caniche! Mais il faut aussi mettre les choses en perspective lorsque l'on sait que le labrador est la race la plus populaire au Canada en 2007 selon le Cercle canadien du chenil, suivi du golden retriever, du berger allemand et du caniche.

Les pitbulls sont tout de même pointés du doigt, souvent en raison de leur apparence : des chiens forts, à la musculature développée. Cette race attire donc l'attention d'une minorité de personnes voulant un chien "pour faire peur" ou pour en faire un chien d'attaque. "Ce qui fait un chien dangereux, c'est une partie de génétique, mais aussi un chien mal éduqué, qui passe ses journées au bout d'une chaîne et qui ne socialise pas. On se sécurise en bannissant des races de chien, mais ce n'est pas vrai. Ce qu'il faut c'est faire de la prévention, encourager l'élevage éthique et les comportements responsables de la part des propriétaires de chiens", explique M. Pepin.

"La réglementation prohibant totalement une race jugée dangereuse est en quelque sorte une mesure draconienne qui pénalise indûment les propriétaires de chiens qui ne sont pas dangereux même s’ils appartiennent à cette race. En effet, il a été maintes fois démontré que c’est l’attitude et le manque de contrôle exercés par le propriétaire qui sont en grande partie liés à la dangerosité d’un animal soit par le dressage, par l’absence de dressage ou par la négligence", peut-on lire sur le site de l'AMVQ.

Les chiens dangereux peuvent donc exister dans toutes les races et dans tous les croisements de race. L'agressivité est plus souvent attribuable à de nombreux facteurs comme la provenance du chien, le tempérament des parents, la socialisation, l'éducation et non seulement la race.

Une fausse décharge
Le mois dernier, un article du Journal de Montréal annonçait que le Québec était devenu une véritable décharge pour pitbulls alors que les refuges pour animaux de l'Ontario essaient d'offrir à ces chiens interdits une chance d'être adoptés. Dans l'article, on pouvait y lire que depuis l'entrée en vigueur de la loi qui interdit les pitbulls en Ontario, depuis 2005, le Québec a assisté à l'arrivée massive de ces animaux. Mais selon M. Pepin, il n'y a pas de preuve de l'arrivée massive de pitbulls. "Personne ne peut appuyer cette affirmation avec des chiffres. Il y a peut-être quelques cas, mais ce n'est pas flagrant. Le règlement interdisant les pitbulls est passé en Ontario, mais l'application est très difficile. C'est qu'il n'existe aucun moyen de déterminer l'appartenance d'un chien à une race spécifique et puisque plusieurs pitbulls de races croisées sont encore acceptés, le respect de cette loi est encore plus difficile à appliquer. De plus, bien peu de cas se rendent en justice en raison de la complexité de cette loi", explique M. Pepin.

Isabelle Croteau

Les dobermans était la race à proscrire dans les années 1970, aujourd'hui c'est le pitbull. (photo:YannCanno.com)