Dans les années 70, le réalisateur américain Joe Camp (né en 1939) dresse un constat très sévère sur le système de classification de la Motion Picture Association of America, qui détermine par le biais d’une note à quel public un film s’adresse. Arguant que les films classés tous publics, c’est-à-dire notés G, sont de plus en plus médiocres et que cela a pour conséquence de dissuader les spectateurs d’aller les voir, il ambitionne d’en créer un qui soit de qualité, avec en vedette… un chien.
C’est ainsi qu’il se lance dans le tournage de Benji, qui sort en 1974 et met en scène les aventures du chien du même nom. Celui-ci est incarné par Higgins (1957-1975), un mâle croisé Caniche / Cocker Spaniel / Schnauzer au pelage marron clair qui s’était fait remarquer au cours de la décennie précédente à travers de nombreuses apparitions dans la série Petticoat Junction. Il a d’ailleurs un âge assez élevé pour un chien acteur, puisqu’il tourne le film alors qu’il est âgé de 16 ans.
Benji vit dans une maison abandonnée aux abords d’une petite ville et se lie d’amitié avec les enfants de la famille Chapman, qui se mettent en tête de l’adopter. Toutefois, leur père refuse, si bien qu’eux et le chien doivent redoubler d’imagination pour le convaincre.
Benji est l’archétype même du chien-enfant, mais Joe Camp opte pour une approche plus sérieuse de ce personnage d’habitude utilisé comme ressort humoristique. Son parcours est digne de celui d’un personnage de roman de Charles Dickens, et le réalisateur n’hésite jamais à jouer avec la corde sensible des spectateurs.
Malgré un très faible budget (à peine un demi-million de dollars), Benji se classe 12ème au box-office américain de l’année de sa sortie. Ni le manque de moyens ni le manque d’expérience des acteurs ne semblent en effet refroidir l’enthousiasme du public et de la critique.
Il n’est donc pas surprenant que Benji devienne une franchise à part entière, avec pas moins de quatre suites réalisées par Joe Camp lui-même entre 1977 et 2004, puis en 2018 un remake réalisé par son fils Brandon Camp (né en 1971) et produit par Netflix. Plutôt que d’opter pour la facilité et de chercher à reproduire la recette du premier opus, Joe Camp décide à chaque fois de mettre en scène son personnage fétiche dans des genres à chaque fois différents, pour un résultat des plus curieux.
Ainsi, en 1977, Benji se retrouve confronté à des espions internationaux dans Pour l’amour de Benji (For the Love of Benji), qui prend place à Athènes. En 1987, dans Benji la malice (Benji the Hunted), il doit survivre seul dans la nature, tout en protégeant des bébés couguars. Toutefois, l’aventure la plus surprenante est sans doute celle du troisième film, Oh heavenly dog, qui sort en 1980 : un détective privé décédé se réincarne en Benji pour résoudre une enquête. Au final, on est tenté de dire qu’il ne manque à Benji qu’un voyage dans l’espace pour avoir exploré les principaux genres du cinéma !